Titre : Ta vision de l'Amour
Disclaimar: Je ne prétends pas raconter la vie des personnages cités.
Note: On dit qu'il faut faire le 1er jour de l'année ce qu'on voudrait faire toute l'année, alors je poste un texte parce que j'aimerais pouvoir continuer l'écriture une année de plus. J'aimerais m'éloigner un peu des fanfics pour aller vers des textes qui serait à moi de A à Z, mais ça reste une résolution que je ne suis pas vraiment prête à tenir.
Ce sera très probablement la dernière fiction à chapitres que j'écris dans l'univers d'Alexandre, mais je n'oublie pas pour autant les Os, dont la suite/fin de la série "Tu seras mon esclave".
Bonne année à tous, meilleurs voeux !
Ta vision de l'Amour
Pov Alexandre
Héphaïstion… Héphaïstion était la créature la plus délicieuse que je connaissais… C'était simple, et certainement idiot de le formuler ainsi, mais c'était la stricte vérité. J'étais plus âgé et mature que le jour où ce constat m'avait frappé, mais les années que je passais auprès de lui ne faisaient que renforcer ma certitude. Héphaïstion était l'Amour de ma vie, le fil qui avait été enchevêtré au mien dans le grand tissage des Parques.
Je me rappellerai toujours de ce jour béni où les dieux l'avaient mis pour la première fois sur ma route… Il était tôt, la saison était fraiche, et je marchais sur une voie fréquentée pour me rendre au marché. Tout petit prince que j'étais, je recherchais déjà l'aventure… Et il était là… Resserrant sa cape autour de sa fine personne, il marchait dans le sens contraire. A mon âge je recherchais toujours des compagnons de jeu, alors je n'avais eu aucun mal à trouver un possible partenaire. Mais mon cœur s'était arrêté quand sa silhouette s'était vaguement dessinée, de loin. Le pressentiment était déjà là, ce sentiment qui grandirait en une conviction inébranlable… En m'approchant j'avais pu constater qu'il avait les plus doux traits jamais attribués aux mortels. Il marchait auprès de son père, qui caressait ses cheveux châtains encore plus soyeux que la meilleure soie. C'était à ce moment qu'il avait relevé la tête, qui avait dévoilé ses magnifiques yeux azurs, et il avait sourit. Un sourire si tendre que j'avais immédiatement voulu m'en emparer… mais il était destiné à son père. Et il était passé à côté de moi, sans même me voir…
Il m'avait fallu deux heures de course intensive pour me défouler après ça. J'avais été horriblement vexé. Tout prince que j'étais, je n'avais pas mérité son attention… Or je le voulais. Je ne me l'expliquais pas bien déjà à l'époque, mais ce désir était ancré en moi. J'avais besoin qu'il me parle, et qu'il m'écoute, qu'il me sourie et qu'il joue avec moi, qu'il partage mes repas, et même mes nuits… Je n'avais connu ce sentiment pour aucun de mes camarades. Son nom m'était inconnu, j'ignorais qui il était ou ce qu'il faisait sur le chemin du palais, mais je savais que j'avais besoin de lui. De la façon la plus pure qui existait…
Alors j'avais couru au palais, priant tous les dieux que je connaissais pour que mon tempérament de feu ne me prive pas de sa présence dans ma vie. Si j'étais bien le fils de Zeus, comme ma mère le prétendait, alors il pouvait bien me faire cette faveur… Et en arrivant j'avais trouvé mon père en compagnie de cet homme qui m'était inconnu, lui pressant l'épaule. Le garçonnet sans nom se tenait près d'eux, attendant patiemment. Amyntas m'avait été présenté, un vieil ami de mon père. Puis il restait ce petit garçon. Nos pères nous avaient laissés échanger nos noms. L'instant avait été parfait. Il m'avait regardé, et j'avais enfin obtenu un sourire. Puis il m'avait glissé son nom, Héphaïstion…
Ensuite il était resté auprès de moi. Son père étant proche du roi, Héphaïstion avait le droit à la meilleure éducation, avec les enseignements d'un penseur et d'un professeur de lutte. Et voilà comment nous nous retrouvions à jouer dans les bois, des années plus tard, riant avec insouciance. Il n'avait jamais délaissé mon côté depuis notre rencontre…
Courant le plus vite possible, je traquais mon aimé. Ce jeu m'inquiétait toujours, car Héphaïstion était extrêmement habile pour se dissimuler sans bruit dans la forêt. La peur puérile de ne pas parvenir à le retrouver me tétanisait à chaque fois… Pourtant j'acceptais invariablement de jouer avec lui. C'était un des divertissements préférés de mon compagnon… Qui étais-je pour lui refuser ce plaisir ?
