ETAT GRIPPAL

Chapitre 1 :

« Je vais mourir papa » marmonna Charlie, d'une voix rauque.

« Ne dis pas de bêtises Charlie. Tu ne vas pas mourir de la grippe. »

Le jeune génie roula sur son côté et regarda d'un air soumis son père qui était en train de préparer ses médicaments.

« Papa, tu sais qu'aux Etats-Unis, 5 à 20 de la population attrape la grippe, soit entre 15 et 60 millionsd'Américains par année ? Et que la grippe tue environ 36 000 personnes et 200 000 personnes doivent être hospitalisées chaque année ? »

« Non Charlie. Je ne le savais pas. Ouvre ta bouche. »

Charlie obéit et avala en grimaçant le sirop pour la toux.

« Et tu sais qu'en France la grippe concerne en moyenne 4 à 12 de la population selon les hivers, soit entre 2 et 7 millions de Français par année ? Et que la grippe provoque en France la mort de 3 300 à 8 400 personnes par année ? »

Alan reposa le sirop et lut attentivement la notice du médicament pour les maux de gorge.

« Non. Mais je suis sûr que ces décès sont la plupart du temps des personnes âgées et fragiles au niveau du système immunitaire. Toi tu es jeune et fort. Tu ne rentres pas dans ces statistiques. »

« Les statistiques ne sont pas absolues. Elles ne prennent pas en considération les… »

Charlie ne put finir sa phrase puisque son père lui colla un thermomètre dans la bouche.

« Mmh ! »

« Je veux vérifier ta fièvre. »

« …veux…me…aire…taire ! »

Après quelques secondes, Alan retira le thermomètre et fronça les sourcils.

« Tu vois, je vais mourir. Atchoum ! »

« A tes souhaits. »

Le jeune malade rechercha son mouchoir dans ses couvertures et se moucha bruyamment.

« C'est la faute de Don tout ça. A cause de lui je vais passer Noël au lit.»

« Don ? Qu'est-ce que ton frère à avoir avec ta grippe ? »

Charlie avala un médicament avant de répondre, grincheux.

« C'est lui qui m'a contaminé. »

« Donnie était malade ?»

« Est »

« Donnie est malade ?! »

« Ouais. Depuis une semaine au moins. J'ai essayé de le convaincre de se soigner mais c'est une vraie tête de mule. »

Alan grogna d'anéantissement.

« Je comprends maintenant pourquoi je ne l'ai pas vu depuis un petit moment. Il ne veut pas que je m'occupe de lui. »

« C'est pas contre toi, papa. Tu sais qu'il n'aime pas se faire chouchouter. »

« Je sais mais, s'il est malade, il doit se soigner, qu'il le veuille ou non ! Et pourquoi tu ne m'a pas dit que ton frère est malade ?!»

« Il m'a dit de ne pas te le dire. »

- « Ça ne t'as jamais arrêté avant. »

« Mais avant il ne me menaçait pas de couper mes cheveux. »

« Don ne va pas couper tes cheveux, voyons. » Bien qu'ils en aient besoin.

« Il est capable de le faire pendant que je dors. »

« Mais non.

«Si. »

Alan sourit en secouant sa tête et remonta les couvertures jusqu'au cou de son fils.

- « Tu penses que je peux te laisser seul un petit moment ? Je vais chercher Donnie. »

Charlie se blottit un peu plus dans son lit et répondit d'une voix somnolente.

« Oui papa. »

« Tu es sûr ? Je peux appeler Amita ou Millie. Ou même Larry. »

« Non, ça va. Va chercher Don. Il a besoin de toi. »

«Bien. Ton téléphone est sur la table de nuit. Tu m'appelles au moindre problème, d'accord ? »

« …'kay ».

Avant de fermer ses yeux, Charlie regarda son père sortir de sa chambre et un sourire malicieux apparut sur ses lèvres. Don va avoir des ennuis. Don va avoir des ennuis. La la la.

ooooOOOOOoooo

D'un air fatigué, Don ouvrit la porte de son appartement et la referma en posant son front contre la froideur bienvenue de la surface lisse de la porteAvec le peu d'énergie qui lui restait, il se redressa, jeta ses clés sur une petite table et se dirigea tant bien que mal vers son divan. Il voulait son lit, son précieux lit douillet mais le divan était plus près. Chancelant, il s'affala sur son canapé, trop fatigué pour enlever sa veste et ses chaussures. Je devrais plutôt aller dans mon lit…Dans une minute j'y vais…Non, deux. Ou trois…Ouais, dans cinq minutes je suis dans mon lit. Avant même qu'il ne s'en rende compte, Don plongea dans un sommeil lourd et agité par la fièvre.

