_ Tu te lèves déjà ? Tifa sourit doucement et reposa sa tête sur l'oreiller en fermant les yeux. Elle tira la couverture sur ses épaules et se rendormit instantanément. Il éteignit les plaques de cuisson et vint s'installer avec son assiette fumante en face de Barret. Tifa retourna finalement au lit. Elle avait besoin de rêvasser et il lui restait encore une heure avant de devoir réellement se lever. Alors elle s'emmitoufla de nouveau sous la couverture et, toute excitée du signe de la main et surtout du sourire de Cloud, elle se mit à plisser les yeux de contentement en remuant les pieds. Oh, certes, ce n'était qu'un petit sourire de rien du tout, mais venant de lui, c'était déjà beaucoup ! Il ne riait ou souriait quasiment jamais. Seulement avec Barrett et les enfants. Et encore, ce n'étaient que rarement de grands éclats de rire ! Ses lèvres étirées ne cachaient jamais vraiment la tristesse profonde de ses yeux. Tifa l'avait toujours connu comme ça. Un peu moins quand il était enfant et un peu moins également, avant les tragiques évènements…Mais enfin, depuis que tout cela était fini, il s'ouvrait peu à peu. A un rythme très lent, mais peut-être que dans cinq ans, il serait enfin épanoui ! « Et complètement amoureux de moi », ajouta pour elle-même la jolie jeune femme. Déjà, il l'embrassait sur la bouche, la câlinait, choses impensables quelques mois auparavant ! Bien sûr, il le faisait juste quand elle traversait des phases un peu plus difficiles que d'autres, et plus par profonde amitié qu'autre chose, elle ne se leurrait pas à ce sujet, mais c'était déjà énorme. Tous les espoirs étaient permis ! Sorti de Midgard, Cloud arrêta un instant sa moto. L'air était vraiment très froid, ses yeux pleuraient déjà. Il glissa sa main dans une cache entre ses cuisses et en sorti une paire de lunettes épaisses aux verres transparents et aux branches larges et rigides. Une fois celles-ci sur son nez, il jeta un dernier coup d'œil sur sa montre et redémarra en trombe. Rouler, encore et encore et toujours plus vite. Il ne connaissait rien de meilleur, rien de plus jouissif. Le paysage était désert à cette heure là, les marchands ambulants et les voyageurs n'avaient pas encore pris la route. Peu à peu le soleil se leva, éblouissant la nature désolée et blanche de ses rayons tièdes. Au bout d'une heure de route sans s'arrêter, Cloud vit sur sa gauche une autre moto qui fonçait. Il reconnut de suite une autre livreuse, Baria, emmitouflée sous une écharpe énorme qui la recouvrait de la bouche aux avant-bras. Ils se saluèrent d'un signe de tête puis la jeune fille tourna à 90 degrés en un instant. Deux nouvelles heures plus tard, Cloud atteignait Jewelria, ville ou résidaient ses clients. Il ralentit un peu et ôta ses lunettes qu'il rangea tout en continuant de rouler. La porte de la ville était gardée par des hommes armés. Cloud s'en étonna. Les menaces pesant sur la planète étant levées, la grande majorité des villes avaient ôté leurs systèmes de sécurité d'entrée. Alors qu'il était encore à 300 mètres, les gardes lui firent signe de s'arrêter. Ce dernier se mit à rosir instantanément et toute l'assemblée se mit à rire de l'audace du petit garçon.
_ Oui, j'ai une livraison pour 9 heures à 3 heures d'ici.
_ Ok bon courage. N'emmène pas Denzel par contre, c'est trop tôt.
_ Je n'en avais pas l'intention. Rendors-toi !
Cloud, quant à lui, enleva son débardeur qu'il laissa négligemment sur son lit, avant de se diriger vers la salle de bain en baillant et en se frottant les yeux. Là il retira son long short rouge et entra dans la douche. L'eau bien chaude était appréciable en cette période hivernale. Le visage tourné vers le plafond, il soupira d'aise. Il passa de longues minutes sous ce flot réconfortant avant de trouver le courage de fermer le robinet. En sortant de la douche, il vit que les vitres et le miroir étaient complètement embués. « Heureusement que Tifa ne se lève pas en même temps, sinon elle râlerait », pensa t-il en souriant d'un coin de la bouche. Il essuyait de son poing la buée qui recouvrait la glace, lorsqu'il entendit des petits coups sur la porte. Il attrapa une serviette qu'il passa autour de sa taille.