Je me stoppais au milieu d'une clairière, haletant. Il me fallait un bon point de vue sur les environs, et d'ici je pouvais scruter les arbres. Mon Héphaïstion aimait bien se percher là… Or aujourd'hui je ne voyais rien. Il n'était pas aussi prévisible, j'aurais dû m'en douter… A chaque fois que j'arrivais à mettre au jour un infime détail qui me permettrait d'anticiper ses déplacements, il changeait… Alors je devais m'adapter, me montrer audacieux, et tout aussi imprévisible que lui… C'était une bonne chose. Mon aimé me poussait vers un perfectionnement de mes stratégies. En futur roi, je ne pouvais que l'en remercier.
Héphaïstion était doué pour se cacher. C'était un fait. C'était même plus que ça : c'était un véritable cauchemar quand nous avions un différend et qu'il voulait m'éviter. Il se mettait toujours là où il ne pensait pas que je viendrais le chercher… Or, sachant qu'il se cachait, je ne pouvais pas le chercher dans des endroits évidents… Ce serait idiot. Personne ne se place devant le nez d'une personne pour la fuir. C'était peut-être la stratégie que mon aimé avait choisie aujourd'hui… C'était un renversement de la logique, un pari audacieux… Je pouvais toujours vérifier.
Mon endroit préféré était incontestablement la partie dégagée de la rive du fleuve. Du moins quand il ne faisait pas trop chaud… Quand l'air était juste assez chaud pour entrer dans la catégorie des bonnes journées ensoleillées selon mes critères, mais encore trop frais pour contraindre les hommes à chercher des rafraichissements. Le lieu était alors déserté, et je me plaisais à m'y rendre avec Héphaïstion. Il n'était d'ailleurs pas exclu que je m'y rende avec mon Patrocle une fois ce jeu terminé…
Mes recherchèrent se dirigèrent donc vers cet endroit. L'endroit était dégagé, silencieux. Seul le léger bruissement des feuilles et l'eau frappant sur les cailloux donnaient un peu de vie à ce lieu. Mes yeux fouillèrent d'abord les places les plus visibles, celles que je n'étais pas censé étudier puisqu'elles étaient trop évidentes pour être choisies. Mais rien… Strictement personne… Tout ça commençait à m'inquiéter. J'avais pourtant le sentiment d'être au bon endroit…
Mon cœur sursauta dans ma poitrine lorsqu'une flèche siffla dans les airs. L'arme mortelle se ficha dans le tronc d'arbre derrière moi, quelques pouces au dessus de ma tête. Affolé par cette attaque, j'eu le réflexe de suivre la trajectoire empruntée par la flèche. Mon regard se posa sur Héphaïstion, installé sur une branche en hauteur, qui affichait un sourire narquois en s'emparant d'une nouvelle flèche dans son carquois, son arc toujours à la main.
Je savais que c'était une leçon importante. En tant que prince je devais me méfier de tout le monde, et être toujours sur mes gardes. Héphaïstion était un excellent archer. Il n'avait pas voulu m'atteindre, sinon je serais au sol avec une flèche plantée dans le cœur. Néanmoins la situation venait de changer. Mon Patrocle avait rajusté son arc qu'il bandait en visant cette fois mon cœur. S'il décochait cette flèche, il me tuerait sans l'ombre d'un doute. Mais je ne bougeais pas. J'avais une totale confiance en lui. C'était d'ailleurs bien le seul auquel je confiais aveuglément ma vie… Lui ne pourrait jamais me faire de mal : il m'aimait. Si je ne pouvais pas avoir confiance en lui, alors il pouvait effectivement lâcher cette flèche meurtrière car je ne voulais pas de cette vie.
