Le Crime qui n'ose Dire son Nom

Auteur Seven Nana

Disclaimer Évidemment, tout le monde sait que le monde de Sherlock Holmes appartient à Sir Arthur Conan Doyle (même si il n'en voulait plus, je voulais sauter sur l'occasion, mais enfin... !), quoique, je l'ai un petit peu modifié !

Notes

J'ai mis 7 mois pour écrire cette fic très longue, je n'ai donc plus trop d'avis dessus... N'hésitez pas à me conseiller, car je compte en écrire d'autres.

Attention, relation homosexuelle à prévoir, il s'agit là d'un Holson ! Ne me blâmez par en review ou en mail car je vous ai prévenu, merci !


« So swift, silent, and furtive were his movements, like those of a trained bloodhound picking out a scent, that I could not but think what a terrible criminal he would have made had he turned his energy and sagacity against the law instead of exerting them in its defence. »

[ John H. Watson - The Sign of Four


Si vous trouvez ce carnet,

merci de le rapporter au Dcotur John H. Watson,

résidant au 221b Baker Street

Lundi 9 Octobre 1882

Avant de commencer, je dois raconter comment s'est passée ma toute première rencontre avec Sherlock Holmes qui remonte au 23 Décembre dernier, au Colney Hatch Lunatic Asylum(1). Il ne faisait aucun doute que Sherlock Holmes était parfaitement fou, mais j'avais remarqué durant notre entretient qu'il était également intelligent et rusé. Qualités qui ne lui étaient pas reconnues par les policiers et les médecins, puisqu'en effet, Sherlock Holmes était réputé pour son silence semblable à celui d'un cadavre, au point que certains le prenaient pour un illettré des plus incapables.

Juste avant d'atteindre sa cellule, son médecin m'avait prévenu qu'il n'avait probablement plus de langue et que sa lucidité était aussi douteuse que sa conscience.

Mon intention première était de le soumettre à un bref questionnaire pour connaître les motifs qui l'avaient poussé à accomplir des meurtres aussi sauvages. La capacité de raisonnement est souvent remise en cause chez les tueurs, car la plupart des doctrines les considère comme des vraies bêtes sans une once de réflexion, pourtant, Holmes renversait toutes leurs hypothèses.

C'est un homme fort singulier déjà dans son apparence ; très grand et incroyablement fin, il ressemblait à un fantôme émacié. Fantôme à cause de la camisole de force blanche qui enlaçait son buste et par sa peau de craie. Si d'épaisses mèches noires barraient son front, il semblait être un patient assez bien traité. Son calme devait lui apporter ce privilège. Ses yeux, en revanche, exprimaient une vivacité inquiétante, contraire au reste de son corps ; à quoi bon utiliser les mots lorsqu'on avait un regard si expressif ?

Lorsque je l'ai salué, il s'est contenté d'un simple signe de tête. À peine perceptible et si discret que je me demande encore s'il m'était adressé.

-Monsieur Sherlock Holmes, je suis le docteur John Watson, je suis venu vous poser quelques questions concernant vos meurtres pour en comprendre le sens, s'il y a en a un.

Son sourire mesquin persistait mais l'homme ne réagit pas.

-Accepteriez-vous de me donner les réponses que j'attends ? Vous avez bien sûr le droit de refuser, je ne vous oblige à rien.

Quand j'eus achevé ma phrase, il prit une inspiration qui me poussa vers un élan d'espoir.

-C'est la première fois, depuis que je suis enfermé entre ces murs, que l'on me propose le choix. C'est un véritable honneur.

Sa voix était posée, traduisant une confiance totale en sa personne. J'étais parti de Baker Street avec si peu d'assurance que ce début prometteur me rendait plus confiant. Je ne voulais rien gaspiller :

-Me direz-vous alors pourquoi vous en êtes-vous pris à ces femmes ?

-Cela ne ressemble pas à une forme de politesse simulée pour me faire parler ; vous avez adopté le même ton avec l'infirmière dans le couloir tout à l'heure… Une gentille demoiselle mais sotte comme toutes ses semblables.

-Pardon, Monsieur Holmes, mais cela ne répond pas à ma question.

-Au contraire ; vous êtes le premier depuis des mois à qui je rends une vraie réponse.

Répliqua-t-il. Je ne compris qu'un peu plus tard qu'il avait révélé une tendance misogyne ; peu importe de quelle femme il s'agissait, Holmes les voyait toutes comme des êtres dénudés de réflexion et qui n'avaient un rôle que purement biologique au sein de notre monde.

