Chapitre 1 : une nuit pour tout se dire
La maison était enfin plongée dans un profond silence que seuls venaient troubler des chuchotements et des rires étouffés. Sous la porte de la chambre des deux filles aînées se dessinait un faible rai de lumière. Bien à l'abris sous les draps, les deux jeunes femmes échangeaient des confidences.
-"Ma très chère Lizzie, je vois que vous connaissez la même félicité que moi lorsque mon cher Charles s'est enfin déclaré !"
Elizabeth enfonça sa tête dans l'oreiller pour tenter de dissimuler le large sourire qui ne quittait plus ses lèvres. Jane ne la quittait pas des yeux.
-"Cependant, je crois que vous me devez une explication. A n'en pas douter, vous êtes tombée sous le charme du beau . Pourtant vous le jugiez si mal i peine un an de cela !"
A l'évocation de ses erreurs de jugement, Elizabeth se sentit rougir violemment. Comment expliquer à sa soeur bien-aimée, les raisons de son inimitié première sans la blesser ?
-"Jane, je ne sais comment tout vous expliquer sans vous causer de peine, car sans le vouloir vous êtes l'une des deux raisons de mon indifférence première envers M. Darcy."
L'aînée des Bennet arborait un air grave mais serein. Elizabeth connaissait bien le caractère doux et affable de sa soeur et sa promptitude à accorder le bénéfice du doute et son pardon aux personnes qui pouvaient lui causer du tort. Elle entreprit donc de lui raconter comment l'intervention conjointe de et de Miss Bingley aurait pû lui coûter son bonheur présent. Jane écouta religieusement les confidences torturées de sa soeur. Un long silence s'installa. Elizabeth attendait, priant pour que sa soeur ne tienne pas rigueur à qui allait bientôt devenir son beau-frère.
-"Tout ce que tu viens de me raconter éclaire bien des aspects de la situation que j'ai vécu ses derniers mois. Le départ précipité de Charles de Netherfield, l'indifférence froide de ses soeurs lors de ma visite à Londres. Le comportement de est celui d'un ami véritable, honnête et loyal, s'inquiétant du sort de son plus proche ami. Je ne peux lui reprocher cela et je dois même l'en louer car il a conforté les sentiments de Charles en l'éloignant de moi."
Elizabeth était sidérée par l'indulgence gracieuse de sa soeur. Elle parvenait à trouver des bénéfices là où ne se trouvaient que mesquineries et calculs. Ses yeux pétillaient de malice.
-"Cependant ma chère Lizzie, je dois t'avouer une chose dont je ne suis guère fière. Tout ce que tu viens de m'avouer, je le savais déjà et je l'ai appris de la bouche même de celui qui fût l'instigateur de cette tentative de rupture."
Elizabeth resta bouchée bée. En voyant la tête de sa soeur, Jane ne put s'empêcher d'éclater de rire. Leur porte s'ouvrit soudain à la volée, laissant apparaître une Kitty furieuse les poings sur les hanches. Jane souffla sur la bougie et souhaita bonne nuit à leur plus jeune soeur. Elles gardèrent le silence pendant de longues minutes, attendant que leur cadette se rendorme. N'y tenant plus, Elizabeth chuchota :
-"C'est toi qui me doit des explications maintenant !"
Jane abdiqua malgrè son envie de taquiner sa soeur.
-"Au revoir Mrs Hurst, au revoir Miss Bingley."
Jane était au désespoir. L'accueil glacial des deux femmes et l'absence de Charles ne lui laissaient aucune raison d'espérer. Le coeur lourd et l'esprit préoccupé, elle descendait les escaliers de la demeure londonienne des Hurst sans prêter attention à ce qui l'entourait. Une voix familière la tira de sa rêverie.
-"Miss Bennet."
-"M Darcy."
Il lui offrit son bras pour descendre les quelques marches restantes.
-"J'espère que vous vous portez bien, vous avez l'air un peu pâle."
-"Fort bien Monsieur, je vous remercie de votre sollicitude."
