Il faisait noir, et pourtant je n'avais pas peur d'avancer. Seul mes pas me suivaient, et pourtant jamais je ne me retournais. Avançant toujours droit devant moi je ne sentais rien, pas une brise, pas même ce sur quoi mes pieds se posaient... je n'avais pas de but, mais un truc, quelque chose me poussait à continuer. Au bout d'une éternité, je crus entendre quelque chose mais ne parvins pas à tourner la tête ni à arrêter ma marche. De plus en plus, ces petits bruits se répétèrent, se multiplièrent, s'intensifièrent ; que se passait-il ?
Soudain, je fus aveuglée par quelque chose et m'arrêtai immédiatement, mes mains plaquées sur mes yeux.

Après un temps, je rouvris les yeux, et vis que dans le noir total, une raie de lumière parvenait à passer.
Un autre bruit ! Je me retournai, mais ne vis rien. Toutefois, au bout de quelques secondes, et en forçant sur mes yeux, je crus déceler des mouvements tout autour de moi, comme une onde se propageant dans l'eau... comme si quelque chose faisait réagir le sol au pulsation d'un cœur endormi. Concentrée sur ces étrange formes, je parvins tout de même à distinguer une petite ombre qui passa à une allure folle dans le rayon de lumière qui, je le remarquai bientôt, éclairait l'endroit où mon pendentif se trouvait.

Je le sortis, et au moment où la manivelle quitta les profondeur de mon haut, les bruits s'amplifièrent et le point de lumière se mis à changer frénétiquement de forme.
A ce moment, les ténèbres furent levée, et une lumière blanche me brûla les yeux. Je ne voyais rien, mais je sentais mes larmes couler le long de mes joues ! Un instant après, les bruits avaient cessés mais je fus toute fois surprise par une légère douleur à l'oreille ; comme une minuscule morsure. Par instinct, ma main s'abattit sur la zone attaquée et une fois en contact avec cette dernière, sentit quelque chose de poussiéreux et gigotant. Je l'arrachai, et serrai ma main le plus que je pus ; plus rien ne bougea. Cependant, je ne tardai pas à sentir des choses se 'poser' sur moi puis, de concert, telles des milliers d'aiguilles me transperçant de part en part, je fus assaillie. Ma peau me brûlait, mes yeux ne cessaient de pleurer, et malgré le fait qu'ils étaient maintenant ouverts,, je ne voyais rien !

Je criais, hurlais, me débattais, mais rien ne faisait ; et même si je parvenais malgré la douleur à me débarrasser de ses assaillants, sa place était bien vite remplie par un autre.
C'était sans fin !
Soudain, aussi vite qu'elle était venue, la douleur s'en alla, en me laissant toutefois dans ma cécité.

À genoux, tremblante je sentais un liquide chaud parcourir la plus part de mes membres et autres partie de mon corps. Dans un effort, je tentai de me relever mais, en m'appuyant sur ma main gauche, une immense douleur se déclara au niveau de mes phalanges et se propagea tout du long de mon bras jusqu'à mes épaules. Par réflexe, je pris ma main droite dans ma gauche, et fus horrifier de ne pas déceler le moindre morceau de chair sur aucun de mes doigts.
Prise de panique, je me relevai sans l'aide de mes mains, et entendis à ce moment un craquement cristallin ; le sol venait de se dérober sous mes pieds !
Soudain, en pleine chute, dans un geste délibéré, je plaquait mes mains de toutes mes forces comme pour protéger mon dos d'un choc, et ses dernières entrèrent en contact avec une matière dure et froide.

J'ouvris les yeux, et vis ce qui me sembla être le toit d'un chapiteau.
Je me tins la tête, ma chute m'aillant causée une certaine douleur. Je me redressais et m'assis sur le sol et, massant le scalpe les yeux fermés, j'entendis des petits bruits de pas se diriger vers moi et s'arrêter tout net. Je relevai la tête, et tombai nez à nez avec Léna.

C'était une ancienne 'victime' de Jack, l'une des premières. Elle était encore vêtue des habits qu'elle portait à l'époque, une robe grise et noire plutôt simple avec un col haut et des manches longues serrées aux poignets. Son visage était étonnamment bien conservé comparé à beaucoup d'autres des enfants qui trottaient ici. La peau grise, les yeux blancs et les cheveux légèrement sortis de ses tresses serrées, et me regardait se balançant d'avant en arrière sur ses talons un grand sourire étalé sur ses lèvres aux commissures suturées.

