Préface
.
Cette fanfiction a connu une première parution inachevée en 2008, puis a été réécrite et complétée en 2015 et 2016.
Cette fanfiction est librement inspirée du manga Vampire Knight, qui appartient tout comme ses personnages à son auteur mangaka, Maître Matsuri Hino. Cette fanfiction suit en tout point le manga jusqu'au chapitre 47, qui salue la métamorphose de Yûki et son départ avec Kaname de l'Académie. L'histoire s'affranchit ensuite du récit orignal pour vous proposer une toute nouvelle évolution. Cependant de nombreux clins d'œil et hommages à l'œuvre originale y figurent, l'objectif étant de permettre aux fans de voir la série sous un autre jour.
.
Ce récit se veut cependant respectueux de l'œuvre originale. L'univers de Vampire Knight sera davantage développé mais s'efforcera de rester fidèle à l'esprit de l'œuvre de base, de même que les pairings mis en place. Il n'y aura donc pas plus de yaoi que dans l'œuvre de Maître Matsuri Hino.
.
Le rating T sera susceptible d'évoluer avec la parution des chapitres 15 à 25.
.
.
.
.
En vous souhaitant autant de plaisir à lire ce premier acte de Bloody Cross Chronicles que l'auteur en a eu à l'écrire.
.
.
Elenthya
Assistante de publication Web
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Prelude
.
The Hunter and the Writer
.
.
.
Sept ans.
Sept ans qu'elle avait quitté ce bureau sous le coup de l'emportement. Sept ans qu'elle avait déserté cette vaste pièce encombrée de livres, chargée d'histoire et de souvenirs, en désordre comme ses pensées d'alors. Comme ses sentiments.
Ça faisait sept ans. Déjà…
Les yeux secs mais le cœur lourd, elle contempla avec circonspection l'ouvrage posé devant elle. D'une main hésitante, elle souleva l'épaisse couverture reliée, surprise par son poids. Une odeur de vieux vélin et d'encre passée la transcenda soudain, familière, étrangement accueillante et apaisante. Ses doigts caressèrent le papier au grain si fin, si particulier, qu'elle avait autrefois choisi pour sa qualité. Comme ses pensées, comme ses innombrables souvenirs, il semblait n'avoir pas vieilli d'une seule journée, et l'avoir attendu. Patiemment. Religieusement.
Feuilletant les pages au hasard, perdue dans ses songes, elle s'arrêta soudain sur un mot bien connu au milieu du récit. Son cœur fit un bond, et ses yeux se voilèrent.
« Yûki »
Elle porta ses mains à son visage, et inspira sourdement. Elle ne voulait pas pleurer. Plus maintenant. Elle l'avait bien assez fait pendant toutes ces années. Il était temps de passer à autre chose…
Ou bien était-ce le temps de s'y remettre ? Après tout, elle avait une promesse à tenir : conter leur histoire. En pensée elle revit la petite brune vêtue de son uniforme, les cheveux courts en bataille, son sourire candide. Sa voix enjouée et affectueuse se fit presque trop réelle, tandis qu'elle lui saisissait la main et l'entraînait avec elle dans les couloirs de l'Académie.
« Yori-chan… ! »
Elle referma d'un geste brusque le gros volume, coupant court au souvenir qui disparut dans le néant. Le claquement du papier tonna à travers la pièce en désordre, résonna sur les étagères chargées de livres avant de s'estomper dans un profond silence. Le souffle heurté, elle garda la main posée sur la couverture reliée rouge sombre, sans titre ni fioriture. Elle baissa les paupières et longuement, chercha à réguler les battements frénétiques de son propre cœur.
Elle ne voulait pas, ne devait pas tomber dans les mêmes pièges que sept ans auparavant. Elle ne pouvait pas se le permettre.
Elle n'y survivrait pas…
Mais comment faire ? Les souvenirs, les rêves, sa propre mémoire et celle qui lui avait été confiée, toutes ces images s'entremêlaient dans son esprit, se livraient à elle dans une symphonie indescriptible, sans queue ni tête. Pour elle, ce gigantesque univers foisonnant de sentiments et de vécus avait un sens. Mais pour ses proches ? Pour le papier à qui elle s'efforçait de le confier depuis si longtemps ?
