Note de l'auteure: Que tous ceux qui n'ont pas braillé au moins une fois pendant le film lèvent la main
:storms attend:
Sans-coeurs!
LETTRE PERDUE DE DONALDA
18 septembre 1891
Mon bel Alexis,
Comme les saisons ont changé ! Toi, tu me regardes encore avec cet air qui me fait toujours chavirer. Et tu le sais. C'est ça le pire. La sueur te couvre le front, et maintenant tu pars tous les jours dans les bois pour t'éclipser. L'odeur d'épinette t'imprègne autant que le sapinage et l'odeur de terre mouillée et battue qui s'est à jamais appropriée de toi depuis que tu es homme. Je t'épiais du coin de l'œil. si jamais tu avais su, je ne sais pas ce que j'aurais fait.
On entend dans la forêt le bruissement des feuilles qui tomberont bientôt et qui seront emportées par le vent où bon leur semble… un peu comme toi.
J'ai lu tes lettres. Je me serais tuée si quelqu'un l'avait su. Mais je n'y peux rien, Alexis. J'attends tes lettres avec une impatience maladive. Je t'attends tout le temps.
Tous les jours j'attends que les oiseaux arrêtent de chanter pour aller te retrouver dans la grange. C'est encore mieux quand on se donne rendez-vous chez toi. La peur m'excite, mais elle me fige aussi. J'espère toujours que personne ne me surprendra quand je me glisse au-dehors. Ça fait mal, si tu savais. Ça fait mal de savoir qu'on ne sera jamais libres comme avant. Vivement le temps où j'étais libre comme le vent… avant que tu partes pour l'hiver pendant la période la plus effrayante de toute ma vie. Je ne t'ai jamais dit. Je me suis rendue malade tellement mon cœur semblait s'abattre chaque fois que je fermais les yeux pour ne plus voir ma misère et tout ce qui me faisait peur. J'en ai été jusqu'au point où je me suis franchement détestée.
Je ne me reconnaissais plus, Alexis, jusqu'à ce que ton souffle soit venu me réchauffer la nuque. Maintenant, je n'ai plus peur, mais qu'adviendra-t-il de tous nos plans ? J'en ai des dizaines, mais la peur me tenaille. Pas que je ne veux pas m'en aller. J'ai juste peur de ce qui arrivera après. Je veux tellement partir avec toi, mon bel Alexis. Tu ne sais pas comment ça me déchire le cœur de te savoir si loin quand moi, je ne peux même plus me regarder en pleine face sans me voir méconnaissable.
Je sais que les gens parleront, mais je vise une croix sur leurs lèvres. Sans doute n'ont-ils jamais connu leur seul vrai amour. Le mien, c'est toi, Alexis Labranche. Depuis le premier jour, je t'ai aimé. Mais des barrières nous séparent. Je veux juste sortir de cette impasse. Tu comprends, n'est-ce pas ?
Je veux juste… te revoir.
© 2004
