Bonjour!
Ce jour, le début d'une longue fic (disons pour moi) sur Sherlock Holmes. Elle est largement inspirée principalement des deux films de Guy Ritchie, et pour un cadre plus général, du fabuleux auteur Conan Doyle.
Je suis arrivée sur ce fandom, j'ai lu... et fus terrassée par le talent de certains auteurs dont The Man In The Box dont j'ai eu le privilège de corriger les merveilles et Glasgow qui me ravit par ses écrits. Si vous ne connaissez pas pas, allez les lire, ça vaut le détours.
Aussi, je me suis dit, pourquoi ne pas tenter? Bon, quand j'ai parlé du projet initial, on m'a dit "tu seras OOC!". Damned! Et comme je suis têtue, voire butée, je tente et vous laisse juger.
Je tiens à remercier mes deux complices, Sinasta et Lisen-Chan qui m'ont bien aidée à finaliser tout ceci. C'est presque une fic à 6 mains et ils ont été d'un secours absolu tant pour la cohérence du scénario que pour les recherches qui se sont avérées longues et compliquées. Mes chouchous, je vous remercie tant et plus... et ne me lâchez pas en route, je sens que je vais encore avoir besoin de vous.
Pour toute invraisemblance, ce sera le fait d'un besoin pour l'histoire ou alors de ma parfaite ignorance.
Warning: Texte qui peut comporter des scènes violentes et bien entendu, du yaoï. Considérez-vous comme prévenus.
Bonne lecture!
LA VALSE DES PLEURS
Chapitre 1
Watson avançait le plus vite qu'il le pouvait, appuyé sur sa canne, louvoyant entre la foule londonienne. Sa légère claudication le freinait à peine, il ignorait totalement la douleur engendrée par le fait de forcer ainsi sur sa jambe blessée. Il lui arrivait de bousculer des passants, s'excusant à peine, aveuglé par une rage qui l'empêchait de voir quoi que ce soit autour de lui.
Il ne pouvait le croire!
Impossible!
Impensable!
Il marchait, courant presque, se moquant comme de sa première liquette du crachin qui trempait son veston et plombait la cité sous une chape de gris. Il n'avait pas pris la peine d'enfiler un manteau ni de prendre un parapluie, il se contentait de retenir son chapeau sous les assauts du vent qui soufflait en bourrasques quand il s'engouffrait entre deux rangées d'habitations.
Quelques minutes plus tôt, il avait quitté son bureau, ouvrant la porte à la volée qui s'était écrasée sur le mur dans un fracas assourdissant. Mary s'était précipitée, encore sous le coup de la scène précédente où il avait hurlé, tempêté, posant des questions invraisemblables à elle et leur gouvernante. Puis il s'était à nouveau enfermé dans son domaine avec un paquet qui lui était parvenu tantôt, en silence. Il venait d'en ressortir plusieurs heures plus tard et ne lui avait adressé qu'une vague excuse avant de se ruer au-dehors. Pas une explication, pas un au revoir et son épouse était restée figée, le regardant s'éloigner à grands pas, ne se retournant pas une seule fois pour répondre à ses appels. Il était juste parti, la laissant dans l'angoisse d'une autre funeste nouvelle, ignorant où il pouvait bien se rendre.
Les pavés étaient glissants mais il n'en avait cure. Il allongeait la foulée, pestant dans sa moustache.
« Ah, le sagouin! »
Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait vociféré à haute voix, les passants se retournant sur son passage. Il ne voyait personne, n'entendait rien, totalement tourné vers sa colère. Il écumait.
Il bouscula de l'épaule un homme qui l'invectiva mais au regard que Watson lui lança, il n'insista pas. Ce n'était vraiment pas le moment.
Ses pas le conduisirent jusqu'au 221 B Baker Street, comme avant. Il y avait longtemps qu'il n'était pas venu, évitant de passer devant l'immeuble mais aujourd'hui, c'était différent. Très différent.
