くも の ふくしゅう

雲 の 復讐

Kumo no Fukushyuu

La vengeance du nuage

Au printemps 1860, les cerisiers de la campagne d'Edo étaient en fleurs. Comme à chaque printemps, aussi doux que le baiser d'une femme, aussi léger que le rire d'un enfant. Les fleurs de cerisiers valsaient contre le sol sans un bruit. Les chats des rues étaient endormis, et enfin les mariages étaient célébrés.

Le jeune homme observait le ciel, d'un bleu éblouissant. Il faisait chaud. La brise était agréable, les senteurs exquises. Il esquissa un bref sourire, les bras croisés. Il serrait quelques pétales de fleurs de cerisier entre ses doigts. Il sentit une présence.

- Zack ?

La jeune femme souriait. Elle portait une robe délicieuse. Aerith avait toujours su se mettre en valeur. Elle était un bijou. Elle s'avança vers le jeune homme, la mine radieuse un peu hésitante.

- Tu es encore en train de rêver, Cloud ?

Le dénommé Cloud hocha la tête positivement.

- J'imagine votre avenir. Et… Il me rend heureux.

- Cloud, tu devrais penser au tiens.

Aerith hocha la tête.

- Un futur aussi beau, et aussi fleuri que le miens !

Cloud ouvrit la paume de sa main droite, la tendit à Aerith. Une petite fleur, intacte était au creux, innocente et sage. Aerith baissa les yeux.

- Tu détestes qu'on coupe les fleurs des arbres, commenta Cloud, mais je suis le seul à être venu les mains vides…

Aerith sourit de nouveau. Elle éclata de rire.

- Cloud, tu es si gentil avec moi. Avec nous. Le plus beau des cadeaux que tu puisses nous offrir, c'est ta simple présence.

Elle saisit la fleur, caressa la joue de son ami.

- Tu as bien raison, souffla une voix.

Aerith se tourna. Vêtu de son kimono habituel, Zack avait les bars croisés. Il avança, de sa démarche volontaire et joyeuse. Il n'avait vraiment pas changé. Lorsqu'il l'aperçut, Cloud eut le souffle court. Il n'avait pas eu l'occasion de lui parler depuis qu'il était arrivé à la cérémonie.

« Tu vois, même Zack le dit ! »

Aerith afficha un air de triomphe, et s'avança vers Zack. Elle posa une main à son torse, leva les yeux vers lui, toucha du bout des doigts son visage et s'éloigna de lui, joueuse.

- Je vous laisse, tous les deux ! J'imagine que nous n'avons plus beaucoup de temps avant que les prêtres arrivent…

Elle disparut au coin de la maison en bois. Cloud ne dit rien. Seul le bruit de la rivière qui s'écoulait en bas parvenait à ses oreilles. Il se retourna dos à Zack.

- Tu as l'air tellement heureux, déclara-t-il.

Zack pencha la tête sur le côté.

- Cloud ?

Il s'avança.

- Tout va bien, ajouta Cloud, tout va très bien. Aerith … Aerith est la meilleure chose qui aurait pu t'arriver.

Cloud esquissa un faible sourire.

- Et toi, tu es la meilleure chose qui aurait pu m'arriver.

Il se retourna.

- Ce kimono te va à ravir !

La voix de Cloud était sincère. Zack sourit franchement.

- Je trouve aussi, s'exclama-t-il.

Zack s'approcha de Cloud. Il le saisit par la taille, et l'attira à lui. Là, dans ses bras, Cloud semblait minuscule. Il ferma les yeux, respira l'odeur du futur jeune marié, et l'imprima dans son esprit. Il sut que c'était une de leurs dernières embrassades. Il serra le tissu de son kimono contre ses joues, caressant son dos, gravant cet instant dans sa mémoire. Il sentait les longs doigts de Zack entre ses mèches blondes, il en frissonnait de bonheur. Il entrouvrit les yeux, redressa la tête. Il la leva vers le sublime visage de cet homme.

Cet homme, qui ne lui appartiendrait jamais.

- Les prêtres sont probablement arrivés, souffla Cloud.

Zack hocha la tête.

- Je t'aime, Cloud.

Cloud ne souriait plus. Il baissa le regard.

- Je sais.

