Bonjour mes amis!
Voici ce que j'ai à vous offrir:
Une histoire, probablement d'amour. Qui commence sans aucun plan.
Non, je ne sais pas. Il peut arriver n'importe quoi.
Pour une fois vous ne saurez rien à l'avance, ni le nombre de chapitres, ni rien du tout.
Comme dans la vie un peu.
Ça vous tente?
...
Allez.
Harry, Draco, en place, c'est de vous que ça parle.
...
Draco était face à une impasse. Il se souvenait avec une mortelle précision du moment ou Harry l'avait sauvé des flammes. Ça le hantait. Rien ne s'était passé depuis. Il était orphelin, on l'avait laissé tranquille. La perte de ses parents ne lui avait pas été aussi douloureuse qu'il l'aurait souhaité. A sa courte honte, il se sentait plutôt soulagé. Il n'avait pas cessé de les haïr après leur mort. Il aurait voulu les estimer davantage, mais il n'y parvenait pas. Trop de preuves irréfutables de leur ignominie et de leur servilité. Ils l'avaient entraîné malgré lui, mais il avait toujours rusé pour n'avoir à tuer personne. Maigre héroïsme ! Mais Harry, lui, l'avait sauvé. Comme ça, comme si c'était la moindre des choses. N'avait-il personne d'autre à sauver ? Combien étaient morts dans son camp ? Trop nombreux pour que le chiffre fasse sens dans la douleur du cerveau humain. Trop de bonnes vies arrachées par des gens de sa famille, presque comme lui, qui avaient voulu le faire devenir comme eux. Il devait le remercier, lui dire sincèrement merci de tout son cœur, de l'avoir arraché à une mort certaine sans raison, sans rien attendre en retour. Ça n'avait pas de sens, il sentait qu'il n'y arriverait pas, mais son honneur l'exigeait. Une autre chose était évidente. Sa vie serait différente. Pour deux raisons. Le monde avait changé, et il avait des projets. Lui en tant qu'humain se devait de rechercher le bonheur, c'était simple à comprendre. D'un autre côté sa présence en Angleterre, puisqu'elle ramenait des souvenirs communautaires douloureux, inspirait une haine vague, un ressentiment qui se trouvait dirigé contre lui mais qui aurait pu être tourné vers quelqu'un d'autre, s'il y avait eu plus de grands noms dans le mauvais camp. Il avait de cette haine arbitraire une conscience nette et analytique, et il était suffisamment intelligent pour ne pas la trouver injuste. Il savait ce qu'il valait et c'était juste un peu mieux. Il était un peu meilleur qu'on l'imaginait. Il n'était pas ce qu'on appelle « quelqu'un de bien » pour autant. Il en avait tiré une conclusion : Rester vivre dans l'Angleterre sorcière n'était bon ni pour lui, ni pour les autres. Sa présence attirerait la haine, et la haine fait souffrir tout le monde, pas seulement la personne qui en est victime. De plus il n'avait pas l'intention, ni l'impression de devoir se laisser punir jusqu'à épuisement. Il préférait de loin rechercher une nouvelle façon de voir sa vie, ailleurs, en étant une personne vide à aménager, exactement comme le type de logement où il se voyait installé, une chose vaste et neutre, prête à être modifiée. Il n'en était plus à se demander si, mais plutôt où il allait partir. La douleur qu'il ressentait lui paraissait une matière humide, crasseuse, et il s'échappait en imagination dans des images lumineuses, où l'oxygène se voyait comme des vaguelettes bleutées dans l'air, charriant la fraîcheur et la santé. Bien sûr, cela serait peut être vu comme une preuve de lâcheté. On dirait qu'il refuse d'affronter le jugement, que c'est un lâche qui n'assume pas ses actes. C'était un peu vrai d'ailleurs. Mais il serait loin et si quelqu'un le descendait dans la presse, il laisserait faire. L'absence de répondant enterrerait le débat. Cette perspective lui paraissait très honnête, en somme. Il ne lui restait qu'une chose à faire, remercier l'homme qui l'avait sauvé. Cependant, dès que son esprit quittait la projection pour se recentrer sur le présent, et la gêne insistante, physique que lui posait cette situation entre lui et le teneur du titre de héros national, il sentait les fibres de son corps se contracter et une peur sans objet, une peur dans le vide, pour rien, qui ressemblait en tout point à de la honte, le prenait et ne le lâchait plus.
