Prologue : A la cave ou au grenier.

« Well, we found a little place that really didn't look half bad
I had a whisky on the rocks
And change of a dollar for the jukebox
Well, I put the cold rock into that can
But all they played was disco, man
Come on, baby, baby, let's get out of here right away
We're gonna rock this town »
Stray cats- Rock this town

« Hey Deanie Pie... »

Charlie avait la voix faible et gargouillante de qui se noie dans son propre sang et la seule chose que Dean pouvait faire c'était la serrer contre lui aussi fort que ses bras le pouvaient encore en enfouissant son visage dans les cheveux roux et sales pour ne pas voir les autres corps étendus autour d'eux.

« On a gagné ? »

« Oui, Charlie, on a gagné. »

Quand ils se réveillèrent ils n'étaient plus dans la vieille maison abandonnées où les démons avaient attaqué, si nombreux que même à quatre ils n'en étaient pas venus à bout.

« On est où là ? » Demanda Charlie en se dégageant des bras de Dean qui secouait la tête d'un air groggy, certain qu'une demi seconde auparavant, la douleur anéantissait encore toutes ses capacités de réflexion.

Sam était déjà debout et leur tendait les mains pour les aider à se relever en regardant autour de lui.

« Je crois qu'on n'est plus au kansas. »

« J'ai comprit cette référence. » Grogna Castiel en se frottant la tête. « Mais je ne crois pas qu'elle soit très pertinente. Aucun hourragan ne nous a déposés dans un pays magique. A moins que je sois resté évanoui plus longtemps que je le croyais. »

« T'étais pas évanoui, t'étais mort. » Fit Dean d'un ton brusque. Ils s'entre regardèrent, portèrent machinalement chacun une main à l'emplacement de leurs blessures, n'y trouvant que du tissus et de la peau saine. Aucune douleur.

« On est morts. » Fit Sam, à la fois perplexe et sarcastique.

« Littéralement. »

Charlie s'était avancée vers la fenêtre du salon dans lequel ils s'étaient réveillés en écarta le rideau gris du bout d'un doigt.

« Où qu'on soit, Baby nous a suivis. » Dit elle en désignant la longue silhouette de l'Impala noire garée dans une petite rue tranquille.

« Où qu'on soit, nous n'y sommes pas seuls. » Dit Castiel qui avait un cadre photo dans les mains. La photo le représentait dans une tenue qu'il ne s'était jamais vu porter, élégante, des gallons sur les épaules, un chapeau sous le bras. Sam se pencha par dessus son épaule pour regarder la photo et les quelques autres qui décoraient un buffet d'une propreté quasi maladive.

Charlie fronça les sourcils en voyant quelqu'un remonter l'allée. « C'est qui lui ? »

Dean s'approcha de la fenêtre et fronça les sourcils aussi avant de se diriger vers la porte. « Quelqu'un qui va sans doute nous expliquer ce qu'on fout là. »

« Mes amis ! » S'exclama Gabriel sur le pas de la porte en ouvrant grand les bras comme s'il s'attendait à ce que Dean lui fasse un câlin. « Cachez tous votre joie surtout ! »

« Qu'est ce qu'on fait là ? » Grogna Dean. « Qu'est ce que TU fous là? »

« Oh ça ? » fit Gabriel en tirant sur le col de sa chemise. « Tu t'es déjà demandé de ce qui arrive aux archanges quand ils meurent ? Apparemment ils font comme tout le monde, ils vont au Paradis ! »

« On est au Paradis ? » Fit Sam perplexe tandis que Charlie et Castiel s'entre regardaient.

« Yeup. Bienvenue au Grenier les gars, vous trouverez ça plus sympa que la cave. Pas de crochets, de flammes , sang tout ça ... On a de la bière au frigo et des cookies quelque part... »

« Tout ça c'est ... » Fit Charlie en désignant la maison éclairée par le soleil d'une très jolie journée.

« Votre paradis à tous. Allez savoir, quelqu'un à l'étage au dessus a décrété que vous méritiez une vie joyeuse et chiante à mourir en récompense vous savez... pour avoir sauvé le monde et d'autres trucs comme ça... »

Ils restèrent tous silencieux un moment jusqu'à ce que Castiel, toujours le cadre à la main désigne la photographie à Gabriel. « Joyeux et chiant à mourir ? Ça m'a l'air très différent. »

Gabriel haussa les épaules, écarta les bras en signe d'ignorance.

