Titre : Ambivalence
Auteur : Skyaraneth
Genre : shonen-aï, dramatique mais je vous rassure, ce n'est pas une death-fic ! ^^
Source : Kingdom Hearts II.
Disclamer : Aucun des personnages ne m'appartient. Ils sont la propriété exclusive de Square Enix.
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Il était sur son lit. Les yeux éteints, recroquevillé sur lui-même, les cheveux hirsutes, ternes, il avait tout de celui pour qui le monde extérieur ne signifiait plus rien. La porte de la chambre s'ouvrit, laissant entrer un des acteurs de cet univers qui lui était désormais totalement indifférent. Il comprit qu'on lui parlait, mais il n'entendit pas ce qu'on lui disait. Les cheveux bruns du visiteur se soulevèrent légèrement lorsqu'il se baissa pour que leurs regards se croisent, semblables. Il n'eut toujours aucune réaction. Ce garçon…il réussit à mettre un nom dessus. Mais cela n'avait aucune importance. Plus rien n'avait d'importance à présent. Sa vie n'était plus rien. Elle avait disparu avec lui. Et c'était lui qui l'avait fait disparaître.
_____________* °§ Ambivalence : Premier Acte §° *_____________
« On raconte que le Monde est double.
Il serait composé de Ténèbres et de Lumière.
Les deux étant indissociables.
Il ne pourrait y avoir de ténèbres sans lumière, et il ne pourrait y avoir de lumière sans ténèbres.
On peut donc en tirer la conclusion suivante :
De la Lumière viendront les Ténèbres, et des Ténèbres viendra la Lumière. »
« -Bien, maintenant que vous avez pris connaissance du texte, votre travail sera… »
Roxas releva la tête et fit craquer son cou ; cela faisait une demi-heure qu'il était penché sur son livre, et il commençait à avoir sérieusement mal à la nuque. Il jeta un coup d'œil à son voisin. Tout comme lui, Riku ne semblait pas particulièrement absorbé par le cours de Théorie Métaphysique, bien que le professeur Zexion ne soit pas spécialement ennuyeux. Il était même un excellent enseignant, mais cela faisait bientôt deux heures et demi que le cours avait commencé, et une certaine fatigue intellectuelle se faisait sentir. Le regard cobalt de Roxas pivota vers la fenêtre tandis que son ami aux cheveux argentés masquait un long bâillement avec sa main. En dessous d'eux, bien en dessous, l'immense cité d'Illusiopolis s'étendait à perte de vue ; le ciel, perpétuellement masqué par des nuages sombres et épais, n'avait véritablement rien de réjouissant, et s'avérait même carrément déprimant.
La forteresse volante de l'Organisation dominait cet ensemble d'une noirceur absolue, et sa blancheur blafarde accentuait l'ambiance sinistre qui régnait dans ce monde constitué presque intégralement de Ténèbres. Et c'était bien pour cela qu'on le leur avait assigné. A eux. Ceux qui représentaient cette partie d'ombre de l'univers. Une partie de leurs cours se déroulait en ce lieu, car il renforçait leurs pouvoirs et leurs aptitudes générales. Ainsi, beaucoup de leurs exercices pratiques s'organisaient dans les innombrables et diverses salles de l'immense château.
Quant aux représentants de cette entité enviée que l'on nommait Lumière, la plupart de leurs enseignements se situaient –du moins d'après la rumeur- dans un monde gorgé de soleil, de chaleur, et de végétation ; il s'agissait d'un petit archipel du nom d'Ile du Destin. De la même manière que pour leurs opposés directs, l'endroit –qu'aucun de ceux de la sombre promotion n'avait vu de sa vie- leur conférait naturellement une certaine facilité à faire usage de leurs capacités.
Roxas repoussa une de ses mèches blondes qui avait la fâcheuse habitude de venir en partie obstruer sa vue. Illusiopolis et l'Ile du Destin. Le monde de l'illusion confronté à celui de la destinée. Quelque part, il se demandait si les deux n'étaient pas semblables. Après tout, malgré leur opposition radicale, ils faisaient partie et constituaient tout de même un tout plus grand. Du moins en avait-il la conviction.
Il n'avait jamais compris pourquoi les élèves des deux promotions étaient strictement tenus de rester l'écart les uns des autres afin d'éviter tout contact. La raison officielle avançait que si tel était le cas, c'était « dans l'intérêt de préserver l'intégrité de l'établissement ». «Foutaises ». Cela avait été le premier mot qui lui avait traversé l'esprit à la lecture de ces boniments plus administratifs que réalistes.
Lorsque la sinistre sonnerie du bâtiment se fit entendre, lugubre à souhait, la grande majorité des élèves se leva en vitesse, les affaires à moitié rangées –si on pouvait qualifier d'un tel verbe le chaos de cahiers et de stylos qui composait la plupart desdites affaires- et le sac encore ouvert ; tous se dirigèrent vers la porte de la classe comme si celle-ci constituait leur ultime retranchement en période de siège. Roxas prit le temps de s'étirer longuement avant de se lever, attraper son sac par terre et le poser sur la table, tandis que Riku s'accordait un dernier bâillement avant de s'étirer à son tour. Tous deux rangèrent leur cours et leur trousse calmement, sans se presser ; une fois leur bagage sur le dos, ils poussèrent correctement leur chaise contre la table en évitant de faire racler les pieds, le bruit que produisait un tel geste étant proscrit par leurs tympans habitués au calme et au silence. Comme de coutume, ils étaient les derniers, et le professeur Zexion attendait patiemment de l'autre côté de l'embrasure de la porte qu'ils aient franchi cette dernière pour pouvoir fermer la salle à clé. Arrivés dans le couloir, ils le saluèrent d'un léger hochement de tête, qu'il leur rendit avant de s'éloigner vers la salle des professeurs, à l'autre bout du bâtiment.
« -Salut, vous deux ! »
Tous deux se tournèrent vers une jeune fille blonde, en robe blanche, adossée au mur du couloir : un sourire aimable éclairait son visage d'une pâleur presque floue car irradiant lui aussi d'une sorte de luminosité indéfinissable ; elle les saluait d'un léger signe de main, amical. Les deux étudiants lui rendirent son sourire avant de la rejoindre.
« -Salut, Naminé. Ton cours de dessin s'est bien passé ? demanda Roxas.
-Très bien ! Même si le professeur Marluxia est exigeant…
-Bah, avec ton talent, tu ne devrais pas avoir à le craindre, commenta Riku.
-C'est vrai qu'il n'a jamais grand-chose à reprocher à mes croquis, fit la jeune fille, pensive.
-Bon, c'est très bien tout ça, mais qu'attendons-nous pour aller manger ? la coupa Riku, ce qui lui valut un regard réprobateur de Roxas, qu'il ignora.
-A cette heure-ci, cela risque d'être assez compliqué : c'est le premier service, donc on aura affaire à la médiocrité morfalienne de la très grande majorité des élèves. Or, me retrouver couvert de bleus suite à une bousculade stupide et sans intérêt dans les escaliers que l'administration refuse d'élargir –par avarice bien sûr ; ça coûte beaucoup moins cher d'appeler les services de soins d'urgence- n'est pas vraiment une de mes priorités aujourd'hui…
-…ce qui revient à dire « on attend ».
-J'aime ton art de résumer les choses, Riku.
-…et il ose être sarcastique après le roman qu'il vient de nous sortir. »
Le trio se dirigea donc vers le seul endroit répondant relativement bien à leurs attentes de calme et de tranquillité : la bibliothèque. Ils ne mirent pas moins d'une bonne dizaine de minutes pour atteindre la grande porte blanche un peu plus grande que les autres qui en marquait l'entrée. Les couloirs, larges, longs, sans fenêtres et pour la plupart d'un vide quelque peu inquiétant, ne les avaient pas poussés à presser le pas, car y étant habitués. Ils poussèrent les lourds battants pour déboucher sur un couloir transversal où des étagères pour poser les sacs masquaient en partie les murs. Ils les ornèrent des leurs en remarquant qu'ils étaient fort peu nombreux, ce qui était normal à cette heure-ci. Roxas sourit de satisfaction : moins il y avait de monde, mieux il se portait. Il attendit ses compagnons qui prenaient, pour l'un, sa trousse et son classeur d'Histoire des Eléments, pour l'autre, son carnet à dessin et ses crayons de couleur ; lui n'avait besoin de rien puisqu'il avait décidé de s'octroyer une petite heure de lecture. Et puis il en avait assez d'avoir toujours quelque chose à se trimballer. Lorsque chacun eut pris ce dont il avait besoin, ils entrèrent dans la grande salle rectangulaire, aux murs tout aussi blancs que les autres, mais agrémentés de longues et solides étagères remplies d'ouvrages tous plus hétéroclites les uns que les autres. Roxas se mit en quête d'un titre intéressant parmi ces derniers pendant que ses amis s'installaient à une table à l'écart, derrière une étagère abritant des dictionnaires, pour avoir un maximum d'intimité.
