SPOILER SAISON 1 - 3
Hello everybody!
Donc, voilà, un OS en deux parties sur Catelyn Stark et Tywin Lannister. Attention, pas une romance ! Nah, nah, nah. Il n'y aura rien de romantique là dedans ! Dramatique, oui. Du coup, je suppose que dépressifs s'abstenir.
Sinon, pour vous présenter rapidement le contexte, histoire de ne pas vous perdre dès le début : la scène débute juste après le Red Wedding chez les Frey (ces gens si accueillants, alalah!), tout comme dans la série - livre ou TV show, peu importe - excepté le fait que Cat ne s'est pas fait bousiller la face par ces... Bref ! Tout ça pour vous dire d'oublier tout ce qui se passe après, ne cherchez pas à faire des liens avec la suite - notamment la saison 4 puisqu'elle est en cours *ouiiiii!* - parce qu'il n'y en a pas.
J'ai essayé de respecter les caractères mais je ne suis malheureusement ni George R. R. Martin, ni Michelle Fairley - gloire à Michelle, gloire à Michelle ! -, ni Charles Dance (et hop, un petit coup de disclaimer !). Donc ça ne sera pas l'exacte reprise des caractères de la série, livre ou TV show. Du coup, je préfère prévenir, OOC - léger ou non selon votre propre vision des personnages.
Bon, je pense que je vais vous laissez lire, à présent. Avec l'espoir que cela vous plaise. Une petite review à la fin pour me donner votre avis, bon ou mauvais ? *regard de Jon Snow*
Des bisous.
LOLA.
PS: Bah, tout de même, merci à Naomi qui m'a supporté pendant toute l'écriture de ce OS et m'a permit de le terminer, et merci à mon petit mouflon de Morgane qui m'a relu et corrigé !
Vaille que vaille
CHAPITRE PREMIER
Le temps était à l'orage, agitait la mer dans une danse mortelle de vagues roulantes, et le ciel était sombre. Il faisait chaud, lourd, humide. Et la pièce, éclairée par une multitude de petites bougies, restait sombre et étouffante.
Le vainqueur dominait la vaincue. La vaincue était dominée par le vainqueur. L'homme dominait la femme et la femme était dominée par l'homme. C'était là un tableau tristement cliché, mais tristement réel, tristement actuel, et tristement triste. Lord Tywin Lannister avait gagné, vaincu, battu la dame du Nord, et cela se lisait sur son visage. Là-haut, perché sur son siège d'or, l'air fier et méprisant, il aurait presque pu passer pour une statue de roi antique. Mais l'éclat doré de ses yeux verts le rendaient horriblement vivant.
Et puis, elle était là, au beau milieu de la salle, pilier de chair blanche sur le marbre sombre. Lady Catelyn Stark n'était plus ce qu'elle avait un jour été. Méconnaissable. Sa robe, autrefois jolie, d'un bleu sombre, avait tourné au noir, tourmentée par la saleté et la poussière du long voyage qui venait à peine de se terminer. Une infinité de jours passée dans une carriole – boîte serait plus exact –, torturée par les cahotements de sa voiture. Et, à peine sortie au grand air, les yeux brûlés par le peu de lumière que crachait encore le ciel, elle avait été menée dans la grande salle de Casterly Rock, devant le seigneur des lieux. Et, disparues, toutes traces de ce qu'elle avait été. Rien, dans ses cheveux, ne rappelait la grâce rougeoyante des Tully. Ce n'était plus qu'une chevelure noire de crasse, hirsute. Et son visage, dieux son visage !, était noir, lui aussi, assombri par l'interminable voyage, et couvert de sang séché. Les larmes brûlantes, qui avaient cessé de couler depuis des jours, à défaut d'avoir ne serait-ce qu'une once d'eau dans son corps amaigri, avaient creusés de profonds sillons sur ses joues et lui donnaient un air pitoyable. Avec son allure d'ombre, Catelyn n'avait jamais plus ressemblé à une Stark qu'en ce jour. Même ses yeux semblaient avoir abandonnés leur éclat bleuté, reflet des rivières de son enfance. A présent, ils brillaient d'un feu grisâtre. Un feu de l'hiver. Ou bien était-ce seulement les ombres de la pièce qui mangeaient les couleurs. Mais Catelyn Stark avait le regard de ces personnes qui en ont trop vu en trop peu de temps. De ces personnes, savez-vous, qui auraient dû mourir, mais que... quoi ? Le destin ? La foi ? Le malheur ? Qu'une force invisible, somme toute, avait arraché aux bras du Grand Sommeil pour les planter sur le sol de la réalité, les deux pieds dans la vie. Les deux pieds dans la merde. Plus mort que vif. Esprit perdu, âme éteinte dans une carcasse fumante, à survivre vaille que vaille. De ses personnes, oui, qui accueilleraient la mort à bras ouverts, comme une vieille amie qui a trop tardé à revenir.
