Chapitre 1
Lutte.
J'hurlai. De toutes mes forces et de tout mon corps. Je ne me souciait guère de la douleur qui cisaillait ma gorge, ni des yeux exorbité de tout les passants. Il fallait qu'ils m'entendent; il fallait qu'il cesse cette folie. Alors j'hurlai, en tentant désespérément de pousser les lugubres spectateurs, témoin de l'immonde spectacle qui se déroulait devant leurs yeux. Devant mes yeux. Je courrai en activant tout mes muscles dans l'espoir de l'atteindre avant l'instant fatidique, mais la marée de personne me ralentissant, ce qui ne m'empêchait pas de cracher tous mes poumons, et de crier de toute ma voix. Et malgré toute ma rage, tout mes efforts, la corde se tendit. Un claquement sec ce fit entendre lorsque la trappe s'ouvrit brusquement sous ses pieds. Ses jambes sursautèrent légèrement; mon frère n'avait pas la chance d'être épargné par la lente agonie de l'asphyxie. Le choc ne lui avait pas brisé la nuque.
De sa bouche ouverte, il tenta de trouver de l'air, bavant, les claquements de sa langue contre son palais émettaient des bruits humides et sinistres d'un homme qui se noie. Et alors que j'hurlai toujours son nom, son regard, plongé dans le vaste ciel bleu, finit par s'éteindre, alors que les miens brillaient de rage et de peine.
Je m'immobilisai, à quelque mètres de l'estrade, j'avais fini par l'atteindre, si proche du but. Ma voix, qui se faisait si forte il y avait quelques seconde à peine, avait disparue, pour ne laisser place qu'à un lourd silence. Je tombai à genoux, j'eus mal, mais, je n'en avait rien à foutre. J'observai son corps balancé par une douce brise, comme si le temps s'était figé. Je ne bougeai plus alors que les larmes commencèrent à couler. Un sanglot de silence, face au corps du seul que j'avais connu. Mon frère, pendu, par des mensonges, et par le désespoir, de nous voir à nouveau démunit de tout. Aujourd'hui, j'étais la seule à avoir été démunie de quelque chose. La chose la plus précieuse qui puisse exister dans mon monde, ma famille. Et j'en avait été privé, pour toujours. Les larmes coulaient toujours, traçant leurs chemins sur mon visage poussiéreux. Et au moment où la foule se dissipa peu à peu, je vis le bourreau du massacre rire; non loin de l'estrade, le sourire aux lèvres , content de voir son trophée ainsi exposé au yeux de tous, accompagné de son maître Templiers, qui lui aussi, prenait plaisir à observer la scène, les yeux luisant au soleil, avide de recommencer à tuer, pour de nouveau retrouver la sensation de puissance qui lui manquait tant, durant les moments de calme.
Tout ces gestes en fut trop pour moi. Je n'avais plus rien, sauf une vie brisée et une maison brûlée. Je me levai doucement et je me faufila discrètement dans la foule, qui frôlai les templiers sur la route quotidienne de la ville. Dans quelques mètres, ce sera moi qui les frôlerai, et, eux, à leurs tour, de tomber dans l'agonie. Je sorti mon poignard de sous ma robe crasseuse, et pria Allah pour toutes les offenses que j'aurai pu commettre, mais que ma vengeance, était nécessaire. C'était d'ailleurs, plus un sacrifice qu'une vengeance, car je savais, au fond de moi, que je n'en ressortirai sûrement pas vivante. Il fallait que quelqu'un le fasse, et toutes les personnes susceptibles d'attaquer pour se venger, ce sera moi.
Je comptais mes pas, plus que 20, 10, 5, et enfin, alors que les passants les rasaient, je bousculai le bourreau. Il se retourna, les yeux emplit de haine, et alors qu'il allait exprimer moult injures à mon égard, le poignard siffla. J'atteignis parfaitement ma cible, et la lame trancha sa gorge. La plaie s'ouvrit largement, laissant paraître cartilages, peau et graisses, et ouvrit la voie au sang, qui surgit de la blessure, teintant tout son cou de rouge poisseux, et imbibant son vêtement noir. Il était en quantité telle, que l'odeur du fer fut perceptible de loin, mais surtout visible. Son corps tombât lourdement au sol, alors que les habitants paniquèrent, et s'enfuirent à toute hâte. Il agonisa comme mon frère et suffoqua, claquant la langue, lui aussi à la recherche d'air dans la douleur. La vue de son corps prit de spasmes me réjouis, et j'esquissa un sourire sadique.