Les immenses étagères en bois avaient toujours exercé une certaine fascination sur Roxas : tout ce savoir réuni en un seul lieu, c'était tout bonnement extraordinaire ; mais le plus attrayant consistait en le fait de savoir qu'une telle richesse était à portée de main, ou plutôt d'esprit. L'étudiant s'enfonça sans hésitation dans les allées, parcourant chaque rayonnage de son regard céruléen dont seule la concentration de la recherche pouvait expliquer l'intensité. Alors qu'il atteignait l'avant-dernier rempart de ce dédale de savoir, le dos d'un de ses précieux locataires attira l'attention de notre apprenti Thésée, qui s'approcha. Ses fins sourcils se froncèrent lorsqu'il découvrit que le livre en question n'avait pas de titre. Il l'extraya de la rangée. Toujours pas de nom. Ni sur le dos, ni sur la couverture. Etrange. Il souleva la couverture de cuir noir. La première page était vierge. Il la tourna. Toujours rien. Son scepticisme s'accentua mais il enchaîna. La troisième page lui révéla un unique texte de quatre paragraphes, parfaitement centrés au milieu de la page.
« Jadis, la paix régnait et les peuples vivaient dans la chaleur et la Lumière.
Tout le monde aimait la Lumière.
Mais les gens ont commencé à se battre pour se l'approprier.
Et les Ténèbres sont apparues dans leurs cœurs.
Elles se sont propagées, engloutissant la Lumière et nombre de cœurs.
Elles recouvrirent tout, et le monde disparut.
Mais des fragments de lumière avaient survécu dans le cœur des enfants.
Grâce à ces fragments, les enfants ont pu reconstruire le monde disparu.
C'est le monde dans lequel nous vivons.
Mais la vraie lumière sommeille,
Cachée au plus profond des Ténèbres.
C'est pour cela que le monde s'est retrouvé divisé...
En de nombreux petits mondes.
Mais un jour, la porte qui mène au cœur des Ténèbres s'ouvrira...
Et la vraie Lumière reviendra.
Souviens-toi, mon enfant,
Même plongée au cœur des Ténèbres...
Il y aura toujours une lumière pour te guider.
Crois en la Lumière et les Ténèbres ne pourront jamais te vaincre.
Ton cœur rayonnera de son pouvoir et repoussera les Ténèbres. »
Tout en se demandant qui pouvait être l'auteur d'un tel texte, Roxas sentit affluer, comme un léger courant, un amalgame de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres, mais ces entrelacs de paradoxes se retrouvaient à l'unisson dans une osmose emplie de mouvements, doux, imperceptibles et indicibles, pareils à celui d'une onde à la surface de l'eau, engeance du souffle caressant d'une légère brise. La sensation se dissipa aussi rapidement qu'elle était apparue. Il resta immobile un instant, essayant de ressentir ne serait-ce que les quelques relents de l'étrange ruisseau afin de pouvoir mettre un nom dessus. En vain. Tout avait disparu et ne semblait d'ailleurs n'avoir jamais existé. Un effet dû à son imagination ? Il y avait de grandes chances. Mais dans ce cas, pourquoi cela s'était-il manifesté juste au moment où il avait baissé son regard sur ce mystérieux texte ? Sachant qu'il s'avérait inutile de se poser des questions ainsi, il préféra reléguer l'indescriptible phénomène intérieur au second plan dans son esprit, et il reposa le livre là où il l'avait trouvé. Ne s'attardant pas plus longtemps, il décida d'aller rejoindre ses amis qui devaient s'être installés à la table habituelle afin d'éviter au mieux les bavardages et chuchotements intempestifs ou autres nuisances sonores qui, avant de nuire à leur concentration, faisaient vibrer très désagréablement leurs tympans.
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En rentrant au dortoir ce soir-là, Roxas et Riku eurent la mauvaise surprise de découvrir que leurs affaires avaient disparu de la chambre qu'ils partageaient à deux. Les lits étaient dans le même état qu'ils les avaient trouvés à leur arrivée la veille de la rentrée, c'est-à-dire complètement défaits et sans draps. Roxas eut un claquement de langue agacé pendant que Riku fronçait les sourcils. S'il s'agissait d'une plaisanterie, elle était d'un extrême mauvais goût. Ils tournèrent les talons après avoir eu la confirmation qu'aucune de leurs affaires n'avait été délaissée ou oubliée. Non. On leur avait tout pris. Ils descendirent calmement les marches de l'escalier qui menait au rez-de-chaussée, là où se trouvaient l'administration et l'accueil. Ils eurent la stupéfaction de tomber sur leur professeur de Théorie Métaphysique qui semblait les attendre : les bras croisés, l'air toujours aussi calme et stoïque, il tournait lentement la tête à droite et à gauche, attitude révélatrice du fait de chercher quelque chose –ou quelqu'un. Il arrêta son manège lorsque son regard les accrocha, leur donnant la confirmation que c'était eux qu'il cherchait en particulier, et personne d'autre.
« -Professeur Zexion ? Que faites-vous ici ? s'enquit Roxas en s'avançant vers lui.
-Je suis venu vous chercher, répondit-il de sa voix grave et profonde en le regardant. »
Le froncement de sourcils de Riku s'accentua tandis que Roxas haussa un des siens.
« -Nous chercher ? répéta l'argenté, qui était d'un tempérament particulièrement méfiant.
-Oui. Vous êtes les derniers.
-Les derniers à quoi ? s'impatienta Roxas qui n'aimait pas tourner autour du pot.
-Les derniers à ne pas avoir été transférés. »
Les deux étudiants se figèrent. Qu'est-ce que c'était que cette histoire de transfert dont ils n'avaient jamais entendu parler ?
« -Transférés ? Transférés où ?
-A la Forteresse Oubliée. »
Chacun réprima un sursaut.
« -La Forteresse Oubliée ? Je croyais que suite à l'effondrement presque intégral du château, ce monde avait été complètement abandonné ! s'écria Riku.
-C'est exact, confirma son professeur toujours aussi peu expressif. Mais il a été réaménagé récemment sur décision du directeur et est maintenant fin prêt à vous accueillir.
-Je ne comprends pas, intervint Roxas. Pourquoi cette soudaine décision de nous faire déménager ? Y aurait-il eu un problème quelque part ? »
A son grand étonnement, Zexion soupira. C'était la première fois qu'ils le voyaient avoir une réaction si…une réaction (tout court).
« -Vous connaissant, je sais qu'il serait inutile de vous le cacher plus longtemps, déclara t-il d'un ton las. »
Les deux adolescents se regardèrent, confus mais sceptiques. Leur professeur releva la tête et les fixa.
« -Le directeur a décidé la réunification des deux promotions. Vous allez donc, à partir de demain, partager vos activités en commun avec les étudiants de l'Ile du Destin qui feront dorénavant partie de votre quotidien, à commencer par le partage des chambres. »
Il se passa un instant avant qu'une quelconque réaction ne se manifeste.
« -Quoi ?! s'exclama Riku. Vous voulez dire que nous devrons partager notre chambre avec un parfait inconnu ?!
-Dans un premier temps. Ce n'est qu'au fil du temps que vous apprendrez à vous connaître, bien évidemment.
-Mais…
-Calme-toi, Riku. Cela ne sert à rien de s'énerver, le coupa Roxas d'un ton calme mais autoritaire. »
Il regarda son professeur.
« -Pourquoi ne pas nous avoir prévenus avant ?
-Pour éviter tout risque de protestation ou de tentative d'esquive. Vous connaissez les élèves de votre promotion. Et vous savez parfaitement ce dont ils sont capables. Vous les premiers.
-…je comprends. Et cela explique le vide de notre chambre.
-En effet. J'ai pris la liberté de faire transporter vos affaires dans vos nouveaux logements durant votre absence. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
-Tout dépendra de l'état dans lequel je les retrouverai, maugréa Riku qui ne digérait pas très bien la nouvelle. »
Roxas eut un léger sourire. L'argenté était toujours fidèle à lui-même.
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« -J'espère pour le professeur Zexion que tout s'est passé correctement, grogna de nouveau Riku, que la perspective de devoir partager sa chambre avec quelqu'un qu'il n'avait jamais vu n'enchantait guère. »
Roxas leva les yeux au ciel. Ils avaient emprunté un passage inter dimensionnel spécial ouvert par l'enseignant et s'étaient retrouvés au seuil de l'immense construction de pierre ; la forteresse, parsemée de gravures sur les lourdes portes de bois sombre, regorgeait de statues, de bas-reliefs et de gargouilles qui saluaient de leur rictus grimaçant les visiteurs qui osaient lever les yeux vers elles. Elle disposait d'un nombre indéfinissable de tours, la plus importante se situant, en toute logique, au centre du cercle qu'elles formaient. Les remparts, d'une hauteur impressionnante, n'avaient pas l'air d'avoir subis les assauts du temps ; ils apprirent plus tard qu'ils avaient été la seule partie du château qui n'avait pas eu besoin d'être restaurée. Un léger coup d'œil successivement à droite et à gauche leur suffit pour constater que le lieu avait même bénéficié d'un aménagement floral particulièrement fourni : des plantes, des arbres tous plus verdoyants les uns que les autres, conféraient à l'endroit une allure étonnamment exotique, image sûrement accentuée par l'omniprésence de fontaines et de bassins un peu partout sur le site, comme ils le découvriraient en entrant. Ayant pénétré dans l'imposante demeure, les remparts franchis, ils débouchèrent presque immédiatement sur un chemin de pierre bordé de rambardes érigées dans le même matériau ; suspendu au-dessus du vide qui accueillait en ses profondeurs le chant cristallin de cascades claires et fraîches engendrées par les parois de granit qui encerclaient l'ensemble, il bénéficiait de l'esthétique que lui apportaient les reflets de l'eau par les jeux de la lumière sur la surface transparente. Ce pont suspendu au-dessus des flots ne donna cependant pas aux deux nouveaux arrivants un avant-goût suffisamment prononcé de ce qui les attendait, et leurs yeux s'agrandir irrémédiablement à la vue de ce qu'ils appelleraient plus tard « le Jardin Radieux » : après avoir traversé un second rempart par une porte –qui arborait également une herse comme Roxas put le remarquer- de bois lourd, ils parcoururent une sorte de couloir extérieur au plafond en ogive, supporté par de fins piliers d'ébène qui prolongeaient les lignes de l'architecture gothique et s'alignaient le long du côté droit du large chemin. Taillés en spirales, gracieuses, souples, chacun semblait à la fois vouloir atteindre le ciel et s'enfoncer au plus profond de la terre en un mouvement régulier, permanent ; ils tournaient sur eux-mêmes à l'instar des planètes qui suivaient dans le même temps la route astrale de leur orbite. Du côté gauche du chemin s'érigeait le mur de la tour centrale, et ce tout au long du couloir, de telle sorte qu'un unique côté de celui-ci s'ouvrait sur l'extérieur.
