Yo tout le monde :D Comme je l'avais promis dans l'autre (Connexion, PUUUUB), voici donc ma nouvelle fanfiction. Elle se compose de 3 histoires découpées chacune en 2 parties. Les chapitres seront publiés en alternant les couples (c'est-à-dire dans l'ordre: parents de Zoro, parents de Sanji, parents de Nami, parents de Zoro, parents de Sanji, parents de Nami) pour plus de variété de lecture pour VOUS lecteurs 8D

Tout ça pour dire que l'idée d'écrire l'histoire des parents de ces trois Mugiwaras me trottait dans la tête depuis un bout de temps. J'ai déjà publié ce 1er chapitre sur un autre site, et je vais donc voir s'il remportera autant de succès ici :p

Allez, bonne lectuuure~


La Mercenaire et le Protecteur:

Je m'appelle Sakura Midori, j'ai dix-huit ans, et je suis actuellement mercenaire au service des riches comme des plus pauvres.

Je suis née pour perpétuer la volonté de mes ancêtres. Je ne dois pas m'opposer aux désirs de mon père, à ces ordres impétueux, à son regard de glace. Je me contente d'effectuer les tâches auxquelles on m'assigne, sans m'élever à son encontre. Je passe mes ennemis au fil de mes lames, imperturbable. Dans ce monde d'hommes qui m'a vue naître et grandir, je dois me tailler ma propre réputation, me faire ma place, ou bien je mourrai. C'est ce qu'on m'a enseigné. Dépasser tout le monde, être la meilleure; voilà mon but, ma raison d'être. Honorer ma famille et mon nom, connu et craint de tous. Le Gouvernement et les grands de ce monde faisaient si souvent appel à nous; les malfrats tremblaient de la crainte d'être pris pour cible. Personne pour nous menacer. Enfin, c'est ce que je pensais.

C'est pourquoi ce jour où ma vie a entièrement basculé restera à jamais profondément marqué dans ma mémoire. Le jour où j'ai compris que jusque-là mon existence ne rimait à rien, que je n'étais qu'un objet entre les mains de plus fort que moins, et que je ne serai jamais vraiment moi. Le jour où j'ai compris que j'aspirais à plus, à vivre normalement, à ne pas être obligée de tuer sans arrêt, le sang teintant mes vêtements et obscurcissant ma vision. Le jour où j'ai trouvé mon échappatoire, ma porte vers une vie plus saine, vers un avenir lumineux.

Le jour où je t'ai rencontré, toi, Goro Roronoa.


Sakura huma l'air de son nez fin, comme un fauve en quête de sa proie. Ses yeux d'un vert brillant parcoururent l'obscurité de la nuit, et se posèrent sur la forme d'une bâtisse se trouvant à quelques centaines de mètres d'elle, au bas de la colline sur laquelle elle s'était arrêtée. Pas d'erreur. C'était eux, ceux qui se trouvaient à l'intérieur, qu'elle devait tuer. Elle consulta sa montre, compta mentalement jusqu'à dix, et piqua un sprint vers sa cible. Elle respirait calmement, son corps habitué à des courses effrénées n'ayant désormais plus besoin d'une quantité astronomique d'oxygène pour supporter ses trajets d'une rapidité supérieure à la normale. Ses longs cheveux bouclés du même vert ensorcelant que ses pupilles volaient derrière elle, conférant une certaine grâce à ses mouvements d'une incroyable vélocité. Elle parvint bien vite sur le seuil de la maisonnée endormie. La jeune fille sortit alors de la poche de son pantalon noir moulant de petits couteaux redoutablement aiguisés, en testa l'efficacité en pressant la lame de l'un d'eux sur son pouce, et, satisfaite, découpa dans le panneau de bois solide de la porte d'entrée un trou assez large pour qu'elle puisse s'y glisser. Elle n'était pas bien grosse, aussi passa-t-elle à travers l'ouverture sans difficulté. Arrivée à l'intérieur de la bâtisse, elle parcourut la pièce dans laquelle elle se trouvait d'un regard appréciateur; les murs de pierre étaient recouverts de toiles certainement très coûteuses, un tapis épais et précieux cachait le sol fait d'un bois presque doré, et un lustre composé de grosses bougies pendait au-dessus de sa tête. Tranquillement, elle se releva, prête à passer à l'action.

