La nuit a recouvert Gaïa de son manteau de ténèbres. Une petite brise souffle, fait doucement bruisser la végétation alentour et vient caresser les longs cheveux de Yazoo, appuyé contre sa moto à l'arrêt. Le paysage qui les entoure est sauvage, juste une plaine immense aux aspérités nombreuses, qui s'étend loin, aussi loin que peut porter son regard. Aucune trace de civilisation ici. Pas la moindre petite construction qui pourrait témoigner de l'existence en ce monde du genre humain.

Un peu plus loin, près d'un étang que garde une végétation luxuriante, Loz s'amuse à courir après les lucioles qui envahissent le secteur. Son rire lui parvient, brise le silence qui s'est abattu ici depuis leur arrivée. Les mains tendues en avant, il cherche à capturer les insectes qui s'évertuent à lui échapper avec une facilité déconcertante. Une expression de déception enfantine se peint sur son visage chaque fois qu'il écarte les paumes et les découvre vide puis il avise d'autres points lumineux, retrouve le sourire et bondit dans leur direction.

Kadaj, lui, est toujours installé sur sa moto. Un pied touchant le sol, lui servant de béquille, il a sorti une carte qu'il consulte à la lueur de son téléphone portable. Un froncement de sourcils plisse son front et sa combinaison en cuir émet des gémissements à chacun de ses gestes.

Yazoo l'observe, avant d'incliner la tête sur le côté, le regard à présent absent. Ils sont en route pour Edge, où ils pensent pouvoir remettre la main sur leur grand-frère et, avec lui, leur mère… quoiqu'ils n'aient aucune certitude en ce qui concerne ce dernier point. Les deux Turks qu'ils ont laissé derrière eux, à la Cité Perdue, ne leur ont pas été d'une grande aide à ce sujet. Leur employeur, par contre…

Ses sourcils se froncent légèrement, comme il se remémore l'échange de Kadaj avec celui qui se fait appeler Rufus Shinra. L'individu lui a paru maître de lui. Beaucoup trop. Presque comme si leur appel ne le surprenait pas. Comme s'il l'attendait que le fait que deux de ses employés soient tombés entre leurs mains lui importait peu… ou presque. Car c'est bien parce qu'ils se sont engagés à ne pas les achever que l'individu a daigné leur indiquer de quel côté chercher, afin de remettre la main sur leur mère. Yazoo ne l'a cru qu'à moitié. Et Kadaj également. Mais ils se doivent de vérifier toutes les pistes qu'ils pourront trouver… que ça leur plaise où non, ils n'ont pas vraiment d'autre choix.

Alors, ils ont abandonné les deux Turks pieds et poings liés, afin d'éviter qu'ils jouent les filles de l'air pendant leur absence. Ils survivront jusqu'à leur retour… sans doute. Et si ce Shinra leur a menti, il sera encore temps de les tuer en représailles.

Les visages meurtris de l'homme et de la femme flottent dans son esprit. Le corps de ces créatures ne vaut strictement rien, se brise bien trop facilement. Mais c'était tout de même amusant de les malmener. Loz s'en est donné à cœur joie et Kadaj a dû l'obliger à y aller un peu plus doucement, au risque de les voir retourner à la rivière de la vie avant qu'ils aient pu obtenir d'eux ce qu'ils désiraient. Yazoo s'est davantage intéressé à leur esprit… contrairement à leur chair, celui-ci s'est révélé étonnamment résistant. Il aurait aimé être capable de les briser. Au moins… de les fissurer. Et avec un peu plus de temps devant lui, sans doute y serait-il parvenu.

Un petit sourire vient flotter sur ses lèvres comme il songe que ce n'est après tout que partie remise, et il reporte son attention sur Kadaj. Sur son frère – car c'est bien ce qu'ils sont, n'est-ce pas ? Tous les trois, ils font partie de la même famille. Si différents et si semblables à la fois.

Il ne les connaît pas depuis longtemps, mais se sent déjà si proche d'eux. Si attaché, surtout. Il s'entend à merveille avec Loz. Ils s'amusent bien, ensemble. Quant à Kadaj, s'il se montre un peu plus distant, Yazoo ferait n'importe quoi pour le protéger. Oui, il y a en lui ce sentiment puissant, ce désir de se mettre en travers de tout ce qui pourrait chercher à lui nuire. Il sait que Loz ressent la même chose. Pour eux deux, Kadaj est comme un petit frère. Et en tant qu'aînés, ils ont le devoir de veiller sur lui.

Tant que nous serons ensemble, je ne m'ennuierai pas… je ne serai jamais seul. Et une fois que nous aurons retrouvé maman… !

Il ne va pas au bout de sa pensée, tourne les yeux en direction de Loz qui revient vers eux, l'air tout excité. Un large sourire étirant ses lèvres, il a joint les mains et s'exclame :

— Regardez ! J'en ai attrapé une !

Mais avant qu'il n'ait pu la leur montrer, toutes les étoiles du ciel semblent soudain se mettre à faire la course. Le spectacle est si surprenant, si incroyable, que Loz en ouvre la bouche sur une exclamation muette ne voit pas sa captive profiter de son moment d'égarement pour se faufiler entre ses doigts. Elle s'élève et sa lueur, minuscule, ne tarde pas à se mélanger à celles qui vrillent la voûte céleste.

— Des étoiles filantes, explique Kadaj, qui a levé les yeux. Il paraît qu'il faut faire un vœu quand on en voie.

— Est-ce qu'elles l'exauceront, 'daj ? questionne Loz, plein d'espoir.

— C'est ce qu'on raconte…

Loz et Yazoo échangent un regard, avant de reporter leur attention en direction du phénomène. Celui-ci se reflète dans les yeux des Incarnés. Les illumine. Les fait miroiter de mille feux, avant de s'essouffler et de s'éteindre aussi brusquement qu'il est apparu. Loz a une moue déçue.

Kadaj, lui, lance :

— Allez, en route !

Puis il range à l'intérieur de sa combinaison sa carte et son téléphone portable, avant de démarrer sa moto. Yazoo se réinstalle sur la sienne, tandis que Loz le contourne pour rejoindre son propre véhicule. Comme il se laisse tomber sur selle, il dit, de nouveau tout excité :

— Moi, j'ai fait le vœu qu'on retrouve maman. Et vous ?

Il leur adresse à tous deux un regard qui pétille. Kadaj grogne :

— Il ne faut pas en parler, imbécile, sinon il ne s'exaucera pas !

Loz ouvre la bouche, l'expression choquée et de la panique au fond des yeux. Puis son visage se crispe, se déforme et il commence à sangloter.

Yazoo soupire et secoue la tête. Comme il devine que Kadaj a fait exactement le même vœu que Loz, la maladresse de ce dernier ne l'inquiète pas. Le soupçon de contrariété qu'il ressent en démarrant sa moto n'est donc pas dirigé contre celui-ci, mais bien contre lui-même. Car contrairement aux deux autres, le désir de retrouver leur mère n'est venu qu'après coup… après un premier, plus irrépressible.

Le souhait qu'il puisse rester, pour toujours, aux côtés de ses frères…


Logiquement, un deuxième OS devrait faire suite à celui-ci, mais... quand aurai-je le temps / la motivation de l'écrire, ça, je ne peux pas encore le dire. :p

En tout cas ça me fait plaisir d'enfin avoir pu poster quelque chose qui tourne uniquement autour des Incarnés ! J'espère donc que ce petit texte aura su vous plaire. :)