Voici un premier chapitre ! J'espère qu'il vous plaira

Jour 01 - Le Pari

Un homme brun marchait dans les rues sombres. Son manteau noir flottait derrière lui dans un courant irréel et son regard était en cet instant comme la nuit. Un léger sourire flottait sur les lèvres fines, découvrant des dents particulièrement pointues. Le pas léger qui guidait l'homme était celui d'un prédateur certain de ne pas trouver ce soir-là plus habile que lui dans sa cour : la ville d'Ikebukuro. L'air se condensait devant son visage mais le froid n'entamait nullement son humeur.

Il faisait nuit, il était tard, il était heureux.

L'homme que l'on connaissait sous le nom d'Izaya Orihara sortit de sa poche un téléphone qui l'avertit qu'il était déjà très tard. Beaucoup trop tard. Aujourd'hui était pourtant un jour important. Il l'avait entouré sur son calendrier. Mais même ainsi, il ne pouvait contrôler sa vie, son travail, au point de profiter pleinement de ce jour particulier où le monstre de la ville dormait.

Le seul souci avec le sommeil du monstre, c'est qu'il était difficile de le retrouver. Voire impossible. Habituellement, des hurlements et des objets volaient partout où il se rendait. Ce soir, la ville dormait sereine.

Orihara soupira et remit ses mains dans ses poches, levant les yeux vers le ciel. Il lui vint une inspiration soudaine et il poursuivit son chemin en courant presque, se glissant dans l'ombre, invisible.

Lorsqu'il reparut, il était aux abords d'un parc. Le brun y entra, en ressortit. Il avait enfin trouvé celui qu'il cherchait. Face au grillage du parc, un banc était là, sur le côté de la route. Et sur le dossier de ce banc, un homme était assis. Blond, une cigarette aux lèvres, habillé comme un barman, il fixait d'un air absent devant lui.

Izaya ne put s'empêcher de sourire en remarquant le sang sur le coin des lèvres du monstre, un bleu sur sa tempe, ses vêtements déchirés et sales. C'était une bien triste et abîmée figure. Lorsque le monstre dort, tout le monde en profite pour lui marcher dessus, songeait Izaya, tout en s'avançant, plaquant un sourire moqueur sur son visage.

- Shizu-chan, quelle chance, je te trouve enfin !

Si Shizuo pensait que la journée se finirait tranquillement, il avait tort. Le blond tourna son regard glacé vers le nouveau venu et des flammes parurent y danser brièvement. Mais il rongea son frein et le contrôle dont il fit preuve pour rester immobile alors que son ennemi s'approchait fut bien plus impressionnant que tout ce qu'il pouvait détruire.

Le brun vint tout près de lui et il se pencha pour observer lui-même les dégâts. Comme il pensait, Shizuo ne pouvait être brisé facilement. Malgré les coups, aucun os n'était cassé. C'était pour cela qu'il avait à présent un couteau sur lui. Le monstre saignait comme tout le monde lorsqu'on savait le prendre mais taper dessus comme un dingue n'était visiblement pas une solution.

- Izaya, je te déconseille de traîner par ici. Tu sais quelle heure il est, n'est-ce pas ?

Le brun soupira avec un air compréhensif, même s'il vint plus près encore, s'asseyant sur le banc, s'appuyant contre le dossier, mettant ses coudes de chaque côté.

- Bah ! Cette dernière heure est la mienne, mon Shizuo. Je ne laisserais pas une minute à quiconque d'autre.

Il ferma doucement les yeux, relâchant sa tête en arrière et soufflant doucement. Le brun était probablement fou mais il se sentait en sécurité comme jamais. Le monstre sommeillait. Il ne pouvait lever la main sur lui, il ne pouvait rien faire. S'il le désirait, Izaya pouvait le tuer et il n'aurait alors rien à dire, rien à faire. Ce jour-là, comme tous les ans, Shizuo appartenait au peuple de la ville, à ses ennemis. Heureusement, les plus dangereux d'entre eux avaient assez d'orgueil pour ne pas attaquer ce jour-là. Après tout, il n'y avait rien de glorieux à tuer bêtement et simplement le monstre. Surtout que rien ne l'effrayait ce jour-là.

Parfois Izaya avait l'impression que c'était la fatigue de vivre qui avait décidé le blond à s'accorder un jour sans violence - le jour de l'anniversaire de son frère adoré - par an. Comme s'il rechargeait ses forces, prenant la violence des autres en lui. Mais bon, personne, et certainement pas Izaya, ne pouvait percer à jour les pensées de cet être moins qu'humain.

- C'est jouissif de savoir que je pourrais te tuer dans l'instant et de ne pas le faire, tu sais ?

Shizuo souffla la fumée destructrice vers le ciel, son regard de nouveau lointain.

- Tu es complètement fou, Izaya. Marmonna-t-il pour toute réponse.

- Et dans ma folie, parfois, je me demande si on aurait pu ne pas se détester.

Cette fois, le blond parut avaler sa cigarette et il grimaça tout en la jetant au loin, comme dégoutté à cette pensée.

- Pour cela, il aurait fallu que tu sois honnête.

Izaya rouvrit les yeux pour regarder Shizuo comme s'il l'avait blessé, avec une expression de désolation exagérée.

- Mais ce serait me demander de ne plus être moi.

Shizuo descendit du banc d'un bond gracieux quoique puissant et un peu haché par les contusions qui devaient marquer la totalité de son corps. Il glissa ses mains dans ses poches et tourna le dos au banc, à Izaya, comme il n'aurait jamais osé le faire un autre jour que celui-là.

- C'est pour cela que c'est impossible. Je te tuerais, il n'y aura pas d'autre alternative.

- Crois-tu vraiment ? Et si je te tuais maintenant ? Fit Izaya derrière lui, toujours assis sur le banc, le regardant de ses prunelles brunes aux reflets rougeoyants.

Shizuo se figea à ces mots.

- Alors quoi ? Je mourrais. Mais jamais, jamais je ne cesserai de te détester avant d'avoir vu ton sang se répandre sur le sol.

Ces mots durs ne lui ressemblaient pas vraiment. Il fallait croire que l'absence de violence le rendait fatigué et froid, piquant comme la glace. Pourtant, Izaya ne put que rire, tout en se levant.

- Parions dans ce cas. Je suis sûr que tu as tort. Et nous verrons.

Sans répondre, Shizuo leva la main, montrant la montre à son poignet. Minuit moins cinq. Cinq minutes pour sortir de la ville avant que le monstre ne brise ses chaines et parte à sa poursuite. Le brun était intelligent, il n'insista pas et partit, reprenant le chemin en sens inverse.

Seulement, il riait sous cape. Il montrerait à Shizuo qu'il était capable de trouver cette autre voie. Et s'il n'y parvenait pas, il lui montrerait juste qu'une fois mort, Shizuo ne pourrait plus le détester.

- On verra qui répandra le sang de qui. Et qui sourira à la fin. Je ne compte pas cesser de sourire, Shizu-chan ~ J'espère que toi non plus...