Avec un petit rire, mon aimé détendit sa prise et baissa son arc. Il jeta ensuite son arc au sol et rangea la flèche dans son carquois avant d'entamer sa descente avec cette agilité qui me fascinait. Je me pressais au pied de l'arbre sans jamais quitter sa progression des yeux. Ainsi je m'ajustais pour me trouver à l'endroit qu'il avait choisi pour regagner le sol et je l'attrapais lors de son dernier bond.
_ Mon Eros, souris-je sans le laisser quitter mes bras.
Mon aimé me rendit mon sourire par un plus radieux encore. Nullement contrarié d'être emprisonné dans mes bras, il en profita pour m'étreindre comme si nous venions de nous retrouver après une séparation. Fermant les yeux, j'appréciais ce moment à sa juste valeur. Les monts de bijoux et d'or que me portaient les courtisans n'auraient jamais le centième de la valeur que j'accordais à ce moment précieux. Ce n'était pas parce qu'il était rare que je reçoive une étreinte de l'être auquel je réservais mon cœur, mais parce qu'à chaque fois l'intensité de cette embrassade me laissait profondément chamboulé, ému même.
Mon cœur battait fort. Celui d'Héphaïstion aussi, je pouvais le sentir puisque son torse était plaqué contre le mien. Une main sur sa nuque, mon pouce caressant ses cheveux châtains, et l'autre bras autour de ses reins, je respirais uniquement son odeur, frémissant presque à chaque inhalation. Je savais bien que mon aimé ne savait jamais trop comment me toucher. Ce que j'ignorais c'était si ce fait provenait d'une pudeur naturelle, ou du comportement exagérément révérencieux de ceux qui m'entouraient. Quand nous n'étions pas en train de lutter, Héphaïstion initiait rarement un contact autre qu'une accolade… Mais le simple contact de la main posée à plat sur mon torse, malgré la gêne du vêtement qui interceptait la plus grande part des sensations que je recherchais.
J'offris le luxe à mon aimé de se reculer légèrement quand je sentis sa tête bougée. Se délogeant de mon épaule, il posa son front contre le mien en fermant les yeux, ses lèvres parées d'un gracieux sourire. Sa main se dégagea en douceur de l'étroite crevasse entre nos deux corps pressés et vint s'installer sur ma joue. Les doigts de mon aimé caressèrent à contre sens ma barbe sommairement rasée, nouveauté qui faisait la fierté de ma mère, avant de s'attarder sur ma pommette qu'il retraça à l'aveugle. Les traits de mon visage n'avaient aucun secret pour lui, je le sentais bien dans ce geste…
Gardant les yeux ouverts, j'observais le visage serein de mon compagnon et caressais l'arête légèrement râpeuse de sa mâchoire. J'aimais me frotter contre sa barbe. Cette sensation me rappelait à quel point il était homme. Je pouvais le serrer dans mes bras sans craindre de lui faire mal, je pouvais compter sur lui pour protéger sa vie et la mienne, pour me soutenir dans les pires épreuves. Il n'était pas une de ces femmes fragiles qui avaient besoin d'être sans cesse courtisées et protégées, rassurées. Si je trébuchais, il était apte à soutenir mon point le temps que je me remette d'aplomb…
Mais ce n'était pas que pour cela que je l'aimais, sinon j'aurais pu être épris de pratiquement tous mes camarades de la même façon. Il y avait tellement plus chez Héphaïstion que cette force guerrière. Il avait aussi ses faiblesses, et son côté fragile me rappelait que tout ce qui est vivant doit être soigné sans quoi il dépérit. Négliger l'homme était une erreur au potentiel fatal, autant dans mon cas car perdre l'affection d'Héphaïstion me conduirait aux portes de la folie, que pour un roi dont la perte d'estime de son peuple signerait la perte. Mais mon aimé ne me rendait pas faible pour autant. Patrocle était certes moins fort qu'Achille, mais il était sa force, son émulation… La douceur d'Héphaïstion m'attendrissait aussi énormément. Elle ne m'était pas entièrement consacrée, ce qui pouvait parfois me pousser à des actes signés de la main de la jalousie… Mon Patrocle avait le cœur pur, et ne rechignait jamais à aider un ami, voire même un parfait inconnu. Cette candeur me faisait peur parfois. J'aurais préféré qu'il se méfie plus des intentions des hommes, mais en même temps, aussi beau que les dieux l'aient créé, mon aimé ne me semblait jamais aussi séduisant que lorsqu'il venait au secours d'une âme dans la peine…
Toutes ces pensées se confondaient dans mon esprit avec le souffle doux de mon aimé qui venait régulièrement s'échouer sur mes lèvres, tel les vagues caressant le sable avec langueur. Mon corps parla alors avec plus d'éloquence que ma bouche. Ce fut instinctif, un mouvement sans réflexion préalable, juste une pulsion amoureuse. Mes lèvres se posèrent sur leurs voisines et j'eu l'impression de revivre cet instant, ce premier instant d'émoi lorsque j'avais pour la première fois aperçu la silhouette de celui que j'aimerais jusqu'à mon dernière souffle. Ce baiser fut cependant de courte durée, puisque la tension surprise de mon aimé suite à ce geste m'incita à le délivrer.