_ Qu'est ce que tu fais déjà debout ?
Derrière la porte, se trouvait Denzel, les yeux encore collés de sommeil avec sa peluche sous le bras.
_ J'ai entendu la douche. Pourquoi tu te lèves si tôt ? Je veux venir avec toi.
_ Non, je t'ai expliqué hier, aujourd'hui c'est pas possible. Il est trop tôt et il fait trop froid dehors. Tu restes avec Tifa et Marlène. Je reviens ce midi !
Le petit garçon eu l'air perplexe mais finit par conclure :
_Ah bin oui j'avais oublié. Je perds la tête moi !
Cloud se mit à rire en lui ébouriffant les cheveux :
_ J'ai bien l'impression ! Allez retourne vite au lit avant que Tifa ne se fâche !
_ Oh elle ne se fâche jamais vraiment !
_ Je sais bien. Elle est bien trop gentille pour ça !
_ Si elle est si gentille, pourquoi vous ne dormez pas dans le même lit ? Denzel avait un sourire coquin sur les lèvres.
Surpris, et gêné, Cloud se redressa et en se grattant le nez expliqua :
_ On dort tous les trois dans la même chambre. Ce n'est pas très bien pour un petit garçon de voir deux adultes dans le même lit, ils peuvent faire des choses…
Il avait pris l'air de celui qui raconte des mystères incroyables.
Cela fit rire Denzel :
_ Haha n'importe quoi !
_ Allez va finir ta nuit, conclut Cloud en lui donnant une petite tape sur les fesses.
Le petit fila en couinant et en riant.
_ Hmm Denzel, qu'est ce que tu fais debout ?
C'était Tifa dont la tête dépassait de sous la couette. Cloud referma rapidement la porte en riant intérieurement.
Après avoir essuyé son corps et essoré ses mèches blondes, il se passa un coup d'eau froide sur le visage et enserra de nouveau sa taille avec la serviette. En sortant de la salle de bain, il enfila les claquettes qui se trouvaient au pied de son lit, attrapa un boxer et se rendit dans le couloir. Là, sur une chaise, se trouvaient tous ses vêtements. Il s'habilla rapidement et descendit à la cuisine ou il se fit un copieux petit déjeuner. En retournant les tranches de lard dans la poêle, il se remémorait l'interrogation de Denzel au sujet de sa relation avec Tifa. Y penser le rendait mal à l'aise mais c'était une question qui lui revenait souvent de lui-même à l'esprit. Tifa était adorable, elle ne le brusquait jamais, ne lui reprochait jamais rien, mais il savait qu'elle attendait plus de lui…Depuis le temps qu'ils se connaissaient, sa gentillesse, sa bravoure, son intelligence, le courage dont elle avait dû faire preuve pour lui révéler ses sentiments…tout ça faisait qu'il se sentait terriblement attaché à elle, mais rien à faire, il n'arrivait pas à passer la vitesse supérieure. Certes, il l'embrassait tendrement et s'endormait même avec elle dans les bras lorsqu'elle semblait en avoir besoin, mais il ne pouvait se décider à aller plus loin…Quelque chose le bloquait.
_ Hey déjà debout ?
C'était barret qui rentrait de sa nuit aux chemins de fer.
_ Ouais, j'ai des colis à livrer chez les Ristanaf. Faut que j'y sois à 9 heures, ils partent à midi en voyage et ils en ont besoin.
_ Les Ristanaf, la famille noble blindée de thunes là ?
_ Tu veux des œufs et du lard ?
_ Oui je veux bien, répondit Barret en finissant de s'installer sur le banc de la table à manger en bois.
_ Ouais, c'est bien eux, continua Cloud. Apparemment c'est important. Ils me payent bien pour ça. J'ai pas envie de déconner, si je peux les avoir comme clients sur du long terme, ça peut faire beaucoup d'argent !
Il fit glisser ses œufs et son lard dans l'assiette à côté de lui et en ajouta de nouveau dans la poêle pour Barret.
_ Tu m'étonnes ! A mon avis si tu prenais ce qu'il y a dans les boîtes que t'as à leur livrer directement, t'aurais déjà beaucoup d'argent !
_ Hahaha Ouais, et j'aurais aussi beaucoup d'ennuis !
Il se retourna en lui tendant l'assiette déjà prête :
_ Tiens prends celle la directement, ce serait bête que ça refroidisse !
_ Merci ! La vaisselle ce sera pour moi.