Cet extérieur, explosant de couleurs, de lumière, prenait forme en un jardin si grand qu'on n'en voyait pas les limites. Limites que l'on ne pouvait définir de toute façon, car étant masquées par les irrégularités du terrain composé de petites buttes arrondies formant comme des collines de moindre taille et où siégeait parfois un de ces grands saules pleureurs à la chevelure abondante et fluide, rideau végétal se balançant doucement au gré du vent. Ces vagues de verdure s'agrémentaient de véritables myriades de taches colorées que l'on distinguait en se rapprochant comme étant de simples parterres de fleurs flamboyantes de beauté : leurs pétales semblaient tellement gorgés de pigments qu'ils donnaient l'impression d'en marquer ce qui les aurait touchés. Il y avait là également une diversité d'espèces qui ajoutaient un charme quelque peu surprenant à l'ornementation ; les adolescents remarquèrent que les parterres étaient disposés en cercles concentriques, chacun se composant d'une variété de fleur : des roses rouges et blanches suivaient harmonieusement la régularité du couloir qu'ils empruntaient, puis venaient des lilas mauves, suivis d'amaryllis jaunes, elles-mêmes agrémentées de digitales pourpres…et ce jusqu'au centre du jardin où, entourée de grands pruniers blancs en pleine floraison, trônait la magnificence d'une fontaine hexagonale de marbre noir. La statue à la source des jets d'eau qui permettait à la construction d'égrener les notes de la mélodie aqueuse devait faire dans les trois mètres de hauteur : de la même matière que son support, elle représentait une sorte de double porte sans poignée, gravée ça et là de vitraux en losange qui laissaient passer la lumière; en s'approchant davantage on découvrait qu'il s'agissait en réalité de verre coloré, minutieusement adapté à la forme qui lui avait été assignée. La sculpture se voyait rehaussée d'un cœur couronné, serti de pierres précieuses aux extrémités des trois branches qui composaient le diadème : une topaze dorée à gauche, un diamant au milieu, et un grenat couleur sang à droite. De chacune des branches naissait une petite cascade, instrument indispensable à la symphonie permanente que diffusait l'ornement. Et, accompagnant les nouveaux venus tout au long de leur découverte, flottant dans l'air avec une puissance musquée et prenante, le mélange suave et entêtant du parfum qu'exhalait cette flore aussi diverse qu'abondante semblait vouloir imprégner jusqu'à leurs vêtements.
Inhalant profondément ces odeurs qu'il découvrait pour la première fois de sa vie, Roxas se dit que ce jardin respirait la vie ; il en avait les couleurs, la saveur, l'odeur… Même si au final il ne s'agissait que d'une parure joliment mise en scène.
Lorsqu'ils arrivèrent au pied d'une des tours extérieures qui constituait à présent leur nouveau dortoir, ils se mirent en quête de leur chambre, chacun ayant à la main la clé avec le numéro correspondant gravé dessus.
« -Tu es à quelle chambre ? demanda Roxas à Riku en franchissant la porte du hall au sol de pierre recouvert d'un large tapis rouge qui serpentait sur les escaliers en colimaçon, au centre de la pièce circulaire.
-La numéro huit, répondit l'argenté en baissant les yeux sur le petit objet argenté. Et toi ?
-La treize, dit-il en s'exécutant à son tour. »
Ils s'arrêtèrent au pied de l'impressionnante spirale de marches de bois.
« -C'est quel étage à ton avis ? voulut s'informer Riku.
-Eh bien, cela dépend de la logique qu'ils ont adoptée pour organiser la répartition numérique ; soit les chambres ont été numérotées dans l'ordre croissant, soit dans l'ordre décroissant. Donc nous devrions nous retrouver, d'après les numéros que l'on nous a assignés, soit tout en haut, soit tout en bas. Nous verrons ça en montant.
-…ça me paraît logique.
-Bien sûr que ça l'est. »
Ils traversèrent le rez-de-chaussée aménagé d'un salon avec cheminée, moquette pourpre et sombre, larges et confortables fauteuils de velours indigo agrémentés d'un mobilier essentiellement en bois, composé de tables, de chaises et de porte-manteaux ; l'endroit était accueillant, chaleureux, comme une bulle d'intimité où tout relâchement ne passerait pas pour un manque de tenue ou de respect. Revenus à l'escalier, ils commencèrent leur lente ascension pour constater, une fois le premier étage atteint, que les numéros allaient en croissant. Roxas se retint de pousser un soupir fatigué : il venait de se souvenir que les chambres étaient au nombre de treize, et qu'évidemment, on lui avait assigné la dernière. Celle tout en haut de la tour. Rien que de penser à toutes ces marches qu'il allait devoir gravir et descendre chaque jour un nombre incalculable de fois suffit à réveiller les tendances apathiques sommeillant en chaque homme et qui, chez lui, ne se manifestaient que rarement. Non pas qu'il soit débordant d'énergie, loin de là, mais il possédait assez de volonté pour pouvoir se dispenser d'une paresse excessive et purement capricieuse.
Chaque étage se séparait en deux chambres, lesquelles disposaient de leurs propres toilettes et salles de bain ; le premier étage accueillait la chambre numéro un et celle du professeur surveillant, lequel n'était autre que Zexion, ce qui du reste ne les étonnait pas et leur convenait parfaitement. La tour se composait de sept étages, Riku ayant sa chambre au cinquième et Roxas au septième, le dernier. Ayant gravi ce qu'il restait des marches pour arriver au niveau de Riku, ils se séparèrent, ce dernier s'apprêtant à faire connaissance avec son nouveau compagnon de chambre.
« -On se retrouve plus tard, dit-il à son ami avant de se diriger vers la première porte à droite qu'il ouvrit après l'avoir gratifié d'un petit signe de main.
-Très bien. »
Roxas se résigna à monter les deux étages restants en essayant de ne pas trop cogiter sur ce qui pouvait bien l'attendre ; il n'était pas du genre à se faire des films. Arrivé à destination, il s'enfonça dans le large couloir, son but étant la seconde porte, au fond, marquée du numéro 13 en noir. Il se décida à entrer après s'être octroyé un dernier soupir résigné ; il s'apprêtait à poser la main sur la poignée d'argent lorsque celle-ci se mit à tourner toute seule, mouvement suivi par la porte une demi-seconde plus tard.
Il se retrouva nez-à-nez avec un garçon qu'il prit tout d'abord pour une créature ayant la faculté de prendre l'apparence de n'importe qui, appelée doppelganger : il avait exactement le même visage que lui. Les mêmes yeux d'un cobalt céleste, actuellement écarquillés. Sa surprise passée, il put alors remarquer les épis chocolat désordonnés qui pointaient dans diverses directions et constituaient sa chevelure. Finalement il y avait une différence.
« -Wah ! s'écria le garçon, manquant de le faire sursauter. Tu m'as fait peur !
-…désolé. »
Reprenant le contrôle de ses émotions, Roxas le détailla : son visage qu'il avait d'abord cru exactement similaire au sien arborait en réalité quelques variances plus douces dans ses courbes, rendant ses traits plus enfantins ; ses iris à l'instar des siens ne se différenciaient pas par leur couleur, exemptée de toute variation de ton, mais par ce qu'on pouvait y déceler. Un éclat clair et permanent, une petite lumière pure que l'on distinguait parfois au fond des prunelles des personnes dénuées d'arrière-pensées ; sans doute devait-il en faire partie. Cette « lueur de l'âme » s'accompagnait d'un scintillement plus net, plus concret : une discrète manifestation du sentiment joyeux et énergique qui le caractérisait à longueur de temps, comme put s'en rendre compte le blond par la suite.
Le brun lui adressa un sourire gêné et passa un bras derrière sa tête pour se gratter nerveusement. Un tic, sans doute.
« -Tu dois être mon nouveau compagnon de chambre, non ? demanda t-il, embarrassé.
