Disclamer : les personnages appartiennent à Masami Kurumada
UA – Yaoi
Résumé : Ils n'ont rien en commun, n'auraient jamais dû se croiser. L'un vit reclus dans un magnifique palais en Inde et l'autre est un célèbre peintre en mal d'inspiration. Mais le destin va s'en mêler. Le destin ou bien…
Palais sur le lac
Chapitre 1
Quelque part en Inde
Un jeune homme regardait par la fenêtre les habitations qui se trouvaient sur l'autre rivage.
- Si près et si loin à la fois… murmura-t-il en tendant son bras dans l'infime espoir de pouvoir toucher quelque chose.
Mais sa main ne rencontra que de l'air, une fois de plus. Apres un soupir à fendre l'âme le jeune homme se détacha de sa contemplation afin d'aller du côté opposé de sa maison. Il se posta devant une autre fenêtre et son regard turquoise se posa cette fois sur une étendue de feuillage vert.
Le jeune homme s'avachit sur son appuie de fenêtre et posa sa tête sur son bras.
- Pourquoi avoir construit ce palais père ?
Il posa la question tout haut. Même s'il savait qu'il n'obtiendrait aucune réponse. Il vivait seul, dans cet immense palais. Palais qui avait été construit au milieu d'un immense lac. Personne n'osait s'en approcher. Il fallait un bateau pour y accéder, même si quelquefois, il apercevait des embarcations sur le lac, elles demeuraient bien loin du palais. Personne n'osait s'aventurer jusqu'a chez lui.
Autrefois, il vivait en ville. Son grand-père était un homme influent, et son père avait bâti sa grande richesse en faisant du commerce avec les autres pays. Un jour, il rencontra une étrangère qu'il épousa sur le champ, et peu de temps après, il vit le jour. Il avait hérité de la beauté de sa mère ses cheveux aussi blonds que le soleil. Il se souvenait de son premier jour d'école, des regards à la fois envieux et haineux qu'on posait sur lui. Aux recréations, personne ne venait jouer avec lui, on le laissait tout seul dans un coin. Il avait pourtant essayé de s'approcher des autres mais dès qu'il le faisait, les autres enfants partaient dans une autre direction. Seule la tête brulée de la classe lui avait dit aussi méchamment que peuvent le faire les enfants :
-T'es trop bizarre ! Tu as des drôles de cheveux !
Il se souvenait d'avoir couru aussi vite que ses petites jambes le lui avaient permis et avoir trouvé refuge dans le premier temple qu'il trouva. Il se souvenait de s'être écroulé devant la statue de Bouddha et d'avoir pleuré toutes les larmes de son corps. Une fois ses larmes taries, il avait ressenti un étrange bien-être qui l'avait envahi comme si on le consolait. Et pour la première fois, il l'entendit. Mais il n'était pas le seul à avoir senti ce bien-être et tous les bonzes s'étaient précipités jusqu'à sa source. Ils découvrirent alors le petit garçon en position du lotus en train de méditer, auréolé d'une lumière divine.
Depuis ce jour, il n'avait plus fréquenté l'école mais le temple où les bonzes s'occupaient de son instruction en plus de l'étude des textes divins. Et tout le village sut qu'il était une incarnation du Bouddha.
Il devait avoir douze ans quand la ville fut prise dans une révolte sanguinaire. Le père du jeune homme arriva en trombe dans le temple et enleva son propre fils pour l'emmener aux yeux de tous dans le palais qu'il avait fait construire sur le lac. Une fois son fils en sécurité il cria au peuple révolté :
- Quiconque essayera de profaner la maison du Bouddha aura un mauvais karma jusqu'à la fin des temps ! Il se tourna ensuite vers son fils, l'embrassa et lui dit. Ne sors pas d'ici fiston, tu y es en sécurité !
Apres un dernier salut à son enfant, le marchand repartit vers la ville. Le jeune homme entendit toute la journée et toute la nuit suivante les coups de feu, les bris de verres et d'autres bruits affreux. Puis il perdit le compte. Il fit la seule chose qui était en son pouvoir, il pria. Des heures et des heures sans relâche. Il ne se souvint plus de combien de temps ça avait duré mais un jour il y eut un silence, pesant, comme si toute vie avait déserté la ville puis des cris de joie et même des feux d'artifices.