…
Quelques jours plus tard Draco ferma soigneusement la porte de sa chambre derrière lui. C'était parfaitement inutile puisqu'il était seul et condamné à l'être pour toujours dans son manoir, mais c'était un réflexe qu'il avait gardé de l'époque où afin de se concentrer sur des tâches scolaires, il s'isolait dans un monde de réflexion. Il venait de faire l'acquisition d'un papier à lettres spécial inspiré de la beuglante. Comme elle il enregistrait la parole et la restituait puis se consumait sas laisser de trace, mais il était bleu, n'augmentait pas le volume de la voix, et ne s'élevait pas théâtralement dans les airs. Un progrès technique pour tous ceux qui voulaient parler à quelqu'un, mais qui n'osaient pas le faire en face, et qui ne voulaient pas que cette communication laisse des traces. Il était commercialisé en tant que Confidence, et vu le regard goguenard que lui avait lancé la vendeuse, ce genre de chose avait pour objectif principal de contenir des déclarations d'amour. Là n'était cependant pas son intention. Il prenait très à cœur sa mission de remercier Harry et avait trouvé la façon la plus facile et la plus lâche de le faire. Cela lui plaisait énormément.
Pourtant au moment d'enregistrer son message, il ne sut comment le formuler. Le petit carton bleu fermé dans les mains, il parla tout seul un bon moment avant de l'ouvrir pour y déposer ses mots. Il confia sa Confidence à un bel aigle blanc qu'il n'avait jamais aimé mais qu' Harry reconnaitrait à coup sur comme une signature Malefoy. Il était sûr que l'animal ne plairait pas davantage au héros mais par tradition il trouvait prudent de marquer un minimum d'arrogance pour ne pas perdre la face. Dire merci était assez blessant pour son amour propre, le faire humblement serait comme crier : « Je me hais ! » Et il ne voulait pas qu' Harry en ait une conscience aussi nette.
…
Harry était couché inconfortablement, à demi assoupi, dans un lit gris du 12 square Grimmaurd. Sa vie depuis la fin de l'école lui paraissait dénuée de perspective. Il se rendait compte à pas tout à fait dix-neuf ans qu'un nombre incalculable d'années lui restait à vivre et qu'il ne savait absolument pas quoi en faire. Il lui semblait avoir tout donné, tout fait, et que son rôle, toute sa vie était fini, et pourtant il était vivant, sans mode d'emploi. Il y avait eu deux phases dans sa vie ou ce qu'on attendait de lui avait été clair : dans la première on attendait de lui qu'il se fasse le plus rare possible, et dans la seconde, on comptait sur lui pour tuer quelqu'un, en lui présentant ça comme s'il allait sauver le monde. Et maintenant de ces deux vies ne restaient que des ruines. Il s'était éloigné de la famille Weasley par pur égoïsme. Leur malheur l'affectait, et il se sentait fragilisé par leur présence. Pour se protéger lui-même, il les avait abandonnés. Il aurait voulu garder Hermione mais il ne pouvait pas trahir ses amis à moitié, il l'avait donc fait pleinement. Et franchement ce pays le déprimait. Il rêvait de nouveaux horizons, d'un temps plus clément, il n'était plus sûr de vouloir même rester un sorcier. Il avait le choix, désormais. Jamais l'horizon ne lui avait paru aussi grand et incertain. Il se leva en se massant le cou : le ressorts de vieux matelas l'insupportaient. Il avait les moyens d'en changer mais ça aurait signifié qu'il avait l'intention de s'installer ici sur le long terme et il aurait trouvé ça pitoyable de sa part. Il fit l'une des trois seules choses qui lui paraissait toujours une bonne idée indépendamment du contexte : un thé. Le thé côtoyait la douche chaude et le vol en balai dans la liste très restreinte des choses invariablement bonnes. Un bruit sourd le surprit alors qu'il versait l'eau bouillante, éclaboussant sa main. Un bec tapait contre le carreau il avait du courrier. Séchant sa main douloureuse contre son jean il s'approcha et haussa les sourcils devant l'aigle majestueux qui peinait à passer le cadre de la fenêtre. Harry jugea prudent de nourrir l'animal avant de lire sa lettre, il ne voulait pas se faire mordre. Les gens préféraient les hiboux aux aigles pour une bonne raison, sinon qui voudrait d'un service postal quasiment inefficace pendant la journée? Harry était amusé par l'aigle. Il avait un air pincé, et faisait des manières pour manger les biscuits qui lui étaient proposés.
- C'est moi qui les ai faits, ça ne te plait pas ?