-…je suppose que oui, répondit calmement Roxas. »
L'adolescent délaissa sa tête, le regarda un moment, puis un sourire radieux illumina son visage.
« -Dans ce cas, enchanté ! dit-il joyeusement en lui tendant la main. Je m'appelle Sora !
-Roxas, se présenta l'étudiant fraîchement arrivé en prenant la main tendue. Ravi de faire ta connaissance, Sora. »
Celui-ci lui serra chaleureusement la main avant de le lâcher et de se mettre sur le côté pour le laisser entrer, ce que fit Roxas sans plus attendre. Il découvrit une chambre spacieuse, avec deux lits à baldaquin en partie masqués par de longs rideaux transparents, couleur de nuit ; le sol, composé de parquet, dégageait une légère chaleur, agrémentant la pièce d'une atmosphère agréable et reposante. Il trouva ses affaires à côté du lit du fond, celui près de la porte-fenêtre derrière laquelle il devina un balcon.
Comparé à leur ancien dortoir, la différence était plus que flagrante ; il se serait cru dans une de ces suites que certains de ses professeurs louaient parfois pour leur propre confort lors des rares sorties qu'ils avaient faites dans l'immense cité d'Illusiopolis.
« -Je n'ai pas osé m'installer avant ton arrivée, retentit bientôt la voix claire de Sora. J'ai pensé que ce serait plus sympa de te laisser choisir où tu voulais t'installer, déclara t-il avec un léger sourire. »
Roxas ne put s'empêcher d'en esquisser un à son tour ; cela faisait à peine cinq minutes qu'ils avaient fait connaissance, et il commençait déjà à apprécier son nouveau colocataire.
« -Merci. Vu qu'on a installé mes affaires à côté du lit du fond, je vais prendre celui-là, si cela ne te dérange pas ; je n'ai pas vraiment envie de déplacer un poids sans doute supérieur au mien, si tu vois ce que je veux dire… »
Sora éclata de rire, un rire agréable, spontané, naturel.
« -Je suis content, déclara t-il en reprenant son souffle, après tout ce qu'on m'avait dit sur ta promotion, j'avais…un peu peur de découvrir sur qui j'étais tombé…Mais je suis rassuré maintenant que je te vois ; tu es beaucoup moins effrayant que ce que je m'imaginais. »
Roxas haussa un sourcil.
« -Et qu'est-ce que tu t'imaginais ?
-Eh bien…une personne froide, qui montre jamais ses sentiments, avec un regard du genre « je vais te tuer si tu oses me parler misérable larve »…
-…le type avec une aura noire terrifiante qui tient les autres à distance ?
-Heu ben…oui, avoua t-il, presque honteux. Mais le prend pas mal, hein ! s'écria t-il brusquement en agitant ses mains en signe de démenti. T'es pas du tout comme ça !
-…disons plutôt que je ne le suis pas tout le temps.
-Quoi ?
-Non, rien. Je me demande sur quoi tu as fondé une telle image.
-Ben…sur l'Ile, tout le monde disait que ceux d'Illusiopolis étaient des types effrayants, superpuissants et…méchants, finit-il avec une toute petite voix et en baissant la tête. »
L'étudiant blond l'observa un instant avant de s'avancer vers lui, lever la main et la poser, étrangement, sur sa tête. Sora était de ces personnes franches et honnêtes qui faisaient surgir du fond de vous une attitude protectrice qu'on ne pouvait pas forcément expliquer. Roxas avait très rapidement compris que l'adolescent n'avait jamais ne serait-ce qu'envisagé le fait de faire des manières ; ses paroles et ses actes se déroulaient sur l'instant, à la fréquence que lui dictaient ses émotions, et se poser des questions sur ce qu'il devait faire ou ne pas faire avant chaque prise de décision ne devait certainement pas lui arriver très souvent, caractère représentatif d'une naïveté à toute épreuve et surtout à double tranchant. Mais Roxas veillerait à ce qu'un seul d'entre eux n'entre en faction, à présent. C'était plus fort que lui, il aimait bien ce garçon à la personnalité si…lumineuse. Il ne venait pas de l'Ile du Destin pour rien.
« -Même si tu ne me connais pas encore, penses-tu que je sois méchant ? »
Le jeune garçon secoua la tête en signe de négation. Roxas eut un léger sourire.
« -Tu sais, tous ceux d'Illusiopolis ne sont pas tous méchants, tout comme ceux de l'Ile du Destin ne sont pas tous gentils. Du moins, je ne le pense pas.
-Non, ils sont pas tous sympas…, appuya Sora d'un ton signifiant qu'il en savait quelque chose. »
Roxas retira doucement sa main des cheveux chocolat.
« -Tu vois. Appartenir à la Lumière ou aux Ténèbres ne veut absolument rien dire ; ce sont certes, des entités diamétralement opposées, mais pas incompatibles, du moins, à mon avis. Et « Lumière » ne signifie pas forcément « Bien », comme « Ténèbres » ne signifie pas forcément « Mal ». Sinon je ne vois pas pourquoi on emploierait quatre mots différents pour désigner toutes ces notions. Tu comprends ce que je veux dire ? »
Le brun acquiesça avant d'esquisser un sourire lumineux. Son compagnon blond leva une nouvelle fois sa main et tapota gentiment la tête de son vis-à-vis.
« -Allez, rangeons nos affaires ; plus vite ce sera fait, plus vite on sera libre de faire ce qu'on veut.
-D'accord ! fit Sora avec un enthousiasme quelque peu surprenant, surtout en sachant que l'activité de ranger constituait davantage une corvée pour le commun des mortels qu'une partie de plaisir. »
Ils mirent environ une heure pour venir à bout des piles de vêtements qu'ils avaient étalées sur leurs lits respectifs afin d'avoir une vue d'ensemble sur la manière de classer tout ça dans leurs armoires à portes coulissantes. Heure durant laquelle le brun manqua par trois fois de se coincer les doigts dans lesdites portes en trébuchant sur une de ses paires de chaussures qu'il avait éparpillées un peu partout autour de son lit ; cette étrange collection suscita un intérêt assez dubitatif chez l'étudiant d'Illusiopolis qui n'avait jamais compris l'utilité de disposer d'une telle armada, habitude qu'avaient souvent les représentantes de la gent féminine cela dit en passant. Il ne se souvenait pourtant pas avoir vu autant de…spécimens dans la chambre de Naminé la seule fois où il y était entré pour lui rapporter un cahier qu'elle lui avait prêté. Enfin, chacun avait ses manies…N'ayant pas un nombre conséquent d'affaires à ranger, Roxas finit par aller donner un coup de main à son nouveau compagnon de chambre qui en définitive ne semblait pas posséder de don particulier pour l'organisation…
« -Sora, pourquoi as-tu autant de paires de chaussures ?
-C'est parce que je les use vite, évidemment ! Pas toi ?
-Pas spécialement…tu mets combien de temps pour les user ?
-Oh, deux ou trois mois, pourquoi ?
-…je vois.
-Bah…ça me paraît normal.
-Je mets plusieurs années pour user une paire.
-Ca par contre c'est pas normal !
-… »
Une fois leur tache accomplie, ils s'affalèrent sur leur lit pour souffler un peu. Roxas eut une pensée pour Riku ; il se demandait si cela s'était aussi bien passé de son côté, question dont la réponse devait très fortement dépendre du tempérament de son nouveau compagnon de chambrée…et de l'état dans lequel il avait retrouvé ses affaires. L'argenté était une personne calme et posée qui n'appréciait pas d'être dérangé dans ses habitudes, aussi ce changement de mode de vie avait tout pour lui déplaire : un nouveau colocataire qu'il n'avait jamais vu, une nouvelle chambre, un nouveau lieu de travail… Il se rappela alors qu'ils s'étaient donné rendez-vous et il se serait sans doute redressé brusquement sur son lit s'il n'avait pas été coupé dans son élan par le cri que poussa Sora une fraction de seconde avant. Cri qui lui arracha un violent sursaut.
« -Mince ! J'ai complètement oublié de rejoindre les autres ! avait fait celui-ci en sautant sur ses pieds et en se prenant la tête entre les mains. »
Il se tourna vivement vers Roxas.
« -Mais au fait ! Ca te dirait de rencontrer mes amis ? Je suis sûr qu'ils seront très contents de faire ta connaissance ! proposa t-il, soudainement joyeux.
-Pourquoi pas ? Et puis, moi aussi je devais rejoindre un ami, alors autant y aller ensemble, répondit posément le blond.
-Super ! s'écria l'adolescent. »
Il avait vraiment des réactions de gamin parfois…
Ils sortirent et fermèrent la porte avec la clé de Sora, puis traversèrent le couloir avant de commencer à descendre les escaliers.
« -Tu devais les attendre à quel étage ? demanda Roxas.
-Le cinquième…je crois.
-Ca tombe bien ; moi aussi.
-C'est vrai ? Si ça se trouve, ils sont dans la même chambre eux aussi ! dit le brun en riant.
-Ce serait assez amusant, en effet… »
Ils étaient sur le point de déboucher sur l'étage convoité quand ils perçurent deux voix distinctes tenir une conversation quelque peu…animée.
« -…donc si j'ai bien compris, d'après toi, s'ils ne sont pas là c'est parce qu'ils auraient été kidnappés par l'esprit maléfique qui hante la tour.