Je ne comptai pas fuir, car je savais bien que c'était inutile, et je voulais m'épargner la peine de me voir mourir comme un chien, après m'être fatiguée à courir des ennemis assoiffés de sang. Des ennemis plus vits, et plus nombreux. Alors je fit face. Face aux deux hommes; le maître Templier, et son acolyte. Le plus grand dégaina son arme. Une immense claymore, qui avait l'air d'avoir vécue, et mal entretenue, à la vue des taches de sang encore présente sur la garde. J'éprouvai du mal à na pas faillir, et je me trouvai ridicule avec mon petit poignard incurvé, qui était à peine plus grand que ma main. L'acolyte derrière dégaina lui aussi son arme, mais contrairement à son maître, il était plus léger, et avait adopté un sabre. Pas une épée droite de chrétien, mais un sabre. Un sabre arabe, richement décoré et terriblement tranchant; sûrement volé à une de ses victimes. L'un était fort, l'autre rapide. Je n'avais, absolument aucune chance. Mais tant pis, autan aller jusqu'au bout.
Je me campai sur mes deux jambes, en équilibre, solidement appuyé, sur un sol qui serai bientôt mon lit de mort. Le templier ne prit même pas la parole, et dans un hurlement de rage, lança sa claymore au-dessus de sa tête et d'un geste lourd mais rapide, l'abattit sur moi. Par chance, et avec grand étonnement, je plongeai et roulai sur le sol, évitant de justesse la lame. Je ne fut pas la seule surprise par ma prouesse, et je profitai de son étonnement pour l'attaquer, et je plantai ma lame dans son épaule droite, dans l'interstice de sa lourde armure. Avec un bras en moins, et surtout le droit, il lui sera impossible de se battre. Il gémit de douleur, et retira mon poignard de sa chair, le sang ruisselant du métal.
« -Toi, tu ne vas pas simplement mourir; tu vas aussi souffrir. »
Ses paroles furent claires, et sonnèrent plutôt comme une promesse que comme de simples mots. Désarmée et seule face à deux monstres, je ne savais plus quoi faire, et mon courage commençait à faillir. D'ailleurs, et je ne m'en aperçu que trop tard; où le second était passé ? Je tournai vivement la tête, et juste à temps pour voir la lame luire au soleil, et s'abattre sur mon dos. Il manqua son coup, et c'était, à la douleur qui affluait de partout, volontaire. Je sentis le liquide chaud se répandre sur toute ma peau, et mon esprit commençait déjà à vagabonder pour rejoindre mon frère. Ma robe poussiéreuse épongea le sang, et se teinta de sa couleur, rouge vif, quant à moi, je me sentait faible et déboussolée. Mais, à ma grande peine, tout cela n'était pas fini. Le Templier me prit par le col de ma robe et me souleva, mes pieds ne touchèrent plus le sol; il me gifla violemment. Sa force était telle que j'ai cru que ma tête allait s'arracher de mon tronc, il marmonna quelques chose comme; « pour que tu reprenne tes esprits. » A mon impression, ça allait être le contraire; un second coup comme le précédent, et il risquait de m'assommer. Pourtant, ça avait l'air de faire son effet, ou était-ce mon poignard qu'il ramassa et son sourire sadique qui me réveillèrent ? Il approcha la petite lame tranchant lentement prés de mon visage, avant de prendre la parole:
« -Ce serai dommage de partir dans l'au-delà avec un si joli visage, lacéré ? Si tu fais ce que je te dis, je veux bien t'épargner la souffrance. »
Ces paroles me dégoûtèrent, et j'ai cru que j'allais lui vomir dessus, ce que j'aurai apprécié. Je me contentai de lui cracher au visage, avec tout ma haine. Cependant, ma gorge était tellement sèche et douloureuse, que j'eus du mal à trouver de la salive; mais c'était le geste qui importait. Et ce geste, le Templier n'avait pas l'air de l'apprécier.