« Don? »

Prit de violents tremblements, Don ne répondit pas à la voix de son père, ce qui accentua le souci de celui-ci.

« Donnie ? »

Il sentit une main fraîche sur son front mais il était trop épuisé pour ouvrir ses yeux.

- « Oh Donnie, tu es brûlant. Réveilles-toi mon garçon. Tu m'inquiètes.»

« …'pa ? »

« Oui Donnie, c'est moi. »

Le souci manifeste dans la voix d'Alan incita Don à ouvrir ses yeux. Il fut récompensé de ses efforts par le regard empreint d'amour véritable de son père, assis sur la petite table de salon face à lui.

« Je suis passé à ton bureau et Megan m'a dit qu'elle avait enfin réussi à te convaincre de rentrer à la maison. Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais malade ? »

« Pas besoin d'aide. »

« Je ne connais personne qui n'ait pas besoin d'aide Donnie. »

L'esprit de Don était encore brumeux mais il nota tout de même la tonalité douce dans la voix de son père. Je dois vraiment avoir l'air malade pour que papa ne soit pas en colère.

« …pas fâché ? »

« Fâché ? Pourquoi est-ce que je serais fâché mon bébé ? »

Bébé ? Il sait quelque chose que je ne sais pas ?

« Je vais mourir ? »

Un petit rire s'échappa des lèvres d'Alan en repensant à la conversation qu'il a eu plus tôt avec Charlie mais aussi parce que la confusion sur le visage de son aîné l'amusait.

« Non Donnie. Tu ne vas pas mourir mais tu dois te soigner. Tu n'as pas répondu à ma question. Pourquoi est-ce que je serais fâché ? »

« …pas dit que je ne me sentais pas bien. »

« Eh bien, c'est vrai que je suis déçu que tu ne me l'ais pas dit mais ce qui est fait est fait. Et de toute façon tu n'es pas en état pour que l'on se dispute dans les règles de l'art. Tu es trop malade pour me répondre, ce n'est pas drôle.»

Alan sourit tendrement et força son fils à se lever.

« Aller viens, je t'emmène à la maison. J'ai déjà préparé tes affaires.»

« Je suis déjà à la maison. »

Malgré sa réplique bougonne, Don permit à son père de l'aider à se lever. Mais une fois debout, un flash de douleur traversa son cerveau de part en part. Il serait tombé en arrière si son père ne l'avait pas rattrapé à temps par la taille.

« Donnie !»

La vision de Don commença à s'obscurcir mais il s'accrocha désespérément à la voix de son père pour ne pas sombrer.

«papa»

« Je te tiens Don. Accroches-toi à moi. »

Don obéit et s'agrippa au cou d'Alan. Celui-ci le maintint fermement par la taille tout en lui tapotant la joue pour le maintenir éveillé.

« Donnie ?...J'appelle une ambulance. »

« Mmm…nan…pas d'ambulance. »

« Tu es à deux doigts de t'évanouir ! »

« …pas d'ambulance. »

Alan hésita quelques instants en pinçant ses lèvres. Finalement, il accorda à Don son souhait et le mena hors de l'appartement tout en continuant à le maintenir par la taille. Pas d'ambulance mais je t'emmène quand même à l'hôpital.

ooooOOOOOoooo

Dans la salle d'attente de l'hôpital, Don reposait sa tête sur l'épaule de son père, les yeux fermés. Il y avait quelques autres patients dans la pièce mais il ne s'en souciait pas. Tout son corps le faisait souffrir et son mal de tête s'aggraver de minute en minute. Et l'épaule d'Alan était tellement confortable. Si seulement le nourrisson pouvait arrêter de brailler. Il gémit de douleur involontairement et il sentit la main chaude de son père sur sa joue.

« Shh. Reposes-toi, Donnie. Je te réveillerai lorsque ce sera notre tour. »

L'offre était si alléchante que Don se laissa dériver au loin.