Qu'il me parle autant consistait un véritable privilège ; j'en avais conscience, bien qu'il semblait y avoir une contrepartie…

-Docteur Watson, j'aimerais beaucoup discuter avec vous, mais cette camisole me tord les bras et les épaules et il n'est pas aisé de causer convenablement dans ces conditions. Voudriez-vous bien appeler l'infirmière ? Bien qu'idiote, elle est adorable.

J'exécutai sa demande. Par chance, l'infirmière accepta tout en demandant à un gardien de l'accompagner dans la cellule. Ces deux personnes avaient toutefois du mal à croire que ce patient avait desserré les lèvres pour m'adresser la parole. Holmes ne reprit part au dialogue que lorsque les deux employés quittèrent le couloir, à l'abri dans le secret.

J'étais de nouveau face au tueur et je pouvais alors voir ses doigts agiles se mouvoir pour se dégourdir. Je réprimais un frisson en songeant à ce que ces mains effilées étaient capables d'accomplir. Il m'observa longuement avant de me démontrer pour la première fois son remarquable sens de déduction.

-Vous avez un charme certain, Docteur Watson, les femmes doivent tourner autour de vous en exerçant leurs ridicules parades comme des abeilles le ferait pour du miel. Pourtant, vous flânez dans un asile à l'approche de Noël au lieu de rester chez vous et vous ne portez pas d'anneau à votre annulaire, pas même une marque. Pourquoi ?…

Je tentais alors de le couper ; je me doutais qu'il tentait de percer à jour ma vie privée et cela pouvait se révéler dangereux. Mais il poursuivait ses réflexions en m'ignorant.

-Pourquoi un homme beau comme vous, et jeune de surcroît, est encore célibataire ? Votre condition est donc si catastrophique ? Je l'avais remarqué à votre parfum aux tons de bergamote, eau de Cologne n'est-ce-pas ? Certains vous complimenteront pour vos goûts raffinés, mais pour ma part, je trouve cette odeur trop banale et bon-marché. Oh, mais j'oubliais votre jambe blessée qui ne doit pas vous aider à remonter la pente… Un médecin infirme, quelle ironie… Que vous est-il arrivé ?

Murmurait-il songeur. Ce monologue me frustrait de plus en plus et je tentais d'y mettre un terme, mais il leva la main en signe de silence et enchaîna alors rapidement avec une lueur révélatrice dans le regard.

-Je vois ; vous avez supporté la chaleur d'Afghanistan en tant que militaire si j'en juge votre corpulence, les médecins n'ont jamais été aussi minces et rares sont ceux qui ont votre teint légèrement hâlé. Et cette autorité digne des soldats, vous revenez tout juste de la guerre, donc d'Afghanistan. Mais votre jambe fut blessée, vous rendant inutile, tel un fardeau, sur le champ de bataille. On vous a renvoyé en Angleterre avec un salaire bien trop maigre pour vos efforts, sans compter que les revenus d'un jeune docteur ne sont pas très brillants. Et à voir votre visage décomposé, j'ai sûrement raison.

Acheva-t-il, visiblement fier de lui. Il s'approcha des barreaux de sa cellule, ses longues mains agrippèrent les tiges de métal, bien que solides, je redoutais qu'elles disparaissent, me laissant alors comme une proie face à un tigre de nouveau libre.

-Docteur Watson, votre expérience à la guerre vous aide-t-elle à faire face à la folie qui ronge les tueurs ou mes crimes sont plus ignobles que les horreurs que vous avez vu en Afghanistan ?

Je rougissais de honte ; Sherlock Holmes avait touché un certain point sensible. Et son regard d'acier méprisant attendait que je fuie sa présence comme mes collègues peureux l'avaient fait. Mais je ne voulais pas lui offrir ce plaisir ; je suis resté à ma place et j'ai participé à ce jeu morbide, tout en sachant les risques que je pouvais encourir.

-Maintenant que vous savez quasiment tout de moi, monsieur Holmes, pourquoi ne pas me parler de vous ?

-J'ai deviné votre identité juste en vous observant, faîtes-en autant, docteur Watson, dîtes-moi ce que vous voyez dans cette cage.

Je l'observais durant quelques instants avant de me lancer ;

-Je vois un homme à qui sa folie l'a privé de liberté, à présent il a pour seule compagne la solitude.

-Allons, allons, mon cher docteur, c'est une déduction des plus simples ! Essayez de m'impressionner ; vous êtes le seul dans cet hôpital à connaître le son de ma voix, prouvez que vous méritez ce privilège.

