Titre : Les oiseaux qu'on met en cage
Auteur :
Nadirha

Disclaimer : Harry Potter ne m'appartient pas, et c'est sans doute mieux comme ça… si j'avais été en charge du déroulement de l'histoire, j'aurais probablement traumatisé toute une génération d'enfants.
Spoilers : Cette histoire commence à la fin de la cinquième année d'Harry, et s'écarte complètement du canon, cependant des éléments tirés de l'ensemble des sept livres sont susceptibles d'être utilisés.

Genres principaux : aventure, amitié.
Personnages principaux : Harry, Luna, Severus, Albus, Voldemort.
Pairings : rien d'important pour le moment, je n'ai pas encore décidé de mettre Harry en couple avec qui que ce soit, et la romance restera vraisemblablement un élément très secondaire dans cette histoire.

Synopsis : Après la mort de Sirius et la révélation de la prophétie, Harry est décidé à s'affranchir de l'influence de Dumbledore et à choisir son propre chemin. Nouvelle école, nouveaux alliés, nouveaux pouvoirs.

Rating général : M, ce qui veut dire qu'il est recommandé d'avoir plus de 16 ans pour cette lecture.

Avertissement général : Il y aura des scènes violentes, mais pas de scènes relatant trop explicitement des relations sexuelles. L'histoire comportera des passages sombres, et plusieurs thèmes pouvant heurter la sensibilité de certains lecteurs sont susceptibles d'être abordés. En vrac, ceux auxquels je peux déjà penser sont : la maltraitance, la torture, le meurtre, la peine de mort, le suicide, les handicaps physiques, les troubles mentaux, l'usage d'alcool/de tabac/de drogue, les addictions, le viol, l'hétérosexualité, l'homosexualité, l'infidélité, la contraception, l'avortement, la xénophobie, le blasphème, l'expérimentation animale… La liste n'est sans doute pas exhaustive, mais je veillerai à la compléter quand nécessaire, et j'estime que cet avertissement donne déjà une idée de ce à quoi s'attendre.
Sinon, en ce qui concerne les avertissements propres à la fanfiction, il y aura surtout : AT (divergence à partir de la cinquième année), OOC (certains personnages seront développés de manière très différente de celle des livres, mais je m'efforcerai de justifier au mieux ces changements d'attitude), OC (vu la trame de l'histoire, l'introduction de nouveaux personnages est inévitable, mais en principe ils ne supplanteront pas les personnages déjà connus et il n'y aura pas de Mary-Sue).


Rating du chapitre : T

Avertissement du chapitre : à part les pensées dépressives d'Harry et la cruauté de Snape, le tout assorti de quelques insultes, rien à signaler.

Longueur du chapitre : environ 4400 mots.

Mis en ligne le 12 octobre 2010. Révisions mineures le 22 octobre 2010.


- Chapitre 1 -
A l'heure où chante le rossignol

Assis sur la rambarde de la volière de Poudlard, les jambes dans le vide et le visage tourné vers le ciel, Harry attendait. En cette belle journée de la fin juin, les étoiles se dévoilaient petit à petit, sans aucun nuage pour les dissimuler. Et même si l'astronomie n'avait jamais été la matière préférée de l'adolescent, il avait appris à aimer les étoiles au contact de Sirius. Durant leurs trop rares moments passés ensemble, son parrain avait pris le temps de lui raconter les histoires qu'il avait lui-même entendues étant enfant pour expliquer le nom des astres et des constellations. Selon l'héritier Black, c'était bien la seule tradition de son Ancienne et Noble Famille digne d'être conservée et transmise. Malheureusement, leur temps durant l'été puis les vacances de Noël n'avait pas été suffisant pour compléter la carte du ciel, et désormais l'occasion ne se présenterait plus jamais.

Comme à chaque fois que ses pensées le ramenaient vers la mort de Sirius, Harry sentit sa gorge et sa poitrine se comprimer comme s'il n'allait plus jamais pouvoir respirer. Cependant, le moment passa rapidement, et bientôt seule une vague impression de peine demeura perceptible au travers du détachement global dans lequel il s'était installé.

