Synopsis : en 140 après J.-C., l'Empire romain s'étend jusqu'à l'actuelle Angleterre. Marcus Aquila, un jeune centurion, est bien décidé à laver l'honneur de son père, disparu mystérieusement vingt ans plus tôt avec la Neuvième Légion qu'il commandait dans le nord de l'île. On ne retrouva rien, ni les 5000 hommes, ni leur emblème, un Aigle d'or. Après ce drame, l'empereur Hadrien ordonna la construction du mur qui porta son nom. Apprenant par une rumeur que l'Aigle d'or aurait été vu dans un temple tribal des terres du Nord, Marcus décide de s'y rendre avec Esca, son esclave celte. Il a sauvé celui-ci alors qu'il était plongé dans une arène pour un combat de gladiateurs. L'ilote refusait obstinément de se battre et, par son courage suicidaire, il suscita l'admiration du centurion et la grâce du public. Les deux hommes franchirent la frontière entre le monde civilisé et les barbares. Pour survivre et se faire accepter par le prince d'une tribu indigène, Marcus et Esca échangeront leur statut de maître et d'esclave. Dans un combat final, Marcus sauvera l'aigle avec l'aide des derniers romains de la Neuvième Légion retrouvés par Esca.
Déclaration : Les personnages ne m'appartiennent pas, ce sont ceux du film The eagle. Je ne fais que les emprunter, merci à Rosemarie Sutcliff de les avoir crées.
Bêta : Magri, merci !
L'histoire se situe après le combat final, avant la scène du bûcher.
Chapitre 1 : en territoire barbare
Esca avait ramassé du bois, longtemps, précautionneusement en cherchant autant que possible du bois sec. Il faisait humide dans ces bois, la tâche était ardue mais il le faisait pour son ancien maître. En sept années de servitude parmi les romains, il connaissait leurs rites funéraires et l'importance qu'ils revêtaient.
Il avait observé Marcus à bout de souffle comme lui après la bataille, s'agenouiller près du légionnaire mort. Lentement il s'était penché vers lui, vers cet être qui lui avait enfin révélé les dernières heures de la vie de son père. Il s'était baissé jusqu'à toucher sa bouche, d'un baiser déposé sur ses lèvres il avait recueilli son dernier soupir comme la tradition romaine le voulait.
Ce n'était pas la première fois qu'Esca assistait à une telle scène mais c'était la première fois qu'elle le touchait. Parce que ce romain n'était plus un romain comme les autres. Alors, avant même qu'il ne lui demande, il était parti ramasser le bois nécessaire à des funérailles dignes de ce nom. Il avait laissé les autres romains prendre soin de lui … ou pas.
Marcus ne l'avait pas rejoint mais il n'était pas resté longtemps seul. D'autres soldats s'étaient mis à arpenter les bois. Silencieux, personne ne se réjouissait de la victoire, trop peu avaient survécu. Esca pour sa part voyait encore le visage de cet enfant tué par sa faute. Il ne s'était pas trompé sur son compte, il leur était resté fidèle, mais à quel prix … son visage ne serait pas facile à oublier, ni la douleur qui l'accompagnait. Peut être ne fallait-t-il pas l'oublier.
Quand le tas de bois lui sembla conséquent, il laissa les romains terminer le travail. Il retourna à la rivière, passa devant Marcus assis à même le sol. Il était livide. Il avait épuisé ses dernières forces dans cette bataille où, étonnamment, il s'était battu avec force et vigueur. Cet homme n'avait de cesse de le surprendre. Il le regarda à peine, ce n'était pas le moment.
Il trouva rapidement le corps de l'enfant, le visage baignant dans l'eau. Délicatement, il le prit dans ses bras. Il avait la gorge nouée tandis qu'il serrait son corps sans vie, il repensa aux paroles du chef au moment de lui trancher la gorge. Avait-il vraiment trahi les siens ? Etait-ce sa faute ? Il n'était plus tellement sûr d'appartenir à ce côté-ci du monde. Pourtant il n'était pas à sa place de l'autre côté non plus. Malgré ses doutes, il avait fait un choix, celui de se tenir aux côtés de son maître qui était son esclave à ce moment-là, ironie du sort. Le fier romain était alors à sa merci comme lui l'avait été si souvent dans le monde des romains. Mais ce n'était que pour mieux tromper la tribu qui l'avait recueilli car il avait toujours été de son côté. Avait-il renié ses origines ? Non, il n'avait pas ce sentiment-là.