Les jours s'écoulaient encore, mais le père du jeune homme ne revint jamais, ni aucune autre personne…
Le jeune homme soupira. Voila huit ans qu'il vivait reclus, seul dans ce superbe palais n'ayant pour toute compagnie que la voix de Bouddha et quelques animaux qui osaient s'aventurer dans sa cour intérieure.
Le jeune homme quitta son poste d'observation, prit son petit bateau et alla jusqu'à la berge, du côté de la forêt. Il s'y enfonça un peu avant de prendre un passage qui le fit arriver à des arbres fruitiers. Il en cueillit quelques-uns, avant de rejoindre une statue de Bouddha dans une petite clairière où les gens déposaient diverses offrandes. Ils ne profanaient certes pas la maison, mais ils ne voulaient pas non plus que le mauvais œil s'abatte sur eux s'ils le laissaient sans ressources. Aussi prenaient-ils soin de toujours veiller au réapprovisionnement de la réincarnation qui vivait dans le palais.
Une fois ses colis chargés dans sa petite barque, il prononça quelques prières et laissa une trace de son passage remerciant les villageois et agriculteurs du coin pour leurs offrandes. Apres quoi, il repartit chez lui et médita.
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Shion donna un pourboire au chasseur ayant monté ses valises, et une fois seul se laissa tomber dans le fauteuil le plus proche en poussant un long soupir. Même ici, au fin fond de l'Inde, sa réputation l'avait précédée et les gens se ruaient sur lui pour lui demander un autographe ou lui commander un tableau. Et dire qu'il était venu ici pour se reposer et faire le point… et essayer de retrouver l'inspiration qui le fuyait désespérément…
La sonnerie de son portable le tira de ses sombres pensées :
- Allo oui ?
- Alors, tu es bien installé ?
- Ah, Dohko ! Charmante ton idée… Je ne vais pas pouvoir faire un pas dehors… tout le monde me connaît ici !
- Calmes-toi Shion, tu ne restes que la nuit ! Demain matin un guide viendra te chercher et tu partiras dans un coin plus calme… J'ai tout organisé !
- Ouais, ben j'espère… parce qu'où sinon je retourne m'enfermer à Jamir !
- Tu veux bien me faire un peu confiance oui ?
- Ok… ok… je suis si las…
- Fais-toi monter à manger dans ta chambre et attend le guide demain matin, il viendra te chercher vers dix heures, ok ?
- D'accord. Je vais t'accorder une seconde chance ! Comment je le reconnais ton guide moi ?
- C'est un jeune japonais qui fais des études en Inde, il travaille comme guide pendant ses congés et tu peux avoir toute confiance en lui, c'est un ami de Shiryu.
- Tu permets que je juge moi-même non ?
- Evidemment, je te rappelle demain ! Essaie de te reposer… Je crois en toi tu le sais Shion, alors accordes-toi cette parenthèse ok ?
- …
- Shion ?
- Dohko, qu'ais-je fais pour tu m'accordes tant de confiance et d'amitié ? Depuis quelques temps, je suis incapable de peindre quoi que soit… Je ne te mérite vraiment pas.
- Shion, tu es juste à bout mais tu restes un peintre de grand talent, je le sais et même si ce n'était plus le cas, je suis ton ami avant toute chose ! Maintenant un bon dîner et au lit ! Je t'appelle demain matin avant ton départ !
- Merci Dohko… du fond du cœur.
Shion raccrocha en souriant malgré lui, Dohko était vraiment son meilleur ami… Il était comme un frère pour lui et même bien plus. Durant leur adolescence commune, ils avaient même été amants mais ils avaient vite compris tous deux qu'ils étaient des amis plus que des amants. Même si aujourd'hui encore, rien ne les empêchait de passer une nuit ensemble à l'occasion, enfin quand ils n'avaient personne l'un comme l'autre…
Il prit une douche rapide mangea un repas léger et s'endormit rapidement, épuisé par son voyage.