-Exactement !
-C'est l'excuse la plus stupide qu'il m'ait jamais été donné d'entendre pour justifier un retard. »
Roxas reconnut la voix de Riku en cette dernière réplique. Ils passèrent le dernier tournant pour découvrir l'argenté en compagnie d'un grand escogriffe dont la première caractéristique visible fut sa chevelure, composée d'innombrables longs épis tirés en arrière, d'un rouge flamboyant. Deux émeraudes espiègles se posèrent sur les nouveaux arrivants lorsqu'il releva la tête pour les regarder, tandis qu'un sourire à la fois malicieux et moqueur étirait ses lèvres. Ses moindres mouvements, même parmi les plus imperceptibles comme celui de tourner légèrement le regard dans leur direction, se faisaient en souplesse, avec une aisance d'un naturel pourtant si flagrant qu'elle en devenait presque surnaturelle ; sa stature haute, sa morphologie, si particulière avec cette intense impression de maîtrise qui s'en dégageait, ses membres que l'on devinait étrangement fins et forts, sa silhouette élancée et semblant pouvoir s'adapter à n'importe quelle position adoptée dans la vie courante avec un charme si évident qu'il en devenait irrésistible…Toutes ces anecdotes comportementales n'auraient jamais du sauter autant aux yeux de Roxas lorsque l'escogriffe en question entra dans son champ de vision pour la première fois de sa vie. Riku, qui était de dos et ayant donc vu la réaction du roux à leur arrivée, se retourna alors dans un mouvement rapide mais pas brusque, avec cependant assez de force pour faire légèrement bouger sa chevelure argent durant une seconde avant qu'elle ne se remette presque automatiquement en place.
Il se passa alors, et ce dans un laps de temps très court, un certain nombre de choses que les protagonistes présents sur les lieux –du moins les principaux concernés- ne comprirent pas immédiatement. Au moment même où l'attractif rouquin tournait son putain de regard émeraude –comme l'appellerait Roxas plus tard- vers lui pour le plonger dans le sien déjà assez troublé par cette soudaine découverte, le blond manqua tout simplement une marche. Il faillit dégringoler dans le peu qui restait des escaliers, ce qui aurait été à la fois particulièrement douloureux et superbement humiliant, mais ses réflexes de combattant lui vinrent en aide à l'instant même où il tombait en avant et il réussit à donner une impulsion assez conséquente sur ses mains pour pouvoir effectuer un rétablissement acrobatiquement parfait qui lui permis de retomber sans dommage sur ses pieds. Il n'avait cependant pas prévu que Sora le suivrait dans son mouvement, et celui-ci, ne disposant visiblement pas des mêmes aptitudes physiques que son compagnon, aurait pu se faire très mal si un certain argenté n'avait pas usé de son impressionnante célérité pour le rattraper avant qu'il n'atteigne le sol.
« -Vous êtes tellement fatigués que vous n'arrivez même plus à descendre des escaliers correctement ? se moqua Riku en aidant Sora à se redresser. »
Il l'avait rattrapé d'un seul bras et en fléchissant à peine les genoux.
« -Désolé, répondit Roxas en époussetant son manteau qui n'en avait pourtant pas besoin. J'ai été…distrait.
-J'ai vu ça, oui. Ca va ? s'enquit l'argenté en voyant que le brun avait pris une furieuse teinte pivoine lorsqu'il avait croisé son regard en se redressant.
-Heu…heu oui merci ! répondit-il précipitamment en s'éloignant.
-Evite de suivre Roxas lorsqu'il descendra des escaliers, à l'avenir, se moqua de nouveau Riku en lançant un regard narquois à son ami. On dirait pas comme ça, mais il est pas si équilibré qu'il en a l'air…»
Ami qui lui lança un regard glacial.
« -Tu as visiblement l'air de savoir de quoi tu parles, répliqua t-il calmement.
-… »
La joute verbale s'évanouit lorsqu'un applaudissement fit résonner l'air de ses claquements nets et réguliers. Tous se tournèrent vers le roux qui avait été involontairement la cause de cette dégringolade qu'il avait visiblement trouvée…divertissante. Il cessa avant de s'approcher d'eux avec une démarche souple, féline, un sourire amusé scotché à ses lèvres et une vague lueur admirative dans le regard. Il regardait Roxas.
« -Magnifique réception, commenta t-il, appréciateur.
-Merci, répondit tout simplement le blond qui commençait à s'énerver parce qu'une furieuse envie d'observer sous toutes les coutures cet…énergumène commençait à l'assaillir, alors qu'aucune raison rationnelle ne justifiait une telle réaction. »
Le sourire de l'énergumène en question s'accentua inexplicablement, ce qui eut pour effet d'agacer encore plus Roxas et de lui faire froncer les sourcils. Le roux se tourna vers Sora.
« -Eh bien Sora, qu'attends-tu pour me présenter ton nouvel ami si intéressant ? »
Le nouvel ami n'apprécia pas beaucoup sa façon trop…intense de prononcer le dernier mot. Le brun -qui regardait Riku en douce depuis un moment déjà- sembla revenir à la réalité et secoua légèrement la tête comme pour se réveiller.
« -Ah ! Heu…alors, Axel, je te présente Roxas, et Roxas, je te présente Axel, annonça t-il en les désignant chacun leur tour par un mouvement des mains. »
Ledit Axel s'approcha davantage de Roxas qui put s'apercevoir ainsi qu'il était vraiment grand. Très grand.
« -Ravi de faire ta connaissance, Roxas, fit le roux en tendant sa main droite.
-Moi de même, répondit le blond qui avait eu une légère hésitation avant de prendre sa main et de la serrer. »
Le roux lui rendit sa poigne, et à la seconde où Roxas sentit la pression sur sa main, l'indicible vague de sentiments qu'il avait ressentie à la lecture du livre dans la bibliothèque de son ancienne école se manifesta de nouveau, mais de manière beaucoup plus nette ; cette espèce…d'énergie parcourait à présent tout son corps, et ce jusqu'à l'extrémité du moindre de ses membres, à tel point qu'il se demanda immédiatement si Axel ne la sentait pas lui aussi.
Mais ce dernier avait juste remarqué que sa nouvelle connaissance s'était figée.
« -Roxas ? appela t-il. Tu vas bien ? »
L'adolescent repris brusquement ses esprits, et la sensation s'évapora instantanément.
« -Oui, répondit-il, peu assuré cependant. Cela m'arrive parfois.
-Allons, fit le rouquin d'un ton moqueur, tu peux avouer que c'est moi qui te fait cet effet-là ; ce n'est pas une honte, tu sais… »
Roxas le regarda comme s'il avait le dernier des abrutis en face de lui pendant que Riku se frappait le front d'une main avant de soupirer longuement ; Sora se contenta d'un rire nerveux.
« -Il est vrai que comparé à la honte vivante qui se trouve actuellement devant moi, celle-ci paraît bien moindre, rétorqua l'étudiant dont les yeux céruléens s'étaient glacialement durcis. »
Il rompit leur poignée de main avant de lever les yeux pour jauger la réaction de la honte vivante. Qui en définitive, en plus d'être stupide, devait très certainement être atteinte d'une quelconque malformation cérébrale pour pouvoir le regarder de cette manière après ce qu'il lui avait dit.
Car c'était de la fascination qu'il pouvait lire dans les prunelles brillantes d'Axel.
« -Ne fais pas attention, Sora ; Roxas est toujours comme ça quand on l'énerve, entendirent-ils soudain. C'est bien Sora que tu t'appelles ? Moi, c'est Riku ; enchanté de te connaître. »
Ils se tournèrent d'un même mouvement vers les deux autres élèves qui à présent se serraient la main en se souriant mutuellement.
« -Dis-moi Sora, de quelle promotion d'élémentaliste es-tu ? continua l'argenté.
-Elémentaliste ? répéta le brun.
-Ben oui ; vous manipulez bien les éléments sur l'Ile du Destin, non ?
-C'est exact, intervint bientôt l'agréable voix d'Axel. Tu es bien renseigné.
-Nous avons eu un cours d'une heure et demi sur vos us et coutumes en début d'année, précisa Roxas. C'était très intéressant, d'ailleurs. »
Le roux lui lança un sourire énigmatique. Décidément, ce type avait vraiment un don pour horripiler le blond.
« -Pour répondre à ta question, Riku, reprit ledit horripilant personnage, Sora n'est pas un élémentaliste. »
Silence.
« -Quoi ? fit l'argenté, incrédule.
-Ce n'est pas un élémentaliste. C'est un Céleste. »
Roxas se tourna vivement vers le brun, stupéfait. Il ne s'attendait pas à découvrir l'autre si rapidement.
« -C'est vrai ? demanda Riku directement au concerné. »
Celui-ci répondit timidement par l'affirmative la tête baissée, gêné de l'attention soudaine qu'on lui portait.
« -Le monde est vraiment petit, commenta bientôt la voix calme de Roxas.
-En effet, appuya posément son ami, devenu songeur.
-Vous savez ce qu'est un Céleste ? demanda Axel, dubitatif. »
Les deux étudiants d'Illusiopolis le regardèrent un instant avant de répondre.
« -Mieux que ça, commença l'argenté.
