Une histoire en cinq parties publiée dans un fanzine. J'espère que vous l'apprécierez.
Déclaration: Les personnages de la série ne m'appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Cheryl Heuton & Nicolas Falacci. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Le cadeau d'anniversaire
- Je suis désolé, vraiment.
- Non… Ce n'est pas votre faute.
- Ecoutez… Est-ce que nous pouvons remettre ça à demain, même heure ? Cette fois-ci je vous promets que nous serons là tous les deux ! Je passerai moi-même le chercher.
Le photographe consulta son agenda avant de dire :
- Demain, même heure ? D'accord. Je n'ai rien de prévu. Par contre soyez ponctuel parce qu'un couple doit venir à 14 h 00, donc je ne pourrai pas m'occuper de vous si…
- Ne vous inquiétez pas : nous serons là à 13 h 15 précises, dussè-je lui passer les menottes pour cela !
« Et s'il est encore en vie ! » songea l'agent fédéral en quittant le studio de photos.
Son petit frère avait déjà fait pas mal d'erreurs mais celle-ci risquait de lui être fatale ! pensait-il, presque sérieux, tout en roulant vers l'université afin de rejoindre l'absent.
- Charlie !
Le professeur sursauta à la voix courroucée qui s'était élevée derrière lui et se tourna vivement vers l'arrivant, se demandant pourquoi son frère arborait une mine si sévère :
- Don ? Qu'est-ce que tu fais-là à cette heure-ci ? s'étonna-t-il, puis, soudain inquiet : Papa va bien ?
- Papa va très bien, pour autant que je le sache ! Par contre je ne suis pas sûr que toi tu vas aller très bien encore longtemps ! proféra l'agent en s'avançant vers lui avec un tel visage que l'universitaire recula d'un pas, venant buter dans le tableau sur lequel il écrivait quelques instants plus tôt.
- Mais… Qu'est-ce qui t'arrive ? balbutia-t-il, ne comprenant pas l'attitude de son aîné.
- Jamais tu ne réponds au téléphone ?
Le professeur jeta un regard contrit autour de lui, comme s'il n'avait pas la moindre idée de ce dont parlait son frère :
- Tu as essayé de me joindre ?
- Au moins une dizaine de fois oui !
- Ben… Je ne sais pas où je l'ai mis… Euh…
Il se mit à fouiller dans le bazar qui encombrait son bureau puis dans ses poches et finit par y pêcher son portable auquel il jeta un regard avant de dire d'un ton lamentable :
- Il est éteint…
- Je me demande à quoi ça sert que tu aies un portable ! Même lorsqu'il est allumé tu ne consultes jamais tes messages !
- Tu exagères. Ca m'arrive, bredouilla le cadet, ne sachant pas comment se défendre. Puis il reprit pour tenter de détourner son frère de ce terrain glissant : Et si tu me disais ce qui t'arrive ? Tu as besoin de moi ?
- Ce qui m'arrive ? Tu n'en as pas la moindre idée peut-être ?
Et devant l'air totalement abasourdi de son cadet, l'agent se laissa tomber dans un fauteuil en articulant :
- Visiblement non ! Il n'en a pas la moindre idée…
- Mais enfin Don… Qu'est-ce qui se passe à la fin ? s'énerva le plus jeune.
- Ce qui se passe… Tu as une petite idée du jour que nous sommes ?
- Le 8 mars. Je ne suis pas aussi étourdi que tu te plais à le penser mon cher frère ! fut la réponse triomphante du mathématicien.
- Non… Tellement peu étourdi que tu ne te souviens pas de ce que ce 8 mars était censé avoir de particulier.
Visiblement perdu, Charlie attacha un regard vague sur son frère et soudain, celui-ci vit poindre au fond des prunelles sombres, d'abord un doute, puis une interrogation, un semblant de compréhension et soudain la culpabilité tandis que le professeur s'exclamait :
- Oh mon Dieu ! Le 8 mars ! C'était aujourd'hui que… Mais… C'est à 13 h 30 non ?
- Oui petit génie, 13 h 30, exactement, ironisa son aîné. Et il est…
Charlie regarda sa montrer et pâlit brusquement :
- 14 h 35 ! Oh Don ! Je… J'étais dans ce calcul et…
- Et tu m'as planté là-bas comme un vieux sac ! acheva l'aîné. Je te rappelle que c'était ton idée, moi je n'étais pas trop pour ! J'ai bien assez à faire comme ça ! Mais tu as insisté : « Allez Donnie… Ce sera marrant et puis ça fera plaisir à papa. On peut faire ça dans un studio près de ton bureau, durant ta pause déjeuner, comme ça tu ne prendras pas de retard. Je t'assure, c'est une merveilleuse idée… » Bref tu as fini par me convaincre. Et qui s'est retrouvé comme un idiot devant un photographe furibard hein ?
- Don… je suis vraiment désolé ! Je ne sais pas quoi dire ! Mais… On peut peut-être y aller maintenant ! Il suffit de…
- Parce qu'évidemment je n'ai que ça à faire ! Je te signale qu'à cause de toi je viens déjà de perdre plus d'une heure ! Alors ça suffit !