Elle contempla l'épais volume avec tristesse, et accorda un regard à tous les autres, entassés dans un coin de la pièce, preuves de ses échecs successifs, jetés là jadis dans un accès de colère frustrée. Enfin elle osait se l'avouer : ce n'était pas le bon support. Elle aimait écrire depuis toujours, réaliser les enluminures, des arabesques d'encre, les croquis et les gravures de bas de pages : il y avait longtemps déjà qu'elle en avait fait son métier. Elle adorait serrer contre elle les tomes patiemment et dument remplis lors de ses nuits sans sommeil, telle une expression enfin tangible de ce qui se jouait dans sa tête. Mais un livre avec ses feuilles figées, attachées, immuables, ne pouvait pas décemment recueillir ce qu'elle voulait conter, tout comme elle-même était incapable de produire dans un ordre logique et cohérent les récits qui hantaient ses rêves et lui brûlaient les lèvres depuis des années.
Résignée, elle repoussa le lourd volume vers un coin de son bureau. Puis, vaguement dubitative, elle avisa le papier d'imprimerie de basse qualité qui traînait non loin de là, qui d'habitude servait à croquer ses premiers brouillons. Elle ramena devant elle quelques feuilles volantes, se saisit d'un stylo, et prit une longue inspiration.
Et la grande question de surgir, comme toujours lorsqu'elle débutait un nouveau projet : par où commencer ?
Plutôt que de chercher frénétiquement une accroche comme on le lui avait jadis appris en cours de littérature, elle ferma les yeux, expira posément, visualisa le vide de la page au lieu de le fixer éperdument.
Un autre visage familier lui apparut, flou et constamment changeant en raison des multiples sources dont elle disposait à son sujet. Dans une succession vertigineuse d'images, de sons et de perceptions, il s'avéra tantôt défiant, tantôt moqueur, et même tendre un très court instant. Cet homme avait toujours eu plusieurs facettes, et rares étaient les gens qui les connaissaient toutes.
Cette fois-là il se fit sérieux et scrutateur, et elle le reconnut enfin tel qu'il avait toujours agi envers elle. Distant mais amical, respectueux. Parfois même protecteur.
« Yori. »
Autour de lui, un décor austère prit forme. Un pistolet d'argent surgit du néant. Un tatouage. Des iris couleur améthyste, songeurs.
Elle rouvrit les yeux, le calme de cette voix lointaine devenu sien. Et dans un état second, elle commença à écrire.
.
.
.
.
D'une main distraite, l'homme alluma le vieux téléviseur. Une image brouillée apparut, puis se stabilisa dans un bourdonnement sourd, jusqu'à présenter des formes à peine floues et des couleurs pâles. Le son quant à lui demeura mauvais, constamment clairsemé de crachotements et de parasites. Assis à la table qui avec une chaise et un lit défait, constituait le maigre mobilier de la chambre, l'homme ne prêtait en apparence aucune attention à ce que diffusait le vieux poste. Ses yeux d'une profondeur impénétrable étaient rivés à la lame du sabre qu'il aiguisait patiemment, avec une minutie pensive que seule confère l'habitude.
Dans un coin de la petite pièce neutre et impersonnelle aux murs d'un blanc cassé, un sac de voyage attendait, à peine ouvert et encore plein. L'homme devait être en mesure de quitter les lieux aussi rapidement que possible, et n'avait donc déballé de ses affaires que le strict nécessaire.
Entre ses doigts habiles et calleux, l'aiguisoir glissait dans un sifflement discret sur l'acier qui peu à peu, redevenait étincelant. Sur la table, divers outils attendaient, rangés dans leur bande de cuir qu'il suffisait de rouler pour pouvoir la transporter. Un flacon aux inscriptions étrangères et un chiffon taché d'un rouge écarlate complétaient le matériel de l'homme.
Le téléviseur émit alors une musique aiguë, annonçant un flash spécial. Le présentateur, un quadragénaire à l'allure bien mise, commença à ânonner avec professionnalisme ses informations sans doute extrêmement importantes pour qu'on « interrompe brièvement le programme en cours ». L'homme n'eut pas même un froncement de sourcils, jusqu'à ce qu'un mot bien précis atteigne ses oreilles en réalité alertes.