Ce fut un rayon de lune qui la sauva. Elle n'avait rien vu venir. La lumière argentée doucement diffusée dans la pièce sombre par une petite fenêtre à droite se refléta assez tôt sur la lame tranchante qui fonçait sur la mercenaire pour qu'elle fasse un pas de côté. Juste à temps. Elle expira brusquement de surprise, mais ne proféra aucun autre son, et se mit immédiatement en garde. Une silhouette sombre se dressait devant elle, la surplombant de toute sa hauteur, brandissant un impressionnant katana parfaitement aiguisé. Sakura serra les dents et banda ses muscles, se préparant instinctivement à encaisser un coup puissant, mais la personne en face d'elle ne semblait pas vouloir engager le combat. De ses yeux de chat, elle tenta de percer la pénombre que la lueur des bougies et celle de la lune ne pouvait même pas trancher pour voir les traits du visage de son opposant. Peine perdue. Seule sa carrure massive pouvait la renseigner, et elle supposa qu'elle se trouvait devant un homme. Un guerrier. Qui avait réussi à pénétrer sa défense et à la prendre par surprise, ce que personne encore n'avait su faire. Il devait posséder une force incroyable, bien plus grande que la sienne. Sa détermination flancha un instant, mais elle se reprit et l'apostropha en essayant de conserver un timbre de voix neutre:

« Montre-moi ton visage, étranger, et dis-moi ton nom ! Il est d'usage que lors d'un combat loyal chaque adversaire sait à quoi ressemble l'autre. »

L'homme ne dit rien, et s'avança seulement vers la lumière. La Midori étouffa un petit cri de surprise en le voyant. Il était tout bonnement… magnifique. Sa mâchoire carrée et ses sourcils arqués inspiraient le respect, de même que son expression figée et sûr de lui. Il avait le teint mat de ceux qui voyagent sous un soleil ardent, des yeux noirs comme la nuit, et des cheveux coupés courts ébouriffés aile de corbeau. Sa bouche mince s'étirait en une sorte de rictus, comme s'il se moquait d'elle et de sa méfiance. Son visage semblait véritablement taillé à la serpe, et la jeune fille avait une très bonne vue d'ensemble sur les muscles de son torse grâce au kimono rouge sombre qu'il portait à moitié ouvert. Un haramaki noir complétait sa tenue, ainsi que des sandales poussiéreuses. La jeune fille eut beaucoup de mal à détourner ses yeux de ce spectacle fort agréable.

« Je réitère ma question, étranger: qui es-tu ? »répéta-t-elle au prix d'un effort considérable en resserrant sa prise sur ses lames.

L'homme parut hésiter quelques secondes, puis se recula pour retrouver la sûreté de l'ombre, et consentit enfin à répondre:

« Je suis le protecteur de cette famille. On m'a engagé pour éviter tout incident de ce genre.»

Sa voix était chaude et légèrement rauque, et coulait comme du chocolat chaud hors de ses lèvres désirables. La mercenaire se maîtrisait sévèrement, se répétant inlassablement les enseignements de sa mère à propos des hommes, ne pouvant toutefois s'empêcher de se faire plusieurs fois la réflexion que celui-ci devait sûrement être à part.

« Ton nom, quémanda-t-elle encore.
— Ne penses-tu pas que j'en ai assez dit ? Il me semble que tu n'es pas en position de demander quoi que ce soit de plus. Décline ton identité, je te prie. »

Prunelles noires contre prunelles vertes. Le combat de l'obsidienne contre l'émeraude. Ce fut l'obsidienne qui l'emporta. Sakura détourna le regard en signe de reddition, et marmonna:

« Je suis une mercenaire engagée par le Gouvernement pour mettre fin à la vie de chaque membre de cette famille. Ce sont tous de vils criminels qui ne méritent que la mort.
— Crois-tu être plus méritante qu'eux de vivre ? De quel droit fais-tu leur jugement ? interrogea calmement le protecteur.
— Je ne fais que répéter ce qu'on m'a appris. Mon opinion personnelle importe peu dans cette… dans mes missions, se défendit-elle en fronçant les sourcils. Maintenant, dis-moi ton nom.»

Le brun ne parut pas interloqué par le ton venimeux qu'elle avait employé, et haussa les épaules machinalement.

« Je doute fort que tu me connaisses. Je suis issu d'une famille qui agit dans la discrétion, prévint-il.
— Peu m'importe ! Parle.
— Je suis Roronoa Goro, cadet d'une fratrie de quatre. Cela te suffit-il ? sourit-il. Daigneras-tu me donner aussi ton nom ?
— Sakura Midori, du clan Midori, mercenaire de père en fils ou fille depuis plusieurs générations», débita-t-elle d'un coup.