Zack s'éloigna, et Cloud le suivit. Il monta les petites marches, qui menaient à l'intérieur de l'édifice en bois. C'était un temple, épuré mais classique. Il y avait quelques invités, dont la jeune Yuffie, une des filles du maître d'arme du village. Il y avait aussi Vincent, qui l'impressionnait beaucoup, certainement à cause de sa manière de s'habiller. Ses grandes traînes rouges, et sa façon de se battre… On disait qu'il avait été formé à la cour d'Edo, chez les Tokugawa. Cloud lui lança un regard. Il aperçut aussi le jeune Denzel, et la petite Marlene. Ils s'étaient jetés sur lui, et l'enlaçaient en riant.

« Tu nous a manqué Cloud ! »

« Pourquoi tu ne viens pas plus souvent, Cloud ? »

Cloud n'était pas très à l'aise avec les enfants, mais ces gamins-là étaient particulièrement attachants. Il poussa un soupir, caressa leurs cheveux et aperçut les prêtres. C'était bientôt l'heure. Il retint son souffle, et s'apprêta à s'agenouiller comme la coutume l'exigeait.

Zack et Aerith s'avancèrent. Les cordes des instruments. La petite brise qui entrait à l'intérieur. Cloud ferma les yeux.

Il songea aux cerisiers. Combien de fois devront-ils refleurir, avant qu'il connaisse enfin la paix ?

Allait-il guérir de cet amour ?

Zack tenait les mains d'Aerith. Il la regardait intensément. Elle souriait innocemment, un panier de fleurs à leurs pieds. Ils s'aimaient. C'était une évidence. Cloud leva les yeux vers eux. Il ne put s'empêcher de sourire. Ainsi allait-il vivre pour lui, la vie qu'il n'aurait pas. Une larme silencieuse caressait sa joue. C'est à cet instant que Zack tourna la tête à droite, vers les portes du sanctuaire, grandes ouvertes.

Ses yeux.

Cloud entrouvrit les lèvres.

Zack recula, serrant Aerith contre lui. Il protégea son crâne, et elle se blottissait contre lui en étouffant un cri. Zack l'entourait de ses bras puissants. Les invités se levèrent, les uns après les autres. Les cris. Six individus avaient investi les lieux. Vêtus de noirs, d'armure. Des samouraïs. Cloud se précipita vers Zack. Il aperçut le sang s'échapper de sa nuque par flot. Il tendit le bras vers lui. Les coups de sabres étaient multiples.

« ZACK ! »

Il bascula en arrière, le flanc atteint. Il avait senti la lame lui découper la peau. Il se contracta, serrant son abdomen. Il étouffa une plainte de douleur, allongé sur le sol. Les nouveaux arrivants étaient violents. Ils ne parlaient pas. Ils portaient tous un masque, inexpressif et inquiétant. Leurs gestes n'étaient pas hésitants. Ils savaient de toute évidence pourquoi ils étaient venus ici, à cette cérémonie paisible et innocente. Cloud ne comprenait plus. Tout autour de lui devenait si flou. Les odeurs s'évanouissaient. Les couleurs. Les bouquets, et les fleurs aux pieds d'Aerith. Ses yeux étaient fermés, un filet de sang s'échappait de ses lèvres d'un rouge parfait. Lentement, il coulait sur le parquet du temple. Il sentait le mouvement autour de lui. Ses yeux se tournèrent vers la silhouette aux côtés d'Aerith. C'était Yuffie. Ses bras d'enfant lui cachaient le visage. Les samouraïs étaient encore là.

Le souffle le quittait. Etourdi, affaibli. Cloud s'écroula. Tout était mort, désormais. Et lui. Lui aussi, bientôt il allait pouvoir le retrouver.

« Attends-moi, Zack j'arrive dans quelques minutes, moi aussi. »

« Les cerisiers n'auront pas besoin de refleurir un printemps de plus. »

« Je ne passerai plus d'autres printemps. »

« Tu es mon printemps. Eternel et beau. Et la mort seule peut nous réunir maintenant… »

Cloud ferma les yeux, les poings serrés.

Yuku haru ya
Tori naki uo no
Me wa namida

Le printemps s'en est allé.

A l'aurore, le lendemain, le sanctuaire n'avait jamais été aussi calme. Vidé. Vidé de vie.

