Peut-être. Peut-être, se répéta Ron... Pourquoi ? Pourquoi lui, déjà, était la première chose à se demander. Lui ? mais à qui pensait-il, en fait ? à lui-même, ou bien à lui ?... Finalement ce détail ne changeait rien. Si ça n'avait pas été lui, ce regard de braise, il n'y aurait aucune question à se poser ; et il n'y avait que lui, Ron Weasley, pour arriver à s'enticher de son nouveau professeur de potion dès les premiers jours de classe.
Mais quel professeur. Oh ! merlin… quel professeur.
Il fallait croire que les autres ne voyaient pas ce qu'il voyait, parce qu'il s'était tourné vers Harry, le premier jour, avec un regard entendu et ravi sur l'incroyable de la situation : un professeur de potion pouvait ne pas être un rat graisseux aux yeux sales ? et il pouvait être si, si… comme il était ?... mais son ami s'était contenté d'hausser un sourcil perplexe d'abord, puis comprendre autre chose et finir par éclater de rire en pointant du doigts la nouvelle coupe de cheveux de Malfoy. Tellement hideuse qu'il n'avait pas pu détacher les yeux de cette tignasse aveuglante pendant toute l'heure… Harry. Pourquoi sommes-nous amis ? tu me fatigues.
Au moins Hermione comprenait, elle. Elle était d'accord sur l'essentiel. Probablement gentil, derrière ce regard noir autoritaire et cette voix qui gronde. Mais deux secondes : gentil, réellement ?... non ! ce n'était pas ça. Pas tout à fait… Ron aurait voulu répondre à Hermione… oui, il aurait voulu lui répondre que la gentillesse n'avait rien à voir dans l'affaire. Ce n'était pas gentil, qu'il était, sous cette couverture de ténèbres, mais rond. Il y avait une rondeur inexplicable à la surface de ses yeux, qui menaçait de déborder. Rond, doux… et toute cette sublime douceur voulait perler de ces yeux envoûtants, glisser sur l'ébène de sa peau. C'était si évident, il n'était pas gentil, mais doux, intensément, de l'intérieur, de l'extérieur, tout son être n'était que douceur sucrée, satinée, et il avait toute la peine du monde à dissimuler ce naturel derrière ses airs sévères. Ron aurait voulu lui dire qu'il n'avait pas besoin d'essayer d'avoir de l'autorité, que tout le monde devant lui avait le devoir moral de respecter un tel condensé de mystère et de charme. Mais, un instant ?... ce n'était pas vraiment une chose à partager avec quiconque ; même pas avec lui-même. Et voilà ! Il avait encore réussi à s'égarer dans ce genre de pensées vertigineuses. Pas bon.
Un énième soupir de lassitude s'échappa de sa bouche et son dos se courba un peu plus au-dessus de cette feuille d'exercices qui semblait être écrite en runes. Il ne comprenait rien à ce foutu bordel… Ses mains quittèrent ses stylos pour venir frotter son visage fatigué, et, se laissant aller, s'effondra sur sa table. « la bibliothèque n'est pas faite pour dormir », oui, je sais. Mais prenons deux minutes pour savourer le fait que je sois officiellement et pour toujours en échec scolaire. Prenons un instant pour lever un verre à Poudlard… au chimiste que je ne serai jamais, au grand auror qui ne sera pas moi… à ce prof de potion qui par sa seule présence me fait apprécier un cours pour la première fois de ma vie. Je ferme les yeux, j'entends encore ce timbre chaud… qui me transporte, un peu plus loin d'ici, tout en m'enracinant dans la pièce, dans l'instant… Je ne compte plus les secondes mais les mots que vous prononcez, les intonations de votre voix, je les analyse, les ébauches de sourire sur vos lèvres, je les bois… Merci ? Je suis en échec scolaire, grâce à vous. Parce que vous allez trop m'intéresser.
Ron secoua sa tête nerveusement en pensant à ce qu'allait dire sa mère devant ses prochaines notes. Oh, non. Hermione. Hermione. Hermione. Je suis te suivrai partout. Mes yeux suivront ta copie jusqu'au bout du monde. Tu vas m'aider à me sortir de là… Comme toujours. Parce que je suis trop stupide pour être sérieux. Parce que les cours ne m'intéressent pas. Parce que je n'ai jamais été amoureux, et que chaque jour qui passe rend cela moins vrai…
Blaise.
Ron aurait rit d'un tel nom, s'il ne contenait pas braise, ces braises crépitant follement au fond de lui… alors non, il n'avait pas vraiment envie de rire. Blaise… Il tuerait, il tuerait pour pouvoir l'appeler par son prénom un jour. Et c'était affreusement déplacé.
Mais il devait avoir, quoi ? quelques années de plus… un petit rien… à l'échelle de l'humanité, un petit rien… à l'échelle des sentiments, encore moins. Fallait-il vraiment qu'ils se rencontrent de la sorte ? professeur… franchement, professeur. Les gens n'ont pas idée d'enseigner. Il aurait pu… être… serveur. Aux Trois-Balais. Ils auraient pu discuter. Il aurait pu s'envelopper du manteau mélodieux de sa voix, toute dirigée dans sa direction… Ils auraient pu rire ensemble. Dieu que Ron voulait l'entendre rire. Oh.
Ses pensées commençaient à l'effrayer.
Mais bientôt, il allait avoir une retenue, non ?... il en avait tout le temps. C'était la normalité. Est-ce que M. Zabini les ferait ?... imaginons que Rusard soit malade… possible, avec un peu d'imagination et de volonté… Rusard malade, lui en retenue, tous les professeurs occupés… et M. Zabini lui faisant faire sa retenue. Et après ? Rien, mais… on pouvait voir ce que ça allait donner, non ?
Tout son corps se redressa d'un bon, un léger sourire flottant sur ses lèvres minces.
Une nouvelle obsession. Un nouveau plan. Un nouveau rythme dans son cœur.
Je vais sûrement faire un petit recueil d'OS à la suite de celui-ci, qui sera tout simple, un peu dans le même esprit... un petit recueil d'OS écrits à la vitesse de la lumière, que vous aurez le plaisir de continuer par vous-même peut-être, en pensées, en écriture même!
Je m'adapte, héhé.