Après le désastre du Département des Mystères et la crise consécutive dans le bureau de Dumbledore, Harry avait passé un ou deux jours à s'isoler, le temps de se reprendre. Il n'en conservait qu'un souvenir confus, mais il lui semblait avoir passé la majorité de ce temps dans la Salle sur Demande, que ce soit pour évacuer son trop plein d'émotions en jetant des malédictions dans tous les sens ou bien pour se pelotonner dans un canapé en s'efforçant de mettre en ordre ses idées. Après coup, il s'était étonné qu'on l'ait laissé en paix, mais sans doute Dumbledore avait-il demandé aux professeurs et aux élèves de lui laisser un peu de temps… à moins que les professeurs informés n'aient décidé d'eux-mêmes de le ménager un minimum et que les élèves aient sagement estimé de leur côté qu'il valait mieux ne pas le questionner au vu de son humeur. De toute manière, pour une fois, le reportage du Daily Prophet avait fourni la majorité des informations utiles sur l'attaque de Voldemort au Ministère, même si la mort de Sirius n'était pas mentionnée et même si les spéculations concernant le contenu de la prophétie étaient trop proches de l'interprétation de Dumbledore pour ne pas ramener l'attention sur lui.

En tout cas, étonnamment, ce délai avait suffi. Il avait ensuite réintégré les cours pour la semaine qui restait, repris ses repas dans la Grande Salle, fait face à ses camarades désireux d'avoir des précisions sur la bataille et sur l'état de santé des élèves l'ayant accompagné. Bien évidemment, il restait affecté par le récent décès de son parrain et l'état de santé préoccupant de ses amis, mais il estimait avoir réussi à l'accepter. Il avait su profiter de ce répit pour faire le point et se sentait désormais en mesure de prendre les décisions nécessaires tenant compte des derniers évènements. Peut-être se voilait-il la face, et se donnait-il une liste d'actions à entreprendre simplement pour ne pas avoir à trop penser à Sirius. Mais peut-être aussi était-il en réalité quelqu'un de bien plus froid qu'il ne l'aurait voulu, peut-être n'avait-il pas su aimer son parrain autant qu'il le méritait et ne ressentait donc pas autant la nécessité de porter son deuil qu'il l'aurait fallu.

C'était le genre de réflexion dans lequel Harry évitait autant que possible de se plonger mais qui le tourmentait occasionnellement. Depuis qu'il était arrivé à Poudlard, Dumbledore n'avait cessé de l'assurer que son cœur était sa plus grande force, que sa compassion et sa capacité à pardonner étaient ses principaux atouts. En lui révélant la prophétie, le vieux sorcier supposément imbu de sagesse s'était même déclaré persuadé que la capacité d'Harry à aimer serait la clé de la défaite de Voldemort. Harry lui-même n'était pas si convaincu. De son point de vue, sa capacité à aimer restait très limitée, car même après cinq ans hors de la présence constante des Dursley, il ne savait pas exactement ce que cette notion recouvrait. Il essayait bien sûr d'agir normalement, et ses amis lui étaient indéniablement précieux… mais quant à être capable d'aimer vraiment, c'était autre chose. Il avait le sentiment que celui qu'Hermione aurait dû traiter d'handicapé émotionnel, ce n'était certainement pas Ron. Il avait parfois l'impression de mentir à tout le monde, y compris et surtout à lui-même. Et peut-être était-il temps d'y mettre un terme.

OOOO

Enfin, l'année scolaire se terminait. Au matin, le Poudlard Express repartirait en ramenant aux inconscients qui leur servaient de parents la tripotée de crétins paresseux et irrespectueux censés représenter l'avenir du monde magique britannique. God save the queen, parce que s'il fallait compter sur la nouvelle génération, le royaume était définitivement condamné.

En dépit de son intime conviction que le monde s'acheminait avec de plus en plus d'empressement vers un avenir décidément peu radieux, ce que Dumbledore qualifiait de pessimisme mais qu'il estimait simplement réaliste, Severus Snape persévérait à agir en accord avec son sens du devoir. Ce sens du devoir exigeait notamment qu'il maintienne une balance digne d'impressionner un équilibriste professionnel entre deux seigneurs opposés le considérant tous deux comme un serf louable et corvéable à merci. Mais parfois, comme ce soir-là, ce sens du devoir se manifestait plus simplement dans la prise en charge de responsabilités liées à sa fonction de Professeur de Poudlard.