Cette décision, il l'avait été mûrement réfléchie, il y avait longuement pensé tandis qu'il menait en bateau son maître à la recherche de l'aigle égaré. Il l'avait observé et malgré leurs différences, c'étaient leurs points communs qui lui avaient sauté aux yeux. Même s'il ne le reconnaîtrait probablement pas devant lui, il admirait sa loyauté même si celle-ci était dévouée à l'aigle de Rome qu'il haïssait tant, il reconnaissait son courage tout comme lui avait reconnu le sien, même suicidaire, dans l'arène. Il avait choisi le camp du centurion sans imaginer qu'ils tueraient l'un des leurs, cet enfant innocent. Il les avait sous-estimés et sa mort était bien cruelle.
Il se ressaisit en sentant le regard de Marcus dans son dos. Un long frisson parcourut son échine. Il porta l'enfant sur les berges et se mit à creuser le sol avec la dague de son père. La terre était meuble et le corps petit. Il ne lui fallut pas longtemps pour creuser sa tombe. Il récita une longue prière, les yeux fermés, alors qu'il entendait les soldats travailler non loin de lui. Il reprit courage, au moins avait-il une sépulture digne. Les autres pouvaient pourrir dans l'eau. Il serra les dents et rejoignit les soldats romains qui n'avaient plus de romain que le nom, ils ressemblaient maintenant à des celtes. Quel étrange spectacle, drôle probablement si la situation avait été moins tragique. Peut être n'était-ce finalement pas si antinomique.
Marcus ne pouvait être que spectateur. L'extrême fatigue qui l'avait assailli après le combat l'empêchait d'aider ses soldats et l'obligeait à être attentif à ses propres sentiments, à ceux des autres, une main posée sur l'aigle de son père. Il ne supportait pas de ne pas le toucher et, tandis que ses doigts parcouraient la sculpture, il avait observé les gestes lents d'Esca alors qu'il s'occupait du garçonnet tué sous leurs yeux. Il se sentait responsable de sa mort et cela ne l'étonnait pas. Il était évident pour lui qu'Esca avait un grand sens des responsabilités. Une fois encore il admira son courage, sa loyauté, son entêtement.
Têtu il l'était, meilleur ami qu'esclave, dès leur première rencontre il s'était montré effronté, reconnaissant mais insolent. Il sourit en y pensant, il lui avait sauvé la vie dans l'arène et étonnamment il avait atterri dans sa chambre. Pour l'aider bien sûr, lui l'impotent de guerre. Un douloureux rappel de son échec militaire qu'il lui avait fait un peu payer par la suite. Mais il lui semblait avoir été un maître bien plus doux qu'Esca. Il se promit de l'interroger à ce sujet. Cet esclave de six ans son cadet, l'avait suivi pendant sa convalescence tel son ombre, une ombre silencieuse mais forte. Ses yeux étaient souvent baissés comme ceux de tout bon esclave, mais quand il les relevait, ce qu'il y lisait l'interpellait. Il y sentait une force de caractère, de la détermination et du courage. Il n'était pas un esclave comme les autres, dans ses yeux il lisait son insoumission et sa fierté d'homme. Malgré cela ou pour cela, il l'avait immédiatement apprécié, et il avait cru sa promesse de loyauté au grand dam de son oncle. Parce qu'un être insoumis suit ses propres règles et il lui avait donné sa parole qu'il l'aiderait. Marcus avait l'habitude de se fier à son instinct et, avec Esca, il lui dictait la confiance. Et maintenant, assis sur ce sol froid et humide, il savait qu'une fois de plus il avait eu raison. Esca l'avait soutenu, il avait plus que sa part dans l'achèvement de la quête de sa vie.