« Comment allez-vous, lady Stark ?
- Je ne vous ferai pas le plaisir de vous répondre. »
Voix grinçante. Voix qu'elle n'avait pas utilisée depuis des jours. Voix qui lui piqua la gorge et elle se mit à tousser.
« Je m'inquiète pour votre santé, ma dame. Voulez-vous boire ?
- Si aimable de votre part, messire. Auriez-vous du poison ? Quelque chose de fulgurant.
- Je n'ai que du vin, répondit-il avec un regard contrit. En voulez-vous ?
- Gardez votre vin, lord Tywin, répliqua-t-elle sèchement. Ma personne ne mérite sûrement pas de boire dans une de vos coupes. »
Puis elle se remit à tousser. Du vin. Trop beau pour être vrai. Comme elle l'aurait savouré, songea-t-elle. Elle sentait déjà le liquide couler au creux de sa gorge, chaleur réconfortante dans son ventre, et son esprit, bientôt, embué par l'alcool. Oui...
« J'ai ordonné que vous soyez bien traitée, pendant votre voyage, reprit-il alors qu'un valet apportait une coupe de vin à la femme, sous un ordre silencieux de son seigneur.
- Vos ordres n'ont pas été respectés, seigneur, railla-t-elle en saisissant la coupe dans ses mains tremblantes.
- Visiblement, ajouta-t-il en lui jetant un regard à la fois dégoûté et désolé. »
Catelyn regarda dans le verre. Le vin y dansait doucement. Rouge, poisseux, et sombre. Sang. Dieux, du sang dans un verre, quelle horreur ! Et les souvenirs, qui affluent, qui affluent. L'homme en armure, et l'épée dans le cœur de son fils. Et ce sang, tout ce sang, une misérable, gigantesque flaque sur les dalles de pierres, sur laquelle dansait les ombres des torches. Pas elle, imbécile ! avait crié une voix alors qu'on la jetait sur le sol, les cheveux tirés en arrière, et la morsure de la lame glacé sur sa peau. Pas elle, imbécile ! T'sais bien les ordres, non ?! On t'a pas dit ou t'veux que le s'gneur de bousille le crâne ?! Pas elle. Robb, Ned, Bran, Rickon, Arya. Mais pas elle. Non, pas elle, non. Elle devait rester en vie, à boire du vin avec l'homme qui avait tué ses amours. A boire du vin. Du vin rouge. Poisseux. Et sombre. Aussi sombre que des larmes. Des larmes d'un arbre-coeur, oui. Les larmes des dieux. Oh Ned, Ned... Ces foutus dieux, à pleurer sans aider. Elle les maudissait, elle les haïssait ! En qui se fier, en qui croire ? Ah, elle ne savait pas ! Elle ne savait plus. Oh, Ned, nos enfants, nos amours... Le verre quitta ses mains sans passer par ses lèvres et s'écrasa, éclaté, sur le sol. Le liquide rouge gicla sur le bas de sa robe, s'étala sur le sol, comme une flaque de sang terriblement liquide autour d'elle.
« Je ne vous offre pas mon vin pour qu'il soit bu par la terre, lady Stark, siffla le Lannister en la fusillant du regard. »
Catelyn se sentie trembler comme une feuille. Elle avait l'impression qu'une simple bourrasque pourrait la balayer loin, loin, très loin. Tous ces souvenirs avaient ressurgi beaucoup trop subitement. Tous ces souvenirs, elle avait passé des jours à les bannir. Et quand, enfin, elle semblait retrouver l'once, n'en serait-ce que l'esquisse, d'une paix intérieure – assez, tout du moins, pour parler et se tenir droite devant son ennemi –, voilà qu'un simple verre de vin la faisait chavirer, tomber par-dessus bord, et se noyer dans la houle de sa tristesse brisée.
