Titre: Souffrance
Genre: Angst
Rating: PG
Personnages: Murtagh et son père, plus sous entendu de sa mère et de Bom
Paring:...Pourquoi il en faut absolument au moins un? Sous-Entendu de MorzanSelena
Disclaimer: Je ne possède pas les personnages de la saga de l'Héritage.
Il se regarda dans la glace, fixant son reflet sans qu'aucun sentiment ne transparaisse dans ses yeux de deux couleurs différentes, un était noir et l'autre bleu. Ses cheveux bruns tombaient en boucles sur ses épaules, jurant avec sa peau pâle qui ne portait pas une ride. Pas une mèche argentée n'éclaircissait sa chevelure, malgré son âge, grâce sa condition de dragonnier. Il semblait toujours avoir entre 30 et 40 ans. Personne n'aurait deviné qu'il avoisinait les 120 ans. Il se regarda, son regard bicolore éteint, ce regard qui ne brillait plus depuis la folie de son dragon, la disparition de son épouse. Où était-elle allée? En avait-elle eu assez de lui? Ou était-ce Brom qui l'avait tué? Un piège des Vardens pour éliminer la main noire? Il ne savait pas et se sentait soudainement seul, si atrocement seul. Et profondément lassé. Il fixa son reflet, passant un doigt sur les cernes sous ses yeux.
Ces yeux qui lui avaient causé tant d'ennuis.
Enfant, on le voyait comme un démon. Il était rejeté par ses semblables.
Ces yeux si peu courants, c'était si rare d'avoir des yeux de deux couleurs différentes: un bleu et un noir. Beaucoup voyaient cela comme un mauvais présage. Il était anormal, il était un monstre.
Abandonné jeune par ses parents qui ne voulait pas d'un enfant maudit, forcé de voler pour manger -ce qui avait valu de perdre un doigt, malgré son jeune âge, la pitié du marchand s'envolant devant ce regard étrange. La différence amène la peur, c'est ce que son vieux maître Oromis lui avait dit avant de lui assurer que lui n'avait rien contre cela. Il avait faili rater la présentation de l'oeuf rouge. On avait crié à l'elfe recruteur qui amenait les précieux objets de ne pas laisser l'enfant maudit toucher cet oeuf.
Un regard froid et méprisant avait été la seule réponse avant qu'une main ne se pose sur son épaule et ne l'amène près de la '"pierre" rouge.
Et l'oeuf avait éclos. Pour lui. Son seul et son unique ami.
Il avait cru qu'une nouvelle vie s'offrait à lui. Enfin.
Sauf que les superstitions ont la peau dure. Et beaucoup de dragonniers humains le traitaient mal, le forçant à se retrancher derrière colère et froideur. Pourquoi se détendre et sourire quand il savait qu'on allait le frapper ou l'insulter pour une simple petite différence physique? La bêtise de ces hommes le dégoûtait, ces hypocrites se prenant pour des juges et se permettant de prétendre ce qui était normal et ce qui ne l'était pas.
Brom lui disait qu'ils étaient magnifiques, et qu'il avait de la chance d'avoir cette particularité, cette originalité. Il lui répétait de ne pas prendre garde à la bêtise des autres, qu'il valait mieux que ça.
Séléna aimait ses yeux. Si spéciaux, qui le rendait si unique aux siens.
Il était beau. Il savait qu'il l'avait toujours été, attirant les regards, surtout à partir du moment où il avait eu son dragon, malgré les superstitions. Il possédait une beauté froide et cruelle, il en était conscient, Oromis aussi d'ailleurs, et en profitait, sans que son maître n'en dise rien. Il agissait comme on l'avait traité quand il était plus jeune, il avait du mal à agir différemment.
Une coquille de pierre gelée entourait son cœur, un mur le séparait des autres -personne ne s'était montré digne-. Et il les traitait de haut, conscient qu'il était étrangement puissant pour son âge, doué mais parfois brouillon dans ses sorts. Il profitait de l'admiration des autres, de la dévotion que lui portait son camarade, indifférent à la réprobation dans le regard d'Oromis.