Shion resta longtemps sur le balcon de sa chambre le lendemain matin, admirant le lever de soleil sur le Gange puis commença son petit déjeuner quand on frappa à sa porte :
- Qui est là ? demanda-t-il avant d'ouvrir.
- C'est votre guide Monsieur… C'est Shiryu qui m'envoie.
Shion ouvrit la porte et se trouva devant un jeune homme au visage doux et aux grands yeux verts :
- Enchanté Monsieur, je suis Shun ! Comment allez-vous ?
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Au palais sur le lac
Shaka ouvrit les yeux, s'étira dans le lit tel un chat. Il se dirigea vers la salle d'eau et fit sa toilette matinale avant de passer une tenue pratique et pas trop collante, la journée promettait d'être chaude. Apres quoi, il fit un petit détour par son jardin et là, il ferma les yeux et respira de longue goulées d'air.
- Que se passe-t-il aujourd'hui ? demanda-t-il.
Il y avait quelque chose de changé dans l'air. Quelque chose de doux, de chaleureux, il allait se passer un truc, mais il ne savait pas quoi. Le jeune homme fronça les sourcils, tourna les talons et s'enfonça dans sa cuisine, où il se prépara un petit-déjeuner. Apres s'être restaurer, il se mit à faire sa petite vaisselle, ensuite s'attaqua au ménage dans tous le palais. Bien qu'il n'occupât que peu de pièce et que beaucoup restaient obstinément vides, il mettait un point d'honneur à ce que toute l'habitation soit d'une propreté irréprochable. Quand il eut enfin fini, la mi-journée était passée et il était bon pour une nouvelle douche.
Il repassa dans sa chambre tout en s'essuyant les cheveux et se choisit un sari blanc. Apres s'être habillé et de s'être démêlé les cheveux, le jeune homme se rendit dans la salle de méditation. Il s'installa au milieu de sa fleur de lotus en marbre blanc, ferma les yeux et se concentra afin de méditer.
- Tu es en proie de doute ? demanda une voix qu'il connaissait bien.
- Pas au doute, mais il y a quelque chose dans l'air aujourd'hui mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus, répondit le jeune homme.
- Un changement qui risque de te faire le plus grand bien... dit la voix.
Shaka était certain d'y avoir perçu un sourire.
- De quel genre ? questionna-t-il.
- Il est temps pour toi, d'aller chercher les offrandes, éluda la voix qui s'éteignit sur ces étranges paroles.
La connexion était rompue. Shaka ouvrit les yeux plus que perplexe, c'était quoi tout ces mystères ? Il se rendit au salon où l'horloge indiquait quinze heures :
- En effet, il est plus que temps, murmura le jeune homme.
Comme la veille il prit sa barque et se rendit jusqu'à la berge, récitant des mantras, pour diverse choses. Il amarra son embarcation sur la berge et s'enfonça dans la forêt d'un pas tranquille.
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Shion avait trouvé d'emblée le jeune homme sympathique, il l'avait fait entrer et ils avaient déjeuné ensemble, Shun lui exposant le programme qu'il avait prévu pour les quelques jours à venir, tout en lui précisant qu'il s'adapterait à ce que voulait faire l'artiste au fur et à mesure de leur voyage. Il s'était entièrement libéré pour au moins le mois à venir et pouvait éventuellement prolonger au besoin.
Pour ce premier, jour Shun lui avait proposé d'aller admirer une curiosité locale peu connu des circuits de tourisme, car chargée d'une malédiction que les grandes enseignes de touriste préféraient éviter :
- On ne sait jamais, avait ajouté Shun malicieusement, si elle était véritable cette malédiction vous comprenez Monsieur ?
- Pas de monsieur s'il te plait, appelles-moi Shion et on se tutoie ok ? Je ne suis pas si âgé que ça quand même !