Il ne serait jamais plus le même, il avait trouvé l'aigle mais, plus important il avait retrouvé l'honneur de sa famille. Si loin de chez lui mais si proche des siens … Son père était mort au combat, en défendant Rome, et tous allaient très vite l'apprendre. Il ressentait un immense soulagement comme si l'on desserrait un étau autour de son cœur. Plus jamais de honte, plus jamais de questions, plus jamais de doutes. Car il avait douté de son père alors qu'il n'avait fait que suivre des ordres qui l'avaient conduit dans un véritable traquenard, sa défaite était celle de Rome, pas la sienne. Rome la conquérante, la destructrice aussi. Elle l'avait privé d'un père aimant tout comme Esca et pourquoi ? Pour quelques landes perdues de plus. La vanité des hommes n'a-t-elle donc aucune limite ? Il comprenait maintenant, Esca et Lucius avaient raison. Il n'y avait rien à conquérir ici, juste beaucoup à perdre.
Il se sentait différent, et le regard qu'il posait sur le monde en général aussi. Il se sentait étrangement bien, apaisé, même sa douleur à la jambe semblait moindre en cet instant. Il avait accompli son devoir, il courait après cela depuis l'annonce de la perte de l'aigle. A trente-et-un ans il avait toute la vie devant lui, tout comme son jeune ami d'ailleurs. Il ne semblait pas partager son bonheur soudain, il s'affairait autour du bûcher, la mâchoire serrée. C'était sa victoire à lui bien sûr, sa quête, mais il avait retrouvé ses landes, son peuple et, plus important que tout, sa liberté. Pourtant, son visage était toujours aussi tendu. Il l'avait toujours vu ainsi, serrant les dents devant l'adversité. Il se promit de l'aider d'une manière ou d'une autre à retrouver le mince sourire qu'il avait vu se dessiner sur son visage quand il l'avait rejoint avec les anciens soldats de son père.
Quand tous les morts furent sortis de la rivière et le bûcher construit, Marcus les rejoignit. Esca écouta son discours ; il ne laissa rien paraître, mais il fut touché. Le romain avait compris sa propre histoire familiale, tout aussi douloureuse que la sienne. Il posa la dague de son père sur le corps pour lui prouver que lui aussi avait accepté sa quête. Et puis … il était peut être temps pour lui aussi d'accepter son passé qui pesait lourdement sur ses épaules.
Ils regardèrent longtemps le feu dévorer le corps du centurion, envoyer dans les cieux ses braises éternelles.
Ils venaient de remporter une victoire mais la forêt abritait bien d'autres dangers pour Esca et Marcus. Il fallait se mettre à l'abri au plus vite. Esca soutint le centurion jusqu'au village des légionnaires de son père. Il fut soulagé quand enfin ils rejoignirent les nombreuses tentes qu'il avait déjà entrevues en allant les quérir. Ils y étaient en sécurité, il savait le peuple assez large d'esprit pour cacher un romain de plus. Ils y furent accueillis en silence, sans question, par des regards curieux mais bienveillants. Ce fut en cet instant seulement qu'Esca se détendit un peu.
On installa les deux invités dans une même tente. Ils purent s'enlever la boue de leur visage, manger une soupe chaude qui leur sembla un pur délice. Aucune parole ne fut prononcée mais les regards échangés, complices, accompagnés de sourires, étaient éloquents. Ils avaient une couche, des peaux de bêtes pour leur tenir chaud … les nuits passées sous la pluie glacée à guetter le moindre bruit n'étaient plus qu'un lointain souvenir.
Esca nettoya la plaie de Marcus avec un grand sourire intérieur. Le centurion déchu qui ne désirait pas d'esclave, qui était devenu esclave à son tour, se laissa faire tel un maître. Mais Esca ne s'y trompa pas. Il l'avait accepté comme esclave à contre cœur, râlant dès qu'il se montrait un peu trop prévenant et, à présent, il laissait faire son ami. Leur relation avait profondément changée.
Ils s'installèrent en soupirant d'aise sur la couche et tous deux sombrèrent très vite dans les bras de Morphée. Alors que le jeune celte se revoyait en rêve courir dans les landes qu'ils venaient de parcourir, il fut réveillé en sursaut par Marcus.
A suivre ...
C'est un chapitre d'essai, j'ai besoin de votre avis pour savoir si je continue !
Est-ce que cela vous a plu ? Review please !
Est-ce que la suite vous intéresse ?
Elle n'est pas écrite, mais j'ai quelques idées en tête ^^
