Disclaimer : L'univers et les personnages apparaissent à JKR. Je m'en sers juste pour faire valoir mes idées tordues.
Les sœurs Black avaient toujours été obsédées par leur apparence.
Prisonnières du rapport conflictuel qu'elles entretenaient avec leur propre reflet.
Narcissa, pour commencer, à cause de son prénom et des atroces histoires que Bellatrix racontait à son propos, avait de prime mis un point d'honneur à éviter les miroirs. Il ne fallait pas qu'elle tombe amoureuse de son image- et, rapidement, elle n'avait pas seulement appris à éviter son reflet dans la glace, mais également dans toutes choses qui auraient pu l'amener à s'attarder sur ses traits. Avec le temps, bien entendu, elle avait fini par se défaire de ses angoisses superstitieuses : il fallait bien qu'elle puisse voir à quoi elle ressemble, non qu'elle ne ressemble à rien. Imaginez l'horreur d'une exposition publique, si elle venait à se présenter aux yeux de tous le visage couvert de boutons et sans même en avoir conscience ?
Bientôt, donc, seule la peur de ce qu'elle pouvait trouver à la surface de l'eau lui resta. Et Cissy pu s'adonner sans crainte à son narcissisme si longtemps refoulé.
Bellatrix, de son côté...
Eh bien, disons que la vue de son corps nu devant une glace ne s'accompagnait pas de la satisfaction naturelle qu'aurait pu éprouver son mari en le voyant.
Seule dans sa chambre, enfant puis adolescente, elle avait passé de longues minutes à s'observer sous tous les angles, poings crispés et mâchoire serrée, jusqu'à s'en écœurer elle-même et haïr sa mère. Le regret de ne pas être un garçon, de ne pas être à l'image de ce que Cygnus aurait voulu qu'elle soit, tout cela la consumait à grands fracas - et il n'était pas rare, alors, de voir au manoir Black les miroirs défiler. Elle en brisa de nombreux.
Mais pas autant qu'Andromeda, qui s'y brisa elle même.
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Quand tu étais enfant, il arrivait parfois à Bellatrix de s'immiscer en pleine nuit dans ta chambre.
Elle t'arrachait sans scrupule au royaume d'Hypnos en te pinçant la joue ou en te tirant les cheveux. Parfois, même, lorsqu'elle était d'humeur plus joueuse, elle te réveillait en laissait courir la lame du poignard d'oncle Orion sur ta gorge - allant de temps à autre jusqu'à inciser légèrement la chair et te faire saigner, lorsque la froideur du métal n'était pas suffisante pour te ranimer.
Et alors, si tu avais le malheur de crier, elle braquait sur toi la baguette de Druella et te chuchotait, les yeux noirs et mauvaise :
- Tais-toi. Tais-toi. Ou si tu les réveilles, je je te découperai le visage jusqu'à ce qu'on ne puisse plus nous reconnaître.
Tu n'avais que sept ans, Bella en avait neuf. Ses connaissances en matière de sortilèges et de maléfices dépassaient déjà celles d'un simple premier année et personne, personne, ne comprenait à quel point elle te détestait réellement. A quel point elle était dangereuse- à quel point ces jeux d'enfant n'avaient pas pour seul but de te martyriser. Elle voulait te tuer. Il fallait, il fallait qu'elle te tue. Elle l'avait su bien avant ta naissance.
Su dès qu'elle avait vu le ventre de mère se gonfler, dès qu'elle avait entendu père parler fièrement de ta venue. Terrifiée à l'idée que tu la remplaces. Terrifiée à l'idée que tu deviennes l'héritière, et elle... le prototype raté.
Mais tu es née avec le mauvais sexe, toi aussi. Ce sexe que père abhorrait sans le dire, ce sexe qu'il vous haïssait de porter, au fond, lui qui voulait tant un garçon, et qui le faisait mépriser mère pour ne lui donner que des filles.