Tout le monde désormais le voyait comme un monstre.
Ca changeait quoi d'avant exactement?
Pour lui...absolument rien.
Ses fines lèvres blanchirent quand tout d'un coup un éclat de colère passa dans ses iris foncées et son poing brisa le verre, répandant les débris sur le sol de bois, au milieu des tâches couleur de sang. Il regarda sa main blessé, sa paume entaillée sans ciller.
Cette douleur physique n'était rien comparée à celle qui était morale. Celle qui tordait son coeur et son âme. Un vide que rien ne pouvait, ne pourrait, combler.
Parce que son dragon n'était plus qu'une bête. Un animal ailé qui ne savait plus parler...ou si peu. Quelques mots, dit d'une voix morne et sans sentiments. Il ne disait même plus son nom. Il ne le savait probablement plus. Il l'appelait juste son "Lié' et rien d'autre. Il sentait ses émotions et y répondait par d'autres mais presque plus de paroles.
Il en eut la nausée. Le temps de leurs disputes et leur complicité lui manquait. La sensation de vide malgré la présence du lien était atroce -si douloureuse-. Comment les dragons avaient-ils pu être si monstrueux?
Il se mordit la lèvre, il aurait tant aimé entendre cette voix tant aimée autrefois dans sa tête, qui aurait du être là pour le rassurer, le réconforter. Mais non, il n'y avait plus rien. rien que le silence. Une sensation de vide et de froideur, ...un écho de ce qui avait été et ne serait plus.
Il soupira et plongea le membre blessé dans la bassine d'eau posée sur la table afin de nettoyer les plaies et ensuite, d'un mot en ancien langage, les soigna.
Il regarda le sol sur lequel reposaient les débris de verre ensanglantés…le miroir était en morceaux comme son âme.
Une âme brisée, une âme mutilée, une âme emprisonnée à jamais, jusqu'à sa mort, par des mots avec lesquels on ne pouvait mentir, des chaînes invisibles et douloureuses, une vie où peu de choses étaient faîtes de son propre chef….
Au début oui, mais après...
Au début oui. Les mots de Galbatorix résonnait encore dans sa tête, mots empoisonnés mais si tentants, si attirants. Sa jeunesse et son inexpérience, et sa solitude également, jouaient un rôle précis dans le fait qu'il s'était laissé manipuler, influencer.
Même s'il n'était pas une victime. Il était pleinement responsable. Rien ne l'avait forcé à jurer fidélité, même s'il se doutait que, s'il avait refusé, il aurait été torturé encore et encore jusqu'à céder. Ou bien il aurait été tué et dans ce cas, le futur tyran aurait fini par trouver quelqu'un d'autre. Il préférait être vivant...il n'aurait jamais voulu périr si jeune. Et il n'aurait pas voulu être brisé...et reconstruit selon les goûts du roi.
Quelle différence dans ce cas?
Aucune. Ça aurait surement fini de la même façon.
Il ne cherchait pas à se disculper. Jamais il n'oserait. Il était coupable et n'avait que peu de remords de toute façon (à quoi bon? Ça ne changerait rien maintenant non?). Il avait tout fait, au début, de son plein gré. Rien n'avait forcé sa main à tuer Saphira. Même si son coeur s'était étrangement serré et d'une vague de dégoût l'avait submergé. Au moins elle n'avait pas souffert, ça avait été rapide.
La mort, les cris, la douleur, des dragons s'effondrant sans vie au sol.
Les cris d'agonies venant de ces merveilleuses créatures ou de leurs dragonniers.
Des yeux noisettes, emplis d'incompréhension, de douleur. "Po...Pourquoi? Pourquoi l'as-tu rejoins? Que t'as-t-il promis?"
Ce jeune garçon blessé devant lui, à peine capable de se tenir debout, son amie ailée tout aussi amochée.
«Pourquoi? Que t'a-t-il fait?»
Un ricanement..un éclat de froideur cruelle dans ses yeux bicolores.