Il ouvrit la porte d'entrée, tombant nez à nez avec la gouvernante.
« Docteur Watson, vous voilà! Quelle joie, n'est-ce pas? »
Il faillit s'étrangler à l'entente de ces mots. Il desserra à peine ses mâchoires crispées pour prononcer quelques mots en soulevant son chapeau.
« Bonjour Madame Hudson. Il est là?
- Oui, bien-sûr. Il est...
- Merci! »
Le mot claqua alors qu'il s'élançait déjà dans les escaliers. La gouvernante le regarda monter de son pas précipité, ne s'offusquant aucunement du manque de courtoisie du médecin qui ne lui était pourtant guère familier. Elle sourit, se décidant à aller préparer un peu de thé. Qu'il était bon de voir ses deux locataires aussi pleins d'entrain.
Watson arriva sur le palier, dégoulinant, essoufflé, sa jambe tirant un peu plus alors qu'il l'avait autant malmenée. Pourtant, il eut encore la force de hurler depuis le couloir.
« HOLMES! »
Il tourna la poignée et enfonça pratiquement la porte dans sa hâte. Il fit un pas. Puis se figea.
Le détective était debout au milieu de la pièce, son immonde robe de chambre sur le dos, tenant d'une main sa pipe qu'il fumait nonchalamment. Ses mèches noires étaient comme toujours trop longues, trop ébouriffées. Il lui souriait avec ce regard par en-dessous toujours aussi vif. Le capharnaüm était inchangé, quoi que relativement débarrassé de la poussière, sans doute l'œuvre de Madame Hudson. Rien n'avait changé, ou presque...
« Ah, Watson! Je vous attendais, vous en avez mis un temps! »
Les yeux du médecins se plissèrent sous ses sourcils froncés.
« Holmes...
- Oui mon ami? »
Le logicien souriait, très calme, une lueur moqueuse dans le regard qui n'échappa pas à son vis-à-vis. Watson s'avança lentement, appuyant en grimaçant sur sa jambe qui le faisait souffrir. Mais il n'y prenait garde, ça n'avait aucune importance à ce moment précis.
Il s'arrêta juste devant Holmes qui le regardait de son air suffisant. Supérieur. Et tellement agaçant! Ce dernier daigna ôter sa pipe de sa bouche pour parler mais il n'eut pas le temps de sortir un seul mot qu'un direct du droit du droit l'atteignit en plein visage et le projeta au sol. Il s'écroula sur le parquet, un peu sonné, puis se releva sur un coude en se frottant le menton, une ébauche de sourire au coin de la bouche.
« Pas mal pour un médecin londonien, vous avez fait des progrès. Par contre, je m'attendais à des retrouvailles au peu moins... viriles, surtout de votre part.
- Holmes, vous êtes un sacré salopard!
- Watson, vous vous égarez mon vieux! »
Le médecin faillit s'étouffer de rage. Le dominant de toute sa taille, il le pointait du doigt en hurlant.
« Moi?! Moi, je m'égare?! Me dit l'immonde crapule qui a disparu pendant trois ans! Je vous croyais mort, Holmes!
- Justement, vous devriez être ravi que ce ne soit pas les cas, non? Alors que vous devriez m'embrasser, vous me frappez! »
Watson ne résista pas plus longtemps et se laissa tomber à califourchon sur le détective. Le logicien pensa un bref instant qu'il prenait ses mots au pied de la lettre avant de sentir une poigne douloureuse autour de sa gorge.
« Je vais vous tuer moi-même Holmes! Je vais vous tuer!
- Wat... son... vous... »
Mais le médecin n'écoutait plus, fou de rage. Il serrait de toutes ses forces, le détective accroché à ses poignets qui tentait de le faire lâcher mais c'était peine perdue. Holmes réfléchissait presque malgré lui.
Temps avant de perdre connaissance... moins d'une minute.
Mort par strangulation... inenvisageable, Watson ne me tuerait tout de même pas. Dans le doute...
