La porte s'ouvre au milieu de la nuit. J'entends simplement mon père poser ses affaires sur le canapé, dans l'entrée, et retirer sa veste avant qu'il ne m'interpelle.

— Dean ?

Je sais qu'il a vu la porte de la chambre ouverte et qu'il s'y dirige. Ses pas sont lourds et l'agacement commence à monter : je connais cette attitude par cœur.

— Dean, qu'est-ce qui…

Il est à la porte, derrière moi. Mais je ne bouge pas, j'en suis incapable. A la fois, je dois supporter le chagrin, mais en plus, j'appréhende ce moment où mon père se mettra en face de moi et me fera payé ce qu'il s'est passé.

— Où est Sam ?

La question fatidique a été posée, mais je ne réponds pas, essayant au mieux de contenir cette émotion si particulière qui me prend aux tripes. Mais ces pas qui arrivent précipitamment vers moi me figent et quand ses mains se posent sur mes bras, je ne peux le regarder dans les yeux.

— Où est Sam ?

La rage s'entend parfaitement dans sa voix et se ressent dans chacun de ses gestes, et particulièrement dans cette poigne qui me paralyse les bras. Et puis, il me lâche et me gifle aussitôt, ne me laissant aucun instant de répit.

— Je te le redemanderai pas, Dean, où est Sam ?

Sa patience à des limites et elle vient d'en franchir une première. J'inspire et déglutit avant d'ouvrir la bouche.

— Il est parti, je murmure.

— Parti où ?

Je secoue la tête car j'ignore totalement où mon frère est allé. Mon père semble me croire, mais il me gifle une nouvelle fois, sur l'autre joue, ouvrant ma lèvre au passage.

— Je t'avais dis de veiller sur lui ! Tu n'avais qu'un boulot, Dean !

Je retiens les larmes qui menacent de couler à chaque instant et tend ce que je triturai dans la main depuis de nombreuses minutes. Ma main tremble et il prend le papier violemment pour le déplier, manquant de l'arracher. Puis, il le jette sur le lit et part en claquant la porte.

Une larme roule sur la joue tandis que je reprends la lettre écrite par Sam et que je la lisse afin de retirer ces traces de violences laissées par les doigts de mon père. Et pour la énième fois, je relis ces mots en imaginant la voix de mon frère me les dire.

Dean.

Je ne peux pas rester. Une autre vie m'attend, une vie qui n'impliquera pas de chasser des monstres et continuer la quête de papa. Je ne peux pas laisser passer ma chance d'aller à Stanford juste parce que papa l'a décidé. Même si ça signifie devoir te quitter, toi aussi.

Je suis désolé.

Sam.

Une si petite lettre pour un si grand acte. Je ne suis pas en colère contre lui, il a fait son choix et je suis certain que c'est le bon. Fuir cette vie, fuir cette quête folle est ce qu'il y a de mieux pour Sam. Mais je ne peux pas partir. Ma mission est loin d'être terminée.

Je replies la lettre et la mets dans ma poche, celle qui est la plus proche de mon cœur, et me lève. Je dois trouver une enquête. Trouver quelque chose qui nous fera oublier le départ de Sam. Trouver un monstre sur lequel mon père pourra se lâcher plutôt que sur moi.