«Ce qu'il m'a fait? Penses plutôt à ce que VOUS m'avez fait. Puisque je suis un monstre...pourquoi me fatiguerais-je à démentir?»
Une lame rouge qui s'abat sur une dragonne bleue.
«Penses que tu vis un enfer bien en dessous du mien.» Il retira la lame tâchée de sang «Et remercie les dragons...tu sais leurs intéressant sort contre nous.»
Les ordres qu'il devait suivre étaient plus que clairs et il les suivait, sa conscience aussi muette qu'une tombe. Même si une voix en lui soufflait qu'il aurait pu les faire prisonnier, que Saphira aurait été une bonne reproductrice de dragons sains d'esprit. Il secoua la tête. Chassant cette voix qui ressemblait -trop- à celle de Galbatorix.
...Le bruit de la chute, du choc avec le sol, du sang foncé coulant à flots parmi le sable et les pierres….Il s'en souviendrait toujours...aussi clairement que si cela s'était passé la veille.
Il n'avait rien contre la dragonne.
Absolument rien.
Mais elle s'était mise en travers de son chemin, avait tenté de tuer son dragon, tenté d'arrêter son maître, comme les autres dragonniers. Et elle n'avait rien fait pour empêcher les autres de lancer leurs sort. Ce sort qui avait emporté l'esprit de son ami. Du seul être qui l'aimait.
Elle était l'ennemi et il avait ordre de tuer tous ses adversaires.
...Un hurlement de désespoir.
...Un jeune homme effondré contre le cadavre de la créature, gémissant son nom à travers ses larmes, alors que son ennemi le dominait, prêt à l'achever.
L'épée rouge se levait à nouveau. Deux yeux noisettes -brisés- se levèrent sur lui. Comme attendant la sentence. Acceptant la mort, la préférant à la solitude.
Mais il ne tua pas, abaissant finalement son arme, les yeux froidement indifférents.
La pitié pour l'être brisé l'emportant sur sa cruauté. Il se revoyait à genoux devant son dragon, le suppliant de dire son nom...et il regarda le sang qui coulait le long de Zar'Roc. Une grimace de dégoût ourla ses lèvres.
Pour aujourd'hui, il se montrerait clément.
Après tout, sans sa dragonne, Brom ne représenterait plus un danger n'est-ce pas? Il ne le reverrait sans doute jamais.
Alors il se détourna le visage inexpressif, un goût amer venu d'il ne savait où dans la bouche.
Sa main, qui avait tant tué, avait pourtant hésité pour Brom et sa pitié avait subitement surgit, une stupide faiblesse selon les autres parjures, et il l'avait épargné lui.
Ironique.
Ironique car Brom était devenu leur cauchemar et aujourd'hui, ils ne restaient qu'eux deux, en plus de Galbatorix. Ce dragonnier déchu, sans dragon. Et lui, le dernier des fidèles du roi, au dragon fou, qui ne le suivait plus qu'à cause du serment, et avec lassitude.
Il en avait assez.
Il ferma les yeux, faisant le vide dans sa tête, chassant les images des vies qu'il avait écourté, brisé. Chassant les cris de douleurs et de haines de son esprit. 100 ans de haine dirigée contre lui.
"Traître !
Je te tuerais !
Tu le paieras !
Sale Parjure !
Pourquoi ?
POURQUOI ?"
Il tenta de fermer à nouveau son esprit pour ne plus entendre les paroles brisées de souffrances de la personne qui lui faisait confiance avant, de son ancien ami, de celui à qui il avait gâchée la vie en prenant celle de sa dragonne. Au fond de lui, il regrettait d'avoir tué Saphira. Parce qu'il l'aimait bien. Elle n'avait jamais dit une parole blessante envers lui, ils se disputaient souvent, elle grognait lorsqu'il la taquinait mais en était plus amusée qu'agacée. Il n'avait jamais voulu lui faire du mal ou la tuer.
Il aurait aimé revenir en arrière. Avec le temps toutes ses actions lui avait paru stupides, inconscientes.