- ...cette académie, aussi appelée la Cross Academy à l'image de son directeur aujourd'hui disparu…
Le sifflement de l'aiguisoir cessa. Imperturbable, l'homme glissa un œil vers le téléviseur. A l'écran figurait une grande bâtisse de style victorien, dont les fenêtres condamnées donnaient à son allure imposante quelque chose de sinistre. Alors que le présentateur continuait son speech, la caméra remontait des allées boisées mal taillées et des parterres de fleurs envahis par le chiendent. Une fontaine arborant fièrement des cygnes en plein envol apparut brièvement : à en croire la mousse et les mauvaises herbes qui l'avaient envahie, elle était à sec depuis longtemps. Au premier coup d'œil, on sentait l'endroit à l'abandon depuis plusieurs années.
- …était peu connue à l'échelle nationale du fait de sa position en des territoires reculés. L'affaire, qui n'avait pas mérité plus d'un paragraphe dans les faits divers à l'époque, prend aujourd'hui tout son sens avec les témoignages de plusieurs anciens élèves, venus d'eux-mêmes se confier dans nos studios…
Les bâtiments délabrés aux murs couverts de lierre laissèrent place à une silhouette humaine, confortablement installée dans un fauteuil. Malgré la mosaïque sur ses traits et sa voix transformée, on devinait que c'était une jeune femme d'une vingtaine d'années.
- Un jour, on nous a tous rassemblés sans explications. Nous avons été conduits au sous-sol pour échapper à une « menace ». Même les professeurs ne savaient pas de quoi il était question, mais ils avaient tous l'air inquiet. On a d'abord cru à une alerte séisme ou bien un truc du genre. Finalement, on nous a enfermés dans la salle de réception de l'école, et nous y sommes restés jusqu'au soir et la nuit toute entière. Le directeur avait fait barricader les portes et les fenêtres, mais on entendait à l'extérieur des bruits très inquiétants…
La jeune femme jusque-là volubile se tut, soudain hésitante. Son interlocuteur, invisible car se tenant probablement au côté de la caméra, s'empressa de la relancer.
- Quel genre de bruits ?
- Des… des cris, surtout. On aurait dit que… que des gens se battaient à l'extérieur. Il y a aussi eu comme un tremblement de terre, mais on a compris plus tard que c'était un bâtiment tout entier qui s'était écroulé. Et puis, parfois, il y avait des… des raclements contre les volets… comme si quelqu'un les grattait avec ses ongles. Comme si on voulait entrer. C'était… c'était très angoissant.
- Avez-vous perdu quelqu'un ce jour-là ?
- Ou-oui… malheureusement. Deux de mes camarades ont désobéi aux professeurs et sont sorties en douce. Nous… Nous ne les avons jamais revues.
Une autre personne, pareillement masquée et du même âge, apparut à l'écran. Cette fois-là, c'était un homme.
- Que s'est-il passé ensuite ? demanda l'intervieweur qui vraisemblablement avait soumis le même genre questionnaire à chaque témoin.
- Les professeurs nous ont permis de retourner au dortoir. Une partie de l'école était dans un état pitoyable, à croire qu'une guerre avait eu lieu…
- Vous voulez dire qu'il y avait des corps ?
- Non, aucun ! Pas de sang non plus… Mais les meubles étaient fracassés, les fenêtres brisées… Comme si on s'était battu. Battu jusqu'à la mort. Moi je n'y ai pas fait attention au début, mais un ami a remarqué un truc bizarre…
- Quoi donc ?
- Du sable… Ou peut-être de la poussière ? On ne savait pas trop. Mais il y en avait partout, jusque dans des pièces aux fenêtres intactes. Un ami qui s'intéressait à la géologie a voulu en prélever un peu pour l'analyser, mais ses échantillons ont tous été confisqués sur ordre du directeur.
Une troisième femme fut interrogée de la même manière, anonyme derrière son voile de pixels.
- Aviez-vous alors une idée de ce qui avait pu se passer ?