_ Ok, ça m'arrange !
L'imposant homme aux tresses collées, enfourna un œuf complet dans sa bouche, le coude sur la table et ricana :
_ Mais Tifa fait ça mieux que nous !
Cloud sourit au dessus de la cuisinière.
_ Jte le fais pas dire !
_ Au fait Marlène ne s'est pas réveillée cette nuit ? Demanda soudainement ce dernier.
_ Hmm, je ne crois pas. Cloud aspira une tranche de porc. En tout cas, j'ai rien entendu et tu sais que j'ai le sommeil léger. Pourquoi ?
_ En ce moment, elle fait souvent des sortes de crise d'angoisse le soir. Elle est super enjouée la journée t'as vu, comme elle a toujours été, mais quand la nuit vient, elle est super inquiète.
_ Je ne m'y connais pas très bien, se risqua Cloud, mais il me semble qu'après tous les épisodes qu'on a traversés, c'est normal qu'elle soit apeurée encore. Et puis elle tient tellement à Denzel, il est comme son frère, elle a eu trop peur pour lui.
_ Ouais, tu m'étonnes ! Ce serait le contraire qui aurait été étonnant ! Jte jure la psychologie et moi ça fait 15 ! Hahaha
_ En même temps, en ayant passé des années à massacrer des connards, on n'a pas eu trop le temps de s'y intéresser.
_ Héhé, mais toi t'es pas trop nul en la matière, la preuve !
Cloud sourit doucement avant de boire quelques gorgées de son verre de jus de fruits.
_ Sous tes airs de sauvageon, heureux que quand t'es seul dans ta grotte, t'es un sensible en fait ! Continua Barrett.
_ Ah non, commence pas ! On sait toi et moi comment ça va se finir : tu vas me ressortir que si je suis sensible c'est qu'en vrai je suis une gonzesse parce-que ma gueule j'sais pas quoi…
_Hahahaha ! C'est pas drôle tu me connais par cœur !
_ A force de vivre avec toi, je ne peux pas faire autrement ! Bon allez je file, j'ai les chaînes de la moto à changer avant de partir ! lança t-il, un sourire en coin en se levant de table. Je te laisse t'occuper de mon assiette donc !
_ Ok. N'oublie pas ton cache-nez fillette, il fait un froid de canard dehors !
_ Compte sur moi ! Et toi dors bien. Et essaie de pas réveiller la petite, t'es pas discret quand tu te prépares pour te coucher! C'est peut-être pour ça qu'elle fait des crises d'angoisse ! Héhé.
Barret lui répondit avec un clin d'œil et un claquement de langue tandis qu'il piochait avec sa fourchette, le dernier morceau de viande.
Cloud près des escaliers saisit un bout d'écorce dans un pot, et le mit à la bouche. Il enfila ses bottes à boucles tout en mâchant la tige. C'était toujours la méthode qu'il utilisait pour se laver les dents quand il était pressé. Une fois ses bottes correctement attachées, il prit ses gants, un col à fourrure pour protéger sa gorge et son mi-pull en laine qui s'enfilait par les manches et lui arrivait juste au dessus du niveau du nombril. Une capuche en laine était intégrée pour tenir lieu de bonnet.
Habillé en noir des pieds à la tête, sa silhouette sombre tranchait avec la blancheur de la neige qui recouvrait le sol de la ville depuis plusieurs semaines. Il faisait encore sombre, un ciel d'un bleu-foncé qui précède l'aube. Il se dirigea à l'arrière de la maison pour entrer dans le garage ou demeurait sa légendaire moto. Il remplaça les chaînes des roues qui avaient rouillées et se dirigea ensuite vers la moto de Tifa, récemment acquise, pour vérifier que les bricolages qu'il avait effectués la veille dessus avaient résisté au froid.
En relevant sa manche il vit sur sa montre que c'était déjà l'heure de partir. Il chargea les boites destinées à son client et poussa la moto à l'extérieur. Il referma la porte du garage et releva la tête.
Par la fenêtre de la chambre, il vit Tifa qui le regardait. Elle lui sourit et lui fit un petit signe d'au-revoir. Cloud se sentit mal à l'aise mais lui sourit légèrement à son tour en la sa moto et démarra en trombe dans la nuit, fendue par la lumière des phares de son engin.