Sa jeunesse et sa faiblesse, sa rancœur contre les hommes, contre sa vie, sa colère contre ceux qui le jugeaient à son physique, tout cela n'était pas une excuse.
Il avait fait une erreur qui avait détruit la Confrérie.
Une erreur qui avait gâchée sa propre vie.
Une erreur qui avait détruit son dragon.
S'il pouvait revenir en arrière...rien de tout ça ne serait arrivé, ou alors si peut-être...mais il n'aurait pas été de ce côté, et son dragon ne serait pas dans cet état. Et il ne serait pas si seul, haï par tous. Il serait peut-être mort, mais son nom ne serait pas tant synonyme de haine et de dégoût. Ou alors il serait mort...et sans doute oublié par de nombreuses personnes.
Même Sélena avait disparue.
Elle ne lui avait pas pardonné la blessure de Murtagh. Lui-même ne comprenait pas comment s'était arrivé. Comment avait-il pu en venir là? Même son fils devait le craindre et le haïr désormais. Mais, comme le disait si cruellement son roi...qui aimerait quelqu'un comme lui? Réplique aussi acide que froide, réplique impitoyable qui l'avait fait grincé des dents mais il n'avait rien dit. Après tout, c'était vrai, il était un monstre...qui pouvait aimer un être comme lui?
Même s'il avait cru que Selena l'aimait. Il avait dissimulé ce qu'il ressentait envers elle. Mais il l'aimait, malgré ce qu'il montrait. Mais il ne voulait pas qu'on pense qu'il tenait à elle, c'était aussi pour la protéger qu'il faisait ça. Mais tout ça n'avait servit à rien.
Etait-elle partie? Brom l'avait-il tué?
Comme il voulait le faire pour lui?
Quelque chose, un désir entra dans sa tête à ce moment : Tu veux me tuer ? Ca tombe bien, je ne demande que cela de mourir…..puisque ma vie est fichue de toute façon!
J'en ai assez.
Le parjure se redressa, fixant de ses yeux sombre un point invisible devant lui, il se détourna, s'avançant vers une table ou trônait une épée rouge dans son fourreau : Zar'roc. La passant à sa ceinture, il lança un message par la pensée à son ami ailé aux écailles rubis, espérant que celui-ci comprenne qu'ils partaient, et sortit de sa chambre, près à partir en mission, comme toujours sur l'ordre du roi.
Une vie de chien…..qu'il ne supportait plus…
Si seulement il pouvait revenir en arrière...si seulement...
«Père ? Ça ne va pas ?»
Il baissa alors les yeux vers l'enfant de 3 ans devant lui, sa réplique en miniature, avec les yeux de sa mère. Le petit le regardait avec un mélange d'inquiétude et de crainte. Crainte compréhensible quand on repensait à la plaie, scindant son dos, que son père lui avait infligé, alors qu'il était ivre et dans un état de rage absolue mais qu'il avait trop bu. L'enfant avait du rassembler beaucoup de courage pour oser seulement adresser à la parole à son géniteur. Étrangement l'inquiétude dans ses yeux semblait sincère.
Le parjure laissa alors pour la première fois un sourire, bien que triste, apparaître aux yeux de son fils et, posant un genou au sol, tendant une main, il ébouriffa les mèches sombres que le plus petit avait. Les yeux du plus jeune s'écarquillèrent de surprise à ce geste affectueux…le premier depuis il ne savait plus combien de temps.
Peut-être depuis sa naissance.
La voix de son père lui fit lever les yeux vers lui, timidement:«Tout vas bien, fais bien ce qu'on te dira pendant mon absence !
- Oui… » balbutia le petit, n'osant y croire, son coeur battant d'un espoir que son lui futur aurait jugé stupide et irrationnel. «Au Revoir Père, prenez soin de vous.»
L'homme se releva lentement et partit, le regard de l'enfant le suivant jusqu'à ce qu'il ait disparut et que la porte se referme. Le petit resta seul dans le couloir, immobile et stupéfait.
C'était la première fois que son père était gentil avec lui…
...C'était aussi la dernière fois qu'il le voyait.
Fin
