Titre : Rien qu'un baiser, chapitre 1

Auteur/Artiste : Mokoshna

Couple : ZoroXSanji

Fandom : One Piece

Rating : M

Thème (numéro et nom) : 1. Regarde-moi

Disclaimer : One Piece appartient à Eiichiro Oda. Je ne fais que reprendre ses personnages pour leur faire faire n'importe quoi.

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Chapitre 1 : Regarde-moi

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Il y avait beaucoup de choses que Zoro Roronoa détestait.

Il détestait qu'on le dérange pendant sa sieste. Dormir était essentiel pour rester en bonne forme physique. Manger aussi, d'ailleurs, et c'était pour ça qu'il ne supportait pas qu'on lui vole sa part de nourriture, même quand le coupable était son imbécile de capitaine. Luffy était capable d'engloutir toutes les rations du Going Merry en un clin d'oeil, et à cause de ça Zoro se précipitait sur son repas sitôt celui-ci servi. Quand il n'avait pas entraînement, bien sûr.

L'entraînement était encore plus sacré que la sieste ou le repas. C'était grâce à une discipline de fer, motivée par l'entraînement et l'effort, qu'il pourrait devenir le plus grand manieur de sabres du monde. Il en était intimement persuadé ; c'était pourquoi il ne ménageait aucun effort en vue d'atteindre son rêve.

De ce fait, ses horaires en temps normal étaient assez faciles à deviner.

Le matin, réveil, un peu d'hygiène, il prenait son petit déjeuner et allait s'entraîner, ne s'arrêtant qu'à midi pour déjeuner. Il faisait une petite sieste digestive, et c'était reparti pour une séance d'entraînement qui durait jusqu'au soir. Il dînait avec les autres, quelquefois ils restaient debout pour discuter, puis il allait se coucher et le lendemain se déroulait de nouveau de la même manière. C'était une vie simple qui lui convenait parfaitement, du moins jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour devenir le bretteur le plus puissant.

Bien entendu, il arrivait que ce bel emploi du temps soit perturbé. Lorsqu'ils découvraient une nouvelle île ou lorsqu'ils avaient affaire à un ennemi particulièrement coriace, par exemple. Mais il ne s'en plaignait pas spécialement. Au contraire, la perspective de rencontrer des adversaires plus puissants l'enchantait. Après tout, comment pourrait-il devenir fort s'il n'avait personne à battre ?

Une autre de ses habitudes, qu'il avait développée assez récemment, était de s'accouder sur la rambarde du Going Merry après avoir fini une de ses séances d'entraînement de l'après-midi et de regarder le soleil se coucher en attendant que Sanji les appelle pour manger. Il trouvait cela étrangement fascinant, de voir l'astre du jour s'enfoncer dans la mer après avoir rempli son office de la journée. Il se demandait quelquefois ce que cela pouvait faire, d'être aussi utile au monde en accomplissant une tâche aussi monotone. Chaque jour était semblable au précédent, toujours au service de tous...

- EH ! CRÉTIN DE SABREUR ! ÇA FAIT CINQ FOIS QUE JE T'APPELLE POUR BOUFFER ! fit la voix irritée de Sanji, le cuisinier à bord.

Zoro lui lança un regard méprisant.

- Ta gueule, play-boy de mes deux, rétorqua-t-il avec une grimace. T'as pas à me parler comme ça.

- Je te parle comme je veux, fit Sanji, magnifique dans un tablier rose avec des franges en dentelle.

Zoro le fixa d'un air ahuri en essayant de comprendre.

- C'est quoi ce truc que t'as sur toi ?

Les sourcils fourchus de Sanji parurent s'arque-bouter davantage.

- C'est un cadeau de Chopper. Un problème ?

- Non. T'as juste l'air d'un idiot là-dedans.

- La ferme, c'est pas comme si je pouvais refuser un cadeau de Chopper !

- Ouais, ouais...