Dans leur ensemble, les élèves du château manifestaient toujours un mépris flagrant pour les règles supposées régir leur conduite, et tout particulièrement celles concernant l'interdiction de pratiquer la magie en dehors des salles de classe et le respect du couvre-feu. En fin d'année scolaire, cela devenait systématiquement encore plus ingérable, et la dernière nuit au château, tous les couples semblaient trouver indispensable de se retrouver une dernière fois dans un coin retiré pour laisser libre cours à leurs hormones avant la terrible séparation que représentaient les vacances. Rien que d'y penser, Severus devait retenir un rictus de mépris. Les esprits des adolescents ne paraissaient pouvoir contenir que des préoccupations futiles, même en apprenant le retour du Seigneur des Ténèbres, leur seule réaction était de passer un peu plus de temps à procéder à des échanges de liquides corporels sous prétexte qu'ils ne se reverraient peut-être plus. Et Dumbledore persistait malgré cela à lui croire que l'avenir n'était pas compromis, sachant que l'avenir en question dépendait d'un de ces adolescents, et qui plus est d'un des plus stupidement arrogants et insouciants du lot. Quel que soit son respect pour la sagesse du Directeur, Severus maintenait pour sa part un scepticisme amplement justifié.

Après une heure de ronde, Severus avait déjà débusqué deux groupes et une dizaine de couples, tous renvoyés dans leur salle commune après un lynchage verbal en bonne et due forme, n'hésitant pas à souligner le peu de pertinence des choix de partenaires effectués et à détailler tous les effets secondaires indésirables d'une relation physique. Il fallait bien compenser l'impossibilité de retirer des points ou d'affecter des retenues, il ne manquerait plus que les élèves pensent pouvoir agir en toute impunité simplement parce que l'année était terminée. Et puis avec un peu de chance, certains seraient suffisamment traumatisés pour y réfléchir à deux fois avant de poursuivre de telles aventures, et qui sait, prendraient le temps de considérer les vertus de l'abstinence.

En passant devant l'escalier menant à la volière, le Professeur aurait normalement continué sa ronde vers les dortoirs de Serdaigle sans prendre le temps d'y monter, mais cette fois-ci, quelque chose l'arrêta. Après une brève analyse, il confirma qu'un sort avait été maladroitement jeté en bas des marches, destiné à dissuader les personnes passant par là de les emprunter. Voilà qui confirmait une fois de plus la stupidité des élèves, s'il en était besoin : sans ce sort, personne n'aurait eu l'idée de contrôler la volière, sachant que l'odeur des fientes d'oiseaux, qui semblait imprégner la roche en dépit des efforts des elfes de maison et des multiples retenues effectuées tout au long de l'année sous la supervision du concierge visant à nettoyer le lieu, suffisait habituellement à éloigner les élèves.

Affichant une expression rébarbative et menaçante – qui différait de son expression usuelle par un pincement des lèvres légèrement plus ferme et un froncement des sourcils subtilement plus marqué, Severus monta les escaliers silencieusement, à la fois par habitude et par volonté de surprendre ses victimes.

Parvenu en haut de la tour, il poussa la porte puis s'arrêta à l'entrée de la volière, cherchant des yeux les élèves fautifs, préparant déjà sa diatribe. L'absence de la plupart des volatiles, ceux-ci profitant de la nuit pour aller chasser en bons rapaces nocturnes, lui facilitait la tâche, mais il lui fallut néanmoins quelques instants pour repérer ce qu'il cherchait. Et dès qu'il l'aperçut, il s'alerta, son esprit se plaçant automatiquement dans un mode de fonctionnement adapté à la gestion d'une crise. Car ce qu'il trouva là, ce ne fut pas un couple, mais un élève isolé, assis sur la rambarde et penché vers le vide, potentiellement prêt à sauter. Rapidement mais calmement, il analysa la situation. Même si cet élève hypersensible entretenait des idées suicidaires liées au retour du Seigneur des Ténèbres ou à autre chose, le danger n'était pas immédiat. Quand bien même il se laisserait tomber, des sortilèges de protection stopperaient sa chute, et Severus serait à même d'intervenir à temps pour l'empêcher de contourner ces protections même s'il persistait dans sa tentative. Il faudrait tout de même essayer de le persuader de ne pas sauter, cela atténuerait les séquelles, mais quoi qu'il arrive, l'élève serait retourné sain et sauf à sa famille. Pour peu que le problème ne soit pas justement lié à sa famille, auquel cas… Severus aviserait le cas échéant.

Ayant désormais envisagé les différentes possibilités et déterminé la réaction appropriée pour chacune, Severus commença à s'approcher sans signaler sa présence, attendant d'être assez près pour s'adresser à l'élève sans élever la voix. Cependant, quand son angle de vue lui permit de mieux distinguer l'élève en question, la révélation de son identité mua instantanément ses intentions de dialogue en rage. Il interpela l'adolescent dans un rugissement furieux.