Le jeune Cloud toussa. Son flanc lui faisait mal, et la plaie n'avait pas été assez profonde pour le tuer. Il avait perdu beaucoup de sang. Mais pas assez pour rester endormi, pour toujours. Cloud resta sur le dos de longues secondes. Il tentait de garder les yeux ouverts, le visage couvert du sang des invités. Il les ferma. Les ouvrait. C'était une torture. Il leva les mains, devant ses yeux. Elles aussi étaient tâchées du sang de ses amis. Il tremblait. Il pleura en silence, sans bouger. Plusieurs heures s'écoulèrent. Et le soleil vint chauffer ses pieds glacés. Cloud se redressa en lenteur. L'odeur de la mort étouffait ses narines. Il regardait autour de lui. Les cadavres étaient innombrables. Il y avait le petit Denzel. Et Marlene. Il reconnut Vincent Valentine.

Il trouva la force de tenir debout, sur ses deux jambes fébriles. Il se tint le ventre, poussant un grognement de douleur. Il le cherchait du regard. Il boita, en évitant les corps. Alors, il le vit.

Son visage était encore expressif. Ses yeux étaient baissés vers Aerith. Il l'avait regardé elle. Cloud tomba à genoux. Le bleu de son regard était extraordinaire. Mais la lueur avait disparu. Elle s'était envolée, et le vent l'avait emporté, elle et les fleurs de cerisiers. Cloud hocha négativement la tête. Il tendit les mains vers son visage.

Il entrouvrit les lèvres.

Il poussa un hurlement.

Ce cri déchirait l'air. Aucune silhouette ne sursauta. Personne. Personne, non. Ils ne dormaient pas.

Ils étaient morts.

Cloud, secoué par le chagrin, l'insupportable peine qu'il ressentait l'étranglait. Pris de sanglots étourdissants, il pleura son amour.

« Pourquoi ne suis-je pas parti ? Suis-je le seul fantôme de cette pièce ? Suis-je le damné de mes propres songes ? »

- Pourquoi ? hurla Cloud en secouant Zack.

« Réveille-toi. »

Nouveaux pleurs.

Lorsque Cloud accomplit l'effort surhumain de tenir sur ses deux jambes, il leva les yeux au ciel.

« Puisqu'aucun témoin vivant ne peut m'entendre, je t'implore, où que tu sois, entité suprême, désireuse de vie, jalouse de la mort. »

Il leva le bras vers le ciel.

« Tu m'as été volé… »

Cloud serra le poing.

« Je te vengerai. Je vengerai chacun d'entre vous. Je prendrai la vie de vos bourreaux, et je saurai serrer leurs cous. Ils mourront en votre nom, et votre gloire sera éternelle. »

- Je les tuerai tous, Zack.

Cloud s'approcha de la sortie. Le soleil était aveuglant. Il se protégea les yeux, brûlés par la souffrance. Il ne pouvait marcher droit. Il ne voyait plus rien. Il allait s'effondrer.

Lorsque Cloud quitta la campagne d'Edo, il prit le chemin opposé qui menait à la capitale. Il voulut s'enfuir. Lorsqu'il finit par tomber de fatigue, de jeunes paysannes vinrent l'aider. Il trouva refuge auprès d'une famille, à Yokohama.

Deux ans s'écoulèrent après le tragique massacre, dans un des nombreux sanctuaires de la campagne d'Edo.

Note de fin de prologue : Voici ma nouvelle création. Pour ceux qui ne sauraient pas, j'ai passé un an à apprendre la langue japonaise, et l'histoire de ce magnifique pays. Le Japon médiéval est une source d'inspiration incroyable. C'est une ère grandiose, poétique, belle et cruelle à la fois. Une parfaite scène pour une fiction différente ! Alors, il est logique que vous vous posez la question « Mais où est donc Sephiroth, puisqu'il s'agit d'une fiction Sephicloud ? », soyez patient. Il y a beaucoup de Zacloud là-dedans aussi, alors j'espère que vous aimez ce couple. Un début très sombre, très triste, pour une fiction qui sera de toute manière placée sous le signe de la vengeance et de la mort. Je préfère prévenir…Quoiqu'il en soit, j'espère que vous me suivrez jusqu'au bout car je suis très motivé par cette histoire… Bien à vous, Hirako Fieldwar.