- Franchement, même aujourd'hui je n'en sais rien. Le climat était vraiment bizarre après tout ça, presque… électrique. Et en même temps, c'était très calme. Un peu comme après une tempête, vous voyez ? On sentait qu'il y avait eu du grabuge, mais on ne savait pas si c'était bien terminé. L'école était dans un sale état. Personne n'a jamais voulu nous dire ce qui était arrivé.
- Avez-vous une idée même vague des coupables ?
La voix transformée se fit presque murmurante. La personne tergiversait, comme consciente qu'elle risquait gros avec une telle déclaration.
- Franchement ?... ça n'a peut-être rien à voir, mais la Night Class comptait moitié moins d'élèves après tout cela. Les plus populaires d'entre eux manquaient. Ça a fait pas mal de vilain, ça.
- Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette Night Class ?
- Ben… C'était une classe un peu à part… Ils prenaient tous leurs cours le soir ou la nuit. On n'avait pas le droit de se mêler à eux. Et leurs dortoirs étaient séparés des nôtres, et situés à l'écart du campus.
- Ils avaient des uniformes et des professeurs différents, hasarda une autre ancienne élève interrogée, moins sûre d'elle. Je crois me souvenir qu'ils étaient tous issus de grandes familles aristocratiques…
- Le fleuron de la société…
- Des fils de très bonne famille, je dirais…
- Des gosses de bourges, quoi. Et en plus c'était de sacrés canons, croyez-moi !
La voix off de l'intervieweur énonça une question qui comme les autres avait été donnée à tous les témoins.
- Quand l'académie a fermé, avez-vous gardé des liens avec des membres de la Night Class ?
Leurs réponses furent alors très similaires.
- Non, je les ai tous perdus de vue.
- Non… Ils n'étaient pas très sociables, vous savez…
- Aucune idée de ce qu'ils sont devenus… Ce n'est pourtant pas faute d'avoir cherché à contacter l'un d'eux…
- Ils n'étaient pas étrangers ? Je crois que si. Ça doit être pour ça qu'on ne les retrouve pas, ils venaient d'un autre pays…
- Ils étaient bizarres, conclut un des interrogés. Je ne leur ai jamais fait confiance.
Le présentateur reparut à l'écran.
- Ainsi donc s'épaissit toujours plus le mystère autour de l'académie Cross. Je vous rappelle que la moitié de ses élèves sont toujours portés disparus, tout comme la plupart des dossiers administratifs concernant ladite Night Class. Nos correspondants sur place sont allés interroger la population locale sur les mœurs plus que suspectes de cette école passée jusque-là inaperçue…
Se détournant du téléviseur, l'homme recommença à aiguiser le sabre. Par la fenêtre ouverte, un vent printanier soufflait sur la petite ville de campagne. En apparence, rien n'avait changé. Mais un sourire amer finit par étirer les lèvres de l'homme.
- Eh oui, Kurosu Kaien… Peu importe ce que l'on fait pour le dissimuler, le sang demeure. Et finit par trahir le passé.
Il se leva et rangea le sabre dans son fourreau. Pris d'une légère hésitation, il alla tester les quelques autres chaînes que le vieux téléviseur parvenait à capter : toutes parlaient de l'affaire Cross, qui était en passe de prendre une notoriété internationale.
- Il est temps de se faire oublier…
Il rassembla ses affaires en l'espace d'une minute, jeta dans le poêle le chiffon imbibé de rouge, qui s'embrasa aussitôt en répandant une odeur acre. L'homme rangea le sabre dans son sac de voyage – néanmoins à portée de main – et passa son long manteau noir. Il noua hâtivement ses cheveux gris en une queue sur sa nuque, puis rajusta longuement le col roulé qui masquait sa gorge tatouée. Son sac sur l'épaule, il quitta la pièce sans un regard en arrière, ses yeux d'une étrange couleur améthyste déjà tournés vers un autre avenir.
Le soir même, il avait quitté le pays. Il n'y était pourtant de retour que depuis quelques heures.
.
.
.
.
.
.
.
Elle s'arrêta, le stylo en l'air, et eut une inspiration tremblante. Sortie de sa transe, elle se frotta les yeux, ignorant depuis combien de temps elle était penchée sur sa feuille – ses feuilles, constata-t-elle alors à la vue du nombre de feuillets noircis de son écriture pressée. D'une main glacée – comme toujours lorsqu'elle demeurait assise ainsi – elle massa sa nuque douloureuse et ferma les yeux. Elle murmura pour elle-même.