« Potter ! »

Il approcha la rambarde à grandes enjambées, se retenant difficilement de saisir l'insupportable vaurien pour le secouer violemment. Pour ne rien arranger, l'objet de son courroux ne daigna même pas réagir immédiatement, s'accordant encore quelques instants pour fixer stupidement le vide avant de se tourner vers le Professeur. Et il osa rester silencieux, ne manifestant pas le moindre respect pour la figure de l'autorité en droit de lui demander des comptes pour son énième infraction. La mâchoire serrée, Severus le toisa sans rien dire, le défiant implicitement de continuer à l'ignorer. Après un trop long moment, l'héritier Potter finit par ouvrir la bouche.

« Professeur Snape. Puis-je faire quelque chose pour vous ? »

Cette affectation de politesse indifférente ne fit qu'insupporter davantage le Directeur de Serpentard. Le Gryffondor se comportait comme s'il n'était absolument pas en tort, pire, comme s'il était un supérieur qu'un inférieur mal éduqué venait de déranger indûment, manifestant une arrogance tout à fait similaire à celle que son père présentait. Le garçon aurait dû savoir qu'une telle attitude était inacceptable et que Severus ne la laisserait pas passer, mais évidemment, les cours de potions avaient largement démontré son inaptitude à apprendre. D'un ton bas et menaçant, Severus se fit un plaisir de lui rappeler les conséquences d'une telle infraction au règlement de l'école.

« Monsieur Potter. Je sais qu'une période de cinq années est trop courte pour permettre à quelqu'un doté de vos capacités mentales de correctement assimiler une information aussi compliquée, mais je me dois de vous rappeler que le couvre-feu est à 21h. De ce fait, vous me devrez à la rentrée une semaine de retenues et vous perdrez 20 points pour votre Maison. Surtout ne me remerciez pas, c'est mon rôle d'éducateur que d'aider mes élèves à se parfaire. Et ces détails étant réglés, regagnez immédiatement votre dortoir ! »

Au lieu de paraître convenablement intimidé et de se presser de se conformer aux instructions données, l'horripilant gamin eut l'audace de paraître brièvement amusé, avant de revenir à une façade d'indifférence polie. Sans bouger d'un pouce. Sentant de nouveau la furie monter, Severus remarqua tout de même que cette attitude différait de celle que le Griffondor présentait d'habitude, la même arrogance en ressortait, mais d'une toute autre manière.

« Seulement une semaine de retenues et 20 points en moins, Professeur ? Faites attention, vous vous relâchez. On pourrait penser que la venue des vacances vous rend plus tolérant, et votre image en souffrirait. Ce serait pourtant réellement regrettable de ternir une réputation aussi honorable, fruit de ces longues années sacrifiées pour guider vos élèves et leur permettre de devenir des adultes responsables. Enfin, cela dit, je dois de toute manière décliner votre généreuse proposition. Je le regrette infiniment, mais je n'aurai plus le plaisir de vous compter comme professeur l'an prochain. »

L'héritier Potter accompagna cette déclaration d'un affreux sourire, insupportablement proche de celui qui autrefois étirait délicatement les lèvres de Lily quand elle se voulait apaisante et compatissante. Severus résista à la tentation de détourner le regard, et se concentra plutôt sur la soudaine maîtrise du langage de l'adolescent, qui après quinze ans de balbutiements aurait dû faire figure de cause perdue. Granger aurait-elle déniché un sort obscur permettant à Potter d'assimiler du jour au lendemain le contenu d'un dictionnaire, d'un manuel de grammaire et d'une méthode de rhétorique ? Si intéressante que soit cette perspective d'un point de vue académique, là n'était cependant pas la principale question du moment. Déployant des réserves de patience insoupçonnées, Severus maintint son calme et renchérit avec un ton encore plus onctueux et menaçant que précédemment.

« Cela fera encore 20 points en moins à valoir l'année prochaine, Monsieur Potter. Je suis certain que vous vous croyez le plus malin, mais je peux vous assurer que même avec votre score insuffisant pour continuer les cours de potions je resterai un professeur de cette école à qui vous devrez toujours respect et obéissance, et que le Professeur Dumbledore ne vous aidera pas cette fois. Après votre dernière escapade, le Directeur a reconnu qu'il serait préférable de maintenir une discipline plus ferme et de cesser de vous accorder des privilèges immérités. Pour votre propre bien, évidemment. Après tout, vous devez bien vous-même reconnaître que si vous aviez fait sagement ce que des adultes bien plus capables que vous vous disaient, au lieu de croire dans votre arrogance puérile que votre propre jugement était plus fiable, nous n'aurions pas à déplorer aujourd'hui le malencontreux décès de votre parrain et l'absence de vos petits camarades hospitalisés pour une durée indéterminée. »