Elle jaugea Goro du regard. Effectivement, elle n'avait jamais entendu parler de lui ou de sa famille, mais s'il se croyait assez fort pour baisser sa garde en pareil moment, cela n'était pas étonnant. Nombreuses étaient les familles qui se croyaient plus fortes qu'elles ne l'étaient et finissaient indubitablement brisées, déchirées, pour s'être frottées à plus puissant. Ce sabreur en faisait sans doute partie. Elle fit un pas discret vers lui, se rapprochant de sa cible, prête à attaquer. Ce n'était pas parce qu'elle s'était laissée aveugler par sa beauté et l'aura qu'il dégageait qu'elle devait faire une croix sur sa mission. Il en allait de sa vie, son père l'avait prévenue. Et il ne plaisantait jamais. Tremblante, elle déglutit et décida de continuer leur petite conversation pour endormir sa méfiance:

« Tu as sûrement dû entendre parler de nous. Mon père ne fait pas vraiment dans la discrétion », lâcha-t-elle en riant nerveusement pour se donner contenance.

Goro hocha la tête positivement. Avec un soupir, Sakura se redressa et fit un nouveau pas vers lui, l'air détaché, comme s'ils étaient deux inconnus se taillent une bavette à un bar et non deux guerriers voués à éliminer l'autre.

« Tu dois donc savoir que tous nos hommes ont été longuement entraînés pour satisfaire au mieux les demandes de nos clients, dans un souci de gain de temps.
— Les femmes aussi, à ce que je vois, fit remarquer le brun en souriant sarcastiquement. Ou bien es-tu le seul enfant du chef ? »

La verte grimaça. Il avait touché juste. Son destin aurait été tout autre si elle avait eu des frères. On l'aurait marié contre son gré à quelqu'un qu'elle n'aurait jamais aimé, aurait été arrachée à sa famille, à sa mère, et aurait dû jouer à la parfaite maîtresse de maison en invectivant les domestiques un peu trop insolent tout en remplissant son devoir de femme chaque fois que son mari l'aurait souhaité. Chassant cette vision désagréable de son esprit, elle se rendit compte qu'elle n'était pas vraiment plus heureuse en mercenaire; la vie était plus dure lorsqu'on était une femme armée, elle mettait sa vie en jeu à chaque fois, redoutant la colère d'un père brutal et peu démonstratif. A la pensée de l'homme qui dirigeait son existence entière, une bouffée de rage l'envahit, mais elle se secoua mentalement et réendossa son masque impassible. Enfin, presque impassible. La décontraction apparente de ce Roronoa l'indignait au plus haut point, de même que sa propension à se moquer d'elle; ne la prenait-il donc pas au sérieux ? C'était une insulte comme elle n'en avait jamais essuyé, et elle avait bien du mal à ne pas lui sauter dessus immédiatement. Son sens du devoir l'en empêchait, de même que les pupilles noires envoûtantes dans lesquelles elle faillit se noyer à nouveau. Elle inspira lentement par le nez, relâchant ses épaules.

« Effectivement. Mais ne me sous-estime pas, je suis plus forte que bien des hommes. J'ai une mission à mener à bien et ce n'est pas toi qui m'en empêchera, je le jure sur le nom de mes ancêtres ! » gronda-t-elle sourdement.

Sa réaction parut désespérée aux yeux de Goro, qui fronça les sourcils et s'approcha d'elle en une fraction de seconde. Il l'obligea à plaquer son dos contre le mur de pierre, et l'encadra de ses deux bras musclés, dangereusement près. Leurs nez se touchaient presque. La jeune fille n'avait rien vu venir et serrait contre elle ses lames, unique protection qu'elle possédait pour se défendre contre une potentielle agression de son adversaire. Il n'esquissa cependant aucun geste agressif et la força à le regarder en face.

« Est-ce là ton rêve ? Jouer à la gentille fille bien sage qui obéit à papa sans discuter ?
— Je…, balbutia-t-elle, les jambes en guimauve et le souffle court.
— Réponds ! Es-tu vraiment prête à tuer pour l'argent, alors que tu pourrais mener une bien meilleure existence auprès d'un mari aimant ? Ici, dans cette maison, il y a des enfants. Des innocents. Vas-tu rayer leurs existences de cette planète, à eux aussi ? la harcelait-il, des flammes dansant dans ses prunelles sombres.
— Laisse-moi ! Cela ne te regarde pas. Je dois le faire, sinon je mourrai.
— Tu mourras ?»