- Est-ce que j'ai su te faire honneur, Zero-kun ?
Une succession trop rapide de souvenirs parut lui répondre – ou bien était-ce elle-même qui s'imaginait sa réplique ? Mais elle l'entrevit de dos, les mains dans les poches, qui haussait les épaules comme pour signifier que cela lui importait peu. Elle eut un petit rire étouffé.
Il s'effaça, et une autre silhouette prit sa place, féminine, plus petite, familière en dépit de sa métamorphose physique évidente et l'absence d'uniforme.
« Yori-chan… ? »
Une étrange mélancolie la prit soudain, et l'écrivain perdit son sourire, partagée entre la frustration, la tristesse et la joie de ressentir à nouveau sa présence. D'une main absente, elle repoussa les feuilles déjà noircies d'encre, en attrapa une vierge.
Avant de plonger dans le souvenir, une intuition la frappa. D'une main déliée et légère, qu'elle réservait habituellement à ses croquis et ses enluminures, elle traça ce qui elle le sut immédiatement, aurait pu être le titre si parlant de ce projet dantesque et fou qui prenait forme.
La première initiale – un B, superbe, fin, aérien – se déploya sur le papier, et elle laissa faire sa plume, esquissa de sa plus belle écriture le reste du mot. Référence au sang omniprésent, à la vie et au pouvoir qu'il symbolisait. Référence à sa malédiction aussi. Référence à une arme d'argent, emblème d'un certain homme, armoirie d'une profession. Elle imaginait déjà le mot inscrit sur un papier vélin de première qualité, embelli d'une encre rouge et brillante, impériale. « Bloody. »
La deuxième initiale suivit, toute en rondeur et légèreté. Un symbole mais aussi une académie cher à eux tous, détruite depuis longtemps mais jamais oubliée. Et également l'ancien nom de sa plus chère amie. « Cross. »
La troisième initiale, identique et pourtant différente dans son tracé, sa finition. Le délié des lettres qui acheva le titre, donna toute sa dimension à l'ensemble. Parce que ses multiples échecs lui avaient fait comprendre qu'il ne pouvait pas y avoir qu'une histoire, qu'un récit, qu'un seul narrateur, qu'un seul héros. Que la multitude de destins s'entrecroiserait en une trame gigantesque mais au final cohérente.
« Chronicles. »
Elle contempla les trois mots esquissés, interloquée, et peu à peu fronça les sourcils. A quoi bon s'imaginer un titre accrocheur, une couverture soignée ? Elle n'était pas en train d'écrire un de ces romans qui l'avaient faite connaître. Personne d'autre qu'elle ne poserait les yeux sur ce qu'elle s'apprêtait à reprendre. Personne…
Elle hésita, puis secoua la tête, repoussa l'esquisse en se jurant d'y revenir plus tard – ou de la détruire. Empressée, elle se saisit d'une nouvelle page blanche. Encore une fois, sa plume se figea dans les airs, comme dans l'expectative. Par où débuter ? L'histoire était trop complexe pour avoir un commencement unique…
Elle battit des paupières, et une contrée enneigée s'imposa dans ses pensées. Une ville du grand nord, éloignée de tout. Un soir de tempête. Lui, hunter solitaire qui achevait une mission dans cette région désolée. Elle, qui avait surgi sans crier gare avec la plus stupéfiante des requêtes…
Oui. A bien y réfléchir, c'était leurs retrouvailles qui avaient tout déclenché. Du moins, c'était ainsi qu'elle l'interprétait. Elle, Sayori – « Yori » - Wakaba, simple conteuse d'évènements qu'elle n'avait jamais réellement vécus. Elle se jeta à corps perdu dans le souvenir, qui survenait cinq ans après le départ de Yûki de l'Académie. Quelques mois seulement après ce qu'on avait froidement nommé la Révélation, cet épisode sombre et chaotique de l'Histoire où pour la première fois, les humains avaient pris conscience de l'existence des vampires.
Sa plume fila sur le papier. En parfaite illustration de sa spontanéité, son chapitre prit un titre naturel, évident.
« Suddenly ».
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