-Je suis le deuxième Céleste, compléta Roxas. »
Sa voix avait énoncé si nettement, si concrètement les syllabes de chaque mot que ceux-ci semblaient s'être répercutés contre les murs pour se propager à travers toute la tour. Néanmoins, seul le silence imposa sa présence après que les derniers échos se soient évanouis dans le calme sépulcral des lieux. Les deux étudiants de l'Ile du Destin observaient le blond avec un air à la fois stupéfait et un peu effrayé pour l'un, clairement intéressé et fasciné pour l'autre ; ce fut ce second regard qui dérangea le plus Roxas, car il avait l'impression que le roux allait le…dévorer. Pas au sens figuré du terme, loin de là –il ne décelait aucune ambition au fond des prunelles émeraude-, mais bien
plus au sens propre du terme, défini par une envie beaucoup plus animale, comme si se sustenter de sa chair, de son corps, était devenu subitement un besoin irrépressible. Et ce désir presque palpable irradiait des yeux éminemment brûlants d'Axel, et semblait vouloir projeter son infernale chaleur en direction de l'adolescent qui sentit son cœur se contracter violemment. Il en suffoquait presque.
« -Les Célestes sont les seuls à pouvoir ouvrir Kingdom Hearts, le royaume qui, une fois qu'on a réussi à le faire apparaître, exauce tous les vœux, sauf celui de pouvoir ramener à la vie, énonça soudain la voix de Riku et qui permis à son ami de s'arracher à cette contemplation presque malsaine. Il n'y en a que deux dans tout l'univers, chacun incarnant l'une des entités nécessaires à l'ouverture du royaume : la Lumière et les Ténèbres. Ces deux conditions doivent impérativement être réunies pour permettre à la porte de s'ouvrir.
-Et seuls les Célestes sont en mesure de manier la clé permettant de déverrouiller la serrure de cette porte : la Keyblade, compléta Axel qui s'était détourné de l'objet de son attention.
-Exactement. »
Il y eut un moment de flottement où plus personne ne parla, deux des protagonistes étant plongés dans leurs pensées tandis que leurs deux autres compagnons s'observaient avec curiosité pour l'un et un air songeur pour l'autre.
« -Sinon, tu fais partie de quelle promotion d'Illusiopolis, Riku ? demanda soudainement Sora qui ne supportait pas la tension qui régnait dans l'atmosphère. »
L'interpellé sursauta légèrement, surpris en plein milieu de sa cogitation métaphysique. Il se tourna vers le brun pour lui répondre, un gentil sourire aux lèvres.
« -Je suis un Dissimulateur, déclara t-il lentement. Autrement dit, je possède une variante des pouvoirs d'un Illusionniste, la différence entre nos facultés se situant dans le fait que nous ne pouvons pas véritablement créer. Nous ne pouvons que tromper l'adversaire avec un semblant de pouvoir sur les images, tandis qu'un Illusionniste contrôle totalement les aspects de la vision ; il te fera voir tout ce qu'il veut que tu vois. Les Dissimulateurs ne possèdent pas cette capacité.
-Je vois, dit tout simplement Sora. En tout cas, j'aimerais vraiment pas me retrouver en face de quelqu'un de ta promotion ! Ca a l'air redoutable comme pouvoir…
-Pas forcément. Il suffit de bien savoir l'utiliser, et crois-moi, ce n'est pas à la portée de tout le monde.
-Et toi, tu sais ? interrogea timidement le brun. »
Un sourire énigmatique étira les fines lèvres de l'argenté.
« -C'est un Dissimulateur de rang S, informa Roxas à sa place. Autrement dit…
-Il est le premier de sa classe, acheva Axel avec un petit sourire amusé. »
Sora garda le silence, impressionné par le niveau de son nouvel ami ; les élèves d'Illusiopolis étaient décidément plein de surprises. D'abord il découvrait que son nouveau compagnon de chambrée s'avérait être le Céleste des Ténèbres, son opposé, et maintenant il se retrouvait en face d'un des meilleurs élèves de l'Académie !
« -Et toi Axel ? Quel élément manipules-tu ? s'enquit Riku à son tour. »
Le grand roux agrandit une nouvelle fois son sourire.
« -Il se trouve que je suis…
-Un Pyro-Manipulateur. »
Tous braquèrent leurs regards sur Roxas ; il avait énoncé cela avec une telle affirmation que personne n'eut l'idée de remettre en doute sa parole.
« -Sans aucun doute possible, insista t-il en voyant le roux prendre son inspiration pour sans doute lui rétorquer quelque chose. »
Axel devait sans doute avoir une crampe aux zygomatiques car il ne se départissait pas de ce sourire si particulier qu'il affichait depuis un petit moment déjà.
« -Bonne réponse, dit-il enfin. Je serais curieux de savoir comment tu as deviné…
-C'est simple ; chez les élémentalistes, l'élément auquel ils sont assignés influe sur leur physique et leur personnalité, expliqua platoniquement le blond. Or, je t'observe depuis tout à l'heure, et j'ai pu remarquer certaines choses chez toi très révélatrices de ce que tu es.
-Comme quoi ?
-La couleur de tes cheveux, pour commencer ; s'il s'agissait d'une coloration, la racine des cheveux serait de leur couleur d'origine, et chez toi ils sont…rouges du crâne aux extrémités des pointes : il n'y a pas une seule variance de couleur.
-Bien vu, Sherlock, se moqua le roux.
-Ensuite, tes yeux, continua Roxas en ignorant la remarque, ils dégagent une aura particulièrement intense, et elle l'est justement trop pour appartenir à un Géo-Manipulateur, d'autant plus que la plupart d'entre eux, du moins, d'après ce que j'ai appris, ont les yeux marron ou noirs.
-Vous êtes décidément très bien renseignés…
-Collecter des informations, c'est notre spécialité ; nous ne disposons pas de la même force de frappe que vous, les élémentalistes, aussi sommes-nous contraints de raisonner dans chaque combat que nous menons afin de pouvoir le remporter, ou du moins en sortir indemne. La stratégie, ça nous connaît plus que la puissance d'attaques offensives particulièrement destructrices, expliqua l'argenté.
-Je m'en souviendrai, fit le rouquin avec un sourire entendu.
-Ca fait bizarre de t'entendre dire ça, commenta Sora en regardant son ami.
-Ah oui ? Si tu le dis…mais laissons donc continuer notre très cher petit et si excellent observateur dans son explication, déclara Axel en se tournant de nouveau vers le blond. Vas-y, on t'écoute, Roxy ! »
La noirceur du regard que lança ledit Roxy au Pyro-Manipulateur conforta Riku et Sora dans leur désir de ne pas se retrouver à la place de celui-ci.
« -Affuble-moi encore une seule fois d'un surnom aussi stupide que celui-là et je te jure que comparé à ce que je te ferai subir, l'Enfer t'apparaîtra comme un Paradis, menaça t-il, tranchant. »
Roxas résista très difficilement à l'envie de mettre ses menaces à exécution lorsque le grand roux lui décocha un sourire particulièrement narquois en guise de réponse.
« -Sinon, ce qui m'a apporté la preuve de ce que tu es n'est aucun des éléments que je viens de citer, reprit-il pour tenter d'apaiser son courroux grandissant au fur et à mesure qu'il regardait le rouquin.
-Qu'est-ce donc ? s'enquit ce dernier, un sourire particulièrement –et volontairement sans doute- horripilant scotché sur les lèvres.
-Ton comportement. Tu joues constamment avec ton environnement, comme une flamme le ferait avec ceux qui essaieraient désespérément de la saisir sans se brûler ; comme elle, rien ne semble t'atteindre réellement alors que tu propages ton…aura tout autour de toi comme un halo qui chercherait à happer toute chose se trouvant à proximité. »
Et surtout, mais ça il ne le dirait jamais, il le brûlait avec une telle énergie qu'il en avait presque l'impression de se consumer sur place.
Comme pour confirmer ses dires, Axel se contenta, une nouvelle fois, de sourire.
_______* °§ ¤ §° *_______
Le salon du rez-de-chaussée, s'il avait été doué de vie, l'aurait très certainement perdue en s'étouffant sous la masse d'élèves venus à la réunion d'information organisée par le professeur Zexion ; leur concentration rappelait vaguement un rassemblement de grosses fourmis venues s'amonceler sur un quelconque morceau de nourriture sucrée dont l'origine de la condition de ce dernier se situait en l'inadvertance de son ancien consommateur. Les insectes, dispersés en des petits groupes assez disparates et mélangeant les deux promotions, preuve que l'acceptation de l'autre s'était déroulée assez correctement dans l'ensemble, attendaient patiemment le stoïque enseignant dans un joyeux brouhaha, une sorte de bourdonnement permanent faisant office de fond sonore.
Dans un coin de cette fourmilière improvisée, nonchalamment adossés aux piliers de l'escalier de bois ou calmement assis sur ses marches, plusieurs individus discutaient, certains avec animation…
« -Dis Riku !
-Oui ?
-Je voulais te demander…ta couleur de cheveux, elle est naturelle, ou c'est une décoloration ?
-Elle est naturelle. Pourquoi ?
-Ah, je me disais aussi ! Ben, ils sont super beaux, limite je suis jaloux !
-Laisse tomber, Demyx ; cela ne t'irait pas du tout.