- Don… Est-ce que ça veut dire que…
L'air piteux de son frère arracha enfin à Don le sourire indulgent qu'il retenait depuis un moment tandis qu'il se levait en disant :
- Non… J'ai pris rendez-vous pour demain, même heure, même endroit ! Mais je passe te prendre !
- Je suis tout à fait capable d'y aller seul ! s'insurgea le plus jeune.
- Que tu sois capable d'y aller seul je n'en doute pas. Le truc c'est que je te crois surtout capable d'y aller deux heures avant ou trois jours plus tard ! Donc je préfère venir te chercher.
- Hé ! Je n'ai plus cinq ans ! Je n'ai pas besoin qu'on me réveille pour aller à l'école.
- Ah non ? Il me semble pourtant avoir encore entendu papa, la semaine dernière, dire que s'il ne t'avait pas sorti du lit tu aurais raté ta première classe.
- J'avais passé la moitié de la nuit sur mes recherches. Je n'ai pas entendu le réveil, grogna le mathématicien pris en flagrant délit. Tu sais quelles sont les probabilités pour que quelqu'un oublie deux fois de suite le même rendez-vous ?
- Quelqu'un ? Aucune idée ! Toi ? A mon avis bien trop élevées pour que je prenne le risque. Alors sois prêt demain à 13 h 10 tapantes sinon je te jure que je t'embarque pour gaspillage du temps précieux d'un agent fédéral !
Comprenant qu'il ne servirait à rien de protester, Charlie sourit : visiblement son frère n'était pas trop en colère, il s'en sortait bien. Abandonnant l'idée de le faire changer d'avis il se contenta de dire :
- C'est un délit fédéral ça ?
- Et comment ! confirma l'aîné en s'éloignant. N'oublie pas : 13 h 10 ! Ah ! Et dis à papa que je suis désolé mais je ne pourrai pas être là ce soir : j'ai une heure de boulot à rattraper moi !
Et sur cette dernière flèche, l'agent s'éloigna, laissant le mathématicien quelque peut déconfit de son étourderie. C'était vrai qu'il était à l'origine du projet : offrir un portrait professionnel de Don et lui à leur père pour son anniversaire. Il avait dû batailler ferme pour convaincre son aîné et c'était lui qui oubliait le rendez-vous ! Décidément il était irrécupérable ! Mais heureusement, toujours réactif, Don avait rattrapé sa bévue. Il ne serait pas pris en faute une seconde fois. Et sur cette belle résolution, le mathématicien se replongea dans les calculs qui lui avaient fait oublier le reste du monde durant quelques heures.
Don, lui, retourna au bureau un sourire sur les lèvres : finalement il ne regrettait pas de s'être laissé fléchir, l'idée était bonne et le cadeau plairait sans nul doute à leur père. La dernière photo d'eux deux ensemble était cet horrible cliché pris l'été précédent, à la sauvette, où on aurait plutôt dit qu'ils allaient se sauter dessus que s'étreindre ! Il y avait bien longtemps qu'ils n'avaient pas pris le temps de poser côte à côte et si, les derniers clichés du genre mettaient en évidence leur contrariété à être obligés de se supporter, même le temps d'un instantané, il savait que celle qu'ils allaient prendre mettrait en avant leur complicité retrouvée et leur amitié inconditionnelle. Alors oui, c'était définitivement une bonne idée. Mais pour autant il n'avait pas l'intention de passer pour un hurluberlu auprès du photographe et le lendemain son frère avait tout intérêt à être prêt à l'heure dite s'il ne voulait pas avoir d'ennuis.
Il jeta un coup d'œil à sa montre : presque une heure et demie de perdue ! Evidemment il aurait pu se rendre au F.B.I. lorsqu'il était sorti du studio, mais il s'inquiétait : il avait essayé de joindre Charlie une première fois vers 13 h 00 pour confirmer le rendez-vous, puis, celui-ci ne se présentant pas, sept fois encore tandis qu'il patientait avec le photographe. Alors, malgré son instinct qui lui disait que son petit génie de frère devait être plongé dans des calculs qui lui avaient fait perdre la notion du temps et de l'espace, il n'avait pu s'empêcher de s'inquiéter et le besoin d'en avoir le cœur net avait pris le pas sur toute autre considération. Maintenant qu'il était rassuré, il se reprochait d'avoir cédé à son inquiétude, mais il n'arriverait jamais à se comporter autrement que comme le grand frère, quand bien même Charlie lui reprochait assez souvent de le traiter encore comme un bébé. Il sourit en se disant qu'il n'était certes plus un bébé mais que s'il n'y avait pas eu son père, lui-même ou Amita pour le ramener à eux, il aurait été capable d'oublier tout ce qui n'était pas ses mathématiques adorées, y compris manger, dormir ou se laver.
Enfin, conclut-il en garant son S.U.V. sur sa place réservée. Le lendemain il irait le chercher : certes ça allongerait d'autant son absence du bureau, mais au moins il serait assuré que cette fois-ci le mathématicien se présenterait en heure et en temps et dans une tenue correcte ! Et puis, pour une fois, ils n'avaient pas trop d'affaires en cours et David pourrait fort bien le remplacer durant deux heures sans que le monde ne risque d'en souffrir !
(à suivre)