Bellatrix avait été tellement contente, alors ! Tellement contente qu'elle t'avait épargnée, qu'elle t'avait laissé vivre- qu'elle t'avait tolérée, quand tu portais son visage avec tant d'indécence, quand tu t'efforçais de plaire avec le corps d'une autre.
- Parce que tu es moi, n'est-ce pas ? T'avait-elle écrit rageusement lorsque tu avais quitté le manoir, et peu après avoir incendié elle-même ton nom sur l'antique tapisserie d'Orion et Walburga. Tu es moi sans tout à fait l'être, mon clone déchu, ma copie ratée.
[Et je pensais, je pensais que peut-être, tu pourrais vivre sans me ressembler, pourrais vivre sans que j'ai à te tuer. Qu'en te défigurant, je te ferais l'honneur de t'accorder la vie- un nouveau visage pour que le mien reste à jamais unique, pour que je reste Bella, et toi Andromeda, pour que les gens cessent de nous confondre, cesse de te dire que tu es belle quand c'est à moi qu'ils devraient le dire, moi, la seule, la seule à avoir droit sur ta tête, sur ton corps- C'EST MOI QUI T'AI SERVI DE MODÈLE ! MOI QUI AI PERMIS TA CRÉATION, MOI QUI T'AI LAISSÉ VIVRE ! ET MAINTENANT TU PARS ? TU FUIS AVEC MON VISAGE, TU FUIS AVEC CETTE RACLURE ?! MAIS JE NE TE LAISSERAI PAS FAIRE, ANDROMEDA ! JE NE TE LAISSERAI PAS DÉSHONORER MON VISAGE- NOTRE NOM, NOTRE FAMILLE ! JE TE RETROUVERAI, JE T'ÉCORCHERAI VIVE- JE TE FERAI REGRETTER D'ÊTRE NÉE AINSI]
[VOLEUSE ! SALE VOLEUSE ! MISÉRABLE PETITE RATÉE ! JE TE TUERAI COMME J'AURAIS DÛ LE FAIRE IL Y A DES ANNÉES, COMME J'AURAI S DÛ CREVER LE VENTRE DE DRUELLA POUR QUE T'EN RESSORTES EN MORCEAUX ! TU ENTENDS ANDRO ? TU ENTENDS ?]
[CACHE-TOI TANT QUE TU PEUX. TU NE NOUS ÉCHAPPERAS PAS BIEN LONGTEMPS !]
Et tu avais cru.
Tu avais cru que tu y arriverais- parce qu'elle était morte, partie, envolée, finie, ruinée !
Tu avais cru que tu pourrais vivre de nouveau, cru que tu pourrais faire le deuil de la mort de Ted et Nymphadora- parce qu'il y avait Teddy, parce qu'il était ta bouée de sauvetage ! L'enfant en qui tu pouvais retrouver celui que tu avais perdu et oublier ton chagrin, l'enfant en qui tu pouvais parfois reconnaître ta fille, l'enfant aux mille et un visages quand toi-même tu étais condamnée à porter pour toujours le visage de Bella.
Et voilà qu'un jour, Teddy réveillait toutes tes angoisses, apparaissait devant toi, et s'écriait, la bouche en cœur :
- Regarde mamie ! J'ai pris ton visage !
Il n'avait pas compris.
Pas compris pourquoi tu avais blêmi, pas compris pourquoi tu t'étais avancée vers lui, plus furieuse que jamais, ni pourquoi tu l'avais subitement agrippé par les cheveux, pourquoi des larmes dégoulinaient le long de tes joues, pourquoi tu étais soudainement si méchante avec lui. Ni pourquoi tu lui hurlais :
- REDEVIENS NORMAL ! MAINTENANT ! TOUT DE SUITE ! REDEVIENS NORMAL ! TU TROUVES ÇA DRÔLE ? TU VEUX ME FAIRE DU MAL, HEIN, C'EST ÇA ?
- Non, je-
- TU N'ES PAS ELLE, TU M'ENTENDS ? TU N'ES PAS ELLE !
A partir de ce jour-là, Bellatrix posa ses bagages et s'installa chez vous.
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Teddy dort dans le salon.