Tout d'abord, détourner son attention. Son chapeau à portée de main à ma droite, jeté en pleine face.
Puis porter cette même main à son visage et lui mettre le doigt dans l'œil.
Si ça ne suffit pas, crochet du gauche sur son oreille. Perte d'équilibre garantie.
Succès de l'entreprise... 95%.
Risque de rancune éternelle...trop de paramètres pour évaluer.
Holmes lâcha le poignet de son agresseur direction le haut de forme. C'est alors qu'un léger toussotement dans leur dos se fit entendre.
« Messieurs, devrais-je rapporter le thé plus tard? Vous semblez... occupés. »
Watson s'était tourné brusquement vers Madame Hudson au flegme britannique imperturbable. Il rougit, lâchant le cou de son ami et s'affolant de ce que pourrait penser cette bonne dame si respectable alors qu'elle les découvrait dans une position tout à fait... embarrassante. Holmes s'éclaircit la voix en frottant sa gorge douloureuse.
« Grande idée Nounou, je crois qu'un thé nous fera le plus grand bien, pas vrai Watson? »
Le regard de ce dernier revint sur Holmes, toujours allongé sous lui à même le sol. Il ne pouvait toujours pas croire qu'il fut là, ni les réactions qu'il parvenait à provoquer chez lui. Seul ce démon pouvait venir à bout de sa patience légendaire. Holmes le regardait en souriant, semblant attendre une réaction qui ne venait pas. Pour le réveiller, il effectua un léger mouvement de bassin, tout à fait suggestif. Watson cligna plusieurs fois des yeux puis se releva avec difficultés en le fusillant du regard. Il ramassa son couvre-chef et sa canne tombés lors de la joute et les posa sur un guéridon.
« Oui, je le crois aussi. Merci Madame Hudson.
- C'est un plaisir de vous revoir entre ces murs, on dirait que rien n'a changé, vous êtes toujours aussi turbulents.
- Je m'excuse de ma conduite inqualifiable, vous n'auriez pas dû assister à cette scène. »
Holmes qui les regardait tour à tour comme un arbitre de tennis, ne put s'empêcher d'intervenir, l'air faussement outré alors que ses yeux riaient.
« Watson, c'est plutôt à moi que vous devriez faire des excuses.
- Holmes, ne la ramenez pas sinon, je finis ce que j'ai commencé!
- Allons mon ami, asseyez-vous et nous allons rajouter un peu de bourbon dans ce doux breuvage, nous en avons besoin tous les deux. »
Il s'empara du plateau qu'il posa sur la table et remplit deux tasses alors que la gouvernante se retirait, un étrange sourire aux lèvres. Watson le remarqua, même elle, alors que Holmes était sans doute un véritable poison pour elle, était heureuse de le revoir.
Il le regarda faire, ses gestes précis, versant le thé, le noyant d'alcool, avec une sorte de grâce. Watson se demanda un instant si tout ceci était bien réel, alors que chacun prenait place dans son fauteuil, comme avant, comme il y avait si longtemps alors. Ils se dévisagèrent en silence quelques minutes. Puis Watson n'y tint plus.
« Où étiez-vous?
- De ci, de là... aucune importance, je suis revenu.
- Depuis quand? »
La question avait des airs de reproches, et c'était effectivement le cas.
« Presque deux semaines.
- Deux... deux semaines?! Mais pourquoi ne m'avez-vous pas prévenu?
- Je l'ai fait, je n'y peux rien si vous êtes lent, mon vieux.
- Lent, moi?! Alors que ça fait trois ans que vous préparez votre retour? Question lenteur, vous vous posez là! »
Watson s'interrompit un instant, il se sentait plein de rancune.
« Et en plus, vous avez eu le culot d'entrer chez moi, comme un voleur, pour me laisser ce... point d'interrogation! J'ai fait une scène à Mary, j'ai failli renvoyer notre gouvernante, me croyant victime d'une mauvaise blague. Et c'était le cas, sauf que ça venait de vous! »
Holmes put lire toute la déception dans les yeux céruléens du médecin, son incompréhension aussi.