Le Directeur de Serpentard ne dénia pas ressentir une bouffée de joie sadique en voyant finalement les traits du Griffondor s'affaisser, si brièvement que ce fût. Cependant, cette expression de désolation céda presque immédiatement la place à une aura de colère et de haine si intense que le Professeur redouta une explosion de magie accidentelle et fut tenté de reculer. Seul son contrôle quasi absolu de ses émotions l'empêcha de montrer à quel point cette réaction le perturba. Jamais auparavant Potter n'avait réagi ainsi, si loin que Severus le provoquât. Et plus encore que cette rage démesurée, c'était la capacité de l'adolescent à la maintenir sous contrôle qui inquiéta Severus. Cela ne correspondait pas au Potter qu'il connaissait. Ce qui fut encore confirmé quand le garçon reprit froidement la parole.

« Oh, mais bien sûr… Cette mort malencontreuse que vous déplorez aurait assurément été évitée si je vous avais écouté, n'est-ce pas ? Vous qui avez toujours fait tout ce qui était en votre pouvoir pour vous assurer que Sirius et moi soyions heureux, vous présentant continuellement comme un allié digne de confiance, rendant son séjour forcé au Quartier Général de l'Ordre plus supportable, m'expliquant avec précision pourquoi il fallait que j'apprenne l'occlumancie et les risques potentiels de mon lien avec Voldemort, et…

– Ne prononcez pas ce nom, Potter !

– … et m'enseignant avec patience et dévouement comment je devais procéder, recherchant de nouvelles approches pour m'aider dans mon apprentissage à chaque fois qu'une notion nouvelle me posait problème, veillant à ce que vos Serpentard sachent éviter les abus de pouvoir, et puis enfin prenant le soin de m'assurer que mon avertissement avait bien été pris en compte, que je pouvais vous faire confiance et rester à Poudlard car vous feriez le maximum pour sauver mon parrain. Vraiment, je réalise que c'est entièrement de ma faute, vous aviez indéniablement nos intérêts à cœur et j'ai été bien sot de ne pas le réaliser plus tôt, tous les signes étaient pourtant bien visibles. »

Cette fois, Severus ne se laissa pas décontenancer par la haine qui transparaissait clairement sous le sarcasme du jeune Griffondor, et face à une telle insolence et une telle immaturité, il n'eut aucun scrupule à renvoyer directement l'attaque.

« Ainsi, vous me blâmez de ce qui est arrivé, Monsieur Potter ? Je n'en attendais pas moins de vous. Toujours prêt à rejeter la faute sur les autres plutôt qu'à assumer les conséquences de vos erreurs et à chercher à vous améliorer pour ne pas les reproduire. Tout comme votre père et votre parrain, vous demeurez un enfant gâté laissant aux autres le soin de payer le prix de vos propres actions. Vous devriez peut-être considérer le fait que cette attitude n'a réussi ni à l'un ni à l'autre et en tirer la conclusion qui s'impose. Mais comme je doute de votre capacité à vous discipliner, je suppose qu'il ne me reste qu'à me préparer d'avance aux réactions hystériques que vos fans ne manqueront pas d'avoir à l'annonce de votre propre malencontreux décès. »

Les critiques désinvoltes délivrées sur un ton fielleux à l'encontre du père Potter et du cabot Black auraient dû largement suffire à faire exploser leur héritier, Severus avait toujours considéré une telle réaction comme garantie. Mais cette fois encore, ses prévisions ne furent pas vérifiées. Redressant la tête et pinçant les lèvres, le garçon le considéra en silence quelques instants. Le Directeur de Serpentard aurait voulu croire qu'il allait pouvoir savourer une petite victoire, mais il pressentit que le Gryffondor n'avait pas encore dit son dernier mot. A défaut d'autre chose, il fallait lui reconnaître une certaine ténacité, Potter ne s'avouait pas facilement vaincu, même complètement dépassé et clairement en situation d'infériorité. Ce qui était peut-être une qualité quand il s'agissait de survivre face au Seigneur des Ténèbres, mais représentait assurément un défaut rédhibitoire en toute autre circonstance.