« Donnez-moi une autre sorte de breuvage, Lannister, réussit-elle à répondre d'une voix étouffée, et je puis vous assurer que le sol n'en aura pas une seule goutte.
- Je ne désire pas votre mort, lady Stark, répliqua-t-il calmement.
- Bien sûr que non, sinon pourquoi m'auriez-vous fait venir ici ? Sinon pourquoi m'auriez-vous épargné alors que l'on embrochait le cœur de mon premier fils sur le fer ? répliqua-t-elle sèchement, la voix rauque. Mais que désirez-vous, alors, lord Tywin, si ce n'est me voir plier devant votre victoire ?
- Vous parler, ma dame. »
Cela lui fit lever les yeux. Catelyn le regarda vraiment pour la première fois. Elle tenta de discerner la plaisanterie, l'ironie, le mépris, même, mais il n'y avait sur son visage que la trace de l'honnêteté agacée.
« - Me parler ? répéta-t-elle bêtement en penchant la tête. Vous voulez me parler, lord Tywin ? »
Catelyn sourit. C'était drôle. Drôle, n'est-ce-pas ? Ensuite, elle se mit à rire. D'abord silencieusement, des gloussements secouant ses épaules. Puis le son remonta dans sa gorge, en même temps que la douleur et l'horreur de ces derniers jours. Son rire éclata dans la pièce avec une force qui la surprit presque elle-même. Mais elle ne s'en formalisa pas. Elle n'en eut pas le temps. Catelyn tomba à genoux. Elle sentie les morceaux de verre transpercer sa robe et s'enfoncer dans sa peau, dans son corps, dans sa chair, mais à peine sentit-elle la douleur. Suffoquée, elle se laissa tomber sur le côté, ne se maintenant droite que par la faible force de ses bras. Son corps entier était secoué de sanglots hilares, et de rires humides. Elle riait comme jamais elle n'avait ri, à s'en tenir le ventre, à en avoir mal. Et sur ses joues, à nouveau, des larmes, comme sorties de nulle part. Était-elle folle ? Elle se sentait folle. Folle de colère et de tristesse. Folle de douleur, aussi. Son rire soulevait son cœur, ses sanglots soulevaient son estomac. Son cœur battait dans sa tête, battait dans ses mains, battait dans ses tempes. Boum, boum. Boum, boum. Vague musique de la vie, danse infernale qu'elle ne voulait plus voir, plus entendre. Boum, boum. Boum, boum. Ses entrailles étaient serrées dans un étau de fer, qui lui donnait envie de vomir, envie de crier, envie de se déchirer le ventre de ses propres mains pour se défaire de cette douleur insoutenable. Cette souffrance de tête qui est à la fois nulle part, et partout. A aucun point nommable, puisqu'en elle jusqu'au bout de ses doigts. Qui ne fait qu'effleurer le corps, mais qui torture l'esprit. Qui ne fait jamais assez mal, mais qui dure, qui dure, et qui rit au son des boum, boum du cœur, comme un sombre refrain.
