Une dernière danse
J'ai longtemps parcouru son corps
Effleuré cent fois son visage
J'ai trouvé de l'or et même quelques étoiles
En essuyant ses larmes
J'ai appris par cœur la pureté de ses formes
Parfois je les dessine encore
Elle fait partie de moi
6 ans. 6 ans de douceur infinie que nous nous procurions mutuellement, secrètement mais malgré tout sans aucun scrupule dans mes sombres appartements aux cachots. J'ai tant de fois caressé ton doux visage jeune et épargné de toute ride, lui qui contrastait tant avec mon physique ingrat, vieux et marqué par des années d'atrocités.
Ce visage tant adoré était parfois ravagé par la tristesse, et dans le refuge de mes bras de Mangemort, je parvenais à voir sa beauté dévastatrice rehaussée par ces gouttes scintillantes que je recueillais du bout de mes doigts.
Ton corps n'avait plus aucun secret pour moi mais sa perfection m'attirait d'avantage à chaque fois.
Dans mes rêves les plus intimes, je t'imaginais, encore et encore, nue, souriante à mes côtés, tes courbes délicieuses éclairées par l'ombre de la lune.
Et nous ne faisions plus qu'un.
Je veux juste une dernière danse
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse
A présent tu es sur le point de partir, de m'abandonner à jamais. Et je ne te demande qu'une chose. Ma douce Hermione, accorde-moi, en guise d'adieu, cette dernière fois. Notre dernière fois.
Avant de ne plus revoir ta lumière, avant de ne plus susciter chez toi que déni et ignorance, accorde-moi, je t'en conjure, cette dernière danse.
Je l'ai connue trop tôt
Mais c'est pas d'ma faute
La flèche a traversé ma peau
C'est une douleur qui s'égare
Qui fait plus de bien que de mal
Tu avais tout juste 17 ans lorsque tes yeux chocolat se sont indécemment plantés dans les miens, et que tu m'as mis à nu, me déshabillant lentement de ton regard envoûtant.
En ce premier cours de Potions de ta septième année, ta présence électrisante a percé, bien malgré mes réticences, la carapace de sarcasmes que je m'étais construite au fil du temps.
Et plus tu te rapprochais de moi, plus ton odeur et ton sourire avaient comme effet celui d'un baume sur mon cœur. Mon cœur si froid et distant, dur et cassant qui fut soigné, bien contre mon gré.
La douce torpeur de ton amour, toi si jeune et moi qui n'y pouvais rien, m'a apporté le peu de bien qu'il me fallait pour survivre.
Mais je connais l'histoire
Il est déjà trop tard
Dans son regard
On peut apercevoir
Qu'elle se prépare
Au long voyage
Malheureusement la guerre nous a séparés, éloignés l'un de l'autre à perpétuité. Le temps de notre histoire est révolu. Une page se tourne et disparaît dans les méandres du passé, sans permettre un hypothétique retour en arrière.
J'ai les clefs à présent inutiles de nos souvenirs entre les mains et j'attends ton imminent départ pour les jeter dans l'abîme qu'est mon cœur, comme pour tenter d'en combler le vide de ta présence.
Je le sens en moi, douloureusement, et tes yeux fatigués me dictent une vérité si dure à accepter. Ton corps est las de lutter, tu ne veux plus combattre l'inévitable et ton départ pour l'autre monde te semble maintenant n'être qu'un soulagement pour ton âme violentée.
Ces derniers mois auprès de toi m'y ont amèrement résigné, ma décision est enfin prise.
Je veux juste une dernière danse
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse
Laisse-moi t'embrasser une dernière fois, que le ballet de nos langues fasse une ultime représentation, avant que tu ne fermes les yeux pour toujours et à jamais.
Tu seras bientôt de glace, ignorant mes suppliques, feignant l'indifférence face à mes sanglots.
Ton corps gracieux plongera sous terre et seule la voix muette de ta tombe répondra à mes imprécations.
Tes paupières papillonneront une dernière fois avant de ne plus faire un geste devant mon corps désespéré.
Alors accorde-moi, je t'en supplie, ce dernier instant de magie.
Je peux mourir demain
Ça ne change rien
J'ai reçu de ses mains
Le bonheur ancré dans mon âme
C'est même trop pour un seul homme
Mais je ne te regarderais pas t'éteindre la première, je ne veux plus être seul. Je suis né avant toi, ce n'est que justice que d'expirer en te sachant encore vivante, même pour un seul instant de plus.
Tout n'a maintenant plus d'importance. Moi, Severus Rogue, ai vécu ma vie comme je l'entendais, ta présence comblant toutes mes espérances et je n'ai plus rien d'autre à attendre que la mort.
Tu m'as offert tout ce à quoi je n'aspirais plus, tout ce que je croyais définitivement perdu, cette joie incommensurable, c'était bien trop pour moi et tu le savais.
Je n'étais que le professeur Rogue, l'infâme Maître des cachots de Serpentard et tu m'as transformé à coup de sourire et de caresse en un homme juste et loyal, dont tu pouvais être fière.
Et mon cœur et mon âme noircis en ont un jour explosé de bonheur.
Et je l'ai vu partir
Sans rien dire
Il fallait seulement qu'elle respire
Maintenant je te vois partir, loin, loin de moi, me quitter lentement mais sûrement, irrévocablement.
Je n'ai que mon impuissance à offrir face à cette vile et sombre maladie, qu'aucune de mes potions ne peut dignement combattre.
Et je te vois là, agonisante, tes rauques soupirs comblant avec peine le silence pesant. Ma main est sur la tienne, crispée à t'en faire mal dans une dernière étreinte. Et toi, allongée, tu n'en ressens même plus la douleur, car depuis longtemps ton corps entier n'est plus qu'un martyr. Tu lèves tes yeux suppliants vers moi, ton visage blême et émacié entouré de la cascade brune que sont tes cheveux.
J'ensorcèle alors cet appareil moldu pour toi, une dernière fois, une dernière danse. Je me tourne lentement vers toi, je t'embrasse, et Kyo reste le seul à chanter.
Merci
D'avoir enchanté ma vie
…
Sous ton regard, j'avale d'une traite la fiole de poison. Mes yeux se révulsent, gardant comme dernier souvenir ton visage d'ange baigné de larmes.
Je m'écroule tranquillement, et pour tout ce que tu m'as offert, j'use les dernières forces que la mort tente de me prendre et souffle :
« Merci… »
N'ai crainte Hermione, nous serons bientôt de nouveau réunis. Nous serons ensemble chez les morts.