- Mais vous êtes un grand artiste, avait répondu Shun en rougissant, je vous admire beaucoup, être votre guide est déjà un grand honneur… quand Shiryu m'a contacté, j'étais si heureux…
Ils avaient ensuite discuté de leurs connaissances communes et très habilement, Shion avait mis le jeune homme à l'aise pour que ces jours à la découverte de ce pays soient aussi agréables pour l'un comme pour l'autre. Après une longue route, ils arrivèrent en vue du village isolé qui abritait la curiosité dont lui avait parlé le jeune homme et sur laquelle, il avait mystérieusement refusé d'ajouter quoi que ce soit. Ils avaient traversé une grande zone partagée entre les bois et les cultures, s'éloignant des grandes routes fréquentées par les Tours Opérators ordinaires. La petite ville où ils avaient fait halte pour déjeuner l'avait prouvée à Shion, presque personne ne l'avait reconnu et pour la première fois depuis longtemps, il avait pu profiter d'une terrasse sans être sans cesse épié, voir dérangé.
Et puis ils étaient arrivés à destination. Shun avait alors proposé une ballade dans la forêt alentour avant de s'installer à l'auberge où il avait réservé une chambre. Ils étaient donc partis se promener vers quatorze trente. Environ une demi-heure plus tard, ils arrivaient à un endroit que Shun voulait qu'il voit, une petite statuette de Bouddha perdue en pleine forêt au pied de laquelle étaient déposées des offrandes en tout genre :
- Mon Dieu Shun ! s'écria Shion, cet endroit est splendide !
- Je suis content qu'il vous… te plaise, c'est un de ceux que je voulais te montrer.
Shion fit le tour de la petite clairière où était disposée la petite statuette, émerveillé par ce qu'il voyait et pour la première fois depuis le début de ce voyage, se dit que finalement l'idée de Dohko était peut-être pas si idiote que ça. Il se sentait étrangement bien dans ce lieu chargé de mystère et, s'il en croyait Shun d'une étrange malédiction. Comment un endroit si merveilleux pouvait-il être maudit ?
- Il va falloir que tu me racontes cette fameuse légende Shun, dit-il en se retournant vers le jeune homme, les offrandes posées ici ont l'air toutes fraîches…
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Le cœur de Shaka se mit à battre à tout rompre dès qu'il s'enfonça dans la forêt.
- Allons Shaka, calme-toi ! Ce n'est pas comme si tu ne venais que rarement ! se sermonna-t-il.
Le jeune homme grimpa dans un arbre pour cueillir un fruit. Une fois redescendu, il souffla un peu dessus et mordit dedans à pleines dents tout en continuant son chemin vers la statuette. Il lui semblait avoir entendu des voix.
- N'importe quoi ! Il n'y a jamais personne à cette heure-ci !
Il contourna un arbre et fut surpris de voir deux hommes, assis à même le sol en train de parler, juste à côté de sa statuette. Enfin, le plus jeune des deux parlait, tandis que l'autre le regardait avec des yeux pétillants d'intérêt.
Le jeune homme en fit tomber sa pêche tellement il était surpris. Le bruit sourd de l'impact fit tourner la tête des deux hommes vers lui. Il retint son souffle quand il vit le regard rose du plus âgé. Le plus jeune eut un hoquet de surprise et s'inclina profondément, quand il vit le sutra, le point rouge au milieu du front du blond.
Shaka eut un petit sourire, récita un petit mantra à l'adresse du plus jeune. Après quoi il se plaça devant le Bouddha et dit d'autres mantras, prit les offrandes, laissa une trace de son passage et fit demi-tour pour rejoindre la forêt, le cœur battant comme prêt à s'échapper de sa poitrine. Il n'avait qu'une envie, celle de courir se réfugier dans son palais. C'était pourtant sa première rencontre avec l'espèce humaine depuis très, très longtemps. Mais il ne voulait pas montrer qu'il était effrayé. Il ramassa sa pèche avant de reprendre sa route.
Shion avait écouté passionnément le récit de Shun sur la légende de l'incarnation de Bouddha et de la fameuse malédiction qui y était rattachée. Il allait poser une question quand un bruit leur fit se tourner vers les arbres. Il fut immédiatement subjugué par l'apparition du jeune homme s'y trouvant. Bien qu'il eut l'air aussi surpris qu'effrayé de leurs présences en ces lieux.