Perplexe, le protecteur recula un peu son visage, lui permettant de recouvrer ses esprits et de chercher une solution pour se tirer de ce marasme infâme. Dans quelle situation elle se trouvait ! Prisonnière de celui qu'elle devait tuer pour exécuter les ordres de son père, elle se voyait obligée de lui répondre, sans quoi il l'éliminerait purement et simplement, agacé par son silence. Elle se composa alors le masque parfait de la pauvre fille victime de sa lignée, et fut surprise de voir avec quelle aisance les mots sortaient de sa bouche, comme si elle les pensait réellement.

« Si je ne réussis pas à mettre fin à la vie de chaque membre de cette famille mais que j'arrive à m'échapper, mon père… le boss me tuera. Tu ne le connais pas, il n'a aucune pitié, même pour sa propre fille, la chair de sa chair. Et s'il ne le fait pas, c'est parce que tu l'auras fait avant. Peut-être ma mort sera-t-elle plus douce si tu me tues sans détour, comme il risquerait de le faire. »

Elle saisit du bout des doigts la lame du katana noir de Goro et l'approcha de son cou, comme pour se trancher elle-même la gorge. Ses yeux verts emplis d'un désespoir qu'elle pensait faux mais incroyablement bien joué, elle le supplia d'en finir vite.

« Je supporte mal la douleur, alors fais ton travail rapidement, s'il te plaît.
— Tu souhaites mourir ? Je vois. Tu n'es peut-être pas si intéressante que je l'ai pensé au premier abord, finalement. Et moi qui pensais que je pourrai peut-être moins m'ennuyer que d'habitude…» , soupira l'homme, déçu.

Sakura paniqua. Elle n'avait pas prévu ce soudain retournement de situation, ni qu'il ferait preuve d'une inébranlable détermination. Une goutte de sueur roula le long de ses omoplates, elle frissonna, et décocha un grand coup dans le bas-ventre de son ennemi, ne sachant plus quoi faire d'autre. Profitant de ce qu'il se courbait en deux de surprise et de douleur, elle lança un de ses poignards vers le lustre, dont la corde fut parfaitement tranchée. Il s'écroula dans un grand fracas sur le sol, dispersant des morceaux de verre dans toute la pièce, les bougies roulant à terre. La jeune fille en prit une à pleine main, ignorant la sensation de brûlure sur sa paume, et enflamma les rideaux, projetant les autres cierges vers la porte de bois qui menait au reste de la maisonnée. Le parquet brillant prit lui aussi feu, et bientôt une chaleur dévorante les entoura. Alors qu'elle allait s'enfuir par le trou qu'elle avait découpé dans l'immense porte d'entrée, ignorant les flammèches qui léchaient sa peau pâle, elle sentit qu'on lui saisissait le pied droit et qu'on criait son nom. Affolée par le feu qui avançait rapidement vers elle, elle balança son autre jambe dans le vide, et rencontra avec satisfaction une surface dure, ce qui prouvait qu'elle avait miraculeusement visé une partie du corps de Goro. Un grognement rauque parvint à ses oreilles, et elle put enfin se faufiler dans l'air frais de la nuit, inspirant l'oxygène non saturé de fumée à grands poumons. Elle vérifia rapidement derrière son épaule que le brun ne l'avait pas suivie, et constata un peu surprise qu'elle ne le voyait plus. Peut-être avait-il cherché à sauver ceux qui l'avaient engagé ? Avec un étrange pincement au cœur dont elle essaya de ne pas se préoccuper, elle s'enfuit du lieu de son crime, filant vers le domicile familial, sa mission finalement accomplie.


Suite à cette rencontre quelque peu spéciale, Sakura ne cessa de se poser des questions sur son avenir. Elle n'éprouvait plus le même engouement et la même détermination à obéir à son père, qui n'avait pas posé les yeux sur elle depuis son retour. Il s'était contenté d'envoyer quelques-uns de ses hommes à l'endroit où elle avait provoqué un gigantesque incendie pour vérifier qu'il ne restait pas de rescapés, et ne lui avait même pas adressé une seule parole de félicitation. Bouillante de rage, la jeune fille prétexta une grande fatigue le lendemain matin pour éviter de le retrouver à la table du petit-déjeuner. Dégoûtée par son comportement trop sévère et indifférent, elle avait tourné et retourné dans sa tête les raisons qui faisaient qu'elle supportaient depuis si longtemps sa présence. Aucune ne lui parut valable et c'est avec un certain désarroi qu'elle se rendit compte du temps qu'elle perdait à tuer pour l'argent, sans jamais apercevoir ne serait-ce qu'un berry. Elle se prit bien vite à rêvasser, paresseusement allongée sur son lit inconfortable, dans sa chambre sombre et froide. Ses pensées se dirigeaient toutes vers une seule personne: Goro Roronoa. L'homme qui avait failli lui ôter la vie. Et l'homme à qui elle avait failli ôter la vie également.