Décidant de laisser passer pour une fois, Zoro se dirigea paresseusement vers la salle à manger, traînant derrière lui une serviette trempée de sueur. Sanji le regarda déambuler avec une expression de dégoût.

- T'aurais pu te laver avant de passer à table ! Tu empestes le musc ! Ma nourriture va être gâchée !

- Bah, tant que ça a le même goût...

- Justement, ce n'est pas pareil ! Ah, et puis pourquoi je me fatigue ? Je perds mon temps avec un rustre comme toi.

- La ferme, tafiole.

- Tu veux te battre ?

Le cuisinier s'apprêtait à enlever son fameux tablier, sans doute pour lui lancer un de ces coups de pieds dont il avait le secret. Zoro commençait à les connaître, ses guiboles, à Sanji ; elles étaient non seulement interminables, mais en plus un seul coup aurait suffi à éventrer un taureau. Non pas qu'il en avait peur ; sa force à lui surpassait, et de loin, celle du cuistot...

- Nan, j'ai trop faim, fit nonchalamment le bretteur.

Il s'éloigna assez vite, à la grande surprise de Sanji qui le vit partir avec de gros yeux. Qu'est-ce qui s'était passé ? D'habitude, Zoro ne manquait jamais une occasion de chercher noise à Sanji et cela se finissait immanquablement en baston...

- Eh, t'es malade ou quoi ?

- Fous-moi la paix, tu veux ?

Le manieur de sabres se sentait las, étrangement. Ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps, très longtemps même... Mais à cet instant, il n'avait plus trop envie de se démener comme pour chaque chose qu'il voulait obtenir à tout prix. Les efforts avaient certes une récompense, mais s'il fallait à chaque fois refaire les mêmes trucs inutiles pour pas grand-chose, et en fin de compte recommencer le lendemain et ce presque indéfiniment...

- Mais qu'est-ce qui lui prend ? se demanda Sanji en voyant son rival s'éloigner, la mine lasse. Il est malade ?

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Cet imbécile l'avait ignoré de toute la soirée. Sanji fulminait dans son coin de cuisine en préparant les crêpes flambées qu'il servirait en dessert. Non seulement Zoro refusait de réagir à une de ses invectives, mais en plus ce gros balourd puant osait ne pas lui adresser la parole ni même le regarder durant des heures ! Mais pour qui se prenait-il ?

Il mélangea hâtivement les ingrédients de la pâte à crêpe, versa d'un coup une louche de la mixture dans la poële chaude enduite de graisse d'oie et y mit le feu. Ah, il l'ignorait ! Eh bien il allait voir ce qu'il allait lui en coûter !

Ce soir-là, les pirates du Going Merry eurent droit en dessert à une bouillie de grumeaux cramée agrémentée de réponses acerbes du cuisinier lorsque ce pauvre Pipo osa lui demander ce qu'il avait fait avec la nourriture. Sanji se calma néanmoins lorsque Nami, agacée et furieuse par la mine du dessert, l'envoya rouler sur le pont d'un coup de bâton bien placé.

Durant tout ce temps, Zoro n'avait pas bougé. Il se contenta de ramasser un morceau de crêpe immonde alors que tout le monde était occupé à observer les résultats de la colère de Nami sur Sanji et l'engloutit d'une bouchée. Puis il alla se coucher pour récupérer.

Il ne se leva pas avant le lendemain soir, des crampes d'estomac inhumaines lui déchirant le ventre.

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Le même schéma se retrouva à quelques détails près les jours suivants. Sanji ratait de temps à autre un élément du repas, là où auparavant chaque pièce de nourriture était un chef-d'oeuvre de bon goût et de délicatesse. Même Luffy commençait à s'en inquiéter. Chopper avait tenté de l'examiner pour déterminer s'il n'avait pas attrapé un quelconque virus des îles durant l'une de leurs escales, mais le cuisinier affirmait qu'il allait très bien... jusqu'à ce qu'il chasse les intrus de sa cuisine. Il y restait cloîtré plus longtemps, et lorsqu'il sortait c'était pour faire un tour sur le pont en fin d'après-midi, alors que le soleil déclinait à l'horizon. Il rejoignait Zoro qui fixait le ciel, faisait le tour du navire et repartait aussi sec dans son antre, l'air plus furieux qu'à la sortie.

