La musique adoucit les mœurs
Premier mouvement.
« Il faudra bien que tu sortes de cette chambre un jour ! Tu ne peux pas rester enfermée là toute ta vie! Tu seras bien obligée d'en sortir un jour! » il y avait du désespoir dans la voix de sa mère. De la tristesse. « Quinn! Allez, sois raisonnable!
- Va-t'en ! S'il te plaît, laisse- moi ! » Quinn regardait obstinément par la fenêtre de sa chambre. Elle ne voulait voir personne. Comment pouvait-elle encore avoir un avenir? Comment pouvait-elle encore être heureuse ? Elle n'y arriverait pas, elle le savait. La seule chose qui l'empêchait de commettre l'irréparable était cette vie qui poussait en elle. Alors, elle attendait. Elle attendait que l'enfant vienne au monde pour pouvoir, à son tour, le quitter.
- Quinn ! Ouvre-moi, au moins ! » Elle ne répondait plus. Ça ne servait à rien. Après quelques minutes de silence sa mère ajouta : « Bien, je te laisse ton repas à la porte, manges un peu, sinon je te promets que je te ferais sortir de cette chambre par la force ! »
Elle attendit d'être sûre que Judy se soit retirée en bas avant de prudemment entrouvrir la porte pour jeter un œil. Personne. Et, comme promis, un plateau l'attendait. Elle le récupéra et referma rapidement la porte, se réfugiant dans son désespoir, se coupant à nouveau du monde. Le regardant de loin, à travers la vitre de sa chambre.
Judy ne savait plus quoi faire pour sa fille. Depuis le drame, elle s'était enfermée et ne sortait que la nuit, quand toute la maisonnée était endormie. Elle avait besoin d'aide pour lui faire entendre raison. Pour la sortir de cette mélancolie qui la rongeait lentement de l'intérieur. Qui la tuait à petit feu.
Ne vous y trompez pas, Dame Fabray, comme toutes les femmes de la famille, était une femme de pouvoir, déterminée et obstinée, prête à presque tout pour arriver à ses fins. Et son nouvel objectif, désormais, était d'arracher sa fille à cette lente descente aux enfers. Elle ne s'était encore jamais opposé à son époux. Jamais. Son ascension dans les strates de la société profitant à celle de la famille. Mais les choses avaient changées. Terriblement. Brutalement. Et les conventions qui, auparavant, n'avaient eu que peu de répercussions sur le cocon familiale, allaient, si elle ne faisait rien, détruire le peu de chance qu'il restait à sa fille d'atteindre le bonheur.
Depuis le drame, le sort de l'enfant avait déjà été scellé. Son époux avait tout organisé. Il avait aussi planifié le nouveau futur de leur fille. Leur merveilleuse fille brisée. Qui avait perdu le goût de vivre. Judy l'avait bien vu lorsque Monsieur Fabray avait annoncé ses décisions, Quinn n'avait pas réagi. Elle n'avait pas sourcillé une seule fois. Avant le drame, elle aurait refusé, protesté, argumenté, elle se serait rebellée contre ce destin qu'on lui imposait. Elle aurait piqué une colère. C'était une Fabray. Une battante. Mais depuis ce jour fatidique, elle s'était éteinte. Et cela, Dame Fabray le refusait. Elle se refusait de perdre sa fille en plus de son fils. Mais le temps était compté. Le temps filait. Alors elle devait agir vite. Et pour cela, elle avait eu une idée. Et ce matin serait celui de son premier mouvement.
- Chiara ! Chiara?!
- Oui Madame ?
- Je m'absente pour la matinée, pourrez-vous apporter un plateau à ma fille ? Et vous assurez qu'elle est toujours de ce monde par la même occasion ? -fit Judy avec une pointe d'ironie.
- Oui Madame.
- Je vous remercie. Je me rends chez Dame Corcoran. Je serais de retour en milieu d'après midi.
La demeure de Dame Corcoran se trouvait de l'autre côté de la ville. C'était elle qui avait initiée Quinn au piano. Judy se souvenait encore de la passion qui avait saisi sa fille alors, pour la musique. Elle passait des heures à ce piano. Se perdait dans ce monde. Transposait en mélodie ses émotions. Ses colères, ses peurs, ses joies, elle en faisait de la musique. Certaines de ses pièces étaient simplement enchanteresses. Mais Monsieur Fabray en avait eu assez. Que sa fille joue du piano était une chose, mais qu'elle en compose et, selon ses termes, lui casse les oreilles toute la journée avec devenait invivable, c'en était trop. Un jour le piano avait tout simplement disparu. Et Dame Corcoran avait été congédié. Monsieur Fabray n'aimait pas la musique. Pour palier à ce vide, Quinn s'était alors plongée dans la lecture qui l'avait menée, tout naturellement, vers l'écriture.