Son petit corps reste recroquevillé sur le canapé, pendant que Bellatrix lui tourne autour comme un animal affamé, ses longs doigts squelettiques tendus vers lui, prêts à se poser sur son crâne et à le presser comme on presse une orange, jusqu'à l'en faire éclater...
- Ne le touche pas ! Tu hurles presque dans le silence de la pièce, sans pouvoir t'en empêcher.
Bellatrix s'arrête soudain pour se tourner vers toi avec intérêt. Elle ne rétracte pas sa main.
- Je suis sa tata, non ?
Tu lui renvoies un regard noir.
- Tu crois que je vais lui faire du mal ?
- Tu n'as jamais aimé les enfants.
Et c'est vrai.
Trop faibles, trop bruyants. Toujours à pleurnicher.
Il n'y avait que Sirius, au final, dont elle ait pu tolérer les babillages. Sirius et son sourire narquois, ses remarques moqueuses. Sirius, son regard sombre, ses cheveux noirs et son flegme insolent. Sirius duquel elle était si semblable - et peut-être même autant que dans la manière où Bella et toi l'étiez, tant ils étaient loyaux à ceux qu'ils chérissaient.
Mais Sirius avait abandonné Bellatrix. Sirius était parti. Et quelque part, c'était de ta faute, s'il s'était dégagé ainsi de son étreinte névrosée, de ses doctrines psychotiques, pour s'immiscer dans l'autre camp et lui déclarer la guerre.
En fuyant avec Ted, tu avais initié la révolte et gangrené la tapisserie.
- On voit que tu me connais bien, ricane Bella. Et si je te faisais une faveur, hein, qu'en dirais-tu ?
Ses lèvres s'étirent en un sourire mauvais. Elle s'écarte de l'enfant, seulement dans le but de se munir d'un de tes épais coussins, et de nouveau, elle se penche sur Teddy- tout comme lorsque tu avais quatre ans et qu'elle te frappait la tête, se penchait sur toi, les yeux froids et méchants, et te caquetait : "Regarde, Andro, regarde comme y'a rien dedans" avant de rajouter, perfide : "Tu crois que si je la coupe, on pourra la remplir ?".
- BELLATRIX ! Tu rugis.
- Mamie ? Répond à la place Teddy.
Tu clignes des yeux.
La silhouette de Bella s'est estompée- seul son rire caquetant résonne encore dans la pièce. Tu regardes Teddy se redresser avec lenteur, le visage encore ensommeillé.
- Mamie ? Mamie, à qui tu parlais ?
- Je...
Il te regarde, interrogateur.
Tu ne sais pas bien quoi lui répondre.
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- Non mais regarde-toi, depuis quand tu ne t'es pas coiffée ?
Ton visage à toi se déforme pour laisser Bellatrix te scruter.
Et il n'y a que ses lèvres, ses lèvres teintées de rouge et son opulente crinière noire, pour mettre un peu de relief sur son visage devenue rouge et ses joues creusées par Azkaban. Comme si elle n'était plus qu'un bijou plein de poussières, un bijou qu'on a laissé trop longtemps traîner sous un vieux placard.
Mais c'est toi, la sœur recouverte de poussières - toi seule face à ton reflet, avec ton dégoût de toi-même, ta culpabilité et Bella comme seule témoin.
Toi, la petite vieille mal dans sa tête, qu'on regarde avec condescendance parce que tu babilles n'importe quoi, que tu es à moitié sourde et que tu déambules dans ton jardin.
- Tu vois ce que tu es devenue ? Renifle de nouveau Bella en te voyant te pencher pour ramasser le linge sale de Teddy.
Tu ne réponds pas. Te mords les lèvres.
Elle n'est pas réelle, hein ? Elle n'est pas réelle, il faut juste que tu te le rentres bien dans la tête, que tu fermes les yeux.
