Chapitre un

Et maintenant ?

Un long silence suivit la question de Jemma. Même Coulson ne sut pas trouver les mots. La seule chose que l'on pouvait entendre était le son presque inaudible et dérangeant des appareils de contrôle. May avança et s'appuya sur la rambarde, suivit de Coulson. Fitz étreignit Simmons, essuyant ses larmes et retenant un sanglot, un nœud dans la gorge.

« Monsieur, on s'apprête à descendre, vous feriez bien de vous attacher. »

Coulson regarda l'agent qui venait de l'interpeller et acquiesça silencieusement. Tandis que l'agent retourna à sa place pour prévenir le pilote, Mack s'asseyait près de Daisy, qui s'était effondrée aux pieds d'un siège. Sans un mot, il plaça son bras titanesque autour d'elle, et mis sa main sur son épaule. Il pouvait la sentir trembler à cause des sanglots, mais il ressentit quelque chose, un grondement à l'intérieur d'elle. Ses mains se crispaient et son visage ne montrait plus aucune émotion. On l'aurait cru endormie, sauf qu'elle avait les yeux grands ouverts. Ses yeux, injectés de sang et normalement bruns, avaient pris une teinte plus claire. Ni tristesse, ni colère ne se lisait dans son regard. Rien que du vide, un immense vide, qui jamais ne pourrait être comblé.

« Tremors… Hey, il faut aller s'attacher… » Dit Mack en la bousculant légèrement. Puisqu'elle ne se levait pas, ni levait la tête, il la prit sous son bras et marcha avec elle vers la soute. Il avait l'impression qu'elle n'était qu'un fantôme, qu'une coquille vide. Que si jamais il la lâchait, elle tomberait par terre, sans bruit, comme une feuille tombe d'un arbre en automne. Elle s'assit sur le siège à droite de Fitz, et Mack pris le siège à côté d'elle. Ils sentirent tous l'avion se poser. La porte de la soute s'ouvrit, laissant passer la lumière orangée du soleil, les éblouissants. Daisy se détacha et descendit du Quinjet, suivie de Fitz et Simmons. Elle déambula, comme un enfant malade, jusque dans la base. Mais l'équipe ne l'avait pas suivie. Ils se tenaient là, dans le hangar désert, et tout était calme autour d'eux. C'était comme si rien de cela n'était arrivé, comme si personne ne savait même qu'ils étaient partis en mission. Comme si personne n'avait disparu.

« Fitz, dit Jemma, regarde le ciel. »

Le soleil se couchait, sa lumière s'éteignait lentement. L'équipe leva alors la tête pour voir ce phénomène éphémère, mais réconfortant. Le crépuscule s'élevait, créant un contraste entre l'Est et l'Ouest : les teintes de rose et de bleu se mélangeait au ciel orangé pour créer ce doux mélange, comme un de ces bouquets que l'on offre à l'être aimé bien sûr, c'était cent fois plus beau. C'était beau, et c'était tout ce dont ils avaient besoin après cette journée sans aucune couleur. Ils passèrent un a un leur badge sur l'écran près de la massive porte jaune et une fois rentrés, ils se défirent de leur veste. Coulson regardant le logo imprimé sur l'épaule gauche, avec mélancolie.

« Quelqu'un a vu Daisy ? demanda t'il.

- Non, mais elle est rentrée en première. Elle doit être dans sa chambre, répondit Jemma. Je vais aller la voir. » dit elle avait une voix faible.

En effet, Daisy était dans ses appartements. Elle prit une douche et s'habilla avec des vêtements propres. Quand elle prit ses vêtements sales pour les mettre dans la corbeille, elle toucha une partie humide. Quand elle regarda sa main, elle vit une tâche rouge foncée. Elle jeta les vêtements salis du sang de Lincoln avec rage, et frappa le mur avec son poing. Elle frappa, encore et encore, de toutes ses forces, en pleurant, sans regarder les traces de sang qui apparaissaient petit à petit sur le mur. Elle n'entendit pas la porte s'ouvrir, et Jemma lui crier d'arrêter. Elle ne la sentit pas lui attraper les épaules vers l'arrière et la faire s'asseoir sur le lit. Elle la sentit seulement glisser sa main dans ses cheveux en lui disant de se calmer tout entre respiration saccadée et sanglots.

- Calme-toi d'accord ? Tout va bien se passer, tout va bien se passer…

- Il est mort, Jemma. Il est mort. dit-elle, d'une voix grave et presque inaudible.

- Daisy ! Ce n'est pas de ta faute ! Il a choisi… Il a fait son choix.

- Pour moi… Il est mort, et c'est ma faute, murmura t'elle, la voix tremblante.

- Il s'est sacrifié pour son équipe, sa famille, pour nous tous, Daisy.