Shun se redressa et salua l'arrivant qu'il avait semblait-il reconnu ou tout du moins identifier. Shion fit de même mais n'osa pas parler de peur de l'effrayer encore plus et assista silencieux à toute à la petite scène, suivant chacun des gestes du jeune homme avec admiration. C'est simplement quand il s'apprêta à repartir sans rien dire d'autre que les mantras qu'il avait récités que Shion s'écria :
- Attends… Ne pars pas si vite ! J'aimerais vraiment te parler et te connaître ! Je me nomme Shion…
- Je t'en prie Shion, le coupa Shun anxieux et ne sachant pas trop comment réagir, c'est l'incarnation de Bouddha… il est porteur d'une…
- Je ne crois pas au malédiction, l'interrompit le peintre. Je crois que ce garçon est surtout très seul, n'est-ce pas ? ajouta-t-il en se tournant vers le jeune homme en souriant qui avait disparu.
Shion cria alors. Je reviendrais chaque jour t'attendre… Je ne te veux aucun mal !
- Mais… dit Shun.
- Je suis sûr que cette histoire de malédiction n'était qu'un prétexte pour éloigner ceux qui lui voulait du mal, je veux juste lui parler et comprendre… Il est si beau…
Et pour la première fois depuis des mois, le peintre sentit ses doigts le démanger… il avait envie de peindre !
Shaka s'était arrêté de marcher et avait regardé par dessus son épaule. Le plus jeune se mit à parler au dénommé Shion, il profita de ce moment pour s'éclipser discrètement. Il était presque arrivé à l'orée du bois quand il entendit sa dernière phrase.
Le jeune homme secoua la tête, chassant les mots de son esprit. Il grimpa dans sa barque et regagna sa maison. Il rangea les vivres dans la cuisine et ensuite se remit à la méditation.
- Parole en l'air ! marmonna-t-il.
Mais son cœur battait beaucoup trop vite, c'était la première fois en huit longues années qu'il entendait la voix de quelqu'un et qui plus est, qui s'était directement adressée à lui.
- Ne mérite-t-il pas le bénéfice du doute ? demanda la voix.
- C'est un étranger, ça se voit, il va finir par repartir...
- Peut-être, peut-être pas...
La voix disparut sur ces mots et Shaka sortit de sa transe.
- Moi, je le sais, il va être tout émerveillé par la légende, ensuite il va regarder la maison depuis la berge, prendre un tas de photos, faire le tour des villages et ensuite il va retourner chez lui, et raconter sa fabuleuse aventure à sa famille et ses amis. Il pourra même se vanter d'avoir vu « Le reclus porteur de malédiction », énuméra le jeune homme en massacrant du persil qui n'avait rien demandé.
Il se coucha de bonne heure, bien trop perturbé pour tenter une autre méditation. Toutefois, le sommeil le fuit. Au matin sa méditation fut franchement infructueuse. Quand il entreprit de faire le ménage, il faillit casser un vase. Il arrêta sa tâche et choisit de faire son linge, qu'il lavait à la main, vu qu'il n'avait pas de machine à laver. Mais il s'estimait heureux d'avoir l'eau courante et un peu d'électricité.
Il étendit le linge dans sa cour intérieure, le clapotis de ses fontaines et le chant des oiseaux qui trouvaient fraicheur dans les arbustes de son patio le calmait.
- Je reviendrais chaque jour t'attendre… je ne te veux aucun mal !
- Ne mérite-t-il pas le bénéfice du doute ?
Les deux phrases lui revenaient en mémoire presque en boucle. Il jeta un cou d'œil à l'horloge, il était seize heures passée.
- On verra !
Shaka se mit en route avec une certaine appréhension vers la clairière des offrandes.