- ... A te conduire comme une moldue, quand tu pourrais demander un elfe. Sans parler de ta baguette... A quoi elle te sert ? A te curer les dents ? Si tu te voyais, ma pauvre, t'es ridicule- toi qui aurais pu avoir une vie tellement meilleure, si tu étais restée parmi les tiens. Une vie à honorer ton sang et ta famille au lieu de te terrer dans ce monde de Sang-de-Bourbe et de cul-terreux, à laisser ces parasites te vider de ta magie... Tu aimes ça ? Tu aimes çan vivre comme une paysanne ? Pourquoi tu es partie, hein ? Pourquoi est-ce que tu nous fais si honte ? Pourquoi ? POURQUOI ? Elle hurle presque en cognant son visage contre la glace. Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi-
Tu voudrais la faire taire. Il te suffirait d'éclater son visage en millions de petits éclats.
Mais, à la place, tu t'empresses de sortir de la pièce, avant que Bellatrix ne t'assaille plus encore.
En tournant les talons, en fuyant ton reflet, ce regard d'obsidienne et ces paupières lourdement maquillées, tu fais taire les vociférations de ta sœur et tes épaules affaissées se redressent légèrement.
Tu te demandes si tu seras un jour capable de te regarder correctement dans une glace, sans te craindre toi-même.
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- Mamie ? Mamie ?
La porte s'ouvre- Teddy ne prend pas la peine de frapper et tu restes cachée dans l'ombre.
Il jure, s'avance à pas pressés dans la chambre jusqu'à tirer avec violence tes rideaux décrépis- inondant la pièce de lumière tandis qu'au même moment tu te mets à gémir et enterres ta tête dans le creux de tes genoux.
- Non, non, non... Tu marmonnes. Referme les rideaux, referme-les, referme-les-
- Mamie, tu ne peux pas rester éternellement dans le noir-
- Referme-les, referme-les, referme-les-
- Mais on dirait que tu as passé toute l'année ici ! A quand est-ce que remonte ta dernière sortie ? Tu étais censée venir me chercher à la gare-
Il ne t'écoute pas, pourquoi il ne t'écoute pas est-ce qu'il est de mèche avec elle est-ce qu'elle l'a retourné contre toi ? Est-ce qu'elle t'a pris Teddy, pour se venger hein comme elle a pris Dora comme elle l'a tuée et peut-être même que Teddy est déjà mort tiens peut-être que Bella n'en a fait qu'une bouchée et maintenant elle joue avec tes sens elle joue avec toi comme elle l'a toujours fait depuis ton plus jeune âge-
- REFERME-LES ! Tu hurles, cette fois-ci, plus violemment.
Sanglotant presque.
- REFERME-LES ! Avant qu'elle ne me retrouve...
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Narcissa avait toujours manqué de confiance en elle.
Elle n'était ni laide, ni sotte, ni dépourvue d'humour - bien que rares fussent les réceptifs.
Mais en grandissant, elle s'était mise à complexer sur son corps, sur ses formes- et, plus encore, sur ses cheveux.
Elle entendait encore Bellatrix lui susurrait avec perfidie : ce n'est pas normal, pour une Black, d'avoir les cheveux de cette couleur.
[Tu as été adoptée]
Et c'est peut-être pour ça, au final, que la pauvre en était devenue si obsédée par les apparences. Par l'image qu'elle renvoyait aux autres et par ce qui pouvait sortir de sa bouche. Dévorée par la peur panique de déplaire aux parents et à son entourage, de ne pas se trouver d'époux et de ne jamais être assez belle, jamais assez charmante, ou même intelligente.
Aujourd'hui, Narcissa se tenait là, immobile et raide, débout dans ton salon - toi, la traîtresse, le vilain petit microbe, celui qu'elle s'était pourtant évertuée à ignorer pendant presque trente ans, refusant de t'écrire ! Oui, la voilà donc qui se tenait devant toi, maintenant que sa petite bulle dorée avait volé en éclat, maintenant que le Seigneur des Ténèbres était mort, que les parents étaient partis, le mari enfermé, et qu'il n'y avait plus à craindre pour son fils ou encore à subir le courroux de Bellatrix.
Elle revenait vers toi en trombe, et n'y avait rien qu'elle puisse faire pour s'empêcher de fixer les innombrables éclats de miroir éparpillés sur le sol.
