Le jour s'était levé depuis peu de temps lorsque le train arriva enfin en gare de Londres. Seuls les crissements des freins brisaient le silence habituel de ce début de matinée.

Les portes s'ouvrirent lentement, laissant sortir des hommes d'affaire en costume impeccable malgré l'heure qui venaient sûrement travailler dans la capitale.

Et dans cet amas de cadres supérieurs se trouvait une femme, ses cheveux blonds encadraient son visage fin éclairé par deux pupilles vert émeraude. Son regard perçant semblait plus que las de la vie et était souligné par de profonds cernes violets qui donnaient au visage angélique un côté presque désespéré.

Ses joues étaient légèrement rougies alors qu'elle posait ses pieds chaussés de converse noires sur le quai.

Elle ne portait aucune valise, aucun sac ou aucun bagage de quelque sorte.

Titubant légèrement vers la sortie, elle passa les portes automatiques avant de déambuler sur le trottoir comme une âme en peine, serrant sa veste en cuir marron contre sa poitrine pour se protéger d'un froid inexistant en ce mois de juin.

Elle arrêta un taxi et monta rapidement dedans, s'affala sur les sièges arrières tandis que le chauffeur lui demandait l'adresse de sa destination en la regardant avec pitié.

Elle soupira avant de répondre d'une voix rendue rauque par l'alcool:

" 221B Baker Street."

Pendant ce temps là, à l'adresse indiquée plus haut, une scène des plus atypiques pour certains (et tout à fait habituelle pour les habitants des lieux) se jouait dans la cuisine.

Tout avait commencé il y cinq minutes à peine quand un certain détective consultant annonçait sans autre forme de politesse que la poudre noire se trouvant dans le filtre de la cafetière n'était pas du café moulu mais les cendres d'une vieille femme à laquelle il avait apporté son aide et qui lui avait légué son urne funéraire comme remerciement.

Malheureusement la pauvre femme ne saura jamais quelle allait servir d'expérience.

Mais revenons-en à notre propos.

Il s'avère que le second locataire du 221B avait eu la lubie passagère de se faire un café au lieu d'un thé. Choix raisonnable lorsqu'on savait qu'il n'avait pas dormi depuis plus d'une semaine à cause d'une sombre histoire de drogue cachée dans des coccinelles en peluche.

Dans un élan de positivité rare, il avait pensé que la cafetière était remplie et qu'il n'avait plus qu'à appuyer sur le bouton, ce qu'il fit.

Une fois la dite boisson coulée, il la versa dans une tasse et s'assit sur son fauteuil en la sirotant tranquillement avant que son brun de colocataire ne lui annonce la vérité sur la substance qu'il était en train de boire...

Ce qui valut au blond de recracher le "café" façon lama. Très élégante technique pour montrer la surprise soit dit en passant.

" John... Que me vaut le plaisir de cette douche improvisée?

- TU M'AS FAIT BOIRE MADAME BRIGIT?

- Ah cette brave Madame Brigit, elle en avait du courage vous savez! Pendant la guerre elle a même caché des...

- Taisez-vous Madame Hudson... Je vous en supplie n'en rajoutez pas...

- N'en fait pas toute une histoire John!

- J'AI FAIT INFUSER UNE MORTE SHERLOCK! J'AI TRANSFORME MADAME BRIGIT EN CAFE MOULU ET JE L'AI BU! A CAUSE DE TOI!"

Le détective fit la moue avant de se lever de son canapé et de partir dans la cuisine pour continuer l'une de ses expériences diverses et variées tandis que John Watson partait en courant vers la salle de bain pour se laver vingt fois les dents et se passer du bain de bouche.

Madame Hudson, quant à elle, alla leur préparer du thé tout en précisant qu'elle n'était "pas votre gouvernante!".

En somme, une journée des plus banales pour les habitués du 221B Baker Street.

Mais quelque chose d'encore plus surprenant se tramait juste devant la porte d'entrée, encore plus surprenant même que la seconde mort de Madame Brigit.

On sonna à la porte et Sherlock regarda son colocataire qui haussa les sourcils.

" Un seul coup... Commença le brun.

- Plus de trois secondes... Continua John.

- Ce n'est pas un client donc c'est ennuyant, tu n'as pas la peine d'aller ouvrir!"

Le blond soupira devant la logique toute personnelle de son "ami" avant de se diriger vers la porte et de l'ouvrir dévoilant...

Mais pas si vite! J'ai encore des choses à vous raconter avant d'en arriver là.

La jeune femme, une fois arrivée, descendit de son taxi, paya et se planta devant la porte du 221B. Finalement elle fit demi-tour et alla s'installer dans le café qui se trouvait juste en face de la dite adresse. Elle s'assit à l'intérieur et commanda un thé. Elle laissa lourdement sa tête contre la vitre qui se trouvait à sa gauche avant que sa commande n'arrive quelques secondes plus tard. Prenant la tasse entre ses doigts frigorifiés, elle entreprit de souffler doucement sur le breuvage avant de le goûter du bout des lèvres.

Décidemment, personne n'était capable de faire un thé aussi bon que celui de son frère.

Son frère... Il lui manquait tellement...

Elle ne l'avait pas revu depuis son départ en Afghanistan et il lui manquait horriblement.

Dieu seul savait combien elle aurait eu besoin de lui lorsque sa rupture eut lieu. Elle poussa un énième soupir avant de poser de nouveau son regard sur la porte verte ou s'affichait en lettre métallique "221B". Cette plaque de porte semblait presque la narguer tout comme la lanterne au dessus de l'allée qui annonçait également le même chiffre.

Elle avait peur d'aller frapper là-bas... Peur qu'il la rejette.

Elle était tombée dans l'alcool parce qu'il n'avait pas été là au moment où elle avait eu besoin de soutien. Elle ne lui en voulait pas loin de là, elle adorait toujours autant son frère. Mais il avait loupé tous les moments où il aurait pu jouer son rôle de grand frère sans qu'elle ne lui hurle dessus qu'elle n'était plus une gamine.

Finalement elle se leva tel un zombie et marcha en boitillant jusqu'à la caisse. La vendeuse aux ongles parfaitement manucuré et à la moue rose fuchsia lui tendit, presque avec dégout, son ticket de caisse. Elle lui arracha des mains avec un léger "tch" dédaigneux avant de remonter son col sur ses joues et de sortir du café.

Elle fit de nouveau face à cette porte qui la terrifiait tant et avança sa main tremblante vers la sonnette de la porte. Elle eut une hésitation avant de finalement presser le bouton. Sonnant le gong qui allait changer sa vie à tout jamais.