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Shion revint comme promis sur les lieux où ils avaient croisé la réincarnation de Bouddha… Ce terme le laissait un peu septique, au dire de la légende et des habitants du village que Shun avait interrogé pour lui, le jeune homme était bel et bien protégé par Bouddha, preuve en était de ce qui s'était passé dans le temple durant son enfance. Mais de là à le qualifier de réincarnation… il n'était pas un expert en indouisme mais cela lui paraissait fort improbable que le jeune homme qu'il avait vu soit un esprit divin… bien que le fait d'avoir réussi à lui redonner l'envie de peindre soit quand même un petit miracle qu'il n'attendait plus ou du moins pas si vite après sa longue période d'inactivité.
Dohko lui avait toujours dit que c'était le stress qui l'empêchait de se consacrer à son art. Lui
pensait qu'il avait simplement perdu son talent et voilà qu'après cette rencontre, il sentait ses doigts palpiter de nouveau de cette frénétique envie ? Cela ne pouvait pas être une simple coïncidence…
La veille, en s'installant à l'auberge du village, il avait ouvert une petite valise contenant son matériel de peinture presque avec appréhension et le cœur battant à tout rompre. Shun, en le voyant faire avait simplement souri et s'était éclipsé pour demander à l'aubergiste s'ils pouvaient garder leur petite suite plus longtemps que prévu. Suite était d'ailleurs un bien grand mot, vu qu'elle consistait en deux chambres séparées par un salon et une petite salle d'eau. Mais c'était ce que l'auberge avait aménagé de mieux pour les clients fortunés qui venaient voir les lieux de cette fameuse légende qui, bien que chargée de la malédiction, attirait ici des touristes en manque de sensations fortes. Satisfait de la réponse, le jeune homme avait ensuite prévenu Shiryu de l'heureuse nouvelle avant d'emmener Shion dîner.
Ils avaient appris, entre autres, que le jeune reclus venait chaque après-midi chercher les offrandes déposées là par les habitants des villages alentour pour se protéger de la malédiction. Shion avait donc demandé à Shun de l'y conduire vers quatorze heures. Le jeune japonais avait proposé de rester à ses côtés mais l'artiste lui avait alors demandé de chercher dans le coin, une location où ils pourraient vivre quelques temps :
- J'ai envie de rester ici un peu, lui avait-il dit. J'espère que cela ne te dérange pas ? Je sais que ce n'est pas ce que tu avais prévu mais…
- Pas du tout, avait souri Shun. Ne t'inquiètes pas de ça, je vais essayer de trouver quelque chose.
- Shun, tu es vraiment un garçon formidable, j'aimerais aussi que tu me donnes des cours du dialecte parlé ici, tu veux bien ?
- Bien sûr, nous verrons ça le soir.
Et le voilà, seul dans cette petite clairière… Il pensa un instant à Shun et se dit qu'il fallait qu'il appelle Dohko et Shiryu ce soir pour les remercier de lui avoir fait rencontrer le jeune japonais. Puis, il oublia Shun, Dohko et tout le reste… Il chercha le meilleur endroit où se placer, la meilleure luminosité et installa son chevalet.
Ses doigts tremblaient légèrement quand il posa son pinceau sur la toile immaculée, son regard fut attiré par la petite statue de Bouddha où se reflétait un rayon de soleil et il peignit. Le geste sûr, le trait vif, les couleurs chatoyantes emplirent peu à peu la toile faisant naître une merveilleuse peinture.
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Sera-t-il seul aujourd'hui ? Ou bien accompagné du jeune homme ? se demandait-il en avançant vers la clairière. Il cueillit sa pèche et continua son chemin. Il s'arrêta plusieurs fois avec l'envie de faire marche arrière. Mais il ne pouvait pas décevoir les villageois, il continua un peu, mais il devait bien admettre qu'il avait un peu le ventre noué.
Je jette un coup d'œil, s'il est là je pars et s'il n'est pas là, je fais comme d'habitude, se décida-t-il finalement.
Mais quand il passa sa tête à coté de l'arbre pour voir s'il avait le champ libre, il vit le visage du dénommé Shion. Il voulu faire machine arrière mais une racine d'arbre en avait décidé autrement et cette traitresse lui avait fait un croche-pied. Shaka perdit l'équilibre tomba pas très gracieusement sur son fessier en faisant grand bruit et même fuir quelques oiseaux mécontents.