C'était stupide, elle en avait bien conscience. Rêver de son ennemi… n'était-elle donc qu'une simple jeune fille écervelée qui s'éprenait du premier venu, pour un peu qu'il soit beau et musclé ? Elle secoua la tête et se gifla mentalement. Non, elle ne devait pas y penser, pas en ces termes-là. D'abord, rien n'indiquait qu'elle était vraiment tombée amoureuse de lui. Et quand bien même, l'admiration qu'elle entretenait pour lui ne venait qu'en mineure partie de son physique, somme toute assez banal. Non, ce qui la fascinait et l'envoûtait, c'était son regard franc et sûr de lui, et cette aura puissante qu'il dégageait. Comme elle aurait aimé avoir ne serait-ce qu'un minuscule bout, une miette, de cette puissance, de cette force d'esprit ! Malheureusement, elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez, comme il le lui avait fait si habilement remarquer. Elle se contentait de faire ce qu'on lui ordonnait, alors même qu'elle pourrait profiter à fond de sa vie de jeune femme bien portante. L'idée de s'enfuir était monstrueusement tentante… mais hélas, son père lancerait ses chiens et ses hommes à ses trousses si elle échafaudait seulement le plan d'une potentielle fuite. Alors, elle tomba soudainement dans une profonde apathie qui dura plusieurs jours pendant lesquels le boss se désintéressa complètement d'elle, jugeant qu'une faible femme comme elle qui souffrait d'un trouble de l'âme ne pourrait sans doute plus effectuer le moindre travail. Malgré la haine qu'elle commençait à entretenir à son égard, Sakura ne put qu'être ravie, songeant que dorénavant elle serait peut-être plus libre de ses mouvements, et qu'elle avait là la preuve qu'elle était jusqu'il y a une semaine, il la considérait comme un objet, une arme dont il se servait pour son pitoyable commerce de vies humaines.

Parallèlement à cette prise de conscience, la verte fut subitement submergée par une émotion nouvelle qu'elle ne connaissait pas; tout la mettait en émois, à peine posait-elle les yeux sur un couple au village qu'elle rougissait instantanément et se surprenait soupirer avant de s'injurier elle-même, à peine effleurait-elle de la main une des belles robes de soie d'un magasin de vêtement qu'elle se mettait à envier les femmes normales qui pouvaient en porter insouciamment. Terrifiée par son comportement et ses réactions si féminines qu'elle jugeait ridicules, elle essayait en vain de se maîtriser, happée par le tourbillon de quelque chose de nouveau. Un grand changement se produisait en elle, donnant ainsi suite aux paroles de Goro, qui ne cessaient de la plonger dans une profonde perplexité et dans un grand désœuvrement. Incapable de quoi que ce soit, elle passait des heures dans le jardin à explorer le ciel de son regard émeraude, comme si les nuages ou les étoiles pouvaient lui apporter une quelconque réponse sur l'attitude à adopter quant à cette transformation tardive de la jeune fille un peu garçon manqué en femme. Après en avoir rêvé pendant d'innombrables nuits, s'imaginant en train de le caresser et qu'il couvrait son corps nu et clair de baiser pour se réveiller transie et honteuse, elle détesta Goro de provoquer en elle cet afflux de sensations étranges et nouvelles. Toutes les pores de sa peau criaient son besoin de sentir contre sa poitrine le cœur palpitant du brun à travers son propre torse, ses yeux versaient des larmes invisibles de rage et de douleur; ce n'était qu'une immense souffrance de ne pas savoir ce qu'il était devenu, s'il était vivant ou mort consumé par les flammes qu'elle avait elle-même provoquées pour sa survie.