Nami et Robin avaient fini par partager de longs conciliabules secrets. Elles acceptaient quelquefois la présence discrète de Chopper, qui se contentait de hocher la tête à tout ce qu'elles disaient. Et ils en étaient apparemment arrivés à une conclusion.

Ils ne s'en mêleraient pas. Ces deux imbéciles étaient assez grands, s'il n'étaient pas capables de régler leur différend seuls... Eh bien, c'était leur problème, après tout. Nami demanda néanmoins un tête-à-tête secret agrémenté d'arguments chocs avec Sanji (Chopper avait été poliment invité à attendre à la porte la sortie de Sanji, sa trousse de secours à portée de main), à l'issue de laquelle les repas furent moins « créatifs » et reprirent leur bon goût d'antan.

La vie sembla reprendre son cours.

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Sanji et Zoro ne s'étaient plus adressé la parole depuis des mois. Tout le monde l'avait remarqué, et c'était un peu déprimant en fait... En surface, tout était comme avant ; Sanji préparait la nourriture pour l'équipage et draguait ouvertement toutes les jolies filles qui passaient, à commencer par Nami et Robin, et Zoro passait son temps à dormir, manger, s'entraîner et se battre. Mais plus avec Sanji. En fait, on aurait pu dire que pour chacun des deux, l'autre avait disparu.

Lorsque Sanji passait sur le pont ou servait à manger, il ne jetait pas un regard en direction du manieur de sabres. Il ne lui servait même plus sa part ; Zoro devait aller la chercher lui-même avec une assiette et des couverts qu'il allait prendre dans la cuisine. Pourtant, il y avait toujours assez de nourriture préparée pour tout le monde...

Quant à Zoro, il ne faisait pas plus attention à Sanji qu'à un robot ménager chargé des repas. Il allait se servir sans problème ses plats, passait quelquefois en cuisine quand il avait un petit creux pour chercher une cuisse rôtie d'un animal quelconque et repartait aussi sec sans jeter un coup d'oeil à celui qui avait fait cuire la viande. Étrangement, lors de ses visites en quête d'un en-cas, il y avait toujours quelque chose de prêt qu'il pouvait manger tout en continuant à s'entraîner d'une main. Cela avait toujours été le cas et il ne s'en étonnait plus guère ; seulement, Sanji était toujours d'une humeur massacrante après chacune de ses visites et semblait sur le point de jeter un panel de couteaux de cuisine au premier malandrin qui lui adresserait la parole... C'était pour cela que les autres pirates évitaient autant que possible la cuisine, y compris Luffy qui avait bien failli finir au fond de l'océan après que son cuisinier l'y ai balancé dans un accès de courroux... Il avait été sauvé in extremis par Pipo. Luffy avait bien voulu réprimander Sanji (en tout cas, autant que cela soit possible pour lui), mais le regard irrité que le cuistot avait dardé sur lui l'en avait dissuadé.

Et cela dura encore deux semaines...

Un matin, Sanji n'en put plus.

Zoro venait de se lever et de prendre un petit déjeuner traditionnel copieux avec tout ce qu'il aimait d'habitude : du riz, de la soupe miso, du poisson grillé, des oeufs, des algues séchées et divers condiments que Luffy et Pipo fixèrent avec de grands yeux penauds avant de croquer dedans sans vergogne... et de faire la grimace en les recrachant.

- C'est quoi, ce truc, Sanji ? demanda Pipo en se tordant les lèvres. C'est amer !

- Du tsukemono, des condiments spéciaux. J'ai décidé d'éduquer vos papilles gustatives à des goûts différents. Si tu n'aimes pas, ne mange pas !

- Où est passé le pain et la viande ? se lamenta Luffy en pleurant.