Brusquement, elle se sentie soulevée. Des bruits de verre tombant sur le sol se firent entendre, et la douleur fusa, subitement. Mais ce n'était rien à côté de l'orage qui habitait son esprit, plus noir encore que le ciel au dehors. Vaguement, à travers le brouillard de sa soudaine folie, Catelyn devina deux soldats, deux soldats lions, qui la maintenaient debout, fermement. Entre ses larmes, entre ses gloussements presque silencieux, elle leva la tête, elle leva les yeux. Tywin était juste devant elle, à quelque pas seulement – quand c'était-il déplacé ? Confusément, comme si tout cela n'avait été qu'un horrible songe, elle nota les lèvres du lord Lannister, qui bougeaient, qui se mouvaient pour former des mots, des phrases. Des sons qui, pourtant, n'arrivaient pas jusqu'à ses oreilles, à elle. Qui ne brisaient aucunement la barrière de la folie désespérée qui l'habitait. Soudain, une main sur sa joue. Claquant, violente, comme si elle était venue séparer son visage de son corps. Oh Ned, toi aussi, mon amour, toi aussi on t'a volé le droit de vivre. Elle sentie sa tête tanguer d'un côté, tomber contre son épaule. La seconde d'après, elle sembla ne plus se rappeler ce qui venait de se passer. Elle ne riait plus, ne sanglotait plus. Elle ne faisait que pleurer en silence, pleurer des larmes brûlantes qui coulaient sur ses joues, noyant la noirceur de son visage, dégoulinant sur son menton, gouttant sur le sol. Larmes purificatrices, en un sens, mais terriblement douloureuses. Comme si chaque goutte de cette eau si intime lui était arrachée, arrachée à son propre cœur. Catelyn ignora le peu de force – le peu de dignité – qui lui restait et laissa ses jambes céder sous elle. Les deux gardes, et seulement eux, lui permettaient encore de tenir debout. Poupée de chiffon, vidée de tout. Tas de chair blanche, silhouette informe, fragile. Carcasse plus morte que vive, à nouveau. A survivre vaille que vaille, quelle ironie. Était-il toujours question de survivre ? Mais non, non, de mourir, mon amour. De mourir, Ned, te rejoindre. Robb, Bran, et petit Rickon. Arya, douce Arya. Pleurer avec vous, mourir sans vous, mourir pour ne plus vivre. Plus de sang, plus de larme, plus de souffrance. De cette souffrance, dieux, maudits dieux, de cette souffrance sans visage, qui effleure comme la brise d'un printemps, renaissance. Oh, Ned...
Du reste, Catelyn ne s'en souvint que très peu. Elle eut indistinctement l'impression d'être secouée, frappée, peut-être, aussi. Puis traînée, vulgairement. Ou bien avait-elle été noblement portée. Qu'importe. Tout ce dont elle se souvint avant de sombrer complètement dans un néant plus sombre que les noires ténèbres, ce fut une exquise douceur, juste sous ses doigts.
...
Combien de jours, combien de nuits ? Combien d'heures ? Au fond, cela avait-il une réelle importance ? Non, vraiment. Des jours, plusieurs – de ça, elle en était sûr –, s'étaient écoulés depuis que Catelyn s'était elle-même séquestrée dans la petite chambre où elle s'était éveillée. Éveillée d'un sommeil de plomb, qui semblait avoir duré des jours. Éveillée en pleine nuit. Elle s'était levée, faible, avait tiré les lourds rideaux pour faire disparaître les rayons blanchâtre de la lune, qui entraient à flot dans la pièce, puis s'était lourdement laissée retomber sur le lit, si confortable, qu'elle se jura de ne plus jamais quitter. Et c'est ce qu'elle avait fait. Du moins, un certain temps. On lui avait apporté à manger – une jeune femme, très jeune, toujours la même... –, nourriture qu'elle ne s'était mis à manger qu'après avoir été presque étouffée par les deux gardes – toujours les mêmes... – qui, voyant les repas repartirent intact, en avait informé leur seigneur et l'avaient forcé à avaler jusqu'à la dernière miette, lord Lannister veut que vous mangiez tout, alors vous mangez tout ! Le tout d'une manière si violente qu'elle avait, par la suite, acceptée, docile, de manger. Le Lannister la voulait vivante, elle l'avait bien compris. Mais comment survivre quand il ne reste plus rien à quoi s'accrocher ? Quand il ne reste qu'un simple néant, eh bien, on tombe. Elle ne voulait s'accrocher nulle part, seulement tomber, mais Tywin Lannister la retenait fermement par le bras. Elle se trouvait alors au-dessus du vide de la mort, tanguant dangereusement sur le bord de la falaise. Là, en bas, ses enfants l'appelaient, et elle entendait la voix de Ned monter jusqu'à elle, se faufiler jusqu'à ses oreilles, effleurant son visage, comme un baiser sur sa joue, parfois. Puis elle s'éveillait, en larmes, dans un lit où elle n'aurait jamais dû coucher. Ses journées, elle les passait dans le noir, dans la chaleur, à pleurer. Elle ne comptait plus les crises d'angoisse, de folie qui l'avaient submergée. Là où, alors, elle se levait, comme perdant complètement son esprit, pour se laisser retomber contre un mur, frappant l'arrière de son crâne sur la pierre froide. Des crises parfois si violentes que l'un de ses gardes du corps attitré devait l'empêcher de se blesser toute seule. Ils ne l'avaient jamais frappée, même si elle se doutait que ce n'était pas l'envie qui leur en manquait. Ils se contentaient de lui enfermer les bras dans un étau puissant, et de la garder ainsi jusqu'à ce que, vidée de toute force, elle s'affale complètement pour pleurer en silence, et, enfin, s'endormir tristement.