Un jour, alors qu'elle était plongée dans une de ses habituelles réflexions, le regard vaguement fixé sur une plante grimpante du jardin, elle entendit un bruit de pas précipités venant de la droite. Elle tourna vivement la tête, encore en pleine possession de ses capacités offensives et défensives, prête à contrer n'importe quel coup, mais quelle ne fut pas sa surprise quand elle reconnut un des hommes à tout faire de son père, courant vers elle en haletant. Il s'arrêta devant elle en faisant crisser les graviers sous ses talons, et inspira longuement plusieurs fois, pour retrouver un semblant de souffle, faisant voleter les poils de sa moustache fournie. Il n'était pas beaucoup plus vieux que son maître mais ses forces commençaient déjà à s'épuiser, n'ayant jamais été soumis à un rigoureux entraînement qui lui aurait conféré de plus grandes capacités en endurance, aussi avait-il beaucoup de mal à respirer normalement après cette course effrénée. Enfin, il se redressa et pria Sakura de le suivre. La jeune femme refusa immédiatement, invoquant à nouveau une grande lassitude et lui demandant de lui dire d'abord la raison de sa précipitation.

« C'est Monsieur votre père qui m'a ordonné de vous mener à lui, je n'en sais pas plus…, balbutia le vieux domestique en la suppliant du regard. Si vous ne venez pas vite avec moi, qui sait ce qu'il me fera ? Je vais sûrement finir jeté au cachot… S'il vous plaît, Sakura-sama, levez-vous !
— Ne me presse pas comme ça, c'est désagréable, marmonna-t-elle en s'exécutant quand même. Ne sais-tu vraiment rien ? Est-ce que cela aurait un rapport avec une nouvelle mission, comme des malfrats à tuer, une famille à éliminer, ou un équipage pirate comme celui de ce Roger à démanteler ? Il sait pourtant que je ne souhaite plus verser le sang !
— Du peu que j'ai entendu, cela n'a rien à voir, Sakura-sama. Je crois qu'il est question de mariage, mais je n'en suis pas sûr…, dit craintivement le vieil homme en la regardant par en-dessous, mal à l'aise.
— Comment ?! Un mariage ?» s'étouffa la demoiselle.

Elle vacilla sur ses jambes et dut s'appuyer à un des poteaux soutenant le toit bas de la maison, assommée par la révélation. Mais elle reprit bientôt pieds et consentit à le suivre jusqu'à la pièce principale de la maison, qui était plongée dans une obscurité quasiment complète malgré le grand soleil qui s'épanouissait dehors et peignait de doré la façade de la grande habitation. Sakura fut étonnée de voir que son père se tenait comme en retrait, au fond, comme un gamin pris en faute. Sauf qu'il ne serait jamais pris en faute, insaisissable qu'il était. La jeune fille se planta sur le seuil de la porte et déclara sans plus de préambule, ne se souciant même plus de la politesse ou du respect qu'elle lui devait, eu égard à son rang dans l'organisation de mercenaires:

« Il est hors de question que je me marie.»

Un silence embarrassé suivit sa déclaration, que quelques toux discrètes et ricanements gênés brisèrent rapidement. Son père renifla dédaigneusement et s'avança un peu vers elle, son visage encore dissimulé dans l'ombre.

« Je crains que tu n'aies pas le choix; tu refuses de continuer à défendre notre honneur. Or, sans armes, tu ne m'es de plus aucune utilité. Heureusement, ce ne sont pas les prétendants qui manquent et je réussirai bien à te caser dans une petite famille riche qui nous permettrait d'améliorer notre niveau de vie…, dit-il lentement, sa voix traînant sur les mots d'une manière désagréable.
— Et Mère, qu'en dit-elle ? demanda Sakura sans se démonter. Je suppose que tu ne vas pas la laisser mourir à petit feu sans même l'avertir d'un changement aussi radical pour sa fille ?
— Elle n'a pas besoin d'être au courant, elle ne ferait que nous gêner en essayant de trouver le meilleur parti pour toi, mais de son point de vue à elle. Je n'ai pas besoin de l'opinion d'une faible femme. »

La verte serra les poings, mais n'ajouta rien concernant sa mère adorée. Elle savait que la partie était perdue d'avance sur ce point-là. Elle opta donc pour une autre stratégie.

« Supposant que j'aime déjà quelqu'un, me laisserais-tu me marier avec cette personne ? Du peu que j'en sais, sa famille est riche bien que peu connue, et tout à fait honorable. Cela éviterait des inconvénients tels que l'amour non partagé par les deux époux si j'épousais un homme dont je serais amoureuse et qui m'aimerait en retour, expliqua-t-elle effrontément. Nous ne sommes plus à une époque où les parents choisissent leur gendre ou bru, j'ai aussi mon mot à dire sur la question ! »

Son père partit d'un grand rire, aussitôt suivi par ses compagnons d'arme. Sakura sentit ses joues chauffer mais laissa les choses couler, attendant une réponse, qui ne tarda pas.