Je me rendais peu à peu compte que ce n'était pas lui qui était soumis à un interrogatoire, mais moi : j'étais pris sous sa coupe, le laissant me tester. Pourtant, je ne pouvais pas reculer maintenant ; je devais l'étonner, le surprendre pour monter dans son estime et gagner un peu de respect. Mon regard se porta sur ses mains ; fines et délicates, semblables à celles d'un pianiste.

-Vous jouez du piano…

-Non.

Répondit-il en tiquant brièvement. Quand je lui demandais s'il jouait bien d'un instrument, il acquiesça d'un signe de tête.

-Du violon ?

-Correct, mais vous tirez des conclusions au hasard, docteur.

En effet, le violon était le second instrument qui m'était venu en tête. Je me replongeai dans la contemplation, espérant le satisfaire cette fois. Je regardai alors ses avant-bras qui portaient plusieurs cicatrices discrètes et assez vieilles, effacées par le temps.

-Ces cicatrices sur vos bras étaient là bien avant votre arrivée à l'asile puisque qu'elles ne semblent pas récentes… Plusieurs points discrets regroupés sur l'emplacement des veines, il s'agit donc d'une seringue. Une addiction aux drogues ?

-Vous voyez que ce n'est pas si difficile. Inutile de sortir votre questionnaire préparé avec soin, docteur, je suis certain que vous serez en mesure d'y répondre vous-même. Mais je suis las de parler, repassez un autre jour quand mon humeur cordiale sera de nouveau au rendez-vous.

Sur ces mots, il s'éclipsa jusqu'à son lit et ignora mes dernières questions. Je n'avais donc pas d'autres choix que d'accepter. J'avoue que Sherlock Holmes me hanta durant le réveillon que je passais effectivement seul, étant donné que je n'avais ni ami, ni famille à Londres. J'ai même tenté de donner quelques réponses à mes propres questions mais sans succès ; était-il sous l'influence de la drogue lors de ces meurtres ? J'en doutais.

Je revins le voir le 27 Décembre, mais il semblait d'une humeur bien sombre et ne m'adressa pas le moindre regard. J'insistai durant une heure entière, mais l'absence de résultat me poussa à revenir une autre fois.

Je ne le vis que quelques jours plus tard, le 30 Décembre. Lorsque je me suis installé devant sa cellule, sa première réaction fut de s'excuser ;

-Il m'arrive souvent de ruminer sans raison précise, dans ces cas, contentez-vous de partir et de revenir plus tard… Bref, vous avez adopté l'attitude parfaite, certains devraient prendre exemple sur vous, docteur Watson. Mais passons, est-ce ironique si je vous demande si vous avez passé un bon réveillon ?

Avec les séances suivantes, je remarquais que Holmes commençait toujours par des petites questions inutiles pour démarrer une conversation. Enfin, selon moi, elles étaient futiles, pour lui, elles représentaient une certaine importance car il insistait et se vexait si je refusais de répondre.

Puis, après deux ou trois questions de routine, je reprenais mes analyses. Et avec la même excitation que ressent un visiteur la veille d'un spectacle, Holmes affichait un large sourire en s'appuyant sur les barreaux qui nous séparaient. J'étudiais son allure, bien différente des autres fous recroquevillés ou tordus. Holmes, lui, se tenait parfaitement droit, ce qui ajoutait une impression de grandeur. À vrai dire, si je l'avais croisé dans une rue quelques mois plus tôt, l'idée qu'il s'agisse d'un tueur ne m'aurait pas effleuré l'esprit.

Puis, je me rappelai de sa remarque sur l'infirmière et sa « stupidité ».

-Vous éprouvez du mépris à l'égard des femmes, c'est pourquoi vos victimes ne sont que du sexe féminin. Les avez-vous… « touché » ?

-Vous voulez dire violer ? Oh non, non, non, bien sûr que non. Je n'ai pas commis ces crimes pour ce genre de satisfaction. Je n'avais aucune attirance pour elles. Mais ne vous emportez pas, je ne suis pas vraiment misogyne, docteur. Simplement, une catégorie de femmes en particulier m'exaspère plus que les autres.

Les classes sociales de ses cinq victimes étaient assez aisées ; il me paraissait évident que Holmes s'attaquait à des femmes qu'il avait côtoyé plus ou moins longtemps. Je réfléchis quelques minutes pour me rendre compte que leur vrai point commun se trouvait sur leur annulaire ; elles étaient toutes mariées.