« Je suis rentré Watson, n'est-ce pas là le plus important?
- Pas si vous vous moquez de moi et vous amusez à me torturer, votre absence l'a assez fait pour vous. »
La voix s'était soudain faite murmure, la douleur l'emportant sur la colère et la rancune. Ces années avaient été si difficiles, un manque incommensurable, une présence irremplaçable, une folie... qui avait profondément fait défaut à son quotidien bien huilé, parfait, trop. Il avait sombré dans une mélancolie qu'il s'efforçait de cacher à Mary, il voulait la savoir, la rendre heureuse. Alors, il était devenu le mari rêvé, attentionné. Plus de jeux, ni de sorties nocturnes, un travail à son cabinet seulement dérangé par les quelques urgences médicales. Il voyait à l'occasion Lestrade mais évitait du mieux qu'il le pouvait de parler de ses enquêtes avec lui, ça ne le concernait plus. Avec Holmes, dix ans de sa vie s'étaient envolés, morts avec lui.
Sauf qu'il était là.
Assis dans son fauteuil habituel, lui dans le sien, dans leur salle de vie submergée de papiers, de livres, d'objets hétéroclites. Comme si le temps ne s'était pas écoulé. Et pourtant, son œil de médecin détectait qu'il avait maigri, quelques petites ridules au coin des yeux alors que ses iris d'ambre pétillaient de la même malice.
C'était lui.
Watson se sortit de ses pensées en se concentrant sur la tasse entre ses mains. La chaleur du breuvage ainsi que l'alcool qui lui brûla la gorge le réchauffèrent. Il frissonnait de froid, mais aussi de toutes les émotions contradictoires qui le tenaillaient. Holmes remarquait chaque détail, comme à son habitude. Le silence de son ami, ses mains crispées sur la porcelaine, ces petits monts qui recouvraient sa peau visible, ce tic nerveux au coin de sa bouche, sa difficulté à déglutir, il notait tout. Soudain,il se releva, se dirigeant vers la porte.
« Où... où allez-vous? »
Une simple question mais avec une anxiété dans la voix qui déplut au détective, lui faisant ressentir une culpabilité désagréable. Il savait que leurs retrouvailles seraient épiques, c'était pour cela qu'il avait mis en scène son retour. Il détestait être submergé par les émotions, ces sentiments qui empêchaient l'esprit de fonctionner. Et pourtant, à cet instant, il aimait sentir cette petite boule dans son estomac, cette chaleur en lui, lui qui avait eu si froid en tombant dans cette eau glacée, pendant sa fièvre, tout du long de sa solitude. Le froid. Une sensation détestable qui ne l'avait plus quittée toutes ces années.
« Je reviens immédiatement. »
Watson entendit ses pas dans le couloir aller et revenir, les guettant pour être sûr qu'ils ne disparaissent pas. Mais ce ne fut pas le cas, le détective fut bien vite de retour.
« Watson, enlevez votre veste, vous êtes trempé. »
Le médecin sembla seulement s'en apercevoir. Il se redressa et ôta le vêtement avec la désagréable sensation de linge humide qui résiste. Il le déposa sur le dossier d'une chaise alors que Holmes se postait devant lui et lui posait une serviette sur la tête et le séchait lui-même. Un geste sans réelle douceur, un peu maladroit mais d'une tendresse qui chavira le cœur du docteur. Il aurait souhaité que ça dure toujours, rester à l'abri sous ce bout de tissus, sentir ces doigts vifs effleurer son crâne. Mais bientôt, le linge se retira, ce fut un déchirement. Il se contenta de lisser ses mèches de ses doigts. Holmes était là, devant lui, un air sérieux, une certaine anxiété qu'il tentait de cacher mais Watson le connaissait assez pour ne pas être dupe. Et alors, sans prendre le temps de réfléchir ou de peser ses actes, ses bras s'enroulèrent autour du logicien, son visage contre son cou. Il sentit ce dernier se tendre.