- Arrête! Pourquoi tu ne vois pas la vérité en face ? dit-elle en plantant son regard dans celui de son amie. Je l'avais vu. Je savais que quelqu'un allait mourir. Je-j' aurais pu le sauver ! Ça aurait-ça aurait dû être moi ! Moi et pas LUI ! J'AURAIS DU MOURIR !

Jemma sentit son amie trembler.

- C'était mon but... Ma destinée… Pas la sienne… gémissait la jeune femme.

Puis le lit trembla lui aussi. Elle se leva d'un bond et pris Daisy dans ses bras. Elle fut repoussée par des secousses de plus en plus violentes, et maintenant même le sol tremblait. Daisy gémit et mit ses mains autour de sa tête, comme pour l'empêcher d'imploser.

May, depuis le bureau de Coulson, sentit aussi le séisme. Elle tourna la tête vers Coulson. Pas un mot ne sortit de leur bouche et les deux agents se mirent à courir en direction de la chambre de Daisy. Sur leur chemin, ils croisèrent Fitz et Mack.

- Monsieur, on pense que Daisy…

- Dépêchez-vous ! Elle pourrait blesser Jemma !cria le directeur du Shield. » « Ou elle-même… » pensa-t-il.

Dans la chambre, Jemma ne trouvait plus son équilibre à cause des tremblements. Les meubles commençaient à exploser autour d'elles, tandis que Daisy était toujours en train d'hurler des phrases presque inaudibles à cause des secousses.

- J'EN AI ASSEZ QU'ON ESSAIE DE ME PROTEGER ! elle tomba à genoux, écrasée par ses pouvoirs, toujours en se tenant la tête. Jemma aperçut par la porte ouverte Fitz, suivit de Coulson et May. Tous étaient assourdis par le bruit résonant des ondes qui faisaient trembler tout autour d'eux. La porte tomba en morceau, et Mack sauta dans la pièce pour attraper Jemma et la sortir de là.

- Fitz, le DCES ! Tire !

- Monsieur, vous êtes sûr ? cria Fitz, assourdit par les ondes sismiques. Il avait mis un bras au-dessus de lui, pour se protéger des débris de plâtre qui chutaient du plafond.

- Vas-y, elle va détruire la base ! Cria t' il en retour. Il ne voulait pas lui faire de mal, seulement la protéger.

Fitz sortit l'arme non létale de son étui et la pointa sur Daisy. Sous ses yeux, il vit l'arme se décomposer, pièces par pièces. Il regarda Coulson avec effroi et ce dernier hurla :

DAISY ! CALMEZ-VOUS, JE VOUS EN PRIE ! VOUS ALLEZ DÉTRUIRE LA BASE !

Dans l'esprit de la jeune femme s'entrechoquait les visions : la mort de Trip, le départ de Bobbi et Hunter, Coulson lui annonçant qu'elle était un 0-8-4, Raina lui disant qu'elle tuait tout ce qu'elle touchait, Hive, Ward, et le collier. Elle entendait Coulson au loin, très loin, mais il y avait cette image. Cette image d'une croix d'argent flottant devant un tableau de bord, entourée de gouttes de sang. Cette croix qu'on lui avait volée, lui arrachant son bien le plus précieux : l'homme qu'elle aimait et qui l'aimait. Puis elle revit les yeux de Lincoln, la première fois qu'elle l'avait vu. C'est lui qui l'avait aidé. Un jeune homme blond et à l'humour sarcastique, à qui on avait donné une seconde chance, et qui s'apprêtait à recommencer une nouvelle vie. Et cette vie, elle l'avait détruite. Elle l'avait brûlée, réduite en cendres. Elle revit ses yeux. Deux yeux bleus perdant leur éclat à bord de cet avion.

- Monsieur ! tonna Mack, il faut se mette à l'abri, allez ! Les autres sont déjà partis, dépêchez-vous !

De toutes ses forces, Daisy hurla, évacuant toute son énergie, tous ses sentiments. Non seulement de douleur, mais aussi de frustration de ne pas réussir à contenir les secousses qui mettaient en danger ses amis.

Pourtant, contrairement à une fois où elle s'était infligées elle-même des blessures, elle ne retenait plus ses pouvoirs, puisqu'elle n'y arrivait même pas. Elle hurla, créant des ondes sismiques qui firent s'effondrer les murs, et sa tête lui faisait horriblement mal, elle sentait un liquide chaud couler de son nez jusqu'à son menton, elle ressentait une douleur aigue dans ses côtes et le long de ses bras, et elle sentait son cœur battre fort, si fort qu'elle pouvait presque l'entendre. Ses propres pouvoirs l'envahissaient, l'écrasant, tandis qu'elle n'entendait même plus son propre cri. Pourtant, elle criait toujours, sa gorge lui faisait mal. Si mal ! Elle ouvrit les yeux quand elle se rendit compte qu'elle n'arrivait plus à respirer, et qu'elle n'entendait plus son cœur tambouriner dans sa poitrine. « Daisy …» Elle entendit son nom, comme un écho, puis le bruit du choc de sa tête contre le sol.