En tout cas, je pouvais écarter le mobile du vol ; aucun objet n'avait disparu sur la victime. Tout comme le moteur du désir charnel si il n'éprouvait aucune attirance.

-Votre colère s'adresse aux dames mariées ?

-Vous vous approchez doucement docteur ; mais vous êtes encore bien lent. Laissez-moi vous mettre sur la voie ; selon moi, elles ne méritaient pas leur prétendu titre d'épouse fidèle.

-Elles étaient donc infidèles ?

Il acquiesça. Je cherchai alors le rapport de l'autopsie de sa première victime, enfin, nous supposons qu'il s'agit de sa première victime.

-Lorsque l'on a retrouvé Willow McDonnell(2), elle avait des traces de morsures sur le visage. Elle n'avait plus de joues et son anneau était sur le sol et non à sa main. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous attaquer à elle, Monsieur Holmes ? Et dans quel but ?

-Je n'avais pas l'intention de la tuer la première fois que je l'ai vu, mais je reconnais que, dès notre première rencontre, je ne ressentais aucune sympathie à son égard. En effet, cette Willow ressemblait beaucoup à ma mère, que je n'aime guère au passage, elles avaient les mêmes cheveux blonds, la même taille et les mêmes pupilles grises. Mais je m'attarde un instant sur ma génitrice et la colère que je nourris contre elle ; vous voyez docteur, elle était la honte de notre famille car elle était trop volage. Combien de fois a-t-elle commis l'adultère ? Elle-même ne le sait plus. Par sa faute, mon père a sombré dans une dépression lorsqu'elle le quitta pour un homme plus riche.

J'étais étonné par tant d'aveux à la fois. J'étais d'autant plus étonné par le calme qui teintait sa voix, son regard et ses manières. Toutefois, je restai suspendu à son récit.

-Revenons à présent à notre victime, docteur Watson. Je ne m'étais basé que sur un préjugé mais très révélateur finalement puisqu'il se trouve que durant deux semaines entières, Willow McDonnell a essayé de me séduire sans relâche. J'ai été le cobaye de toutes ses parades ridicules ! Et son mari, près d'elle, fermait les yeux sur toute cette mise en scène. Une femme réellement inconsciente et grossière car, bien que je ne répondais pas à ses avances, elle insistait ardemment. Et puis, vint le soir du meurtre où elle a tenté de s'exprimer avec moins de retenu ; je n'ai pas résisté à la mordre sauvagement au visage…

Holmes m'expliqua alors comment le visage rond de Willow McDonnell avait été déformé par ses dents. Il m'a expliqué qu'au fond de lui, la défigurer ainsi le satisfaisait. Je me doutais que grâce à ça, il détruisait le portrait de sa mère qu'il haïssait tant. Il m'avoua ensuite qu'il n'avait pas le cœur de la laisser dans cet état et finit par la tuer à l'aide d'une arme blanche, un couteau.

-Ressentez-vous un quelconque regret ? Ou un sentiment de pitié ?

-Non.

Répondit Holmes le plus naturellement possible. Il précisa par la suite que ce crime l'avait libéré d'un poids en rapport avec sa mère, ce qui confirmait bien mes doutes. Il avait été motivé par un élan de vengeance parce que Willow McDonnell ressemblait beaucoup à elle, physiquement et moralement.

Puis, il me parla de sa seconde victime ; Rachel Wiles(2), morte deux semaines plus tard près du Lyceum. Elle aussi était mariée et avait tenté de le charmer. Apparemment, ses « sourires niais » avaient empêché Holmes de suivre convenablement la pièce. La pauvre femme avait également été trouvée avec le visage déformé.

-Mais ce soir-là, il y avait deux meurtres, Monsieur Holmes, près de Rachel Wiles, il y avait une certaine Elizabeth Burroughs(2). Elle a été moins difficile à identifier car elle est simplement morte d'une hémorragie.

-Cette pauvre femme s'est retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle m'a surprise lorsque je finissais de tuer Rachel Wiles ; la mauvaise chance m'a obligé à la tuer également.

Soupira-t-il, démontrant un regret sincère d'après ce que je pouvais en juger.

La victime suivante se nommait Mary Sterler(2). D'après l'histoire de Holmes, cette femme était morte dans les mêmes circonstances que la première, Willow McDonnell, mais cette fois, Holmes avait dévoré une partie de son visage. Il me confessa que cet acte, encore une fois, l'avait étrangement rassuré. Il s'agissait bien d'une forme de cannibalisme d'agression qui est généralement motivée par des sentiments hostiles ou effrayés (pour Sherlock Holmes, il s'agissait d'hostilité) ce qui entraîne le besoin de dominer sa victime en l'assassinant et en la consommant.