Cette routine de vie aurait bien pu durer jusqu'à ce que lord Tywin se lasse, ou qu'elle trouve un quelconque moyen d'y mettre fin, si une lettre n'était pas venue bouleverser sa folie, gifler son moral et l'obliger à ouvrir les yeux sur la réalité. La lettre avait été ouverte, – bien sûr ! –, mais elle pouvait reconnaître le seau des Lannister. Et pourtant, elle lui était bien adressée, à elle. Lorsqu'elle l'avait dépliée, Catelyn avait dû s'appuyer contre un mur pour ne pas s'écrouler sur le sol, tant la surprise la terrassa. Là, couché noir sur blanc, elle reconnut l'écriture délicate de Sansa. Douce, belle Sansa. Comment avait-elle pu l'oublier ?! Mais comment était-elle toujours en vie ? La reine ne l'avait donc pas tuée ? Il lui restait une fille. Il lui restait une fille. Brusquement, ce n'était plus Tywin Lannister qui l'empêchait de tomber, mais Sansa. Sansa, qui l'implorait de revenir. Sansa, qui disait avoir supplié le seigneur Lannister de la laisser la rencontrer. Sansa, qu'elle pourrait revoir, serrer dans ses bras. Sansa, avec qui elle pourrait pleurer. Sansa, Sansa, Sansa. Ned, entends-tu ? En vie, elle est en vie ! L'espoir, si mince, pourtant, revenait. Renaissait de ses cendres. Il lui restait une personne à aimer.
Catelyn leva les yeux de la lettre. Tywin avait dépassé la porte de quelques pas et la fixait, droit et fier. La dame du Nord se redressa en se raclant la gorge. Elle se souvenait de tout. D'avoir perdu la tête, perdu la raison devant cet homme, et elle se sentait humiliée, mise à nue, complètement, devant une personne qui aurait dû la croire forte et inébranlable. L'espace d'un instant elle eut peur qu'il n'ait révélé au monde ses failles, ses peurs, ses points faibles, tout, en somme, qui pourrait la rendre plus faible, plus insignifiante aux yeux de ses ennemis. Mais elle se rendit également compte qu'elle voyait Tywin Lannister réellement pour la première fois. Là, dans les ombres de la pièce, refermant la porte, seule avec lui, elle vit seulement un digne vieillard aux yeux pétillants d'or. Aurait-elle voulut voir un escroc profitant de la faiblesse de son ennemie pour la rabaisser un peu plus, il n'y avait aucune trace d'un tel personnage sur son visage.
« Je suppose, dit-elle d'un ton si neutre qu'aucune de ses récentes pensées ne se ressentaient dans sa voix, que vous avez menacé de mort toutes les personnes m'ayant vues dans un état... déplaisant si elles venaient à révéler ce qu'elles ont pu voir. N'est-ce-pas ? »
Tywin passa à côté d'elle, détendu, et alla tirer les rideaux. Des rayons argentés entrèrent à flots dans la pièce, et l'air se rafraîchi doucement, s'emplissant d'une senteur de sel et d'écume. Il fait nuit. Combien de nuits, aujourd'hui ?
« Pas vraiment, répondit-il en pivotant sur ses talons pour lui faire face. J'ai promis un sort pire qu'une mort lente et douloureuse à ceux qui osaient dévoiler cette période... déplaisante, pour reprendre votre terme.