J'allais mourir dans la souffrance. Soit. Le poignard s'approcha de mon visage, et se figea au-dessus de ma tempe gauche. Puis il appuya. Je senti la première goutte couler sur ma joue, puis la seconde, alors qu'il continua de tracer la plaie. La lame glissa sous ses mains expertes, pas suffisamment forte pour que la conscience s'évanouisse, et suffisamment forte pour ressentir pleinement la morsure de la souffrance, et descendit, de la tempe, à la pommette, et de la pommette à la joue jusqu'au menton, puis la retira. La douleur était aveuglante. Je m'imaginai déjà déformé, et immonde, avec un plaie cadrant mon visage. Le sang, encore une fois, coulait tout le long du visage, en abondance, come une cascade, parcourait tout mon visage et mon cou. J'ouvris mon œil droit, le gauche aveuglé par l'hémoglobine, pour voir la lame s'approcher de nouveau de mon visage. Il semblait vouloir continuer, non satisfait de son œuvre. Mais au moment où je senti la fraîcheur du métal sur mes lèvres, le Templier lâcha prise, ma laissant s'écraser au sol avec un bruit mât. Je ne compris pas de suite ce qui se passait, et même avec toute ma volonté, je ne parvenais plus à me relever. Pourtant, du coin de l'œil, j'aperçu la scène.
L'acolyte était au sol, la gorge en sang, mort. Le Templier quant à lui s'était dépêché pour punir le coupable, encore une fois en hurlant de rage; mais son épaule blessée, ne lui permit pas de lancer une offensive correcte, et le meurtrier put aisément parer son coup, avant de lui transpercer à lui aussi, la gorge. L'action fût terriblement rapide, et je ne pus en distinguer que quelques fragments. Un éclair blanc, c'est tout ce que j'avais réellement réussit à analyser. Un vêtement blanc, une capuche. Mais pourquoi m'avoir sauver ? Dans un but héroïque, ou simplement lucratif ? De toute manière, même mes ennemis mort, j'allais maintenant tout simplement me vider de mon sang, dans la poisse. Je le remercia tout de même de m'avoir éviter une torture longue et douloureuse, avant de fermer doucement les yeux et de me laisser emporter par le sommeil.
« -Reste éveillée. Quoi que tu sente, ne ferme pas les yeux. »
La voix me surprit, et je ne put m'empercher d'ouvrir les yeux. L'homme était en contre jour, le soleil rayonnait dans son dos et je ne vis qu'une ombre encapuchonnée, et la lumière me força à refermer les paupières. Dans le noir, je sentis une main sous ma nuque, et l'autre dans le creux de mon dos, puis, l'homme me souleva avec aisance. J'étais ballonné de droite à gauche, et une fois que le meurtrier m'avait enfin bien en main -si je peux dire-il se mit à courir; les remous de son allure me donnèrent la nausée, et sa mains gauche appuyai fortement sur ma plaie, pourtant, je me sentait soulager de cette douleur, que me rendait vivante. A ma plus belle surprise j'étais encore de ce monde; violent et douloureux, et mon instinct de survie heureux d'entrevoir une possibilité de vivre encore un peu.
Il avait prit une allure soutenue, avec 50 kilos dans les bras, pourtant, il ne semblait pas le moins du monde affecté par le fardeau qu'il se trimballait et tourna à de nombreuses reprises, effectuant des détours pour semer ses adversaires, puis il ralentit l'allure. On se retrouva à l'arrêt, dans un endroit sombre et frai; je me permis alors d'ouvrir les yeux, pour voir l'homme en blanc, et le lieu dans lequel il nous avait amené.
C'était une toute petite ruelle sombre et étroite, typique du quartier pauvre de Jérusalem. L'homme quand à lui, était grand, bien fait. Je ne pouvais pas en dire plus sur son allure, car je ne parvenait pas à voir plus qu'un capuchon blanc, qui masquait ses yeux et son visage. Sa peau était mâte, et ses lèvres légèrement rosés. Alors que je l'observais curieusement, il baissa la tête et me regarda à son tour. Je pense, qu'à part une énorme plaie rouge vive et un visage en sang, il ne voyait pas grand chose d'autre de moi.
« -Toujours consciente ? »
Sa voix était grave, et douce à la fois, d'une tonalité étonnante; elle me fit frissonner à telle point qu'elle était profonde, et en guide de réponse je hochai doucement la tête, ce qui le fit repartir au galop. Il longea discrètement les bâtiments, avant de me regarder doucement.
« -Cela risque d'être désagréable, mais c'est nécessaire. »
Avant que je puisse lui poser la question de savoir ce qui allait se passer, il me changea de position, et je le retrouvai sur une de ses épaules, en position « sac à marchandises », ce qui fit tendre mon dos douloureusement, et décolla ma robe de ma peau, ravivant la plaie.