« Ça vaut le coup d'essayer quand même non ? Après tout, ça ne peut pas être pire que tout ce que vous avez vécu jusqu'ici. »

Charlie hocha la tête, lentement suivie par Sam. Dean et Castiel se regardèrent et le chasseur haussa les épaules.

« On a le choix ? »

« Pas vraiment. » répondit Gabriel. « Mais il paraît que ça va être bien. »

Deanie Pie et Charlie Bird

« Deanie-Pie ! » Cria Charlie en ouvrant grand les bras dans le hall d'arrivée de l'aéroport, lâchant sa valise au passage qui tomba près des pieds d'un passager fatigué et grognon qui la doubla en ronchonnant tandis que Dean la prenait dans ses bras.

« Charlie Bird ! Bon vol ? »

« Yeup. »

Dean attrapa la valise et entraîna son amie à l'écart du flot de passagers dont ils gênaient le passage. « Comment tu peux faire ça aussi souvent ? Ces trucs me flanquent la frousse. » Fit il en désignant les avions rangés sur le tarmac à travers la baie vitrée à laquelle ils tournaient le dos.

« Parce que je suis pas une chochotte monsieur le baby sitter ! »

Dean roula des yeux mais ne répondit pas. Il l'entraîna vers le parking et hissa sa valise jaune dans le coffre d'une vieille Impala noire parfaitement lustrée. Charlie retrouva avec bonheur les sièges en cuir qui, pour autant qu'elle le sache n'avaient jamais quitté la vue de Dean plus de deux jours d'affilée. Il tenait à cette voiture plus que la plupart des gens tenaient à leurs propres enfants.

« Alors ? Comment vont les choses depuis mon départ ? » Demanda -t-elle tandis qu'ils s'engageaient sur l'autoroute au son d'une vieille chanson qui faisait partie de la playlist qu'ils n'écoutaient que lors de ses retours au bercail. « Cas n'a pas mis le feu à ma boutique rassure moi ? »

« Non. » Répondit Dean. « Mais je crois qu'il a prit sur lui de refaire un peu la déco. »

« Tu te fous de moi ? »

« Nope. Mais fais moi confiance tu vas aimer ! »

Charlie grogna en croisant les bras. « Tu m'avais déjà dit ça à propos du cocktail au tabasco ! J'te crois plus ! »

Dean éclata de rire. Le cocktail au tabasco avait été la cause de leur cuite la plus désagréable à ce jour et atteignait facilement le haut de la courte liste des griefs de Charlie contre lui.

« Comment vont les choses chez Google ? »

« Bien. Finit le projet avec deux jours d'avance. Ça fait quarante huit heures que Kevin, Ash et moi on joue au poker dans le bureau, si je vois encore une carte, je vais gerber ! »

Dean rit. « Et moi qui espérais vous emmener Cas et toi au Rock'n'Troll ce soir ! »

« Tu sais que le machin vert du Rock'n'Troll est une table de billard ? »

Il hocha la tête en souriant. « Si tu crois que je suis pas capable d'y faire un tournoi de poker ! »

« Tiens t'en au billard mon grand. J'ai détroussé assez de monde pour la semaine. »

Dena hocha la tête avec une moue approbatrice. Des années plus tôt au MIT, ils avaient fondé une solide amitié sur l'air innocent de Charlie tandis qu'il lui apprenait à tricher au poker. L'élève avait finit par surpasser le maître, probablement parce qu'elle avait finit par assez bien le connaître pour savoir à chaque fois quand il bluffait.

« Et entre toi et Castiel ? »

Dean haussa les épaules, soudain sur la réserve, ce que Charlie trouva adorable. Elle se souvenait du jour où, sept mois plus tôt avant de partir pour un contrat chez Google, elle avait sous loué sa boutique à Castiel et lui avait présenté Dean.