- Pourquoi ?
- Vous prouver ma bonne foi ? dit-il avec l'ombre de l'ombre d'un sourire. »
Catelyn haussa un sourcil, peu convaincue. Surtout pour l'amadouer, l'attirer à lui pour mieux lui susurrer ses précieux projets à l'oreille pour qu'elle lui laisse, l'espace d'un instant, croire qu'elle refuserait, pour ensuite accepter, faute d'un choix plus judicieux. Elle n'était plus qu'un pion dans son jeu.
« Ma fille... commença-t-elle en désignant la lettre d'un geste vague de la tête, mais Tywin la coupa immédiatement.
- J'ai reçu cette lettre il y a plus d'un mois, lady Stark, dit-il gravement. Précisément peu de temps après avoir moi-même annoncé à votre fille où vous vous trouviez.
- Pardon ? s'étonna-t-elle en haussant un deuxième sourcil. Et, pourquoi, s'il vous plaît ? A vrai dire, ce n'est pas pour me déplaire, mais...
- J'ai senti que c'était de mon devoir, répondit-il avec un vague haussement d'épaule.
- Je ne répéterais pas ma question une seconde fois, fit-elle claquer froidement. Vous mentez mal, lord Tywin. »
Une véritable esquisse de sourire passa sur le visage de Tywin Lannister. Il s'approcha de Catelyn. Il lui suffisait de tendre les bras pour le toucher. C'était étrange de se sentir si proche de lui. Elle se sentait mal à l'aise, et, à la fois, terriblement en sécurité. Paradoxal, certes. Mais elle savait qu'il ne lui ferait aucun mal. Physiquement, du moins. Pour la bonne et simple raison qu'il avait besoin d'elle.
« Il semble que vous vous soyez retrouvée, lady Stark, répondit-il presque joyeusement, passant outre le semblant d'affront qu'elle lui avait lancé. Cependant, ce n'est là que la stricte vérité. Je suis homme honnête. »
Bien sûr.
« Toujours est-il, continua-t-il plus sérieusement, que j'ai eu le temps, voyez-vous, de prévoir sa venue ici. »
Catelyn ne se sentit pas surprise mais extraordinairement heureuse. Elle verrait sa fille. Dieux, elle verrait sa fille !
« Quand ? réussit-elle à marmonner alors que sa voix se coinçait dans sa gorge, serrée par l'émotion.
- Selon le dernier messager, répondit le Lannister, ils seront là un peu avant l'aube.
- Expliquez-moi, messire, pourquoi ils et où, dans toute cette histoire, se trouve votre devoir. J'ai peur d'avoir manqué un élément.
- Vous n'êtes pas sans savoir, bien sûr, que votre Sansa est aujourd'hui ma fille, également. N'est-ce-pas, ma dame ? »
Le sourire qui brilla dans les yeux du Lannister résonnait du contraire. Catelyn sentit le mur contre son dos, l'empêcher de tomber. Sa fille à lui ? Comment ? Du moins s'en doutait-elle mais, qui ? Avait-il seulement osé ?!
« Elle s'est récemment mariée avec mon fils, ajouta-t-il en rejoignant la porte d'un pas vif. Sur ordre du Roi.
- Le Nain, murmura-t-elle, horrifiée. »
Le Roi. Mmouais. Il était connu que le roi Joffrey n'avait rien d'un roi. Comment pouvait-il ? Cet enfant gâté, chéri, stupide... Non. Lui aussi n'était qu'un pion dans le jeu de Tywin. Tout comme elle. Le Maître de Westeros n'était pas Joffrey. Sûrement pas. Le Maître de Westeros, c'était Tywin Lannister.
« Il est temps d'ouvrir les yeux, lady Stark, lança-t-il par-dessus son épaule alors qu'il s'arrêtait un instant sur le pas de la porte. Vous avez une chance de vivre, une chance d'arranger les choses, saisissez-là. Ce sera la seule. Votre fille va bien, lady Stark, et vous la verrez dans quelques heures. Je ne vous laisserais qu'une minute, juste le temps de vous prouver mon honnêteté. Ensuite, nous parlerons. »
Et il disparut dans le couloir.