Elle se remémora tous les progrès parcourus depuis qu'ils s'étaient retrouvés, il y avait de cela plusieurs années. Son cœur se serra à la pensée d'Aerith lorsque celle-ci avait intégré leur clan… Tifa l'aimait beaucoup mais ne pouvait s'empêcher de ressentir une douleur lorsqu'elle se remémorait cette rencontre. Cette souffrance n'était pas seulement issue du souvenir de la mort de cette pauvre jeune fille hélas, mais aussi de l'emprise que cette dernière avait eu et avait encore indéniablement, sur le cœur de Cloud. Tifa secoua sa tête comme pour chasser ces pensées embrouillées et négatives et se concentra de nouveau sur le bilan qu'elle tirait de l'évolution de sa relation avec son blond tant aimé.
Elle fut soudain sortie de ses songes éveillés par des bruits de petits pas et de frottements. Elle tourna la tête : Denzel était en train de se faufiler dans le lit vide de Cloud.
_ Et bien ! Qu'est ce que tu fais ?
_ Il n'est pas là, alors j'ai bien le droit de dormir dans son lit, ça dérange pas non ? affirma peu sûr de lui le petit garçon
_ Hihi, non ça ne dérange pas, tu peux rester, j'étais juste surprise !
_ Ah super ! J'aime bien être dans son lit pour me reposer, il y a son odeur et j'aime bien son odeur.
Tifa lui sourit tendrement. Elle aussi aimait l'odeur de Cloud. A en humer systématiquement ses pulls avant de les laver.
_ Salut, tu viens pourquoi ?
_ Je suis livreur, j'ai une livraison pour les Ristanaf.
_ Ah ouais, on est au courant. Montre nous ton ordre de livraison.
Cloud sortit un papier de la poche arrière de son pantalon et lui tendit.
_ Tu sais ce que tu transportes ?
_ Des affaires personnelles.
_ T'as regardé de quel genre d'affaires personnelles il s'agit ?
_ Non ça ne me regarde pas. Mon boulot c'est de livrer pas de fouiner.
_ Haha. Ok. Bon enlève ta capuche parce-que on ne voit pas bien ton visage.
Cloud s'exécuta.
_ Oh putain, tu ne serais pas …Cloud Strife ?
_ Si, pourquoi ?
_ Je ne t'avais pas reconnu avec ta capuche ! T'es notre sauveur mec, comment ça se fait que t'es simple livreur maintenant ? A moins que ce soit une couverture héhé…
_ Non, je suis livreur parce-que j'aime rouler.
_ Ok, mais avec ton passif tu pourrais être chef de je ne sais pas quoi et avoir la belle vie !
Cloud sourit tristement.
_ J'ai déjà la belle vie.
_ Ok, ok, répondit le jeune garde qui visiblement avait un peu bu avant de prendre son service. Bon vas-y entre, tu peux passer quand tu veux !
Cloud hocha la tête et tourna la poignée d'accélérateur.
Les gens dans les rues se retournaient sur son passage et lui souriaient. Ils le reconnaissaient. Il était connu dans le monde entier.
« Putain de cheveux » pensa t-il. Et il remit sa capuche sur sa tête.
Quelques minutes plus tard, il arriva devant la propriété des Rastinaf. Un immense portail en fer forgé se dressait devant lui. Derrière, une large allée bordée d'arbres donnait sur un grand bâtiment d'un style qu'il ne connaissait pas, avec des dômes et des pics arrondis. Les arbres en cette saison étaient nus, mais le soleil éclatant faisait scintiller des minéraux multicolores sur leur écorce. Cloud mit sa moto à l'arrêt et se leva pour appuyer sur l'interphone à côté de la grille. Il n'eut pas le temps de le faire qu'un homme assez âgé, tenant un râteau plus grand que lui, plutôt rabougri mais avec un sourire plein de vie, vint au portail :
_ Vous êtes le livreur ? demanda t-il de sa voix faible
_ Oui
_ Vous pouvez me montrer votre ordre de livraison ?
_ Bien sûr. Le jeune homme lui tendit le document
_ Très bien. Attendez, je vous ouvre.
A la force de ses petits bras, le vieil homme lui ouvrit la grille.
_ Vous pouvez entrer avec votre moto.
_Ok
Cloud enfourcha son engin et entra dans le jardin.
_ Voilà, vous pouvez la garer un peu plus loin, près de la maison. Allez-y, vous êtes attendu impatiemment.
_ D'accord merci.
