─ Tu ne m'aimes pas.
Ses paroles font écho, sempiternel écho, et se répercutent contre les murs qui nous entourent, qui semblent nous empêcher de respirer. Il me repousse, refuse toute proximité avec moi, m'ordonne silencieusement de m'en aller, de le laisser voir autre chose que mes pupilles impérieuses. Ses mains se plaquent nonchalamment contre moi pour me balayer, me rejeter, m'effacer de sa vie à la manière d'un coup de gomme passé sur la rature d'une page friable. Je me laisse faire et n'objecte pas, parce que je n'ai tout simplement rien à dire, rien à répondre à cela. Ses yeux à lui sont éteints, dénués d'émotion ─ aucune larme ne brille dans ce regard éternellement impassible, et sa bouche est livide, presque inexistante. Peut-être a-t-il trop pleuré, peut-être s'est-il caché pour le faire loin de tout, loin de moi. Je ne le sais pas, je l'ignore, et de toute façon, ça ne m'intéresse pas.
─ Ce n'était qu'un mensonge, n'est-ce pas ?
─ Peut-être. Le penses-tu ?
─ Peut-être.
Je me tais. Il ne m'a pas dit oui ni non, mais bel et bien « peut-être ». Un sourire se dessine aux coins de mes lèvres, sans que je ne puisse vraiment en décider autrement, et je peux le surprendre en train de se reculer, pour supprimer encore plus cette proximité que l'on entretenait plus tôt avec de simples pas en arrière, de simples pas fuyants. Je hausse les épaules. Les siennes tremblent, je peux le percevoir d'où je suis, et pourtant je ne peux déceler aucune expression sur cette figure blafarde, pâle comme un cachet d'aspirine, comme s'il était devenu encore plus blanc qu'à l'accoutumée. Mon sourire chatoie sur mes commissures.
─ Tu ne m'as jamais aimé.
Il prononce ça comme si c'était l'évidence-même, comme si tout était normal et qu'il ne faisait qu'énoncer une vérité générale, quelque chose de banale dont tout le monde aurait conscience. Nos regards s'accrochent, se cherchent sans aucune raison, et pourtant j'ai l'impression qu'il ne me regarde pas vraiment. Que ses yeux ont été remplacés par deux fragments ternes, vitreux, qui ne vivent plus et qui se perdent bel et bien dans le vide.
─ Oui.
Laconique, direct. Terriblement vrai, profondément incontestable ─ parce que c'est vrai, et parce qu'il a raison. Je ne l'ai jamais vraiment aimé.