Quelques minutes après que Tywin soit partit, Laurell, la jeune servante – à qui Catelyn avait fini, honteuse d'avoir tant tardé, par demander son nom – se présenta avec un tas de vêtements. Choisis par lord Tywin en personne, avait-elle précisé. Catelyn n'avait d'abord fait que toucher le tissu, et elle dut déjà combattre la violente envie de tout balancer à la mer. Les robes grossières et chaudes de Winterfell étaient loin, à présent. Et celles, larges et vaporeuses, de Riverrun l'étaient encore plus. Ces robes-ci étaient faites de soie et de broderies elles étaient légères, et riches de couleurs vives et éclatantes. Mais ce qui empêcha Catelyn de jeter la robe en question fut sa couleur. Ni vive, ni éclatante. Mais noire. Lord Tywin avait eu la décence de la laisser porter son deuil. Peut-être, finalement, voulait-il réellement se montrer de bonne foi. De toute manière, elle le découvrirait à l'aube.
Pendant que Laurell allumait une multitude de bougies pour donner à la pièce une lueur chaude et dansante, Catelyn, après s'être longuement baignée, tentant de retirer le plus possible les immondes trace de fatigue qui avaient engourdi son corps et alourdi son visage de cernes noires, enfilait soigneusement, lentement, la robe offerte par Tywin. Lorsqu'elle se vit dans le haut miroir qui tapissait l'un des murs de sa chambre, elle faillit retirer la robe à toute vitesse, la déchirer, la broyer entre ses mains, puis la regarder brûler avec un sourire flamboyant. Mais elle se contenta de se fixer froidement. Et puis, elle se trouvait belle. Tristement belle, dans son deuil, s'en était presque indécent. La coupe du vêtement n'était pas du tout la même que ce qu'elle portait communément, mais le Lannister semblait avoir respecté ses goûts pour tout ce qui n'est pas ostentatoire. Aussi, elle se trouvait vêtue d'une robe dont le col en cercle libérait le bas de son cou et une large partie de ses épaules, mais s'arrêtait bien avant la naissance de sa poitrine. La jupe était, également, loin de ressembler à ce que pouvait porter les femmes volages des villes du Sud. Elle était lourde, si longue qu'elle recouvrait entièrement ses pieds, et d'un noir aussi uni que l'était le bustier. Les manches, quant à elles, dégageaient tout l'avant-bras. Catelyn s'en serait formalisée si Laurell ne lui avait pas, alors, tendu un autre tissu. La dame du Nord le déplia et l'enfila rapidement. C'était un long manteau, beaucoup plus fin que la robe, mais entièrement opaque, et tout aussi noir. Seules les bordures avaient été brodées de fils d'argents, traçant des arabesques gracieuses, parsemées de fils d'un bleu de saphir. Cette fois-ci, les manches s'élargissaient à partir du coude et tombaient, longues jusqu'au sol, en libérant les poignets. Oui, habillée comme cela, Catelyn se trouva belle, et cela la rendit triste.
Puis, elle entreprit de démêler elle-même ses longs cheveux. A la lueur des bougies, ils semblaient onduler comme un feu de joie, et elle se sentie plus calme, comme si l'envoûtement des flammes qui brûlaient sa chevelure flamboyante l'apaisait. Laurell se proposa de les lui tresser, visiblement au courant de la fâcheuse tendance de Catelyn à les attacher – c'est plus pratique, Ned, je t'assure ! – mais elle refusa sèchement. Non, à partir de maintenant, elle les laisserait libre, tombant sur ses épaules, dans son dos, autour de son visage. Ned les aimait ainsi. Se serait son hommage. Un hommage intime, un souvenir personnel. Une marque d'amour qu'elle seule pourrait à jamais comprendre. Cela lui arracha une larme, mais elle l'écrasa vivement du plat de la main. Elle était prête. Prête à revoir sa fille, et prête à affronter Tywin Lannister comme il se devait. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à attendre l'aube.
Euh... Je posterais la deuxième partie dans peu de temps, j'imagine. Enfin, elle est écrite et bouclée, donc... juste le temps de réunir quelques lectrices curieuses de connaître la suite ! Sivouplé?
