Le Fils du Moldu
Disclaimer : Tous les personnages appartiennent à J.K. Rowling. Vous croiserez cependant quelques O.C. au détour de ces lignes, en particulier les membres de la famille Prince (hormis Eileen bien sûr…).
Genre: Drama/Angst
Personnages principaux : Eileen Prince, Tobias et Severus Rogue
Rating : T. Quelques scènes de violence.
Résumé : Spoiler T7. Autant par défi et besoin affectif que par véritable amour, Eileen Prince, une sang-pur, épouse le Moldu Tobias Rogue. Malgré le soutien de deux membres de sa famille, le mariage sera un échec dont souffrira son fils Severus.
Note d'auteur : Cette fanfiction retrace la rencontre et le mariage des Rogue ainsi que la vie de leur enfant, de sa naissance à sa douzième année. En fonction de mon inspiration et de l'accueil réservé à cette histoire, une suite pourrait voir le jour sur les années Poudlard puis Mangemort de Severus Rogue.
Ne vous attendez pas à une mise à jour fréquente, comptez toutes les trois semaines environ. Si possible, j'augmenterais la fréquence. Mais entre publier en retard un chapitre que j'estimerais potable et publier à temps un chapitre qui ne me plairait pas, je choisirai toujours la première option.
Tous mes remerciements à ma β – lectrice, Zazaone.
Partie I: Mésalliance
I.1. Rébellion :
A grand fracas, la large table en chêne du salon se brisa devant Eileen Prince. Agile, elle bondit en arrière, esquivant éclats de bois, verre et porcelaine projetés dans sa direction. Seuls l'atteignirent quelques fines paillettes de peinture, éjectées du plafond par la violence du sortilège.
D'un geste lent, elle balaya la poussière d'or maculant sa robe noire puis releva les yeux et fixa ses parents.
Garder son calme, ne pas trembler… et leur montrer. Leur montrer combien la craintive Eileen avait changé. Finis cris d'angoisse, fuites ou sanglots : aujourd'hui, elle se l'était juré, ils ne l'effraieraient pas.
Face écarlate et yeux exorbités, son père s'avança et la menaça de sa baguette.
- Ja… jamais ! s'étouffa John Prince. Jamais je ne te permettrai d'épouser un Moldu ! Je te jure que… que je préférerais te tuer !
Affolée par la violence inattendue du propos, Eileen chancela. Au mépris de sa volonté, son cœur s'emballa, sa bouche frémit : elle menaçait de céder à la panique. Vite elle ferma les yeux et songea à ceux qui la soutenaient : Tobias, son amour ; Metis, sa jeune sœur ; Severus, son frère cadet. Severus… celui qui lui avait appris à vaincre le Monstre.
A cette pensée, elle recouvra tout son courage et rouvrit les yeux. Car qu'était un John Prince, ses colères, ses menaces, comparé au Monstre ? Comment plier devant lui quand elle avait triomphé de si terribles peurs ? Hardie, elle opta pour la provocation.
- Eh bien tuez-moi alors !
Déconcerté, son père baissa sa baguette et jeta un regard désemparé à sa femme Altaïr. Toute aussi perdue que lui, celle-ci crispait ses mains sur le dos d'une chaise. Avec sa bouche ouverte, son immobilité, sa pâleur, elle ressemblait à une statue de cire, une statue allégorie de la stupéfaction.
Tête haute, ton désinvolte, Eileen réitéra sa demande :
- Qu'attendez-vous Père ? Tuez-moi ! C'est la seule solution pour m'empêcher d'épouser Tobias.
De nouveau John se tourna vers Altaïr. Cette fois, celle-ci réussit à remuer les lèvres, mais aucun son n'en sortit. Seuls ses yeux exprimèrent son effarement.
Privé d'aide, son père hésita quelques instants puis, sans surprise, choisit la voie de l'intimidation et lui pointa sa baguette vers la poitrine.
- Rien de plus simple ! hurla-t-il. Je te transforme en cloporte et t'écrase sous mon pied !