Seulement, maintenant, elle n'écrivait plus. Judy pensait qu'il lui fallait un coup de pouce. Juste un petit. Et c'est pour cela qu'elle avait besoin de Dame Corcoran. La musique pouvait faire ce que personne n'arrivait à réaliser pour sa fille. Lui donner ce lien avec le monde. Lui rendre cette impulsion. Ce souffle. Ce désir de vivre.
La calèche arriva enfin à destination. En descendant de la voiture, elle fut agressé par un nuage de poussière, produit des travaux de rénovation en cours sur la façade du bâtiment. Ce dernier était encerclé échafaudages de bois sur lesquelles des ouvriers s'activaient, sans prêter attention aux badauds qui déambulaient dans la rue, sous leur pieds. Après une légère hésitation, Dame Fabray se faufila à l'entrée. Un domestique lui annonça alors que Dame Corcoran s'était absenté pour la durée des rénovations, ne supportant pas le bruit et la poussière que ces derniers provoquaient. Déçue, elle allait se retirer quand, à travers les coups de marteau et les cris des hommes au travail, elle entendit une voix chanter. Et quelle voix ! Se tournant vers le valet, elle demanda :
- Qui est-ce ?
- Pardon Ma Dame ?
- Qui chante ?
- Oh, c'est Mademoiselle Rachel. Elle a accepté de rester et de tenir la maison le temps que les rénovations se terminent.
- Elle a une voix magnifique...
- Oui, en effet, elle est artiste chanteuse. La grande Rachel Berry ! C'est Dame Corcoran qui l'a formée. Elle est connue dans le monde entier ! En ce moment elle prépare une représentation pour la cour de la Reine ! - le domestique, porter par son excitation, parlait si vite que Judy eut du mal à suivre. Cependant, cette dernière se dit que, finalement, elle n'avait peut-être pas traversé toute la cité en vain.
- Oh ! Aurais-je l'honneur de la rencontrer ? - c'était plus un ordre qu'une demande - M'annoncerez vous à la propriétaire de cette voix si prisée ?
- Euh... Et bien... euh.. oui, oui, bien sûr, si vous voulez bien patienter au salon ? Le jeune domestique, prit de court, la conduisit au salon puis disparu. Le chant se tua quelques instants après, et c'est une jeune fille qui vint rencontrer Judy qui patientait, plongée dans ses pensées.
- Dame Fabray ? - la voix, hésitante, sortit Judy de ses réflexions.
- Mademoiselle Berry, enchantée de faire votre connaissance !- Judy se leva et s'approcha de la jeune fille qui, d'après ce qu'elle voyait, devait avoir l'âge de sa fille.- Je m'excuse de venir ainsi à l'improviste et d'interrompre vos exercices vocaux, je désirais m'entretenir avec Dame Corcoran. Votre domestique vient de m'apprendre qu'elle s'était absentée le temps des travaux et que vous teniez la demeure en son absence. Je tenais à vous présenter mes respects...
- Mon domestique ? Ah ! Kurt ! Non, non Kurt n'est pas mon domestique ! Kurt est mon partenaire de chant et un ami ! Le meilleur d'ailleurs ! - la jeune fille respirait la joie de vivre et Judy se dit que oui, vraiment, elle était la personne qui lui fallait.
- Votre voix est délicieuse, c'est un plaisir de vous entendre – fit-elle avec son sourire le plus sincère – Votre ami m'a appris que vous alliez chanter devant notre Reine?
- Oui ! En effet ! J'ai cet honneur. Mais je ne serai pas seule, c'est toute notre compagnie qui joue ! J'ai, bien-sûr, le rôle féminin principal, mais sans mes compagnons, il me serait bien difficile de distraire seule Son altesse et ses conseillers !
- Oh détrompez vous, jeune damoiselle, je pense même que votre voix seule pourrait rendre l'envie de vivre à ma fille...- et voilà la perche était tendue ! Judy trouvait elle-même que c'était un peu gros mais cette Mademoiselle Berry semblait un cœur tendre. Elle espérait juste ne s'être pas trompée sur cette jeune fille.
- Vous me faites trop d'honneur Madame... -puis, après une pause- Votre fille... Si je puis me permettre? Que lui est-il arrivé ?- et voilà ! Judy ne s'était pas trompée.
- Permettez-vous, permettez-vous... » – Judy souriait maintenant, elle savait que cette Rachel serait la clef.
Elle lui présenta alors ce qu'elle attendait d'elle, tout en prenant soin d'obtenir de la chanteuse sa complète coopération. Le premier mouvement était en place. La musique était lancée.
Kurt regardait Rachel depuis un moment maintenant. Cette dernière le sentait. Même en lui tournant le dos, elle sentait les yeux de son ami insister. C'était d'un irritant ! Elle savait qu'il mourrait d'envie de lui dire ce qu'il pensait de sa décision, qu'il attendait juste qu'elle l'invite à s'exprimer. Comme d'habitude. Il garderait le silence jusqu'à ce qu'elle craque. C'était couru d'avance. Et elle n'allait pas tarder. À craquer. Ça aussi, c'était couru d'avance.