« Watson, vous vous jetez encore sur moi, ça devient une habitude.
- Si vous bougez, je vous casse en deux! »
Holmes ne put s'empêcher de sourire et rendit l'étreinte à son compagnon. Ils n'étaient pas coutumiers de ces gestes d'affection mais en ce moment précis, cette douce chaleur était tout ce qui importait, le froid ne le mordait plus de l'intérieur. Ils restèrent ainsi de longues secondes, savourant un silence juste brisé par leurs respirations, s'emplissant de l'odeur de chacun, sentant le cœur de l'autre battre la chamade.
« Vous m'avez tellement manqué Holmes. »
Des mots murmurés près de son oreille, un souffle chaud sur sa peau et le détective se sentit si bien que les paroles ironiques moururent dans sa bouche.
« Vous aussi Watson, vous aussi. »
Des mots qu'ils ne se disaient jamais, des gestes qu'ils s'interdisaient avant. Mais c'était il y a longtemps, un espace infini où tout était devenu différent. Ils étaient les mêmes tout en ayant changé. Rattraper ce temps volé, s'en donner l'illusion, juste quelques instants, voilà ce à quoi ils aspiraient, tous les deux en symbiose pour quelques secondes. Pas de passé, pas d'avenir, juste le présent.
Ils se séparèrent à regret, un peu gênés l'un l'autre, leurs regards accrochés. Ce trop plein d'émotions était enfin déversé. Ils pouvaient reprendre leurs vies arrêtées trois ans plus tôt. Chacun se réinstalla dans son fauteuil, une habitude qui avait résisté. Holmes bourra sa pipe qu'il alluma aussitôt, prenant le temps d'en savourer une bouffée. Watson était ému de retrouver ces gestes anodins mais qui signifiaient tellement. Les interrogations se bousculaient dans sa tête pourtant, aucune ne semblait vouloir franchir le rempart de ses lèvres, de peur de briser ce moment.
« Vous avez des questions Watson? »
Évidemment, le détective avait deviné. Il savait toujours tout, semblait depuis toujours lire en lui comme dans un livre ouvert alors qu'il restait si énigmatique. Le soulagement des retrouvailles s'estompait, la douleur insidieuse revenait, la déception aussi.
« Pourquoi? Pourquoi m'avoir fait subir ça? »
Holmes lui adressa un regard pénétrant, si sérieux qu'il faisait presque peur. La peur de savoir, celle d'ignorer.
« Je l'ai fait pour vous et Mary. Je me devais de vous protéger et tant que je pouvais agir dans l'ombre, j'avais de meilleures chances de retrouver Moran. Et il m'a fallu tout ce temps pour y parvenir. Je ne pouvais pas risquer de mettre vos vies en danger. »
Watson aurait dû être touché par cette attention, pourtant, ça ne lui amena qu'un goût amer dans la bouche.
« J'ai toujours été celui qui se devait d'assurer vos arrières. Vous m'avez évincé si cruellement. Avez-vous donc si peu confiance en moi?
- Watson! »
Son nom avait claqué, un soupçon de colère le teintant de sombre.
« Vous êtes la seule personne en qui j'ai une confiance aveugle. Mais je suis le détective, vous êtes le médecin. Je ne pouvais pas risquer vos vies encore une fois, votre mariage l'a décidé. J'étais là, dans le train, mais la prochaine fois?
- Vous auriez pu me le dire, je suis capable de garder un secret.
- Non, vous n'auriez pas pu. Vous n'auriez pas pu feindre le deuil, il fallait que ça se passe ainsi. Même cet incapable de Lestrade a compris mes motivations, vous devriez pouvoir le faire, donc.