Le sous locataire avait de si beaux yeux que la jeune femme en avait oublié ce qu'elle voulait dire, et il avait promené un regard curieux sur les photos encadrées qui ornaient les murs noirs de la boutique avant de s'approcher d'une de Dean au Comic Con. Il portait un costume de Batman dont Charlie était particulièrement fière et Castiel avait fait remarquer qu'il était « agréable à regarder. »

« Hé ! » avait elle protesté « tu parles de mon meilleur ami là ! C'est « magnifique » ou rien ! »

« Les yeux sont magnifiques. » Avait acquiescé Castiel.

Il y avait gagné un rendez vous arrangé avec Dean et un bail de six mois pour installer un studio de tatouage dans le local de la boutique de Charlie. Le temps pour elle de remplir son contrat à l'autre bout du pays et de revenir prendre possession des murs, le compte en banque alourdi de plusieurs milliers de dollars.

« Rien de plus » Répondit Dean en la sortant de son souvenir. « On apprends à se connaître. »

« Depuis quand tu apprends à connaître les gens toi ? »

« Oh lache moi ! » Grogna-t-il en lui donnant un coup léger sur la cuisse. « J'imagine qu'on passe chez toi ? Tu l'as lavé quand pour la dernière fois ce jean ? »

Elle baissa les yeux sur l'un des rares jeans qu'elle possédait et le t shirt Superman qu'elle portait sous un perfecto en cuir qui commençait à lui tenir trop chaud.

« Un jean n'est pas censé se laver ! »

Dean roula encore des yeux en soupirant. D'aussi loin qu'il se souvienne, Charlie Bradbury avait toujours fait le même choix dans sa vie, répondant « les deux » à chaque fois qu'on lui proposait une alternative. Elle avait refusé de choisir entre le classicisme intemporel (selon elle) des années cinquante et les références à la pop culture et s'était mise à se coudre des robes d'époque avec ses vieux t shirts à l'effigie de ses super héros préférés sans cesser d'étudier pour obtenir un diplôme en électronique. Elle avait obtenu un poste convoité chez Google avant même d'être diplômée et lui avait préféré des contrats de plusieurs mois une ou deux fois l'an. Le reste du temps elle continuait de fabriquer d'improbables robes qu'elle vendait dans une petite boutique du nom de « YES ! »

Sa capacité à concilier deux parts totalement contradictoires de sa personnalité émerveillait Dean. Lui même n'avait jamais eut son diplôme et ne le regrettait que rarement. Il s'était réfugié dans leur ville natale et avait trouvé un emploi qui lui donnait entière satisfaction au jardin d'enfant. Les gosses l'adoraient et d'après leurs amis c'était parce qu'il n'était lui même qu'un grand gosse.

Une heure plus tard, Charlie ressortait de sa chambre dans une robe bleue dont la poitrine affichait fièrement « Trust me I'm the doctor ». Elle s'était fait un chignon banane et un trait d'eye liner dont un artiste peintre aurait été fier. Dean leva un pouce en l'air en signe d'approbation et lui tendit son perfecto avant de lui tenir la porte. Elle n'avait plus porté de talons depuis des mois ( « Des talons avec un jean ? Dean ? Ma mort tu veux ? ») et chancelait légèrement en se maudissant pour la millionième fois d'avoir fait installer de la moquette dans son appartement.

Ils s'arrêtèrent devant YES ! peu de temps après au moment ou un client en sortait, examinant à la volée la tenue de Charlie et la voiture d'époque dont elle sortait. Castiel, un grand sac jaune à la main jetait des tampons de coton imbibés de sang, des cupules d'encre et dévissait avec précaution l'aiguille du dermographe avant de l'évacuer dans une boite en plastique. Il sourit en voyant Charlie entrer.

« Bienvenue chez toi. » fit il avec un signe de tête. « Je termine et je suis à vous. »

Charlie promena son regard sur les murs, entre les photos encadrées avaient poussé des dessins de tatouages et quelques photos des réalisations de Castiel. En six mois, il avait du se faire un petit nom car un certain nombre semblaient appartenir aux mêmes clients.

« J'espère que ça ne te dérange pas ? Les photos... il fallait que je montre quelque chose sinon les gens faisaient demi tour. » Fit Castiel en revenant de l'arrière boutique, sa veste à la main.