Comme indiqué, il laissa sa moto près de la maison et ouvrit les valises placées de chaque côté de cette dernière. Il en retira trois grosses boîtes rectangulaires et rigides qu'il monta jusqu'en haut des marches du bâtiment. Il sonna et ôta sa capuche.
Un homme, visiblement un majordome vint lui ouvrir :
_ Bonjour ! Que puis- je pour vous ?
_ Bonjour, je viens pour une livraison.
_ Ah oui ! On vous attendait. Entrez, je vous prie.
Cloud prit deux boites sous son bras droit et la troisième sous son bras gauche et entra en tapant ses pieds contre le paillasson pour décrocher la neige de ses bottes.
_ Ce n'est pas grave, on nettoiera après, rassura le majordome en souriant.
Cloud répondit par un léger sourire et fit deux pas en avant. Le domestique sortit de sa poche un détecteur et lui expliqua, que par mesure de sécurité, il lui fallait vérifier que les boîtes ne contenaient rien de dangereux. Cloud répondit qu'il comprenait et laissa le majordome passer le détecteur autour des boîtes qu'il portait. Pendant l'inspection, il regarda autour de lui et fut alors estomaqué par la beauté des lieux. L'entrée dans laquelle il se trouvait était gigantesque. Le plafond devait être à 20 mètres de hauteur et les escaliers en face, larges et immenses, surplombaient un jardin intérieur entièrement vitré avec des plantes exotiques comme il n'en avait jamais vu. Le sol était entièrement en marbre, recouvert de quelques tapis dont les décorations renvoyaient à celles du plafond. C'était un feu d'artifices de couleurs et de calligraphies aux formes rondes et délicates, enivrantes et pleines de lumière.
_ Vous trouvez ça joli ? Une jeune domestique au regard rieur était apparue tandis qu'il avait gardé le nez en l'air, fasciné par le décor.
Surpris dans son émerveillement il hocha la tête.
_ Ca vient d'où tout ça ? J'ai beaucoup voyagé mais je n'ai jamais rien vu de tel !
_ Si je vous le disais, vous ne me croiriez pas, répondit-elle en riant doucement. Venez, ils sont dans le petit salon plus loin.
Cloud lui emboita le pas et traversa avec elle plusieurs pièces toutes plus admirables les unes que les autres. Ses yeux étaient hypnotisés par toutes ces merveilles autour de lui. Des tas de domestiques s'affairaient un peu partout, mais tous avaient l'air détendus et heureux.
Enfin, la jolie servante ouvrit une grande porte en bois vernis et présenta Cloud à ses maîtres. Un foyer gigantesque se consumait au fond de la pièce, qui en guise de « petit salon » devait bien mesurer 80 mètres carrés. Deux hommes étaient en train de jouer à un jeu muni d'une grande planche en bois et de pions, tandis que deux jeunes femmes jouaient avec un petit garçon de l'âge de Denzel probablement, sur un canapé fait d'un tissu d'une finesse extraordinaire. Une vieille femme plus loin, très élégante buvait une tasse de thé dans un fauteuil à bascule. Tous avaient la peau sombre et des yeux très noirs et brillants. Leurs traits fins, leur maintien et leurs parures semblaient les rendre issus d'une famille royale. Ceci intimida Cloud.
Le petit groupe s'arrêta net dans ses activités et accueillit chaleureusement le jeune homme.
_ Bienvenue chez nous ! Vous êtes en avance c'est appréciable !
Cloud ne répondit rien, il ne savait pas quoi dire.
_ Mais avancez je vous prie. Asseyez - vous là et posez les boîtes ici. Vous devez être épuisé avec ce froid. Vous venez de Midgard c'est ça ?
_ Oui, c'est Cloud Strife ! Interrompit l'une des jeunes femmes qui tenait le petit garçon dans ses bras.
Cloud tourna la tête surpris.
_ Oh, c'est vrai ?! Tu en es certaine Reïra ?
_ Oui, je suis Cloud, coupa le jeune homme.
_ Donc, en effet, vous venez de Midgard, je ne me suis pas trompé ! conclut l'homme en lui posant la main sur l'épaule. Mais venez, venez, asseyez vous !
_ Je ne préfère pas, mes vêtements sont humides, je vais tout salir.
_ Cela n'a aucune importance, ce ne sont que des « choses ».
Cloud, leva un sourcil, étonné. C'était la première fois qu'il entendait un riche parler de ses biens, comme de simples futilités sans importance.
Pour ne pas froisser ses clients, il vint donc s'installer sur le canapé à côté des femmes et de l'enfant.