_ Je veux être ton premier… et ton dernier !
C'était un cri du cœur, la première chose qui m'était passée par la tête. Mais devant l'expression surprise de mon aimé je me sentis le besoin de me justifier. Ce n'était effectivement pas la chose la plus adaptée après un premier baiser. Parler de cette étape que mon corps était venu à désirer dernièrement retirait l'innocence de mon geste. Pour ne rien arranger j'étais de plus en plus nerveux, effrayé d'avoir brusqué mon aimé par mes avances inattendues.
_ Le nom d'Achille aurait disparu à travers les âges s'il n'avait pas eu Patrocle. Tout demi-dieu qu'il était, c'était Patrocle sa véritable force. Il en va de même pour moi. Je ne suis rien sans toi Héphaïstion.
Jusque là il n'y avait rien qu'il ne sache pas déjà, mais au moins je rétablissais la noblesse de mon sentiment. Mon bienaimé ne semblait pas me tenir rigueur de ma maladresse néanmoins. Son visage affichait le doux sourire qu'il n'adressait qu'à moi dans ces moments complices. Nulle haine dans ses yeux, nul dégoût. Je n'avais rien brisé entre nous…
_ Je t'aime Héphaïstion.
_ Tout comme je t'aime Alexandre.
Cette réponse me torturait depuis quelques temps déjà. Plus précisément depuis que mon père m'avait enseigné à ne jamais porté foi à cette déclaration. Désormais je me questionnais sur les propos d'Héphaïstion. Pas que je remette en question sa sincérité, ça jamais ! Mais je me demandais dans quelle mesure il pensait ses mots… ou plutôt ce qu'ils représentaient pour lui… Etait-ce l'amour qu'il vouait par devoir à son prince ? Ou l'amour qui lie deux amants sans distinctions de rang, de sexe, de patrie… ?
_ M'aimes-tu de cette même flamme qui pousse l'homme à lier sa vie à jamais à une autre personne ?l'interrogeais-je le cœur au bord des lèvres.
_ Tu sais bien que oui mon Alexandre, rit-il léger.
Son ton me froissa. Le sujet était trop grave pour moi. Mais ce fut à ce moment que mon aimé brilla d'audace pour se faire pardonner. Toute audace était la bienvenue de sa part à mes yeux, mais celle-ci supplantait de loin toutes les autres… Mon tendre éphèbe posa très simplement ses mains sur mes épaules et s'approcha juste assez pour presser mes lèvres des siennes. Le baiser fut tout aussi chaste que le premier, à peine moins maladroit, mais peu m'importait mon inexpérience en ce moment. Je ne me souciais pas des courtisans si talentueux que j'avais vu œuvrer sans vergogne pendant toutes ces années. Toute la candeur contenue dans ce baiser lui donnait justement sa valeur. Rien n'était artificiel dans ce geste, et les ajustements auraient tout le temps de venir plus tard…
Lorsque le satin abandonna mes lèvres, je me retrouvais pantelant devant un Héphaïstion rougissant qui ne savait pas bien quoi faire. Attendri, le cœur encore bouillant de ce baiser, j'entrelaçais nos doigts et portais sa main à mes lèvres en capturant son regard. L'amour que je vis dans ses yeux me rassura. J'en avais besoin pour avancer…
Nos mains toujours liées, nous entamions le chemin pour regagner le palais, échangeant des regards complices. Je ne m'offusquais pas du « non » silencieux que j'avais reçu à propos d'étreintes plus charnelles. Je pouvais encore attendre, ce n'était pas grave. Je sentais bien que mon aimé n'était pas encore prêt, pas assez libre dans son corps. Ce n'était pas un véritable « non », mais plutôt un « plus tard », dont je m'accommodais parfaitement. Je n'envisageais même pas de connaître le jour où je me rassasierai de ses baisers, alors je pouvais largement m'en contenter pour une année de plus.