- Lestrade? Vous avez prévenu Lestrade avant moi? »
Nulle colère ne paraissait de ces mots, juste un crève-cœur sans bornes. Holmes aimait à le faire tourner en bourrique, user sa patience mais là, c'en était trop.
« Seriez-vous jaloux Watson? »
À nouveau, cet air moqueur, cet œil pétillant de malice, ces allusions salaces. Mais le médecin ne se démonta pas. Il y avait eu assez de mensonges.
« Et si c'était le cas?
- Il n'y a toujours eu que vous. Et Lestrade... voyons! Comment pourrais-je dédaigner quelqu'un d'aussi beau que vous pour cet imbécile notoire? Vous n'êtes pas sérieux, Watson! »
Ce dernier ne put s'empêcher de sourire face à cette déclaration qui voulait tout et ne rien dire.
« Cessez votre marivaudage de mauvais goût Holmes et expliquez-moi le pourquoi de toute cette mascarade pour réapparaître. »
Le sourire en coin du détective se réveilla bien vite.
« Je voulais savoir si le mariage ne vous avait pas trop ramolli. Et quelle meilleure preuve qu'une petite énigme? Que vous avez résolue avec brio, bien qu'avec un peu de retard. Au fait, m'avez-vous rapporté mon appareil à oxygène?
- Je ne suis pas votre coursier! Si vous le voulez, vous n'aurez qu'à revenir le récupérer chez moi au cours d'un dîner.
- Un dîner? Chez vous? Avec votre délicieuse épouse? J'ai hâte!
- Pas de sarcasmes, Mary est une hôtesse parfaite et sera ravie de vous accueillir chez nous.
- Ravie? Vous n'exagérez pas un peu? »
Watson ne put s'empêcher de sourire.
« Eh bien, disons qu'elle sera ravie de me faire plaisir, donc vous supportera avec le sourire, j'en suis certain. D'ailleurs, en parlant d'elle, je suis parti précipitamment et elle doit mourir d'inquiétude. Je dois rentrer.
- Non, je l'ai faite prévenir que vous rentreriez tard. Restez un peu. »
Watson se contenta de lui sourire et se renfonça contre son dossier et il reprirent leurs conversations coutumières. Il goûtait ces retrouvailles avec une joie, un légèreté dans le cœur qu'il n'avait pas ressenties depuis des années. Il avait souffert au-delà des mots, il ne pouvait même pas décrire ce néant qui s'était emparé de lui. Les funérailles auprès d'un cercueil vide puis la vie ensuite, qu'il avait fallu reprendre comme si de rien n'était. Une imposture.
S'il n'avait pas eu Mary, il se serait laissé sombrer mais il avait tenu bon, pour elle. Elle le cajolait, le comblait d'une douceur sucrée. Leurs étreintes étaient tendres. Mais parfois, il s'était surpris à lutter contre une fougue farouche alors qu'il la tenait dans ses bras. Il aurait voulu pouvoir décharger sa peine avec une sorte de frénésie. Mais jamais il n'avait cédé à ses instincts, lui donnant l'amour qu'elle méritait. Et lui mentant aussi, car il ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir de paraître mieux sans Holmes. Elle n'avait pas souhaité sa mort bien-sûr mais avait pu difficilement cacher une sorte de soulagement lors de son décès. Elle aimait son mari. Et souvent, elle parvenait à lui faire oublier l'absence cruelle de son meilleur ami, cet homme horripilant, énervant, si intelligent, si imbu de sa personne. Et qui lui avait manqué, autant que si une partie de son âme était partie avec lui. Là, il la retrouvait et se sentait complet. Enfin, il allait être heureux, vraiment heureux.
OOOOooooOOOOooooOOOO
Trois jours plus tard, Holmes se présentait chez eux, ayant accepté le dîner prévu tantôt. Watson avait apprécié son effort vestimentaire, même si ses cheveux d'ébène étaient décoiffés dans un flou artistique digne de lui. Il avait salué Mary d'une gracieuse courbette, baisant sa main avec élégance avant de lui tendre un bouquet de fleurs. Le médecin avait failli s'étrangler de l'attention. Holmes offrant des fleurs qui, comme il aimait à le dire, n'était que choses inutiles dont seule une femme pouvait en apprécier la pauvre valeur. Holmes poli et courtois. Holmes souriant et riant. Aurait-il donc tant changé?