Faisant pivoter son torse et balançant ses jambes vers l'intérieur de la rambarde, Potter se laissa glisser et se retrouva brusquement debout face au Professeur qui continuait à le toiser de toute sa hauteur, dépassant son élève de plus d'une tête. Malheureusement, cet élève-là ne se laissait plus si facilement intimider qu'un première année, et il se contenta de renvoyer un regard noir. Severus se sentit affreusement tenté de lancer une attaque de légilimancie, mais Dumbledore lui avait interdit de procéder à une telle intrusion avant la rentrée, prétextant que Potter devait être ménagé après les rudes chocs qu'il avait récemment subis. Comme d'habitude, le Directeur chouchoutait son favori de manière indécente, il était évident que Potter s'en était au contraire tiré bien trop facilement, restant à l'écart des combats ou évitant tout dommage grâce à une chance miraculeuse, son état nécessitant à peine un passage à l'infirmerie de Poudlard alors que ceux qu'il avait entraînés au Ministère avaient tous été hospitalisés à Sainte Mangouste plus d'une semaine. Le garçon aurait plus que mérité d'être secoué. Mais Severus était un homme de parole, et il résista donc à la tentation, maintenant simplement son regard en veillant à bien transmettre son dédain.

Et pour mettre fin à ce moment de silence, Potter esquissa un sourire totalement faux avant de prendre la parole d'un ton doucereux et contrôlé qui lui ressemblait tellement peu que Severus commença à envisager sérieusement l'hypothèse du Polynectar.

« Vous êtes vraiment un enfoiré. Je n'avais jamais eu le moindre doute à ce sujet, notez, mais là, c'est vraiment confirmé. Comme quoi on peut être une lamentable enflure et en être fier, vous devez être la joie de votre vieille mère. Mais il faudra m'expliquer comment une ordure aussi pathétique que vous peut s'attendre à ce qu'on lui témoigne le moindre respect. A moins que vos fonctions cognitives ne soient encore plus endommagées que les miennes ne le sont selon votre estimation... mais je ne crois pas que ce soit le cas, enfoiré oui, mais pas demeuré… Il faut donc croire que vous vous rendez coupable de l'arrogance dont vous ne cessez de m'accuser. Ne trouvez-vous pas ça ironique, de réaliser que vous êtes devenu un monstre d'arrogance et d'hypocrisie n'ayant de cesse de tourmenter les plus faibles que vous pour votre propre plaisir ? Précisément l'attitude que vous admiriez tant chez les Maraudeurs ! Vous devez être si fier d'avoir réalisé votre rêve d'enfant et d'être devenu digne de faire partie des leurs ! »

Abandonnant son intonation faussement enthousiaste aussi soudainement qu'il l'avait adoptée, Potter conclut ensuite avec une indifférence détachée.

« Et sinon, pour information, Professeur, non, je ne vous rends pas coupable pour la mort de Sirius, même si j'estime que vous faites partie de la liste des personnes portant une part du blâme. Dans laquelle je m'inclus, si surprenant que ça puisse vous sembler. Mais les principaux responsables sont cette fois encore les mêmes que d'habitude. Voldemort et Dumbledore. Toujours et encore. »

Après ça, estimant manifestement la discussion terminée, le garçon contourna Severus et se dirigea vers l'escalier pour redescendre, et vraisemblablement regagner son dortoir. Et Severus le laissa partir sans intervenir, restant planté dans la même position, figé.

Il devait avouer que l'agressivité des propos de Potter l'avait choqué, mais pas au point de l'empêcher de réagir avec la sévérité appropriée pour un manque de respect aussi flagrant, ou de le reprendre sur sa façon de désigner le Seigneur des Ténèbres. Par contre, face à ces yeux verts fixés sur lui trahissant un dégoût si profond, il s'était senti secoué malgré lui. Même le regard que lui avait adressé Lily lorsqu'il l'avait traitée de Sang-de-Bourbe l'avait moins affecté. Ce qui était complètement déraisonnable et incompréhensible. L'opinion de Potter n'avait jamais compté pour lui, et ça ne risquait pas de changer. Mais en dépit de tous les arguments on ne peut plus fondés qu'il utilisa pour se persuader lui-même qu'il n'y avait aucune raison d'accorder de l'importance à cet incident sinon pour mettre Gryffondor en négatif dès le premier jour de septembre, son impression de malaise persista. Et ce ne fut encore que bien plus tard, de retour dans ses quartiers, qu'il réalisa que le fait que Potter place le Professeur Dumbledore et le Seigneur des Ténèbres au même niveau de culpabilité méritait probablement qu'on s'en inquiète.