_ Vous voulez boire quelque chose ?
_ Non merci. Vous savez, je ne peux malheureusement pas rester, j'ai les enfants qui m'attendent pour ce midi, je leur ai promis d'être là.
_ Oh, vous avez des enfants ? S'étonna l'une des femmes dont les cheveux rappelaient ceux de Tifa.
_ Euh, non pas vraiment. Il s'agit d'un orphelin qu'une amie et moi recueillons et d'une petite fille qu'un autre ami élève seul. Nous vivons tous ensemble.
_ Oh mais vous êtes comme une famille alors ?
_ Euh…Oui. On peut dire ça.
_ Les dégâts ont été considérables à Midgard, les rues doivent être pleines d'orphelins, pauvres enfants… s'apitoya l'autre homme tandis qu'il versait du thé dans une tasse.
Cloud sentit un petit pincement au cœur.
_ En fait, ils ont tous été adoptés par les survivants. Il y a une grande solidarité qui s'est mise en place à Midgard. La vie est difficile mais ça va.
_Ahhh ça avec l'amour on peut tout ! S'extasia l'un de ses hôtes.
Cloud se sentit gêné tout à coup. La vieille femme un peu plus loin, qui n'avait pas encore parlé depuis que Cloud était arrivé, se mit à ricaner gentiment.
_ Pourquoi tu rigoles grand-mère ? Demanda le petit garçon.
_ Pour rien, Aldebaran, pour rien…
L'enfant se tourna alors vers Cloud :
_ Qu'est ce que tu es beau Cloud !
_ Euuh, merci. C'est gentil. Tu es un très beau petit garçon toi aussi !
_ Oui, mais moi je n'ai pas les yeux comme toi. Pourquoi je n'ai pas les yeux comme la mer comme Cloud, moi maman ? demanda Aldebaran en se tournant vers Reïra.
_ Hahaha. Ton père et moi avons les yeux foncés, comment veux-tu avoir les yeux clairs ?
_ Ah mais si j'étais l'enfant de Cloud, j'aurais les yeux bleus aussi alors ?
_ Probablement, lui répondit sa mère en riant.
_ Oh bin alors je veux être le fils de Cloud !
Tout le monde éclata de rire et la vieille femme remarqua le grand sourire plein d'amour que Cloud adressait sans s'en rendre compte au petit.
_ C'est rare de vous voir vraiment sourire, non ?…lança t-elle.
Il tourna la tête brusquement vers elle, son expression morne habituelle revenue sur son visage :
_ Il parait oui.
Elle lui sourit tendrement et lui dit :
_ Venez m'apporter les boîtes et les ouvrir devant moi, je n'ai pas la force de me lever. Je vais vous payer.
Cloud s'exécuta et s'accroupit devant ses genoux pour lui présenter les boîtes. Elle lui donna une clé qu'elle gardait contre son cœur. Il déverrouilla les trois cadenas et ouvrit une première boite. Elle était pleine de manuscrits dont l'écriture lui rappelait les inscriptions décoratives du hall d'entrée. La Dame pris la boîte et la déposa sur la petite table ronde qui se trouvait juste à côté d'elle.
Le reste de la famille avait repris ses occupations.
Dans la deuxième boîte, des bijoux d'une splendeur exceptionnelle baignaient au milieu de perles sombres et chatoyantes. Cloud ne put cacher sa surprise.
_ Vous devez regretter de nous avoir livrés ces colis maintenant non, Mr Strife ?
_ Non, répondit il. Ce ne sont que des « choses »… Un petit sourire en coin étirait son visage.
En riant elle posa sa main ridée et baguée de rubis sur sa tête blonde.
_ Vous êtes dans le vrai à ce sujet, vous êtes un jeune homme adorable…
Tandis que sa main caressait doucement ses cheveux, son regard fut soudain traversé par une ombre et se fixa dans le vide.
Etonné, Cloud ne dit d'abord rien, puis légèrement inquiet quémanda :
_ Ca va ? Quelque chose ne va pas ?
_ Vous…vous…Quel âge avez-vous mon garçon ?
_ 24 ans. Pourquoi ? Qu'est ce qu'il se passe, vous n'avez pas l'air bien…
Il allait se relever lorsqu'elle appuya sur sa tête pour le maintenir accroupi.
Aldebaran qui était retourné à son puzzle avec sa mère et sa tante, s'écria :
_ Oh Grand-mère a une vision !