« Dîtes-moi Monsieur Holmes, et qu'allez-vous faire à présent?, demanda Mary de sa voix suave.
- Ma chère, je suis toujours détective. Et face à l'incompétence de Scotland Yard, je me dois d'assurer que leurs résultats repartent à la hausse. »
Non, en fait, il n'avait pas changé.
« Tout le monde s'est parfaitement débrouillé pendant votre absence. Monsieur Lestrade est devenu l'un de nos intimes et je puis vous assurer qu'il résout des enquêtes très difficiles.
- Vraiment? On dirait plutôt un conte de fées. Rien qu'en me rendant à son bureau, jetant un coup d'œil au tableau d'affaires non résolues, j'ai trouvé la solution à deux d'entre elles en quelques secondes.
- Je vous félicite. Cependant, je note que vous n'avez toujours pas le sens de l'humilité. »
Watson se tendit, la conversation allait dégénérer inévitablement au vu de Holmes qui plantait son regard inquisiteur sur son épouse.
« Ma chère, pourquoi faire semblant? Je suis Sherlock Holmes, je suis un génie, ne vous en déplaise.
- Oui, vous l'êtes, je ne saurais vous contredire. Par contre, la bienséance devrait vous obliger à ne pas en faire l'étalage.
- Madame, je suis tout, sauf hypocrite. Je vois tout, je n'y peux rien, c'est dans ma nature. Les énigmes sont ma raison de vivre.
- Alors vous voilà reparti par monts et par vaux pour de nouvelles aventures, ça ne me surprend pas. Sauf que cette fois, il ne faudra pas compter sur mon mari pour vous accompagner. »
Holmes tourna son regard vers lui. Watson le fixa, se souvenant de la dispute avec sa femme à son retour de Baker Street... le lendemain matin. Sous des abords soulagés, elle avait ensuite exigé qu'il ne passe pas tout son temps avec son ami, redoutant moult dangers.
« Ma chérie, ce n'est pas le moment...
- Laissez Watson. Je comprends le souci de votre épouse, croyez-le bien. Et il n'est plus question que je mette votre vie en danger. Je suis resté mort durant trois ans pour cela, il serait stupide de changer de point de vue. Et je ne suis pas stupide. Vous avez votre métier, un foyer et il serait malvenu qu'il vous arrive quelque chose. Je suis le détective, vous restez le médecin. »
Les deux hommes se dévisagèrent un instant. Watson, au fond de lui, avait espéré que Holmes, à son habitude, se ferait un plaisir de la contrarier. Mais il l'évinçait lui-même. Il fut un instant bien rancunier envers sa femme mais il devait bien admettre qu'elle était inquiète et ne pensait qu'à leur bonheur. Donc, il se contenta de sourire et la conversation repartit sur un ton plus badin.
Mais au moment du départ de Holmes, englouti par les ténèbres alors qu'il rentrait chez lui, Watson resta un long moment sur le pallier, guettant son fantôme parmi les ombres jusqu'à seulement l'imaginer. Et il aurait voulu le suivre à cet instant.
'' - Ou c'est de la folie, ou c'est du génie.
- Ce qui est étonnant, c'est que ces deux qualités vont ensemble."
(Pirates des Caraïbes)
(à suivre)
Et voilà le premier chapitre. Rien d'original mais il faut bien planter le décors...
Je me suis dit que trois ans les avaient obligatoirement changés sans qu'ils le soient vraiment et j'ai tenté de faire transparaître l'humour du film. Mais il n'en sera pas toujours comme ça.
Alors, review? échange de bons mots, échange de bons procédés...