-Oui bon, ça va Axel ! J'ai jamais dit que je voulais avoir la même teinte d'abord !
-Non, mais tu as émis l'idée de te faire quelques mèches il n'y a pas si longtemps… »
…d'autres avec plus de sérieux.
« -Alors comme ça Axel serait un Pyro-Manipulateur de Première Classe ?
-Oui.
-Hum. Difficile à croire.
-J'avoue que sur ce point je suis d'accord avec toi, Roxas.
-En même temps, il est difficile de ne pas l'être, Larxène.
-Comme si tu avais un véritable avis sur la question, Luxord.
-Allons, du calme, vous deux…
-Tu as raison Naminé ; s'énerver pour une chose aussi futile se servirait strictement à rien à part attirer l'attention de notre porc-épic national.
-On parle de moi ?
-…non, Sora.
-Ah bon ? Je croyais…
-…est-ce qu'au moins il sait que c'est une insulte ?
-Excellente question, Roxas ; moi-même je ne connais pas la réponse.
-Ce qui ne m'étonne absolument pas, Axel. »
Bref. Tous faisaient connaissance avec les amis de chacun en attendant que cette –fichue- réunion commence. Au bout d'un moment, les portes s'ouvrirent enfin pour laisser passer le professeur Zexion qui se dirigea vers le centre de la pièce pour réclamer le silence. Roxas nota avec étonnement que Demyx, Hydro-Manipulateur de Première Classe –chose presque aussi inconcevable que pour Axel- partageant sa chambre avec Luxord, un autre Dissimulateur mais de rang A, avait suivi avec une très grande attention le déplacement de son professeur de Théorie Métaphysique ; il continuait d'ailleurs de le fixer avec un ahurissement teinté d'admiration –que Roxas n'expliquait d'ailleurs pas- et s'était figé dans une posture d'indéniable contemplation.
« -Je me présente, annonça d'une voix forte et profonde l'enseignant après avoir obtenu le calme en levant la main. Je suis Zexion, professeur de Théorie Métaphysique d'Illusiopolis, responsable de la Tour du Crépuscule dans laquelle vous vous trouvez actuellement. »
Le Céleste blond haussa un sourcil ; ainsi, leur dortoir avait un nom.
« -Saïx, le vice-président de l'administration, m'a chargé de vous communiquer les informations suivantes : dans une semaine très exactement, une série de trois épreuves, obligatoires bien évidemment, jugera de vos capacités à vous sortir de différentes situations et à ainsi faire preuve de vos dons. Et pour cela, chacun de vous sera impérativement accompagné d'un de ses camarades de l'autre promotion. »
Cette annonce fut suivie d'exclamations diverses et variées, mêlant protestations et cris d'étonnement.
« -Ce point ne fera l'objet d'aucune négociation, reprit-il d'un ton ferme en jaugeant les élèves d'un regard sévère qui instaura le retour au calme des élèves. Vous allez à présent constituer des groupes de huit personnes, quatre de chaque promotion, afin de constituer des équipes paires, puis je passerai vous voir pour nommer le responsable du groupe qui sera chargé de remplir la circulaire que je lui donnerai et de me la rendre une fois ceci fait. »
Malgré la réticence de certains d'entre eux, les élèves s'exécutèrent ; Roxas et les autres n'eurent qu'à attendre le professeur vu qu'ils étaient déjà huit, ce qui leur convenait parfaitement compte tenu de la difficulté qu'avaient certains à constituer des groupes rassemblant tous les critères demandés. Ils attendirent donc, et lorsque Zexion s'avança dans leur direction, le Céleste des Ténèbres jeta un regard en coin à l'Hydro-Manipulateur pour jauger sa réaction : il était exactement dans le même état de contemplation que précédemment en face de l'homme aux cheveux d'un bleu sombre. Celui-ci les rejoint et parcourut d'un regard circulaire la petite assemblée avant de s'arrêter sur Roxas, à qui il sourit avant de lui tendre la circulaire.
« -Roxas ; tu seras le responsable du groupe. »
Le blond écarquilla les yeux, incrédule.
« -Pourquoi moi ?
-Parce que je te connais et je sais que tu rempliras à merveille tes fonctions de leader.
-Leader ?
-Vous autres, continua l'enseignant en ignorant son élève, vous devrez lui obéir et suivre ses instructions à la lettre. Si jamais vous ne le faites pas, vous aurez affaire à moi, prévint-il d'une voix significative de ce qui les attendait si jamais il en était ainsi. »
Il s'éloigna et chacun put exprimer sa pensée.
« -C'est moi ou y'a clairement du favoritisme, là ? commença Larxène, visiblement peu ravie d'avoir été esquivée de la sorte du rôle de « chef ».
-On n'y peut rien, intervint doucement Demyx.
-D'autant plus qu'il connaît Roxas, il l'a dit, renchérit Luxord.
-Personnellement, cela ne me dérange pas, fit Riku d'un air très détendu.
-Moi non plus, dit Sora à son tour. Et toi Axel ?
-Sachant que je ne l'ai pas encore vu à l'œuvre, je peux pas dire, répondit le roux. Il ne te reste plus qu'à nous faire une démonstration de tes talents d'organisateur, mon cher Roxas, ajouta t-il, espiègle.
-Ne t'inquiète pas, Axel ; je réfléchis déjà au moyen de rendre utiles tes prises de parole, répliqua le blond, acide. Car c'est l'utilité de chaque chose qui rend une organisation efficace. Il serait dommage que tu te sentes exclu parce que tu auras trop fait usage de l'expression « parler pour ne rien dire », tu ne crois pas ?
-Et si tu nous lisais cette circulaire, pour commencer ?
-Excellente suggestion, Naminé ; je vais l'appliquer de ce pas. »
Il baissa la tête sur le document imprimé de caractères noirs et commença à lire pendant que les autres faisaient silence pour lui prêter une oreille attentive.
« -Voyons ça… Article premier : les élèves doivent former des groupes de huit personnes incluant obligatoirement quatre élèves de chaque promotion. Ca, c'est fait. Article deuxième : chacun doit former un binôme avec un élève de l'autre promotion afin de constituer quatre équipes de deux élèves ; l'élève responsable veillera à ce que les membres de chaque binôme ne soient pas compagnons de chambrée. Ah, ça se complique.
-Pourquoi veulent-ils qu'on forme des équipes avec un autre élève que celui qui partage notre chambre ? C'aurait été plus pratique, vu qu'il est de l'autre promotion, intervint Riku.
-Attend, y'a une note…Note : cette règle intervient dans le processus de socialisation et d'intégration de chaque individu.
-Et en français ça donne quoi ? demanda Larxène, les sourcils froncés.
-« Faites en sorte de vous faire plus de copains de l'autre promotion ou on fait en sorte de pourrir votre vie jusqu'à la fin de votre scolarité », traduisit Axel de manière très pertinente. En gros.
-…il est presque aussi doué que toi dans l'art de résumer les choses, Riku.
-Je dois le prendre comment ça ?
-Comme tu l'entends. Bon, je continue. Article troisième : les binômes, une fois constitués, seront définitifs et ne pourront faire l'objet d'aucun changement. Ah. Vous avez intérêt à bien choisir votre partenaire.
-C'est tout ?
-Il semblerait. Bon, récapitulons : il faut constituer des paires en prenant pour partenaire quelqu'un d'autre que notre colocataire et de la même promotion que lui.
-Quelle galère, gémit Larxène.
-Du calme, ce n'est pas si compliqué ; voyons d'abord qui est le colocataire de qui, proposa Roxas en prenant le stylo qui accompagnait la feuille et en posant celle-ci sur une marche de l'escalier afin d'avoir un support pour écrire. »
Il établit la liste suivante, histoire d'avoir toutes les « données » sous les yeux et ainsi se faciliter la tâche :
Sora/Roxas
Axel/Riku
Demyx/Luxord
Naminé/Larxène
« -Ceci est l'organisation de nos chambres ; vous pouvez vous mettre avec qui vous voulez du moment que ce n'est ni votre colocataire, ni quelqu'un de votre promotion, rappela t-il.
-C'est sûr que ça limite les choix, commenta Riku.
-Bon, vous avez une idée ? s'impatienta Roxas.
-Ben…
-Pas vraiment, avoua Demyx avec un sourire gêné. »
Le responsable ne put s'empêcher de soupirer ; s'il ne le faisait pas lui-même, ils ne s'en sortiraient jamais.
« -Je vois. Sachant que nous n'avons pas toute la journée, je vais moi-même vous désigner un partenaire, et si cela ne vous plaît pas, j'essaierai d'arranger ça, d'accord ? proposa t-il.
-Ok, acquiescèrent-ils.
-Bien. Alors pour commencer, Riku, je te propose de te mettre avec Sora ; vous vous entendez bien et ne semblez pas avoir de problème particulier l'un envers l'autre. Cela vous convient ? »
Les deux désignés se regardèrent un instant avant d'échanger un regard entendu –en même temps qu'un sourire.
« -Il n'y a aucun problème, déclara Riku.
-Parfait. Ca en fait déjà un, dit Roxas en inscrivant leurs noms dans la colonne prévue à cet effet.
-Au fait Roxas, se manifesta tout à coup Naminé, je ne sais pas si tu es au courant mais…je suis dispensée des règles de cette circulaire. »
Le blond haussa un sourcil.