- Allons, allons, c'est très sain comme repas ! N'est-ce pas, Robin ? fit Chopper en prenant la jeune femme brune à parti, afin d'essayer d'apaiser ses camarades.

- C'est vrai, acquiesça Robin en souriant, il a été prouvé que ce régime permettait à ceux qui l'adoptaient de vivre plus longtemps.

Pipo tira la langue de dégoût.

- A quoi ça va nous servir ? Nous sommes des pirates ! Plutôt que de chercher à vivre plus longtemps, on devrait manger de quoi être forts et braves ! Comme du bon pain et des gâteaux !

- Bien dit ! approuva Luffy en levant les bras.

- Oh, la ferme, vous deux, intervint alors Nami, et les deux compères se retrouvèrent au tapis. Sanji s'est donné la peine de nous faire ce repas alors vous allez la boucler et le bouffer, c'est bien compris !

Le temps de leur dispute, Zoro avait avalé sa part sans rien dire et s'était même resservi. Il déposa ses baguettes et son bol vide sur la table et se dirigea nonchalamment en direction de l'avant du navire pour commencer ses exercices. Personne ne fit attention à lui... ou presque.

Sanji tenait encore en main la spatule en bois qui avait servi à piocher le riz. Un craquement sonore attira alors l'attention de tous. Le jeune homme blond venait de casser l'ustensile d'un geste nerveux. Il tripota les deux morceaux avec hargne. Tout le monde avait oublié le sujet de la précédente dispute.

Le pont fut vide en un instant. Nami avait attrapé Luffy et s'était réfugiée dans la cale avec Chopper ; Pipo s'était élancé dans un tonneau vide qui sentait encore les anchois et y était resté, tremblotant de peur, tandis que Robin, plus calme, s'était contentée de marcher en direction de la cuisine en rapportant la nourriture en trop. Un silence lourd se fit.

Zoro continua à porter et à agiter les gigantesques haltères accrochées à son sabre.

Un gémissement imperceptible traversa l'air. Sanji jeta au loin les deux bouts de la spatule à présent inutilisable et se dirigea d'un pas lent en direction du bretteur. De longues mèches blondes assombrissaient ses yeux, qu'il gardait obstinément baissés. Zoro ne s'était pas retourné une seule fois, n'avait même pas fait mine de remarquer qu'il ne restait plus qu'eux deux.

- Regarde-moi, murmura doucement le cuisinier, si bas qu'il entendit à peine sa voix.

Zoro arrêta son geste.

- Regarde-moi, fit Sanji, plus fort.

Le manieur de sabres tourna légèrement la tête, comme s'il avait perçu un bruit au loin.

- REGARDE-MOI !

Un sanglot étouffé lui racla la gorge. Non ! Il n'allait quand même pas se mettre à chialer à cause de ce type ? Et puis quoi encore ? Il ne le regardait plus ? Alors il l'obligerait à le faire, il lui ferait tourner la tête de force, il le rouerait de coups de pieds et l'assommerait de coups de poings jusqu'à ce qu'il lève les yeux vers lui, cette vermine entêtée qui ne voulait pas reconnaître son existence !

- Qu'est-ce que tu racontes encore comme connerie ? fit la voix grave de Zoro en le sortant de ses pensées.

- Espèce de...

- Je te regarde, l'interrompit doucement son compagnon.

- Quoi ?

Zoro détourna les yeux.

- Je te regarde, et...

Il observa un silence buté qui énerva davantage Sanji.

- Et quoi ! tonna-t-il, agacé.

- Et quelquefois, je ne vois même que toi. Même mes sabres ont disparu.

Interloqué, Sanji en oublia sa colère. Il fixa bêtement son compagnon de voyage qui avait pris un teint légèrement plus rouge qu'une minute avant... et sourit.

- Pauvre type, fit-il en riant avec dédain, et la brise qui se leva emmêla un instant ses cheveux avec les courtes mèches de Zoro alors qu'il s'approchait de lui pour lui donner un baiser.

A suivre dans le prochain thème...