- Encore cette étrange manie... commente t'elle dans un murmure. Tu ne pouvais pas te contenter de le retourner, celui-là ?
- Pourquoi, Narcisse ? Tu n'en as pas assez, d'admirer ton reflet ?
Tu ne t'étais jamais lassée d'écorcher volontairement son prénom. Cissy avait grincé des dents.
- Teddy m'a dit que... tu continuais à agir bizarrement.
- Et alors ? En quoi cela te concerne ?
- Tout le monde s'inquiète.
- Je vais très bien.
- Non. Non, tu ne vas pas bien.
- Mais ce n'est pas de ma faute, si c'est moi qu'elle vient voir, tu souffles, accusatrice. Tu crois que je lui ai demandé de venir ? Je lui ai dit, je lui ai dit de s'en aller, mais elle ne m'écoute pas, elle est toujours là- partout-
- Regarde-toi, tu ne sais même plus ce qu'elle te dit, te coupe Cissy avec effroi. Mais on a déjà vérifié- on a tout regardé, elle ne peut pas être là, c'est impossible. Andro, il faut que tu te mettes bien dans la tête que-
- Que quoi ? Qu'elle est morte ? Qu'elle ne reviendra pas ? Mais qu'est-ce que tu en sais, hein ? Qu'est-ce que tu en sais, qu'elle n'est pas revenue me hanter- tu n'as jamais eu à porter son visage, toi, jamais eu à lui ressembler !
Tu ris et Narcissa frémit - parce qu'il n'y a rien de drôle à être confondue pour Bellatrix, n'est-ce pas ?
A supporter les regards lourds de sens et les silences forcés, et surtout ceux de Molly (la grand-mère de Victoire, à laquelle Teddy est déjà si attachée) et d'Harry, le si gentil Harry, qui fait tout pour ne pas le montrer mais ne peut s'empêcher de sursauter chaque fois qu'il t'entend.
[Comme si tu allais tout à coup cavaler dans tous les sens avec des rires d'hystérique et te mettre à chanter "J'AI TUE SIRIUS BLACK ! J'AI TUE SIRIUS BLACK !"]
- Tu ne lui ressembles pas tant.
Et c'est vrai.
Tes cheveux sont d'un brun plus doux, tes yeux plus grands et ton regard plus aimable. Mais avec ton port altier, tes paupières lourdes et tes traits anguleux, c'est comme si toi-même avait été le bourreau de ta propre fille, du cousin Sirius et de l'enfant Weasley.
A toi toute seule, Andro, tu es comme un monument à la gloire de Bellatrix.
Tes traits sont les siens, tu es encore en vie. Qu'est-ce que ça peut donc faire, que vous soyez différentes, quand d'extérieur vous paraissez si semblables ? Le monde se fiche de savoir qui tu es. Ta douceur, ta générosité : tout s'efface derrière Bella, derrière son vice et son incommensurable cruauté.
- Elle m'a juré, tu murmures. Elle m'a juré qu'elle viendrait le récupérer.
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Les années passent.
Les années passent, et Teddy finit par partir, finit par t'abandonner.
Sa chambre est vide, son lit défait - il a préféré la compagnie de Victoire à la tienne, et il t'a laissée à celle de Bella.
- On est pas bien, toutes les deux ? Te susurre t-elle d'ailleurs souvent.
C'est presque comme s'il n'y avait jamais eu que vous deux au monde, comme si elle avait toujours été à tes côtés, indissociable de tout ton être, quand bien même tu fais tout pour la rejeter, pour éviter de la voir, pour éviter de l'entendre.
Tu brises tous tes miroirs. Tu les retournes, tu casses tout, casses les vitres, casses la vaisselle, fermes les rideaux et restes dans le noir- et quand elle te parle, tu plaques tes mains contre tes oreilles et tu marmonnes à haute voix pour mieux surplomber la sienne.