Tout le monde leva le nez de ses occupations et constata l'état d'immobilité dans lequel se trouvait la vieille femme.
_ Ne vous inquiétez pas, lança l'un des hommes. Elle n'a rien de grave, il faut attendre qu'elle revienne de sa vision. En espérant que cela ne vous dérange pas de connaitre votre avenir parce-que tout porte à croire qu'elle voit quelque chose vous concernant.
Cloud tourna la tête vers lui, visiblement un peu paniqué. Non, il n'avait pas envie de connaitre son avenir. Les voyantes l'avaient toujours mis super mal à l'aise. Pour une fois que tout allait à peu près bien dans sa vie, il était hors de question qu'il apprenne quelque malheur à venir !
Il se releva donc soudainement mais la vieille femme le saisit par le poignet et avec une force incroyable le remit à ses genoux. Aldebaran et sa tante se mirent à rire.
Elle tira encore un peu plus sur son bras pour approcher son visage du sien.
_ 24 ans vous m'avez dit. Vous avez 24 ans ?
_ Oui…mais si vous voyez quelque chose sur moi, s'il vous plait ne me dites rien.
Elle n'écoutait pas.
_ Je sais pourquoi vos yeux sont si tristes. Pourquoi ils sont tristes tout le temps…L'amour il vous manque l'amour. Vous n'arrivez pas à lui laisser la place. Vous êtes complètement repliés sur vous-même. Vous avez mis des gardes armés jusqu'aux dents devant votre cœur.
_ Mais, je…
_ Votre mère est morte.
Là, Cloud commença vraiment à avoir peur.
_ Elle est morte et beaucoup d'autres personnes que vous aimiez sont mortes aussi...Un jeune homme avec les cheveux noirs…Zacharie quelque chose comme ça….Et quelqu'un d'autre…avec des fleurs…vous l'aimiez aussi, elle est morte également mais vous avez conscience qu'ils sont toujours vivants d'une certaine manière. C'est bien. Cette fille avec les fleurs….
_ Aerith !
_ Oui Aerith…
Ses yeux noirs se mirent à tourner autour de la pièce, comme si elle cherchait quelque chose, appeurée.
_ Aerith…vous faites fausse route avec Aerith.
_ Comment cela ?
_ Vous ne l'aimez pas comme vous vous acharnez à le croire. Vous avez des œillères…
_ Je tiens beaucoup à elle oui c'est vrai.
_ Oui, mais comme à une mère, et vous le savez au fond de vous ! Cloud, comprenez ! Aerith est arrivée au moment ou vous aviez le plus besoin d'une mère, de douceur et de légèreté ! vous l'aimez comme une mère ou une grande soeur et c'est bien comme ça. Arrêtez de vous convaincre que peut-être vous la voyez autrement et que vous êtes perdu dans ce que vous ressentez pour elle. Car vous ne l'êtes pas du tout, n'est ce pas ? C'est juste une protection que vous avez trouvé pour ne pas ouvrir votre cœur dans la vraie vie vivante. Et c'est la culpabilité de n'avoir pu la sauver qui vous empêche d'aller de l'avant, bien qu'elle vous ait dit clairement que vous n'y étiez pour rien. En réalité, vous vous interdisez d'être heureux, par loyauté. Pourtant Elle vous a montré à plusieurs reprises comme elle est heureuse là ou elle est. Pourquoi vous n'arrivez pas à sortir de cette impasse, vous êtes votre propre bourreau, vous vous mettez des œillères ! C'est ce qui ressort, les œillères !
Cloud était perdu. Il baissa les yeux, balayant rapidement du regard le tapis sur lequel il avait un genou posé, réfléchissant à toute vitesse.
_ Vous avez perdu votre mère trop jeune. Vous êtes toujours un petit garçon affectivement. Vous avez trouvé en la fille aux fleurs, une deuxième maman. Mais comme vous ne vouliez pas trahir votre vraie mère, vous vous êtes imaginé que peut-être pour celle-là vous aviez des sentiments amoureux. Pourtant concrètement ça a toujours bloqué de votre côté n'est ce pas ? Elle était prête à vivre quelque chose avec vous, mais vous, vous avez toujours fui au dernier moment. Parce-que vous saviez au fond de vous que vous ne l'aimiez pas comme les hommes aiment les femmes.