Eileen manqua d'éclater de rire. Si John Prince voulait l'impressionner, il avait mal choisi la manière. La changer en cloporte… Lui, un sorcier si coléreux qu'il n'était guère capable de magie plus subtile que ces explosions de mobilier dont la table venait de faire les frais…
Totalement sûre d'elle à présent, la jeune femme répliqua d'un ton moqueur:
- J'attends ! J'avoue être curieuse de savoir comment vous allez procéder… vous n'avez jamais brillé en Métamorphose, il me semble…
D'écarlate, John Prince devint cramoisi.
- Toi, tu…
Il s'étrangla de fureur. Jamais Eileen n'avait ressenti une telle joie. Après tant d'années de mépris et d'humiliation, c'était elle qui brocardait son père. Et il s'avérait incapable de riposter !
Émergeant de sa catalepsie, Altaïr Prince lâcha sa chaise, enjamba les décombres du meuble et se glissa entre sa fille et son mari.
Implorante, elle s'adressa à Eileen :
- Ce n'est pas... pas... possible. Tu... plai… plaisantes ? Dis-moi ? C'est ça ? Tu ne peux tout de même pas... pas nous faire ça. Pas à moi et à ton père qui t'avons toujours aimée et…
- Qui m'avez toujours aimée ? rugit la jeune femme. Comment osez-vous ?
La violence de sa réaction stoppa net le discours de sa mère : Eileen tremblait de tous ses membres. Pas de peur cette fois, mais de colère : lui parler d'amour… à elle ! Elle, à qui ils ne s'étaient jamais intéressés, même par devoir ou intérêt ! Elle, la laide, la médiocre, l'insignifiante comme ils le lui répétaient si bien ! Elle, qu'ils cachaient presque comme une insulte à la pureté de leur sang et à la grandeur de la famille !
Devant l'hypocrisie d'Altaïr Prince, des flots de souvenirs amers la submergèrent. Elle se revit petite, objet des sarcasmes de ses parents et de ses aînés, Aglaé et Richard. Puis à Poudlard où Aglaé ne cessait de se moquer d'elle et où Richard la reniait comme sœur. Hormis Metis la benjamine et, depuis peu, Severus, la seule personne de la famille qui lui ait jamais témoigné de l'affection, c'était Blabby, l'elfe de maison…
Trois profondes inspirations et Eileen se calma suffisamment pour reprendre d'un ton plus posé:
- Ni vous ni mon père ne m'avez jamais aimée. Inutile de tenter le chantage affectif.
Savourant chaque mot comme s'il s'agissait de berlingots de Bertie Crochue, la jeune femme ajouta:
- Et je confirme pour Tobias : je ne plaisante pas… nous nous marions bientôt. Et je pars vivre avec lui. Chez les Moldus, bien évid…
Vociférations de John Prince, éclair rouge et chute du lustre, évité de justesse par Eileen.
- Et tu t'imagines que nous allons te laisser faire ? hurla son père, virant du cramoisi au pourpre. Je vais t'enfermer dans cette maison et tu n'en sortiras plus !
- Ca, je ne crois pas !
Enfin approchait le meilleur moment! Combien de fois, depuis trois mois, Eileen avait-elle rêvé de leur annoncer l'évènement ? Pour masquer son sentiment de triomphe et ménager le suspens, elle prit sa voix la plus douce:
- Vous n'avez pas le choix... ou plutôt si, vous l'avez le choix ; le choix entre me laisser partir et... celui d'expliquer à vos snobs d'aristocrates sang-pur comment je peux être à la fois mère et célibataire.
Nul cri, nul bris de meuble ne suivit cette révélation. Devant elle, deux personnes aussi incapables de bouger que si Eileen leur avait lancé un Stupefix. Etonnée par cette réaction inhabituelle chez John Prince, elle se demanda s'il avait bien compris et, à tout hasard, précisa :
- Je suis enceinte de Tobias.
La clarification fut efficace et les deux statues humaines s'animèrent. Altaïr Prince tituba trois pas puis s'affaissa sur une chaise. Son mari l'imita.
Deux minutes de silence ; puis Altaïr Prince releva la tête, planta son regard dans celui de sa fille et susurra :
- Parce que tu crois que nous allons t'autoriser à garder… ça dans ton ventre ?
Eileen rit. D'un rire moqueur. Avivé chaque seconde par le désarroi et l'incrédulité qui s'affichaient toujours un peu plus sur les visages de ses parents.