L'aigle lui lança un regard qui semblait tellement vouloir dire : « Vous êtes un rustre !» que Harry ne put s'empêcher d'éclater de rire. Finalement, il ouvrit le papier bleu.
« Potter,
Je suppose que ça doit te surprendre que je t'écrives ? Il y a une chose que je dois te dire. Juste une et après, je crois qu'on n'entendra plus jamais parler l'un de l'autre et ça sera surement très bien comme ça.
Je ne ferai pas le récit de toutes les horreurs qu'on s'est faites mutuellement, je ne sais pas qui a commencé à se venger de l'existence de l'autre le premier. Mais j'ai bien remarqué ce qu'en revanche tu as fait pour moi. Et que, clairement, je ne comprends pas.
Je ne m'illusionnes pas sur un quelconque hasard. Je sais que tu l'as voulu, tu l'as décidé, tu m'a pris avec toi en prenant un risque et je te dois la vie. Je te suis redevable malgré moi. Parce que peu importe combien je déteste ma vie, je ne voulais vraiment, mais vraiment pas mourir.
Voilà. C'est ce que je te dois, la chose qu'il me restait a faire avant de préparer mon départ. Je vais quitter l'Angleterre. Elle ne veut plus de moi et c'est réciproque. On ne se croisera donc pas par hasard.
Merci. Merci de m'avoir sauvé la vie. Je vais essayer d'en faire quelque chose.
Adieu. »
Malefoy n'avait pas signé, pas précisé son nom, mais Harry avait bien compris. La voix de Draco lui avait retourné le ventre. Elle était triste, solennelle, distante, tendre, plus lente encore que d'habitude. Il regarda le papier bruler sans chaleur dans sa main et voulut lui répondre. Bizarrement, il croyait comprendre parfaitement ce Draco-là.
Il prit un parchemin et griffonna :
« Draco,
J'avais une bonne raison de te sauver. Jamais je ne t'aurais laissé mourir. J'ai jamais voulu que tu disparaisses.
Mais c'est bien que tu veuilles partir. Apparemment tu sais ce que tu veux, j'aimerais en dire autant. J'y pense aussi, très souvent, que ça ne pourrait qu'être mieux ailleurs.
Ton aigle me manquera, c'est une vraie princesse. On ne se battra plus alors ? Tu es sûr ?»
Il plia ça rapidement, sans se relire, et l'attacha à la patte de l'aigle. Celui-ci voulut prendre son envol mais Harry lui fit signe d'attendre. Il lui tendit son bras pour se percher et descendit les escaliers en essayant de limiter les à-coups. Il répéta un signe de patience en sa direction quand ils furent dehors et sortit sa baguette. Avec un accio il fit monter le niveau d'eau dans les égouts de la rue et quatre souris sortirent des grilles. L'aigle se précipita et en tua deux qu'il déchiqueta avec une élégance insoutenable. Harry le regardait en silence et se dit qu'il aimait vraiment bien cet animal. Celui-ci s'inclina en sa direction avant de prendre son envol. Il plana un moment au dessus du Square avant de prendre une direction droite comme une aiguille d'horloge et de disparaitre à l'horizon. Oui, décidément, Harry aimait bien cet animal. Il ne voulait plus rentrer chez lui. Il n'avait plus envie de thé, ni de douche chaude. Il rêvait de voler avec Malefoy à la poursuite d'un vif, contre Malefoy, en se persuadant que la seule chose qui comptait était de gagner et que le vif d'or était la chose ultime à attraper dans la vie, et que l'avoir le remplirait de joie et que tout ça, c'était une quête en soi, une raison de vivre en soi, et que ça aurait assez de valeur pour lui accaparer l'esprit. Il savait que ça ne marchait pas comme ça, mais ça lui aurait paru excitant. Il était tellement perdu. Il s'assit sur un banc et regarda les gens passer. Ils étaient si peu nombreux ! Les gens sortaient de chez eux dans un but précis, et ne s'attardaient pas. Qui voudrait vivre dans un monde ou être à l'extérieur de ses murs n'est rien de plus qu' un mal obligé pour rejoindre d'autres murs ? Il y avait pourtant tant de place dans l'air pour être libre ! Mais voilà. La liberté, quand on est seul… à quoi bon ? Il voulait être ailleurs et libre dans le grand air, dans une belle et accueillante nature, mais pas seul. C'était idiot, mais, il se disait que s'il était avec Malefoy, il se sentirait beaucoup moins seul.