« Bien sûr que non ! Que vient faire l'amour dans le mariage ? Je te parle d'un mariage utile et non agréable, petite sotte. Ne crois pas que parce que tu es un peu plus sensible qu'avant tu peux te permettre des grands mots sur tes pseudos-droits.
— Mais j'ai déjà choisi ! protesta-t-elle.
— Et lui, t'a-t-il choisi ?
— Eh bien… non, répondit-elle franchement. En fait, je n'en sais rien, je ne l'ai vu qu'une fois.
— Oh ? Tu ne l'as rencontré qu'une seule fois, en plus, et tu voudrais partager sa vie ? Je n'ai jamais rien entendu de plus stupide et désespérant. En quelle occasion ? »

Un instant, un bref instant, Sakura se repassa la scène dans sa tête, hésitant sur l'explication à fournir. Si elle avouait tout, il la tuerait, c'était certain. Mais elle ne voulais plus vivre dans cette morne rêverie qui ne la satisfaisant plus et la mettait en colère. Alors, elle défia toute règle de conduite et d'humilité, se redressa fièrement, et brandit un doigt fier vers son père.

« Lors de ma dernière mission! » déclama-t-elle en relevant le menton.

Elle se hasarda à fouiller la noirceur de la pièce de ses yeux verts, guettant une quelconque réaction de la part de son père. Peine perdue. Elle crut cependant apercevoir la demi-lune d'un sourire goguenard qu'il lui adressait, et ses oreilles chauffèrent fortement sous le coup de l'humiliation. Alors quoi, il ne la prenait pas au sérieux et pensait qu'elle racontait des bobards ? Pas de problème. Elle allait balancer une dernière bombe, puis se retirerait fièrement, sans même regarder derrière elle. Forte de cette résolution, elle prit une grande inspiration, et ajouta sur un ton tranchant:

« Il était le protecteur de la famille à tuer, et appartient au clan Roronoa. Je ne l'ai pas éliminé comme il l'aurait fallu, et je ne le regrette pas une seule seconde !
— Encore heureux » , chuchota une voix à quelques mètres d'elle.

La Midori sursauta violemment et chercha à déterminer l'origine de la voix qu'elle avait entendu. Si elle ne se trompait pas… Elle reconnaîtrait ces sonorités chaudes qui s'enroulaient autour de vous sensuellement, ce grondement doux de fauve, cette modulation, entre mille. Mais c'était impossible. Que ferait-il ici, après tout ? Ils étaient ennemis… et elle ne pourrait que comprendre une colère potentielle à son égard. Pourtant, ce fut bien lui qui sortit de l'ombre et s'approcha d'elle d'un pas sûr, un sourire amusé aux lèvres. Ce fut encore lui qui lui adressa un clin d'œil pour reprendre aussitôt après une expression stoïque, son épaule musclée touchant celle de la jeune fille, qui éprouvait quelques difficultés à rassembler ses esprits, interdite. Il était bien là, à côté d'elle, en chair et en os, cette aura rassurante et imposante aussi présente qu'auparavant, et encore plus que dans ses rêves. La situation était tellement incroyable, tellement étrange, qu'elle n'avait même pas envie de pleurer de soulagement et de bonheur, non; elle partit d'un grand rire qui résonna dans toute la pièce, hoquetant aux larmes, l'attention générale entièrement focalisée sur elle. Alors c'était ça ! on s'était moqué d'elle. Mais qu'importe, si elle avait bien compris ce qui se tramait, alors rien ne pourrait la rendre plus heureuse. Une fois son hilarité apaisée, son père les rejoignit et la jaugea froidement, des lueurs moqueuses dansant dans ses prunelles aussi vertes que les siennes. Goro inclina discrètement la tête en signe de respect, et se tourna vers elle.