L'homme grimpa un mur aussi agilement qu'un singe, avant de se hisser sur le toit, et alors que je pensai qu'il allait me reprendre dans ses bras, il se jeta dans le vide, s'accrocha au dernier moment à un rebords avant de se laisser tomber dans une pièce, ressemblante à une arrière boutique. Ce fut seulement à ce moment là qu'il me posa délicatement sur des coussins de velours, puis il parti dans une autre pièce, me laissant seule. Je fus alors prise de panique, la panique de se voir abandonné à son triste sort, ou de nouveau égorgée. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Il revint, mais accompagné cette fois ci, d'un second homme, et malgré la même ceinture, il était différent. Une longue tunique noir et l'absence de capuche le différenciait du premier homme; le détail le plus important cependant, fut son absence de bras gauche, ce qui ne l'empêchait pas d'être imposant et donner une impression, lui aussi de puissance. Il était discrètement suivi par un jeune homme voilé.
« – En effet, ce n'est pas très joli tout ça…commença l'homme en noir.
-On peut faire quelque chose Malik ? Cela me hanterai de ne pas avoir réussît à la sauver alors qu'elle à réussi à combattre…
-Tu sais Altaïr, le destin est capricieux…Nous l'avons tous apprit à nos dépens. Mais Hassan va voir ce qu'il peut faire, il est très bon guérisseur.»
Alors le nom de mon sauveur était « Altaïr » ? Il était emprunt de nostalgie et d'une aura mystérieuse, et plus je pensais à son nom, plus ma conscience sombrait; j'avais l'impression que mon corps s'enfonçait dans les coussins, comme pour m'inviter au sommeil. Mais on me secoua, avant de me mettre à plat, sur un sol dur, sur le ventre, un petit tas de drap en guide de repose tête. J'entendis une lame sortir de son fourreau, et mon vêtement fut déchiré; je fus mise à nue, découverte, et la plaie à l'air libre. Altaïr d'approcha de mon oreille, et lorsqu'il chuchota je put sentir son souffle me chatouiller l'oreille:
« -Ça risque d'être douloureux »
Et la douleur fut bien là. Elle me fit sursauter, et je me crispai, serrant les poings et les dents, on me versa un liquide sur tout le dos qui me brûla la chair. J'avais l'impression d'être dépecé vive, et je tentai de me lever, la douleur m'ayant donner la volonté de fuir de nouveau. Mais une main me plaqua au sol avec facilité, alors que moi, je luttais de toutes mes forces restantes. J'haletais, le souffle court, la brûlure finit par passer.
« -La plaie est propre, tu vas pouvoir coudre », expliqua le second homme, Malik.
Et la valse de la torture recommença, de manière plus forte. Je sentais au-delà de la douleur, les doigts frai de mon bourreau, ainsi que le tiraillement irrégulier du fil et de l'aiguille. Je ne perdis pas conscience, à mon plus grand regret, et la danse dura sûrement plusieurs heures. Je suffoquai et transpirai, j'en était trempée, mais la main qui me plaquait au sol s'était retiré depuis un moment, sentant que j'était vidé de toutes forces.
« -A la tête maintenant, je vais voir ce que je peux faire. »La tête…La douleur ailleurs était si forte que j'avais fini par oublier la plaie béante qui parcourait mon visage de jeune femme. On me tourna sur le dos après m'avoir bandé tout le torse, touchant au passage mes seins nus. En temps normal, j'aurai rougis, mais j'était tellement assommé que je ne pouvais plus réagir, cependant, une fois sur le dos, on me couvrit d'un drap, puis, ils penchèrent ma tête sur le coté droit, avant d'osculter ma plaie.
Le même processus s'accomplit, avec plus de soin. Ils prirent gare à ne pas toucher mon œil avec leur potions qui brûlait, et leur aiguille était plus fine, ainsi que le fil, ce qui permit un travail avec plus de précision, pourtant, la douleur était toujours aussi vive, mais moins longue.
Une fois le travail fini, Malik quitta la pièce, suivit par le jeune homme, laissant Altaïr et moi même dans la même pièce. Mes paupières étaient si lourdes qu'elles n'étaient qu'à moitié ouvertes, luttant toujours contre le néant, par peur de voir tout mes efforts réduit à rien.
« -Tu peux dormir à présent, rassure toi. »
Son timbre m'emporta, et je ne pus résister plus longtemps à l'appel des profondeurs.