Dès lors, ses joues prennent une teinte rouge ; elle te hait, elle s'ennuie. Elle voudrait te tourmenter encore et encore, jusqu'à t'en rendre maboule et te faire perdre les pédales.
- Écoute-moi, t'assène t-elle sans arrêt. Écoute-moi, parle, réponds. Et quoi ? Elle reprend devant tes silences. Tu vas continuer de m'ignorer, c'est ça ? Mais tu crois que ça va marcher ? Tu crois que tu arriveras à te débarrasser de moi si facilement ? Tu crois que tes petites combines marcheront pour toujours ? MAIS JE SUIS LA, ANDRO, JE SUIS LA ! JE VIS A TRAVERS TOI, JE VIS A TRAVERS LE REGARD DES AUTRES, TU PEUX RETOURNER CES MIROIRS AUTANT QUE TU VEUX, TU PEUX LES BRISER, TU PEUX LES RENVERSER, MAIS TU NE POURRAS JAMAIS TE DÉBARRASSER DE MOI ! TU NE POURRAS JAMAIS ! REGARDE-MOI ! REGARDE-MOI MA SŒUR ! ARRÊTE DE M'IGNORER !
Bella continue de te suivre à travers les pièces en vociférant, détruisant tout sur son passage, jetant au sol tout ce qui passe à sa portée, claquant les portes derrière elle, renversant le mobilier.
Quand Harry viendra te rendre visite, un jour, il te retrouvera au milieu des débris, complètement négligée, les cheveux démesurément longs- démesurément mal peignés, en pleine crise épileptique, éclatant de rire à tout va.
Ils te feront interner.
Et parfois...
Parfois, tu te réveilleras dans ton lit en sursaut, un jeune homme aux cheveux bleu assis à ton chevet.
- Où est Ted ? Où est Ted ?
- Je suis là, te répondra t-on. Je suis là, c'est Teddy.
- Non, non, non... Ils m'ont dit qu'il viendrait me rendre visite. Pourquoi n'est-il pas venu ? Peut-être qu'il s'est perdu- veux-tu bien aller regarder dans le couloir ? Peut-être qu'il ne connaît juste pas le numéro de la chambre-
- Je suis sûr qu'il le connaît-
- Mais ils m'ont dit qu'il viendrait, ils m'ont dit qu'il viendrait, pourquoi n'est-il pas venu ? Pourquoi n'est-il pas venu ? Il n'avait pas envie ? Il ne m'aime plus ? Pourquoi n'est-il pas venu ? Je lui ai dit que je quitterai ma famille, pour lui- Ted, où es-tu, Ted, viens, je suis ici ! TED ! TED !
- Grand-mère ! Grand-mère calme-toi-
- TED ! TED JE T'EN SUPPLIE ! TED ! JE SUIS LA !
...
Et d'autres fois encore, comme maintenant, quand Cissy viendra te visiter...
Tu te mettras à hurler, parce qu'ils sont fous, tous, tous fous, de croire que tu es l'aliénée alors que ce sont eux, qui ne vont pas bien, eux et même ta sœur, ta stupide sœur, qui ne te reconnaît même pas et s'adresse à toi comme si tu étais cette crevure d'Andromeda, comme si tu étais cette traîtresse-
- NE ME CONFONDS PAS AVEC ELLE ! Tu hurles. NE ME CONFONDS PAS AVEC CETTE POUILLEUSE !
Ton plateau valse d'un bout à l'autre de la pièce, vient s'écraser contre un mur.
Narcissa ne peut s'empêcher de reculer et laisse peser sur toi un regard terrifié.
Ses cheveux sont gris et ternes.
Son visage triste et ridé.
Tu te demandes ce qui lui est arrivé.
Pourquoi ses épaules sont si basses et qui sont ces gens autour d'elle- qui s'approchent de toi en agitant des seringues- et ce que tu fais ici, pourquoi tu n'es pas auprès de ton Seigneur, pourquoi ton visage te fait mal comme si on l'avait plongé dans un seau d'acide-
- Ne me confonds pas avec elle, tu chuchotes une dernière fois avant de sombrer dans le sommeil.