- Je sais, hoqueta-t-elle, je sais que vous me considérez comme une idiote mais quand même… vous croyiez vraiment que je n'avais pas prévu vos intentions ?
Altaïr resta muette. Eileen parvint à maîtriser son rire.
- Hier j'ai avalé un plein flacon de potion de Grossesse. Aucune mixture ou incantation abortive ne pourra plus agir sur moi jusqu'à mon accouchement.
De pâle, sa mère devint livide. Elle offrait un amusant contraste avec son mari.
- J'ai volé la potion à Metis, ajouta à regret Eileen.
Comme elle aurait aimé pouvoir dire la vérité ! Dire qu'elle n'avait jamais volé la potion à sa soeur mais que la benjamine l'avait préparée pour elle. Dire que Metis se moquait tout autant qu'elle de la pureté de sang et qu'elle… mais Eileen ne devait pas trahir sa soeur.
- Tu mens ! affirma Altaïr.
Mais ses traits altérés contredisaient l'assurance de sa voix.
- Moi je te crois ! tonna John Prince. Tu es assez perverse pour l'avoir fait ! Mais cela ne changera rien ! Nous te garderons enfermée ici jusqu'à ce que tu mettes bas ton bâtard ! Severus nous aidera, j'ai confiance en lui.
La jeune femme lutta pour ne pas recommencer à rire. Son père avait donc confiance en Severus ? S'il savait… à côté de son frère, Metis était un modèle d'obéissance…
- Apparemment, soupira Eileen, vous continuez à croire que je suis une imbécile. J'ai également envisagé cette hypothèse. Si jamais vous tentiez de me séquestrer…
Elle se tut un instant pour profiter de l'air hagard de ses parents.
- Si donc vous tentiez de me séquestrer, des amis on ne peut plus traîtres-à-leur-sang se chargeraient de prévenir le ministère de la Magie de ma situation, car je vous rappelle que la séquestration est illégale. Vous auriez donc droit à un agréable séjour à Azkaban.
- Cette fois tu mens ! éructa John Prince. Comment aurais-tu connu ces personnes ? Tu ne sors jamais d'ici ! Sauf pour aller chez Aglaé.
- Vous pensiez que je ne sortais jamais… corrigea Eileen. Sinon, comment aurais-je rencontré Tobias ?
Foudroyé par l'évidence, son père ne répondit pas.
- Mais vous pouvez essayer, appuya Eileen. Enfermez-moi. Mais pensez au scandale si vous et Mère alliez en prison…
- … avec Severus, s'empressa-t-elle d'ajouter.
- Toutes les grandes familles nous approuveront d'avoir puni une traînée et une traîtresse comme toi !
- Allons, vous le savez très bien, elles ne vous approuveront que si vous ne vous laissez pas prendre… aller à Azkaban est la pire des hontes… honte qui rejaillirait aussi sur vos deux enfants préférés, Aglaé et Richard, ainsi que sur leurs conjoints et descendants…
Un long silence suivit ces derniers mots. John et Altaïr Prince se regardèrent de nouveau puis John se leva et, l'air solennel, pointa son index vers sa fille.
- Toi, pars d'ici. Tout de suite !
- Je vous rappelle que c'était mon intention depuis le début. Mais je croyais que c'était vous qui ne vouliez pas...
De nouveau John Prince s'étrangla.
- Tu n'es plus notre fille ! Et cette chose dans ton ventre, ce bâtard, ne sera jamais notre petit-fils ! Va vivre avec lui chez les Moldus ! Tu as raison, c'est bien là qu'est votre place à vous deux !
- Ce bâtard comme vous dites, cet enfant de Moldu, sera un meilleur sorcier ou une meilleure sorcière que toute la famille réunie, affirma calmement Eileen.
Son père ricana.
- L'enfant d'un Moldu et d'une médiocre sorcière comme toi un grand sorcier ? Un Cracmol plutôt ! Tu n'as jamais été bonne à autre chose qu'à ce jeu puéril des Bavboules ! Et encore… l'année où tu as été capitaine de l'équipe, Poudlard a perdu tous ses matchs il me semble… mais personne ne s'attendait à un meilleur résultat de ta part…
Sous l'insulte, Eileen serra les dents mais réussit à garder son sang-froid. Inutile de gâcher l'avantage qu'elle avait pris sur ses parents.