-Aie ! fit-il en se relevant et en se massant doucement les fesses. Ça fait mal...
Le bruit de chute, suivi de l'envol des oiseaux ramena Shion brutalement à la réalité et il comprit instantanément ce qui venait de se passer. Il se leva, son pinceau encore à la main, et se dirigea vers l'origine du bruit, pour découvrir le jeune homme de la veille en train de se relever péniblement :
- Pas de bobos ? demanda-t-il en venant spontanément l'aider en glissant un bras sous le sien, le pinceau couvert de peinture jaune venant finir sa course sur le sari du jeune homme. Oh flute ! s'écria Shion. Excuse-moi, viens, je vais t'enlever ça tout de suite…
Il entraîna le jeune homme avec lui jusqu'à son chevalet et son matériel pour nettoyer la tâche qu'il venait de faire…
Shaka n'avait pas eut le temps de répliquer quoi que se soit qu'il se vit trainer par l'homme au pinceau.
Le blond voulu dire quelque chose mais sa voix mourut dans sa gorge, il referma la bouche hypnotisé par le regard rose et chaleureux de l'homme en face de lui. Shion entreprit de nettoyer la tache.
Shaka n'osait pas regarder comment il s'y prenait, alors il préféra regarder la toile qui était déposée sur le chevalet. Il eut un petit sourire en reconnaissant "sa" statuette, son regard passa de la toile au modèle, plusieurs fois de suite.
- Vous la voyez d'une façon bien romantique, murmura-t-il dans la langue de Shion. Puis, se rendant compte que l'artiste l'avait entendu. Je... je... vais vous laissez à votre travail...
Le blond fit demi-tour pour rejoindre la forêt, avant de faire machine-arrière, et de prendre les offrandes et réciter des mantras. Difficilement car il sentait un regard dans son dos. Il inspira et expira plusieurs fois avant de prendre la position du lotus.
Si ça continue ainsi, je ne vais pas y arriver ! pensa-t-il.
Avant de son concentrer sur sa méditation. Il lui fallut un peu de temps pour enfin faire le vide dans son esprit et arriver dans son monde.
- Ne te l'avais-je pas dit ? murmura la voix un tantinet moqueuse.
- hum !
- Nous en rediscuterons plus tard, fit la voix avant de s'éteindre. Mais Shaka aurait juré qu'il pouffait de rire.
- C'est ça, vas-y ! Moque- toi !
Shaka se mit à murmurer des mantras, ne se rendant pas compte, qu'il lévitait à un bon mètre du sol entouré d'une aura dorée lumineuse.
Shion resta sans voix en l'entendant lui parler en japonais. Comment avait-il pu apprendre cette langue ici, isolé de tous ? Mais il n'était pas au bout de ses surprises aujourd'hui. Le jeune homme semblait gêné, presque apeuré par l'attention qu'il suscitait et faillit une première fois oublier ses offrandes, tellement il semblait pressé de repartir. Il revint néanmoins sur ses pas et Shion aurait presque pu en sourire si seulement quelques instants plus tard, il ne s'était pas soudain mis à léviter entouré d'un halo doré lumineux.
Ce que les gens du village leurs avaient raconté était en train de se produire là, sous ses yeux à la fois émerveillés et incrédules. Finalement, il avait bien quelque chose de divin ce garçon… mais en même temps, il semblait si triste quelque part… L'artiste qu'il était percevait ce genre de chose du premier coup d'œil, presque inconsciemment.
Après qu'il eut fini, Shaka se redressa et ouvrit les yeux pour tomber sur le regard de Shion, qui semblait...
Ça veut dire quoi ce regard ? Surpris ? Dégouté ? Effrayé ? se demanda-t-il. Mais il ne s'attarda pas plus sur son expression.
- Que le bon Karma vous accompagne... murmura-t-il à l'adresse de Shion et il partit en oubliant ses vivres... encore une fois.