« J'imagine que tu as compris que c'était un coup monté ? sourit-il à nouveau.
— Elle n'est pas si bête que ça, alors disons que oui, coupa Midori père en le détaillant à son tour. J'avoue avoir été surpris par ta demande, jeune Roronoa. Pourquoi ma fille ?
— Alors vous aviez tout organisé, depuis le début, en vous servant de cette mission… Cette rencontre, tout ça… Comment n'ai-je pas pu m'en rendre compte plus tôt ? grommela Sakura en baissant le nez, vexée.
— Midori-sama, si vous me passez l'expression, on peut dire que ça a été le "coup de foudre", avoua Goro en rosissant un peu, gardant tout de même contenance. Je l'ai vue plusieurs fois s'entraîner dans votre jardin en me baladant sur les chemins… et je ne suis pas sûr qu'elle se rappelle, mais une fois je lui ai même demandé ma route.
— Inutile d'en dire plus, ça ne m'intéresse guère. Une union avec une famille aussi influente que la vôtre ne pourra que nous être bénéfique, après tout. Et toi, Sakura, je suis toujours perplexe quant au fait que tu sois tombée amoureuse de ce jeune homme si vite, mais je n'ai pas de raison de m'y opposer.
— Ce qui signifie ? demanda suspicieusement la jeune guerrière en essayant de ne pas se focaliser uniquement sur le fait que celui qu'elle aimait se trouvait juste à côté d'elle.
— Ce qui signifie que je te propose d'abandonner ton rôle de mercenaire et de devenir ma femme», résuma Goro.

Sakura rougit violemment et porta une main à sa bouche, complètement retournée par la demande franche et directe de Goro. Son bonheur l'étourdissait tellement qu'elle s'empara de sa manche pour ne pas défaillir, et ses yeux s'emplir de larmes de joie. Une bouffée de chaleur très agréable se répandit dans sa poitrine et elle sentit sa gorge former une boule qui l'empêcha momentanément de parler. Sans proférer un son, elle le tira derrière elle et sortit de la pièce sous les sifflements des hommes, indifférente à tout sauf à la sensation du tissu entre ses doigts, et de la peau de Goro qu'elle arrivait à percevoir. Elle le conduisit au jardin sans lui laisser le temps de protester, et sans prévenir tomba à genoux devant lui. Eperdue, consciente de sa position ridiculeusement nunuche, elle se prit les joues à deux mains, expira lentement par le nez, et releva enfin le menton pour voir le visage hâlé de son fiancé juste en face d'elle.

« T-Tu étais sérieux ? bafouilla-t-elle bêtement.
— Je suis toujours sérieux» , assura-t-il en s'approchant d'avantage d'elle.

Elle sentit son souffle sur ses lèvres, et des papillons lui tordirent l'estomac.

« Mais je ne suis pas féminine… et je ne sais pas tenir une maison, révéla-t-elle à contrecœur. Qui voudrait d'une femme comme moi ? En plus, tu dois être bien plus vieux que moi…»

Il la fit taire en posant son index sur ses lèvres pleines.

« Primo, ne sois pas si complexée, tu es parfaite. Secundo, je préfère une femme qui sait se défendre à une mijaurée incapable de brandir un couteau sans trembler. Tertio… je n'ai que vingt et un ans. Suis-je donc si vieux que ça ? »

Sakura hocha la tête négativement, soulagée pour une raison qu'elle ne comprenait pas. Le cœur léger et un sourire qu'elle trouvait stupide collé sur la figure, un profond désir de chaleur humaine l'envahit toute entière, la consumant de l'intérieur. Fébrile, elle ne put se contenir plus longtemps et se jeta sur lui, le faisant rouler au sol, pour lui voler un baiser. Elle ne se contrôlait plus, et avoir goûté les lèvres de Goro ne l'aidait pas à se calmer. Le jeune homme la laissa faire, posa sur ses hanches minces ses mains rassurantes et commença à lui caresser doucement le dos, prenant part à l'étreinte passionnée. Elle allait vite en besogne de son point de vue, mais ce n'était certes pas pour lui déplaire. Les filles du genre "vierge effarouchée" qui sursautait au moindre contact l'ennuyait profondément. Avec Sakura, il était sûr que sa vie ne serait pas un grand vide intersidéral. Elle promettait d'être intéressante, cette jeune femme aux yeux envoûtants.

Les fiancés se séparèrent finalement au bout d'un long moment qui ne leur parut que quelques secondes, légèrement essoufflés. Sakura étouffa un rire en croisant le regard de Goro, qui en fit autant avant de la ramener brutalement vers lui. Ils se regardèrent alors dans les yeux, et s'embrassèrent à nouveau.

Un avenir radieux s'annonçait pour eux. Du moins… au premier abord.


Oooouuhh mais c'est que l'histoire prend un tournant dramatique avec cette dernière phrase, muahahaha :B

Je vous rassure... CE SERA DRAMATIQUE. Foualà.

Si vous voulez que Goro crève, tapez 1. Si vous voulez que Sakura crève, tapez 2. Si vous voulez que les deux crèvent, tapez 3. Si vous n'avez pas envie de les faire crever, tapez 4.

Bref.

Vous... vous êtes encouragés à commenter, hein :'D