Tout se passa ensuite dans une tâche floue pour lui. Quelqu'un prononçait son nom, des mains fortes sous ses bras le soulevait et le forçait à marcher. Puis d'autres mains, plus fines cette fois-ci, le fit allonger sur quelque chose. Il y avait des voies aussi. L'une qui ressemblait à celle de son père, et l'autre était une voie de femme. Peut-être que je devrais ouvrir mes yeux. Peut-être. Les mains fortes étaient de retour. Elles enlevaient sa cravate et ouvraient sa chemise. Ses frissons redoublèrent lorsqu'il sentit quelque chose de très froid sur son torse, à plusieurs endroits. Il gémit et essaya faiblement de s'échapper. Mais les mains fortes l'en empêchaient.

« Laisses-le docteur t'examiner, Don. »

« Papa ? »

Les mains étaient dans ses cheveux maintenant.

« Papa ? »

« Oui Donnie, je suis là. Calmes-toi. »

Mais sa fièvre ne lui laissait aucun répit. Il commençait même à voir de grandes ombres noires fantomatiques dansaient autour de lui.

« Papa »

« Shhh, c'est bientôt fini. Tu vas aller mieux.»

Alan attendait impatiemment que la doctoresse dise quelque chose mais il se força à ne pas l'interrompre dans son examen minutieux. Son visage grave ne le rassurait pas. Finalement, après une petite éternité, le médecin l'invita à aller s'asseoir avec elle à son bureau. Remarquant que son fils tremblait toujours, Alan se servit de sa veste pour le couvrir avant de s'asseoir face au docteur.

« Monsieur Eppes, Don souffre d'une sévère grippe. Etant donné son âge, votre fils ne fait pas partie de la catégorie des personnes à risques. Mais il a trop tardé à venir se soigner et son état est très sérieux. Le risque de complications est élevé dans son cas. »

« Quel genre de complications ? »

« La grippe peut mener à certaines complications comme une pneumonie ou d'autres troubles respiratoires comme l'asthme par exemple. La grippe peut aussi conduire à une déshydratation. Aussi, j'aimerais le faire admettre afin que nous puissions le surveiller. »

Alan jeta un coup d'œil sur son fils toujours allongé sur la table d'examen et reporta son regard sur la doctoresse.

« Une hospitalisation est vraiment nécessaire ? Don n'aime pas les hôpitaux et je sais qu'il ne se détendra pas s'il reste ici. Est-ce que je ne pourrais pas plutôt l'emmener à la maison et le surveiller moi-même ?»

« Eh bien, si vous le surveillez étroitement et que vous le ramenez ici à la moindre alerte, nous pouvons lui épargner une hospitalisation. Mais vous devez me promettre de toujours garder un œil sur lui. »

« Je vous le promets. Ce ne sera pas un problème. Croyez-moi, je ne vais pas le lâcher une seule seconde. Qu'est-ce que je dois faire ?»

« Je vais lui prescrire des médicaments mais le vrai remède est le repos absolu pendant deux à trois semaines. Mais surtout s'il éprouve des difficultés à respirer, s'il a des vomissements, une déglutition difficile, et si sa toux, son rhume et ses maux de tête persistent, vous le ramenez d'urgence à l'hôpital. Tous ces symptômes peuvent être le signe d'une pneumonie. Et vous contrôlez bien sa fièvre. Elle est actuellement de 40°C, ce qui est énorme. Si elle augmente encore…»

« Je le ramène d'urgence à l'hôpital. »

« Excusez-moi d'insister ainsi mais je suis vraiment inquiète. J'ai rarement vu une grippe terrassait aussi durement un homme de l'âge de votre fils. »

Pendant que le médecin remplissait son ordonnance, Alan réveilla Don en le secouant doucement par l'épaule.

« Don, on s'en va. »

«Mmh »

Don tourna fébrilement sa tête des deux côtés en essayant de reprendre contact avec la réalité. Son père l'aida à s'asseoir sur le bord de la table, lui ferma sa chemise et l'aida à enfiler sa veste.

« …maison ? »

« Oui Donnie. Je vais m'occuper de toi et Charlie. »

« Charlie ? »

« Oui. Figures-toi que ton frère aussi est malade. Il est moins atteint que toi mais il est tout de même cloué au lit. »

« …ma faute. »

« Non Don. Toute la ville est frappée par une épidémie de grippe. Charlie a pu l'attraper n'importe où. »

« … »

Alan balaya les cheveux en sueur plaqués sur le front de son fils et l'aida à descendre de la table d'examen. Après quelques recommandations supplémentaires, le docteur lui remit son ordonnance. Il la remercia chaleureusement et lui souhaita de bonnes fêtes de fin d'année.

A suivre