Shion mit un moment à réagir à tout cela et le vit soudain disparaître dans la forêt, ses vivres toujours au pied de la petite statuette :
- Hé ! Attendez jeune homme ! cria-t-il en prenant la caisse d'offrandes et en le suivant à travers bois, faisant attention à ne pas s'étaler.
Il le rattrapa juste au bord du lac :
- Vous oubliez ceci… Dites, vous n'avez pas un prénom jeune homme ? Le mien est Shion.
- Je... j'ai retenu votre nom, vous l'avez dit hier...
Le jeune homme fit une pause avant de reprendre.
- Shaka… C'est mon prénom… Merci de me l'avoir apportée !
Shion vit la petite barque et déposa la caisse de vivres dedans tout en continuant à parler.
- Je suppose que cela constitue votre seul approvisionnement. Vous n'avez pas envie d'autre chose des fois ? Je pourrais peut-être vous l'apporter. Shun, je jeune garçon qui m'accompagne, pourra sûrement me dire où faire des courses… Votre palais est magnifique vous savez ? J'adorerais le peindre. Vous me le permettriez ?
- Merci pour ça ! fit Shaka en pointant la caisse de son pouce une fois posée dans la barque. C'est gentil mais j'ai bien assez avec ce que je reçois, ne vous embarrassez pas. Euh, oui, c'est ma maison... et je vous en prie, les touristes ne se gênent pas pour la prendre en photo... Mais une peinture… ça doit vraiment être beaucoup plus joli... Vous devriez profiter de votre séjour pour vous reposez, je ne veux pas me montrez impoli ou indiscret mais vous avez les trais tirés et des cernes sous les yeux.
Le jeune homme poussa sa barque avant de sauter dedans et de repartir vers sa maison :
- A la prochaine Shion ! N'oubliez pas de boire un thé au jasmin avant votre bain le soir ! Ça vous fera le plus grand bien, lui cria-t-il en s'éloignant.
Shion le remercia pour ses conseils mais ne chercha pas à le retenir plus.
Shaka, quel beau et original prénom, pensa-t-il, était visiblement nerveux. Sûrement dû à sa trop longue isolation… un peu sauvage aussi, également pour les mêmes raisons. Il avait par contre, bel et bien quelque chose de divin. Est-il réellement une réincarnation de Bouddha ? Peut-être bien après tout, ce qui c'était passé tout à l'heure dans la clairière allait dans ce sens…
L'artiste s'interrogeait sur tout ça en y revenant et il se planta devant la petite statuette en y arrivant :
- Mais pourquoi isolé ainsi ta propre réincarnation ? lui demanda-t-il. Il a peut-être le droit de vivre normalement non ? Moi, je ne crois pas à cette malédiction, c'était juste une histoire pour le protéger non ? Si tu le permets, je voudrais lui rendre le sourire ! Il serait si beau avec un vrai sourire…
Il sourit en réalisant son geste… Voilà qu'il se mettait à parler à une statue qui bien entendu n'allait pas lui répondre !
Il retourna à sa toile et la finissait ou presque quand Shun revint justement le chercher. Le jeune homme n'avait pas encore trouvé mais était sur plusieurs pistes :
- Je peux te laisser seul demain ? lui demanda-t-il en admirant ce qu'il avait peint.
- Pas de soucis, tu me déposes à la clairière en partant.
- je suis content que tu peignes à nouveau, cette toile est magnifique !
- Je dois la finir… Dis Shun, aurais-tu du thé au jasmin ? Je voudrais en prendre un avant mon bain…
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Pendant ce temps, Shaka arrivé chez lui s'était vite remis à méditer une fois ses provisions rangées.
- Tu devrais aller le revoir... lui dit la voix.
- Pourquoi ?
- Ça ne t'a pas fait du bien ?
- Si… avoua le jeune homme après un silence.
- Shaka mon petit, tu es ma réincarnation c'est vrai, mais n'oublies pas, tu dois aussi vivre un peu pour toi, insista presque tendrement la voix.
- Mouais… Nous verrons.
A suivre…