J'avais beau savoir qu'elle ne me ferait rien, il me restait tout de même cette appréhension, ce réflexe de recul devant une chose que mes yeux trouvaient encore anormal. Soudainement, elle me tendis quelque chose de ses deux mains. J'y jetai un coup d'œil, et y trouvai un rat mort, don les yeux avaient été remplacés par des fleurs blanches dont les pistils avaient été peints en rouge ; sans doute avait-elle était les chercher près de la rivière de sang dans laquelle j'étais une fois tombée.
Cette vision me dégoûtait, mais comme elle continuait à me le tendre et que son visage ne me quittait pas, je pris sur moi et acceptai le 'présent'.

- « Oww~ je vois que tu as fait des progrès dans l'art de la taxidermie ! » s'exclama Jack dont les mollets venaient d'entrer dans mon champ de vision. A cet instant, il m'attrapa par la taille, et me souleva pour m'asseoir sur ses genoux. A ses mots, elle sourit de plus belle et s'en alla sur le champ en trottinant. Au moment ou sa silhouette disparut de mon champs de vision, je sentis les bras de Jack se resserrer un peu plus autour de moi.

- « L'un comme l'autre, vous avez un sens très... personnel de ce qu'est l'art... » dis-je en observant l'animal empaillé. Combattant l'envie irrépressible de me déplacer de peur qu'il me fasse encore le coup du couteau dans la poche.

- « Hmmm, je suis sûre qu'elle peut faire bien mieux... » murmura-t-il ses lèvres frôlant mon cou au moindre mot qu'il prononçait. Cette action me donna des frissons, et encore une fois mal interprétée, cette réaction me valu un baisé au même « Maintenant que j'y pense, » roucoula-t-il en passant quelque chose autour de mon cou, « bon anniversaire chérie~ ». Je relevais le collier pour le voir, et soudain, la forme des perles me sembla plutôt étrange. « Il m'a fallut un peu de temps pour réunir toutes ces dents, mais ça valait le coup et quand au fermoir, j'ai utilisé des phalanges ainsi que... » commença-t-il en plein dans ses explications.

Certes il avait des talents d'orfèvres, mais je pense qu'un collier de nouilles m'aurait été un tantinet plus agréable à porter. Enfin c'était peut-être des dents de lait qu'il avait trouvé... non ?
Peut-être aussi la raison pour laquelle la plupart des gosses qui étaient ici n'avaient quasiment plus de dents...

- « Ça te plaît ? » demanda-t-il, ses yeux cherchant les miens sous les mèches qui séparaient nos regards. Je plaçai ces cheveux derrière mon oreille, et plantai un rapide baiser sur la commissure de ses lèvres en lui souriant. Après tout, il se donnait du mal pour ne pas me mettre mal à l'aise, et bien que ces attentions manquaient souvent l'aspect romantique, je devait bien avouer qu'il y avait quelque chose d'adorable dans tous ces efforts. De toute façon, on arrachait bien les défenses des éléphants pour leur ivoire... en quoi des dents d'enfant étaient-elles différentes ?

J'avais encore beaucoup de mal à y croire ; comment avais-je pu aimer quelqu'un comme lui à ce point ? Il n'était pas particulièrement beau, avait un humour plutôt gras, des allusions digne d'un camionneur ivre-mort et pour finir gâchait tous ses efforts par des explications sur la provenance de ses 'bricolages'. Il n'y avait pas eu que le collier ; une paire de boucles d'oreille taillées dans les phalange d'un père de famille trop sûr de sa force, une ceinture de cuir humain dont le tatouage tribale avait trahi la provenance, et finalement, une pince à cheveux magnifique à laquelle j'avais fini par m'habituer, et qu'il avait fait à partir d'une main de femme, qu'il avait entièrement gravé de symboles celtiques en tous genres.

Mais étrangement, même si certains de ces objets me dégoûtaient un peu, je ressentais une extrême gêne à chaque fois qu'il m'en offrait un, car je ne savais jamais quoi lui offrir en retour... tout ce que je faisais, c'était lui sourire et un baiser... que pouvais-je faire de plus ? Comment savoir ce qui lui plairait ?