Je fais mon entrée dans la salle alors que sonne la neuvième heure.

"Comment diantre arrivez vous a être en retard dans votre propre maison, mademoiselle Caree?

-Veuillez accepter mes excuses madame Tourais"

La bouche pincée, elle m'examine des pieds à la tête, cherchant un pretexte pour poursuivre sa diantribe. Ne trouvant rien à redire, elle se retourne et commençe à écrire sur le tableau noir. C'est avec un soupir de soulagement que je m'écroule derrière mon pupitre et sort mes affaires, prête a enduré les quatre heures les plus long de la semaine : mes cours de mathématiques. Mon enfer personnel.

Non content d'être la pire matière qu'il soit, je dois en plus supporter la Harpie, madame Tourais. La femme la plus aigri de tout Sumner. ô Joie.

N'en déplaise à mes parents, à 17 ans je trouve qu'il y a mieux a faire que de passer ses journées enfermer, à essayer de me rentrer dans le crane des théorèmes dont le sens m'échappe en tout point. J'ai proposé de les remplacer par des heures d'anglais, ou même de latin, mais rien n'y fais. Normal me direz-vous : les mathématiques, pour une architecte, c'est primordial. Mais il faudra que Sainte Era, ma douce et tendre mère, comprenne que là, y a pas moyens. Et me crier dessus n'y changera rien.

Je passe donc les trois premières heures à revasser, repondant d'un vague regard bovin aux questions de ma preceptrice du jour. A la quatrième heure, élément perturbateur : Oslo frappe à la porte puis rentre. Le majordome de la maison, fort de ses 65 printemps, m'apprend que le cours est écourté et que je suis attendu dans le Petit Salon.

La tête de la Harpie vaut plus que l'heure de liberté offerte, mais ce n'est pas pour autant que je m'attarde. Arrivés au Petit Salon, Oslo m'indique la porte, deja ouverte. A l'intérieur mes deux parents m'attendent, le visage fermé. Allons bon,qu'est-ce que j'ai encore fait...

"Sira assied toi je te prie"

Suivant le geste de mon paternel, je prend place en face d'eux et attend. Il repris alors la parole.

"Un courrier est arrivé ce matin, adressé à la famille. Ta mère et moi aimerions que tu le consulte a ton tour."

Et il me tend l'enveloppe crème, du sceau de la famille royale.

"Le dernier recensement porte à notre connaissance qu'une jeune fille entre seize et vingt ans, réside actuellementdans votre foyer. Nous nous permettons de vous signaler une occasion unique de participer à l'Histoire de cette grande nation qu'est Illeà.

Nos princes bien-aimée, Kain et Klaus Schreave, ont atteints tous deux leur majorité ce mois-ci. Au seuil de cette nouvelle phase de leurs vies, ils espèrent fonder une famille avec des épouses loyales originaires de notre beau pays. Si votre fille, soeur ou pupille souhaite embrasser son destin en tant qu'épouse d'un prince et princesse d'Illeà, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-joint que vous retournerez, dûment complété, au bureau administratif de votre province. Dans chaque zone géographique, un tirage au sort désignera la jeune fille qui aura le privilège de rencontrer les princes.

Les candidates désignées par tirage au sort seront logées au coeur même du palais royal, à Angeles, pendant toute la durée de leur séjour. La famille de chaque candidate recevra une compensation généreuse pour services rendus à la couronne. "

Ah. Je l'avais oublié celle-là. C'est vrai que ces derniers mois, les jumeaux royaux ont été au coeur de toutes les conversations, et la Selection est un grand point d'interrogation au dessus des têtes des jeunes filles du royaume. Moi comprise donc.

Je relis une seconde fois. "Les candidates désignées par tirage au sort " Tirage au sort, bien sur. Tout le monde sait que les photos prises pour le formulaire ne sont pas là que pour faire jolie. Ou plutot si justement. "La famille de chaque candidate recevra une compensation généreuse" Bon ça, on s'en moque un peu. Ma famille n'a jamais manqué d'argent. Et même si nous ne sommes pas des Deux, de ce coté là, nous n'avons rien à leur envier.

Je lève enfin la tête de la feuille pour croiser le regard de mes parents, qui attendent mes premiers commentaires sur l'affaire.

"Hum, et donc ? Qu'est ce que vous voulez que je vous dise ?

- Mais, que tu souhaites participer bien sur !"