La dernière victime était Natalia Abramowitz(2), celle qui causa l'arrestation de son agresseur. Lorsque je mentionnais son nom, la mine de Sherlock Holmes s'assombrit.

-Ah… Natalia Abramowitz, charmante femme, très audacieuse aussi. Elle ne pourra plus le confirmer, mais elle ôtait son anneau qu'elle cachait dans une poche et faisait croire qu'elle était célibataire. Je ne pouvais pas vérifier si elle était honnête car ses gants cachaient ses mains. Plutôt malicieuse et pas dénudée de savoir-faire…

Acheva Holmes dans un élan de souvenirs. Il se remémora chronologiquement la soirée avant de l'exposer.

-Je l'ai rencontré deux semaines avant sa mort. Je dois vous avouer, Docteur Watson, que plus une femme est élégante et agréable, plus je me méfie d'elle. Je n'ai jamais su les comprendre, ni percevoir leurs desseins à travers leurs bonnes manières. Et je peux affirmer, sans me tromper, que Natalia Abramowitz était l'une des plus fourbes qui existent !

« Le soir de sa mort, elle m'avait invité chez elle. Comme son mari était souvent absent, elle dissimulait tous les indices qui pourraient trahir sa condition pour ensuite amener jusqu'à son repère ses « proies ». La maison était d'ailleurs assez petite pour deux personnes et donc, assez vaste pour une seule. Je l'ai comprit assez vite, car malgré ses paroles, je trouvais tout cela douteux. J'ai profité de son absence -elle était dans la cuisine si je me souviens bien- pour dissiper mes soupçons. Des cachettes peu originales où j'extirpais l'alliance, le faire-part et autres preuves… Je n'ai pas hésité longtemps avant de la tuer également.

« Jamais la vie ne m'avait fait un tel cadeau empoisonné, figurez-vous que le mari est entré lorsque j'avais fini de dévorer son épouse -si je peux toujours l'appeler ainsi-. Bien sûr, apprendre son infidélité était un drame, mais j'étais déjà entre les mains des infirmiers lorsqu'il l'apprit.

Son ton ne changeait pas, même une fois son récit achevé, comme si l'homme s'obstinait à rester invaincu.

Par la suite, je lui rendais visite deux fois chaque semaine : Sherlock Holmes avait un sens de déduction incroyable et je m'amusais -pardonnez-moi ce terme- à le mettre à l'épreuve sur des meurtres qui ne le concernaient pas. Ses déductions, toutes plus fascinantes les unes que les autres, étaient, dans leur globalité, véridiques ! Parfois, sans que j'y prenne garde, il disait ses propres opinions sur ma personne.

Et à chaque fois que la séance se terminait, il me répétait toujours cette phrase "J'ai hâte de vous revoir Docteur Watson. Car à chaque visite, on me retire cette camisole ; vous êtes comme une brise qu'on m'autorise à respirer". Je sais que les meurtres de Holmes ne peuvent faire de lui quelqu'un de vraiment respectable, pourtant… Il faut reconnaître qu'il possède de grandes qualités.

Néanmoins, en Août dernier, je lui ai appris une nouvelle qui lui déplaît encore maintenant ; mes fiançailles avec la douce Elisa sont fixées depuis la fin de l'été. Et notre union sera conclu à la fin de ce mois d'octobre. Je lui ai expliqué qu'évidemment mes visites ne seront plus aussi régulières, ce à quoi il me répondit ;

-Je le craignais ! Je ne peux vraiment pas vous féliciter, Docteur Watson. Je vous parle des meurtres que j'ai commis comme un avertissement et, tout comme mon père, vous vous forgez une cage dans un mariage qui n'aura pas d'avenir.

J'étais légèrement vexé par cette vision si pessimiste mais il resta sur sa position, ne me présentant ni excuse, ni félicitation…

Si je marque tout ceci aujourd'hui, c'est parce que c'est en ce 9 Octobre que Sherlock Holmes s'est échappé du Colney Hatch Lunatic Asylum.


(1) Le Colney Hatch Lunatic Asylum, ou le Friern Hospital, était un asile qui se trouvait au Nord de Londres. Il était en activité de 1851 à 1993.

(2) Tous les noms sont empruntés à des victimes du tueur en série Albert Fish.