- Il sera le plus grand sorcier ou la plus grande sorcière de la famille ! reprit-elle d'un ton assuré. J'en suis certaine ! Et moi, je serai la femme d'un homme célèbre ! Tobias est déjà un écrivain connu. Soyez-en sûrs, un jour je reviendrai vous narguer avec mon enfant, mon bonheur et mes richesses !
Sur ces mots, elle tourna les talons et se dirigea vers la sortie du salon. Encore dix pas et elle porterait le dernier coup…
Arrivée devant la porte, elle l'ouvrit puis se retourna.
- Au fait, annonça-t-elle d'un ton détaché, n'oubliez pas de regarder la Gazette du Sorcier… J'y annoncerai mon mariage avec un Moldu. Et aussi la naissance de ce "bâtard". Bonne chance dans les salons ! J'adore penser à la façon dont les Black vont vous regarder ! Ce sont Walburga et Irma qui vont triompher ! Elles qui affirmaient qu'avec un physique comme le mien, je ne pouvais être qu'une descendante de Moldu. "Le centaure retourne toujours dans sa horde." vont-elles répéter dans tous les repas mondains.
Eileen sentit sa voix devenir dure et tranchante comme un poignard de glace.
- En me traitant comme vous l'avez fait, vous avez contribué à leur donner raison. Depuis mon enfance, rien que pour vous contrarier, je rêvais d'épouser un Moldu. Voilà votre récompense… et ma chance. Car Tobias est quelqu'un de formidable, de plus formidable et intéressant que tous ces sang-pur autour desquels vous gravitez ! Oui, parfaitement ! Ce Moldu que vous méprisez vaut plus que tous les descendants des grandes familles réunis !
Elle s'attarda pour se repaître de leur expression outrée puis leur tourna le dos.
- A la prochaine donc, comme promis ! cria-t-elle en franchissant le seuil du salon.
A peine commençait-elle à traverser le vestibule qu'une nouvelle explosion la fit bondir vers l'avant. Réflexe salutaire, qui lui évita de recevoir les débris du chambranle de la porte.
Laissant son père à sa rage, Eileen monta l'escalier et rejoignit sa chambre au deuxième étage. Aussi spacieuse et riche qu'était cette pièce, la jeune femme était ravie de la quitter pour celle, ô combien plus modeste, qu'elle occuperait avec Tobias dans sa petite maison du village moldu voisin.
En trois minutes, elle rassembla ses livres de magie dans son sac. Puis, d'un mouvement de baguette, elle ouvrit dans le mur la cachette qui recelait sa tenue moldue. Abri pratique, construit par Metis pour garder leurs objets compromettants hors de la vue de leurs parents ou des elfes de maison.
La jeune femme tira sur sa jupe et son corsage, coincés sous les sacs de Gallions de la benjamine puis s'habilla et rangea sa robe sorcière dans son bagage. Elle était prête.
Baguette à la main et sans un regard en arrière, Eileen sortit de la pièce, descendit l'escalier et longea le vestibule en direction de la sortie.
A mi-chemin, elle s'arrêta.
Devant le miroir armorié des Prince.
Elle leva le bras et fixa l'objet. A sa vue, la licorne d'argent piaffant sur le blason couleur gueules des Prince détourna la tête. Puis une voix stridente s'éleva :
- T'es pâle ! T'es maigre ! T'es laide ! T'es pas une Prin...
- Cracbadabum ! hurla Eileen.
Eclair rouge et bruit de verre cassé. Glace, cadre et blason dégringolèrent sur le parquet. Aux anges, Eileen rangea sa baguette et piétina les restes de son vieil ennemi. D'un coup de talon, elle brisa la devise de la famille, "plus purs que licorne", puis s'acharna sur l'écu d'où la créature magique s'était enfuie en hennissant de terreur.
Enfin vengée, elle se dirigea vers la porte de la demeure, la franchit puis la claqua derrière elle.
Frappée aux yeux par le violent soleil de juillet, Eileen cilla, recula et heurta du dos l'entrée close du manoir. Vite remise, elle s'avança sur le balcon, posa ses mains sur la balustrade et inspira une goulée d'air pur. L'air de la liberté. A vingt-huit ans, elle commençait à vivre.
À suivre…
review ?