Ma mère. Un trésor de subtilité. Elle a eu sa chance jadis, et est passé grâce à la Selection d'un statut de Cinq à celui de Trois, et a épousé mon père. Selon elle, vivre ces quelques jours au palais royal fut sa plus belle experience. Aucune surprise donc si elle veut me voir suivre ses pas.

"Honnetement, je n'y ai meme pas reflechi. Mais passer à la télé..."

J'en ai deja fais l'experience. Une série, six adolescents, mille peines de coeur, et ma tête en grand sur le petit écran. Une experience que je prefererez ne jamais renouveler. Malgré les commentaires encourageant de mes amis, je ne me suis jamais trouvé aussi tarte qu'en me voyant dans cette emission. Mon père enchaine :

"Sache que nous ne te forçons à rien Sira. Mais ta mère aimerai beaucoup que tu tente le coup. Au moins que tu remplisse le formulaire et vois ce qu'il peut se passer"

Ta mère aimerai beaucoup, l'euphemisme du siècle. Elle en crève limite d'envie sur place.

"Il faut que j'y reflechisse. J'ai un peu detemps pour ça?

- Dix jours à compter d'aujourd'hui. Pas de pression, la décision t'appartient, et quoi que tu choisisse, nous serons là à tes cotés."

Mon père a toujours les mots justes. Rassurer les gens est sa spécialité : il est vétérinaire. Je les remercie donc tous deux et remonte dans ma chambre. Je pose mes affaires de cours près de la porte et vais m'étaler sur le lit, l'enveloppe toujours en main. Concourir ou ne pas concourir, telle est la question. J'imagine les dizaine de milliers de filles en train de piailler d'excitation, empoignant leur plus beaux stylo pour remplir chaque pointillé du , en parlant du formulaire. Je le consulte rapidement des yeux : prénom, nom, âge, caste, coordonnées, taille, poid, couleur des cheveux, des yeux, de la peau, langues parlées, niveau d'instruction, et compétences particuliè étences particulières ? Zut. Je suis nulle en chant, n'arrive pas à aligner une note juste sur aucun instrument. Les maths? Haha. J'aime courir, mais est-ce une compétence?

Il me faut un avis externe. J'envoie alors un sms à Sabèle, ma meilleure amie : "RDV dans 30 minutes, parc Soleil".

"Ok!"

Je me chausse et sort en trombe, pour tomber nez à nez avec ma mère.

"Tu vas quelquepart ?

-Rejoindre Sab, j'ai besoin de ses conseil avisés.

- Tres drole. Ne rentre pas trop tard"

Era Caree ne porte pas vraiment Sabèle dans son coeur. Une vieille histoire de couvre-feu non respecté et d'une bouteille de vin subtilisée a fait de ma meilleur amie le diable personnifié à ses yeux. Tantpis, je n'en dors pas moins bien la nuit.

Il fait beau aujourd'hui, et nous ne sommes encore qu'en avril. L'été s'annonce radieux. Je marche jusqu'aux grilles du parc, ornées d'un grand soleil doré. L'humilité du quartier me fera toujours sourire, à vouloir chasser les étoiles. Devenir un Deux est plus qu'un projet pour la plupart des familles d'ici. C'est un but. L'ascention sociale est presque aussi importante, voire plus encore, que tout autre concept. La politesse? L'amabilité? "Ne dis pas de bétise chérie, c'est un Deux, il a le droit!" Le droit...

"Sira !

-Hey, Sab ! Ca va?"

Sabèle Monreve est à tomber. Aussi mince et blonde que je suis grosse et brune. Meme si le mot "grosse" est tabou, vu qu'elle me frappe chaque fois que j'ose l'affirmer.

"Super ! Alors, cette lettre ! Ta mère a fait une crise cardaique ou ça va?

-Juste un leger infarctus, elle s'en remettra. Ce qui va l'achever c'est quand je vais lui dire non !

-Oh tout de suite ! Pourquoi non ?

-Sab. La télé. La concurrence. La promiscuité avec les...autres."

Je dois l'avouer, je ne suis pas très attirée à l'idée de devoir fréquenter ces filles. Je suis ce que ma mère appelle avec amour et gentillesse, une ermite.

"Ca te fera l'occasion de lever ton nez de tes bouquins ! Ou de trouver une partenaire de course !"

Sabele ne cours pas, ne nage pas, ne fais pas de sport en general. Ce qui rend son corps frêle et longiligne, une injustice vivante.

"Haha, très drole. Et toi alors?

- Tu plaisante? Tu sais que j'ai toujours eu le béguin pour des blonds, et les princes sont tous les deux bruns !