« -Comment ça ?
-Eh bien, à cause de mon pouvoir…spécial, je ne peux pas suivre les mêmes activités que vous…tu te souviens ? »
Le Céleste réfléchit cinq secondes, puis son regard s'illumina.
« -Oh, effectivement. Ca nous fait donc une personne en moins, ce qui est problématique vu que nous nous retrouvons à présent avec un nombre impair.
-Eh ! On peut m'expliquer ce qui se passe ?! s'exclama Larxène.
-Naminé est une Illusionniste Matérialiste ; en d'autres termes, tout ce qu'elle imagine prend véritablement forme : ce ne sont pas de simples illusions, expliqua l'argenté en la regardant. Elle est la seule à posséder un tel pouvoir, et heureusement, car je te laisse imaginer ce que ça donnerait si tout le monde pouvait créer tout ce qu'il désire à sa guise…et je ne parle même pas de ce qu'il se passerait si on venait à se battre avec un tel pouvoir.
-Je comprends mieux, maintenant, fit bientôt la voix d'Axel. Le carnet à dessin que tu as toujours avec toi te permet de mettre en application ce pouvoir, non ? »
La jeune fille acquiesça.
« -Pratique, fit Demyx.
-Très, confirma Roxas. Mais ça ne fait que compliquer notre tâche.
-Ta tâche, tu veux dire, le corrigea le roux. »
Roxas l'ignora.
« -Larxène, vu que tu es la seule fille du groupe –en excluant Naminé bien sûr-, je te laisse choisir entre moi et Luxord.
-Voyons voir, fit-elle, pensive. Le sale gamin à qui on doit obéir ou le barbu louche ?
-Très bien, c'est noté ; Larxène avec Luxord, décida le Céleste en marquant impitoyablement leurs noms sur la fiche.
-Quoi ?! Ah mais non, je suis pas d'accord ! s'écria la blonde en s'agitant, ce qui accentuait encore plus son étrange ressemblance avec les coléoptères appelés plus couramment « cafards » : ses deux mèches recourbées vers l'arrière de sa tête rappelaient très fortement les antennes de ces insectes assez peu appréciés par la majorité du commun des mortels…
-Excellent choix, Roxy, fit Axel en riant. »
L'ancien étudiant d'Illusiopolis concentra toute son attention sur la circulaire pour faire abstraction du rire dangereusement plaisant à entendre du crétin à crête rouge ; mais qu'est-ce qu'il avait avec ce type, à la fin ?!
« -Aie la gentillesse d'attendre que j'en ai fini avec ça ; je t'étriperai après, déclara t-il d'une voix glaciale sans même prendre la peine de lever les yeux pour épier la réaction de sa future victime.
-J'attends ça avec impatience, fit la victime en question, amusée.
-Et si tu pouvais te taire en attendant, ajouta le blond, agacé.
-Je serai aussi muet qu'une tombe.
- Tu ne crois pas si bien dire : je me charge de faire creuser la tienne, conclut l'adolescent. Bon, ça fait deux binômes. Il en reste deux à former, or nous sommes trois ; il nous manque une personne. »
Il se tourna vers Demyx et l'imbécile –qui n'avait cessé de l'observer durant tout le temps de ses investigations et même avant.
« -Allons voir le professeur Zexion. Naminé, tu viens avec nous ; il doit y avoir des instructions spéciales pour toi.
-Peut-être, dit-elle. »
Les quatre protagonistes rejoignirent leur professeur qui s'était installé sur une des tables du salon, plantant devant les escaliers Sora et Riku qui faisaient plus ample connaissance, ainsi que Larxène et Luxord qui n'avaient rien trouvé de mieux à faire pour renforcer leurs liens que de s'engueuler une nouvelle fois. Ils se postèrent en face de Zexion, attendant qu'il daigne lever les yeux des fiches qu'il était en train de classer pour qu'il puisse les voir ; il avait mis les discrètes lunettes qu'il utilisait pour lire, et les verres de ces dernières brillèrent une fraction de seconde lorsqu'il releva la tête pour les regarder, dévoilant l'étrange couleur mauve de son unique iris visible, l'autre étant complètement masqué par une longue et épaisse mèche de cheveux fluides et légers. A gauche de Roxas, Demyx se mordit la lèvre.
« -Oui ? s'enquit-il avec une voix voluptueuse ; l'Hydro-Manipulateur avala difficilement sa salive.
-Compte tenu des capacités spéciales de Naminé, elle n'est pas apte à entrer dans le programme que vous nous avez distribué, expliqua le Céleste de manière très protocolaire. De ce fait, il nous manque une personne.
-Je vois, dit l'enseignant en amenant dans un geste d'une délicieuse lenteur –dont il n'avait certainement pas conscience- sa main sous son menton, en une posture supposant la réflexion. »
Roxas crut un instant que Demyx allait faire une apoplexie.
« -Eh bien, je crois que je vais devoir composer une paire avec l'un d'entre vous ; de toute façon, le Supérieur m'a prié de suivre tout ça de près. Participer directement au projet sera un excellent moyen de superviser l'ensemble, déclara t-il après un moment. Je me mettrais avec celui qui restera, dit-il en les regardant calmement. »
Roxas réagit au quart de tour.
« -Très bien. Axel, tu te mets avec moi, annonça t-il fermement en se tournant vers le concerné qui, d'après l'air ahuri qu'il afficha, ne s'y attendait visiblement pas.
-Parfait. Je me mettrais donc avec…
-Demyx, compléta le blond pour éviter à son compagnon de se ridiculiser en essayant de prononcer son nom distinctement, action qui d'après son état émotionnel actuel était sans nul doute complètement vouée à l'échec.
-Enchanté, Demyx, salua poliment le professeur en tendant la main, un léger sourire aimable aux lèvres. »
L'Hydro-Manipulateur regarda la main tendue comme s'il s'agissait de la porte de Kingdom Hearts. Roxas se crispa tandis qu'Axel souriait.
« -En…chanté, répondit finalement l'élève en prenant la main de son professeur. »
Le Céleste se détendit mais sursauta lorsqu'il sentit la main d'Axel se poser sur son épaule.
« -Et si on y allait ? Naminé est partie et je crois qu'il serait…judicieux de laisser ces deux-là discuter un peu, non ? lui murmura t-il à l'oreille. »
Roxas cessa de respirer avant de se dégager et de se frotter vigoureusement l'épaule, un air renfrogné et vaguement –volontairement- dégoûté sur le visage.
« -Tu as raison, approuva t-il froidement en commençant à marcher en direction de l'escalier que leurs compagnons avaient visiblement désertés ; il avait noté les noms des derniers binômes sur la fiche avant de la poser discrètement avec les autres, afin de ne pas interrompre la conversation qui avait commencé entre Zexion et Demyx. »
Axel le suivit de sa démarche nonchalante et inexplicablement séductrice ; aussi l'adolescent préféra se focaliser sur les marches de l'escalier qu'il se mit en tête de compter. Une, deux, trois, qua…
« -C'est très noble, ce que tu as fait, entendit-il soudain. »
Et zut. Il ne pouvait pas le laisser cinq secondes tranquille, à compter ces fichues marches pour oublier sa fichue présence ?!
« -Pour Dem', précisa le roux.
-Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, répondit le blond en haussant les épaules. »
Il se reconcentra sur les marches. Ce qui fut complètement inutile.
« -Dans ce cas, ça doit être le destin, retentit une nouvelle fois la voix d'Axel. »
Roxas décida de l'ignorer. Enfin, essaya de l'ignorer.
« -Comme pour nous. »
Cette dernière phrase stoppa brusquement le blond dans son élan, surprenant le rouquin qui faillit lui rentrer dedans. Le Céleste se retourna violemment, le toisa d'un regard empli d'une fureur glaciale et silencieuse qui eut pour effet de figer le Pyro-Manipulateur.
« -Le destin, c'est comme les promesses ; cela n'engage que ceux qui y croient, répliqua t-il, effroyablement calme. »
Il reprit son ascension, plus énervé que jamais, bien décidé à mettre le plus de distance possible entre lui et cet imbécile qui avait décidément tout pour lui déplaire.
Et aussi pour lui plaire, malheureusement.
Demeuré seul, Axel resta un petit moment à fixer le tournant où avait disparu Roxas. Puis, un sourire flottant négligemment sur ses lèvres, il reprit tranquillement la lente montée des escaliers.
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Ouf, fini ! Moi et ma sale manie de faire des romans…-_-° Je m'excuse si ce chapitre paraît vraiment très long (Roxas : t'inquiète, il l'est !), mais sachant qu'il est le fondement de la suite, je ne pouvais tout simplement pas le négliger ^^° (Roxas : maniaque !)
Commence à m'énerver lui…-_-*
Bref, sur ce, j'espère que cela ne vous pas trop ennuyés, et à bientôt pour la suite ! (Roxas : parce qu'en plus y'en a une… *évite de justesse de se prendre un livre en pleine tête* EH ! NON MAIS CA VA PAS ?! Moi : Si, très bien, merci. *lui balance un autre livre emprunté à Zexy*)
P.S. : toutes les reviews sont acceptées ! Merci d'avance ! ^^ (Roxas: la pauvre...elle parle dans le vide... *se prend une montagne de bouquins en pleine face*)