Charlie secoua la tête. « Non. Ils font bien dans le décor. »

« J'ai vendu quelques robes aussi. »

Elle haussa les sourcils perplexe. « Pas à n'importe qui j'espère ? Je tiens à ces fringues ! »

Castiel eut l'air un peu contrit et baissa les yeux confus, prêt à s'excuser.

« Elle se moque de toi, Cas . Les robes auxquelles elle tient, elle les garde pour elle. »

Charlie hocha la tête et poussa Castiel vers la sortie. « On va être en retard et Benny va encore dire que c'est de ma faute ! »

Le Rock'n'Troll était devenu leur repère favoris après que Benny Laffite en ait prit les rennes attendant de trouver un meilleur nom avant de le changer. Diplômé du MIT comme Charlie, il s'était reconverti dès ses études finies dans les petits boulots dépourvus d'intérêt et de responsabilités. Dean se demandait fréquemment pourquoi son ami s'était tant acharné à obtenir son diplôme si c'était pour ne jamais l'utiliser mais il n'avait jusqu'ici pas osé lui poser la question. D'une manière générale, il évitait de contrarier quiconque avait le pouvoir de cracher dans son plat avant de le lui servir avec un grand sourire. Il avait vu Benny faire et ne tenait pas à en faire les frais. Le cuistot accueillit Charlie avec une exclamation de ravissement en la serrant dans ses bras assez fort pour la décoller du sol.

« Alors combien combien combien ? » Fit il tandis que Dean vérifiait discrètement qu'il n'avait pas laissé d trace de graisse sur la robe de leur amie.

« Douze mille. » Répondit la jeune femme en levant une main en l'air dans laquelle tapa Benny avant de leur désigner une table.

« Douze mille quoi ? » Demanda Castiel doucement à Dean.

« C'est le montant de son chèque pour son contrat de sept mois. Benny fait les comptes et à chaque fois qu'elle revient de Californie, il lui fait une liste d'organisations caritatives qui ont besoin d'un don. »

« Et je donne à chaque fois. » Ajouta Charlie en poussant Dean du coude pour qu'il lui fasse de la place sur la banquette.

« Douze mille » fit Castiel pensivement. « J'ai jamais entendu parler d'autant d'argent en une seule fois. »

« C'est juste le prix d'une seule bombe tu sais. » Fit Charlie.

Castiel lui jeta un regard froid et elle se mordit les lèvres soudain honteuse. « Désolée. » S'excusa-t-elle « c'était maladroit. »

« Oui. Changeons de sujet. Tu as travaillé sur quoi ces derniers mois? »

Dean perdit vite tout intérêt à la conversation connaissant déjà par cœur le dernier projet de Charlie. Il se demandait si elle avait fait exprès de gaffer en parlant des bombes. Castiel ne lui avait jamais caché qu'en sous louant sa boutique, il cherchait juste à se réorienter suite à l'avortement de sa carrière militaire. Dean était presque sur que les lignes qu'il avait tatouées sur les épaules représentaient son grade mais il n'avait pas osé lui poser la question même s'ils se fréquentaient depuis plusieurs mois. Certaines choses requéraient un degré d'intimité qu'ils ne partageaient pas encore. Et de toute façon, Castiel n'avait pas l'air enclin à en parler.

Benny leur fit servir à chacun un plat du jour et les rejoignit à la fin de son service en tendant à Charlie une liste crasseuse qui avait manifestement été commencée des semaines plus tôt.

« Un jour, on fera un article de journal sur toi madame double vie. »

« J'espère bien ! En attendant viens par là, ça fait six mois que je t'ai pas mis une raclée au billard ! »

Dean et Benny éclatèrent de rire en même temps.

« Dans tes rêves que tu me mets une raclée en quoi que ce soit ! » Protesta Benny.

C'était une constante dans leur relation. Charlie était d'une nullité lamentable au billard mais leur meilleur atout aux tournois de poker. Et la blague était récurrente entre eux. Dean avait déjà agréablement trop bu et il se dit avec tendresse qu'en cet instant la vie ne pouvait pas être mieux.

Il se trompait lourdement.