-"J'ignorais que vous étiez à Londres."
-"En effet, je séjourne chez mon oncle et ma tante, M et Mrs Gardiner pour quelques semaines."
-"Etes vous venue seule ? "
-"En effet. Mes soeurs sont restées tenir compagnie à notre mère en Hertforshire."
Ils étaient arrivés devant la calèche de Jane. Sortant de sa réserve habituelle, elle hasarda quelques mots sur Charles.
-"Je m'étonne de vous trouver ici car Mrs Hurst et Miss Bingley m'ont affirmé que M Bingley et vous même étiez pour quelques jours à la chasse dans votre domaine de Pemberley."
-"C'est exact mais nous sommes rentrés depuis une semaine maintenant."
Jane hocha tristement la tête et prit congé.
"Au revoir M Darcy, saluez M Bingley de ma part voulez-vous."
Quelques jours après Jane repartait pour Longbourne sans attendre de nouvelles de Charles. La veille de son départ, elle reçu une étrange missive. L'écriture élégante et soignée lui était totalement inconnue. Son coeur bondit de joie à l'idée qu'elle était peut être de Charles. A cette perspective, elle rougit. Il n'était guère convenable de recevoir des lettres d'un homme avec lequel elle n'était aucunement intimmement liée. N'y tenant plus elle décacheta l'enveloppe.
Miss Bennet,
Vous trouverez ici mes regrets de n'avoir pu transmettre à M Bingley votre salut car je considère de mon devoir de ne pas entretenir l'affection grandissante qu'il nourrit à votre égard. Notre récente rencontre m'a conforté dans l'idée que son inclination naissante n'est malheureusement pas partagée. Aussi je vous demanderai de vous tenir à l'écart de M Bingley et sa famille, par respect pour mon ami.
Fitzwilliam Darcy
Si Jane fut ébranlée par cette lettre, elle n'en laissa rien paraître à son oncle et sa tante. De retour à Longbourne, elle affirma haut et fort que son attachement à M Bingley n'était pas aussi fort que tous le pensait et s'attacha à paraître heureuse. Elle était tiraillée entre deux sentiments contradictions, le bonheur de se savoir aimée par M Bingley et le désespoir que celui ci ne sache jamais la teneur de ses sentiments pour lui. Le temps fit son oeuvre et bientôt il ne lui resta plus que la certitude profonde d'avoir été un jour aimée. Elle se contenta de cela jusqu'au jour où elle apprit le retour de M Bingley en Hertforshire et où vint le jour bénit de sa déclaration. Durant l'après midi qui suivit ses fiançailles avec Charles, alors que tous se promenaient aux alentours de Longbourne, M Darcy lui avait offert son bras, l'entrainant légèrement à l'écart de la troupe.
-" Je crois, Miss Bennet, que je vous dois des excuses. Je vous avais bien mal jugée. J'ai pris pour de l'indifférence ce que votre soeur m'a expliqué être de la timidité. Le fait que j'ai sciemment oeuvré pour vous séparer de Charles doit vous faire prendre ma personne en horreur. Aussi je ne vous importunerai désormais plus."
-"En vérité M Darcy, je ne vous en veux nullement. J'ai compris les raisons qui vous ont poussé à agir de la sorte. Charles a beaucoup de chance d'avoir un ami tel que vous."
Elizabeth n'en cru pas ses oreilles. M Darcy l'orgueilleux avait fait amende honorable auprès de sa soeur bien-aimée, reconnaissant son erreur et demandant son pardon. La jeune femme sourit à l'idée de toutes les taquineries qu'elle pourrait lui infliger le lendemain.
-"Vois par toi même ma chère Lizzie, je suis heureuse que M Darcy devienne mon beau-frère et encore plus heureuse de le voir faire ton bonheur. Je ne lui en veux aucunement."
Les deux soeurs s'embrassèrent tendrement, se réjouissant mutuellement de leur bonheur. Les émotions de ces deux derniers jours eurent raison d'elles et bientôt l'on entendit plus que le souffle régulier de leurs respirations nocturnes.