Dame Fabray était partie depuis une heure.
Cela faisait donc une heure qu'elle était en compagnie d'un Kurt silencieux et ce silence lui devenait de plus en plus lourd à supporter. Elle avait beau parler sans fin depuis le départ de leur visiteuse inattendue, le mutisme de son ami n'en devenait que plus assourdissant. Ils étaient tous les deux dans les cuisines, lui assis, le menton reposant sur la paume de la main, la suivant du regard en train de préparer du thé avant l'arrivée de leurs compagnons. Préparer étant un bien grand mot étant donné que Rachel n'avait pas encore réussi à allumer le feu devant faire bouillir l'eau. Dame Corcoran avait emmené ses domestiques avec elle, sur l'assurance de Rachel, bien évidemment, qu'elle s'en tirerait très bien sans personne. Juste elle et Kurt. Mais bien sûr ! Et le feu du foyer s'était éteint, personne n'ayant pensé à l'entretenir. Le reste de la compagnie n'avait pas ce genre de problème, elle, logé à l'hôtel royal. Mais Rachel avait tenu à rendre visite à sa mère, et cette dernière lui avait demandé « un service ». Et là, au mot « service », kurt avait su ce qu'il allait se passer. Il n'avait pas fallu plus d'une demi seconde à Rachel pour plonger à pieds joints, et répondre à cette femme qui n'avait pas pris la peine de l'élever et avait même demander d'être rétribuer pour ses cours de chant « mais bien sûr ! ». Et voilà. C'était pour cela qu'ils étaient coincés dans cette Hôtel particulier, empli de poussière, sans domestique, à essayer de répéter comme ils pouvaient, loin du confort dont ils avaient l'habitude et auquel leurs amis avaient droit.
À leur première rencontre, kurt avait pensé que Rachel était candide. Mais non. Ce n'était pas cela. Il l'avait compris plus tard. Elle ne voulait pas priver, sans réel motif, aux gens qui lui demandaient, son aide. C'était juste ainsi qu'elle avait été élevé. Dans la confiance. C'était la clef de sa réussite. Se faire confiance et faire confiance aux autres. Mais ce raisonnement les avait aussi conduit, souvent, dans des situations comme celle où ils se trouvaient actuellement. Et Kurt n'était pas certain qu'accepter l'offre de Dame Fabray fusse une bonne idée. Il connaissait la réputation de la famille Fabray. D'après ses sources, Monsieur Fabray ne s'était pas élevé aux hautes fonctions qu'il occupait à la cour en restant honnête. Loin de là. Des rumeurs pas très jolies- jolies s'entendaient ici ou là sur la famille Fabray et Rachel n'avait pas l'air d'en avoir conscience. Alors Kurt la regardait sans mot dire. Attendant qu'elle lui permît de donner son avis. D'après son agitation, cela n'allait plus tarder. Elle s'obstinait à tenter de rallumer le foyer, sans succès, et l'insistance de Kurt ne faisait rien pour calmer ses nerfs. Ses limites étant atteintes, cette dernière prit une profonde inspiration, et, se tournant face à son ami, exaspérée, déclara : « Bon, tu vas me dire ce que tu as sur le cœur ?
- qu'est-ce qui te fait croire que j'ai quelque chose sur le cœur ?
- Oh, comme si ton silence n'était pas assez éloquent ! - s'asseyant en face de lui – allez, je t'écoute, tu es resté cloîtré dans ton mutisme avec ce regard empli de sous-entendu depuis le départ de Dame Fabray. Je te connais assez pour savoir que tu désires m'asséner de quelques unes de tes vérités. Alors je t'écoute.
- Bien, puisque tu m'y invites si cordialement, eh ne lèves pas les yeux au ciel ! Donc je disais, puisque tu m'autorises à t'en parler, es-tu bien sûre de vouloir compter dans tes fréquentations les Fabray ? Vraiment ? Parce que, dois-je te rappeler que, Dame Fabray, tout comme son très cher époux, Monsieur Fabray, ne sont pas des personnes réputées pour leur gentillesse et leur ouverture d'esprit. Au contraire ! Ce sont des manipulateurs, l'un comme l'autre, prêts à toutes les bassesses pour arriver à leur fins. Des personnes, dans leur entourage, ont disparus où sont mortes de façon surprenante. Et ces morts, d'après ce que j'en sais, leur ont toujours été profitables. Et même si rien n'a jamais pu être prouvé, il est curieux que cela leur est permis d'accéder à une position plus qu'influente dans ce royaume. Ce sont des serpents ! Et toi, toi, tu acceptes...- après un silence Kurt reprit, plus calmement - tu as accepté quoi exactement, d'ailleurs ?