Nous avancions sans encombre, et pourtant je sentais mon aimé moins serein à mesure que nous marchions. Je patientais néanmoins. Il se confierait à moi une fois prêt. Mais je devais avouer qu'il m'intéressait énormément… J'espérais une bonne nouvelle, une nouvelle audace, mais j'appréhendais aussi une annonce déplaisante. Il y avait peu de chance que ce soit cela cependant. Dans la bouche d'Héphaïstion toute nouvelle pouvait être relativisée.
_ Alexandre, je…
Son hésitation m'émouvait. Je complexais régulièrement de le voir si éloquent dans les classes d'Aristote et de ne savoir en faire autant. Seulement c'était la façade publique, presque politique de sa personne. Dans l'intime mon aimé ralentissait son débit, fourchait parfois sur certains mots… Je le trouvais irrévocablement touchant…
_ Parle mon Patrocle, tu sais bien que tu n'as rien à me taire, l'encourageais-je avenant.
_ Je pars demain pour Thèbes avec mon père.
Le coup de poing d'un titan ne m'aurait pas plus sonné que ces mots. Je me figeais, blême, au milieu du chemin. Je ne pouvais y croire… C'était… c'était incohérent ! Pourquoi partir ? Et comment alors que ces choses là prenaient du temps…
_ Demain ? Si tôt ? Il est impossible de planifier un voyage pareil pour le jour qui arrive !lui fis-je remarquer.
Mon aimé baissa les yeux, plein de remords. Mon cœur chuta dans ma poitrine.
_ Tu le savais avant…, devinais-je abattu.
J'étais déçu qu'il ne me l'ait pas dit avant, de ne pas avoir su qu'il me fallait profiter davantage de chaque instant passé auprès de lui…
_ Pardonne-moi, j'ai été lâche. Je n'arrivais pas à trouver les mots pour te l'annoncer…
Ses doigts se défirent des miens, comme trop lourds pour rester à cette place. Libre de cette entrave que j'adorais, je me mis à faire des grands pas, qui me ramenaient toujours au même point. J'étais triste et furieux à la fois. Désespéré serait plus le mot adapté à mon ressenti…
_ Tu ne peux pas partir Héphaïstion ! Que deviendrais-je sans toi ?criais-je.
J'étais prêt à faire intervenir mon père s'il le fallait, mais je ne voulais pas qu'il quitte ma vie ! J'avais trop besoin de lui… S'il me fallait renoncer à la couronne pour le suivre, alors soit ! Je le ferais ! Mais je refusais de devoir vivre sans lui…
_ Je te reviendrai Alexandre.
Les paroles toujours posées de mon bienaimé m'incitèrent à me modérer. Son regard cherchait les miens en gage de sa sincérité. Respirant profondément, j'essayais de déterminer le meilleur choix à faire. Je pouvais aller trouver mon père pour empêcher ce projet, ou alors… ou alors m'en remettre à lui, lui faire confiance pour revenir, prier les dieux pour qu'ils protègent ses pas… Le plus facile pour moi aurait été de contacter mon père pour le garder avec moi… Mais Héphaïstion n'était pas un oiseau qu'on pouvait mettre en cage. On pouvait certes l'enfermer, mais il cesserait de chanter, il dépérirait… De plus il avait besoin de ma confiance tout autant que j'avais besoin de la sienne…
_ Promet, exigeais-je. Promet que tu reviendras auprès de moi.
Mon bienaimé s'avança sans quitter mon regard et prit mes mains dans les siennes.
_ Je t'en fais le serment. Je te reviendrai mon Alexandre.
Je l'attirais contre moi, le cœur déjà alourdi par ce départ qui pesait à présent sur mon esprit. Si seulement mes bras avaient été assez forts pour le fondre en moi, pour que jamais il ne puisse me quitter…