- C'est vrai. D'ailleurs, tu ne trouve pas ça bizarre qu'ils doivent tous les deux trouver une épouse? Je veux dire, il n'y aura qu'un roi et qu'une reine à la fin, non?

- C'est compliqué, la régence n'a jamais été établi entre les deux, vu que personne ne sais qui est l'ainé"

Une sordide histoire. La nourrice royale qui chute dans les escaliers, laissant les enfançons pleurer seuls dans le bain. Et à quelques mois et nu comme des vers, impossible de les différencier, et donc de savoir lequel été Kain l'ainé de Klaus le second. On a redonné les prénoms mais pas les droits d'ainesse.

"Quand même, c'est pas super.. imagine qu'ils tombent amoureux de la même fille ? ou que toute les filles prefere l'un a l'autre et qu'il se retrouve seul ?

- Impossible ! Ou alors ce serait vraiment pas de chance.

- Tu l'as dit ! Bref, j'avais une question. J'ai parcouru le formulaire de la Selection, et ils demandent les compétences particulières. Est-ce que j'ai des compétences particulières?

-Sira, tu parles quatre langues couramment ! Si c'est pas particulier...

- Les langues ne comptent pas, ils demandent ça à part. Je sais pas si je mets le sport, vu que je ne fait que courir un peu le soir, et que j'ai pas vraiment le physique d'une athlete..

- Ferme. Ta. Bouche. Si tu oses pretendre que tu es grosse, je te frappe ! Ton ventre est plat, Sira. Tu fais 10 centimètre de plus que moi et tes seins font la taille de ma tête. Tu a l'interdiction de critiquer ton corps alros que 9 filles sur 10 tueraient pour l'avoir.

- Ouais...

- Y a pas de ouais. C'est oui Sab, t'as tellement raison, c'est fou je devrai t'écouter et n'écouter que toi pour le restant de mes jours tellement ta sagesse éclaire mes pauvres neuron..

- Stop ! On a compris l'idée !"

Hilare, je m'assoie sur le banc le plus proche.

"Bon, et sinon, cette histoire de compétence?

- Parle de ton ecriture idiote"

Ah oui. Je n'y avais même pas pensé ! J'écris tout le temps,c'est devenu tellement naturel que je ne le vois plus comme quelquechose de spécial. Mais c'est vrai que j'ai gagné deux concours littéraires grace aux nouvelles que j'ai ecrite.

"Brillante idée. Merci !

- Pas de probleme. Donc tu comtpe t'inscrire.

- Non.

-Mais tu en a envie !

- Non.

- Ne mens pas.

- Je ne mens pas ! Et même si c'étais le cas, je ne serai pas prise.

-Tu plaisante ! Des ton arrivé au palais tu serai direct propulsée au rend d'Elite lorsque Ses Altesses poseront leurs royaux yeux sur toi.

- Tres drole !

- Je ne rigole pas ! J'en ferai le pari !

- Oh vraiment ? Et tu parierais quoi au juste ?

- Les Chaussures."

Je retiens mon souffle. Sabèle a cette paire d'escarpins qui sont la perfection incarnée. Elle me les a prétées une fois et ça a été le coup de foudre. Ce soir là, j'ai embrassé Iriel, le plus beau garçon de Sumner. Quand Sab les porte, tout le monde se retourne sur elle, encore plus que d'habitude. Je suis persuadé que ces chaussures ont un pouvoir magique. Mais elle les adore autant que moi, donc j'ai rarement l'occasion de les mettre. Jamais, en fait. Mais là ...

"Tu les risquerai ?

- Il n'y a pas de risque, tu sera prise.

- Attend attend, mettons ça au clair : si je m'inscris a la Selection, et que je ne suis pas prise, tu me donne les Chaussures?

- Si tu n'est pas retenue dans les dix dernières, je les entoure d'un ruban et te les offre en dansant la macarena.

- Tu es folle.

- Possible. Tu acceptes ?

- Tu vas regretter.

- Peu probable. Tu acceptes?

- Sab, je sais pas...

- Sira Melisandre Caree, acceptes-tu le pari, oui ou non !

- Ok, ok ! j'accepte. Prepare le ruban. Et la macarena.

- Marché conclu ! Aller, va remplir ce formulaire, je t'attend demain au bureau, dès la pause dejeuner !

- A demain Sab

- A demain Votre Altesse"

Je pouffe de rire. Votre Altesse. N'importe quoi. Car c'est du n'importe quoi, n'est-ce pas? ...