Aerith et votre mère, elles sont mortes toutes les deux. Vous avez perdu vos deux mamans et vous n'avez pas eu le temps de vous en séparer convenablement alors vous ne pouvez pas aimer une femme amoureusement. La vie a fait que vous avez loupé des étapes dans votre construction affective. Mais ça va changer bientôt ! Prenez conscience de ça car ça va changer du tout au tout…
Cloud allait pour se redresser une nouvelle fois, lorsque cette fois-ci la vieille femme le saisit par la nuque et amena sa tête au plus près de son visage, front contre front. Elle lui dit en chuchotant :
_ N'ayez pas peur. Bientôt vous connaitrez des joies que vous n'auriez jamais pu imaginer. Le chemin sera toujours semé d'embûches, car il l'est toujours, pour chacun d'entre nous. Mais vous aurez cette brune à vos côtés. Sa simple présence fera de votre vie un feu d'artifices de joies. Ca arrivera très bientôt. Bientôt, vous ne serez que sourires !
Cloud sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine.
Tout à coup, la voyante lâcha son étreinte et son regard redevint normal.
Cloud se recula, le souffle court et se leva.
_ Tenez, voici votre paiement jeune homme. Je sais que vous êtes pressé.
Elle lui tendait la dernière boîte non encore ouverte.
Il souleva le couvercle et découvrit un nouvel amoncellement de bijoux et de pierres précieuses.
_ Mais…Vous devez vous tromper…
_ Non. C'est pour vous, votre famille et surtout votre ville. Avec ça, vous pourrez reconstruire plus rapidement et facilement Midgard.
Cloud était bouche-bée.
_ Je ne peux pas accepter…
_ Vous ne pouvez peut-être pas, mais pourtant vous y êtes bien obligé ! Répondit-elle en riant.
_ Acceptez, confirmèrent les deux hommes. Pour nous, ça ne représente pas grand-chose. Ce sont surtout les manuscrits dont nous avions besoin pour notre voyage. Chez vous, ça représente beaucoup, nous le savons.
Cloud resta un instant silencieux, la boîte dans les bras.
_ Je ne sais pas comment vous remercier…
_ Bientôt ce sera à nous de vous remercier, bien plus que pour des bijoux, expliqua la femme âgée en lançant un regard entendu aux autres.
_ C'est lui ? Demandèrent en cœur Reïra et son mari.
La dame hocha la tête sans rien dire.
L'homme ajouta, visiblement émerveillé :
_ Le hasard n'existe pas.
_ C'est moi quoi ? S'inquiéta Cloud
_ Rien, rien. Concentrez vous sur le ménage à faire dans votre cœur c'est tout, répondit la grand-mère tandis qu'elle se levait péniblement en s'aidant de sa canne, parce-que bientôt la passion va l'envahir comme un ouragan et vous ne vous reconnaitrez plus vous même. HAHA. Venez, je vous ramène à la porte. Il ne faudrait pas faire attendre Denzel n'est ce pas…dit elle avec un sourire coquin et un clin d'œil.
Denzel ? Comment connaissait-elle son prénom ? Cloud était à la fois fasciné et terrifié. Elle semblait tout savoir de lui, c'était terriblement insécurisant. Et puis le fait qu'elle parle de choses aussi personnelles et impudiques que l'amour, le rendait mal à l'aise devant les autres.
Il salua tout le monde en les remerciant une nouvelle fois, et quitta la pièce, suivi par la vieille femme, sous les regards et sourires bienveillants de ses hôtes.
Lorsqu'ils arrivèrent dans le hall immense et que le Majordome ouvrit la large porte d'entrée, la grand-mère posa sa main sur l'épaule de Cloud et lui dit :
_ Nous nous reverrons. Ailleurs …mais nous nous reverrons et ce sera une grande joie pour nous, de vous revoir. C'est un honneur de vous avoir rencontré Cloud. Rentrez bien, en espérant que les gardes ne vous embêteront pas !
_ Pourquoi avez-vous ces gardes à l'entrée de votre ville ?
_ Le maire, qui est aussi riche que nous, est paranoïaque, il a toujours peur qu'on vienne l'agresser pour lui voler ses biens. Ainsi il gâte ses concitoyens afin qu'ils ne soient ni frustrés, ni agressifs, mais il ne peut rien contre les gens des villes plus pauvres alentours. Il est amusant.
_ Très bien, je comprends mieux maintenant. Je vais y aller. Je vous remercie encore pour tout. Faites un bon voyage. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler. Mon numéro de téléphone figure sur la facture. D'autres Midgardiens se feront un plaisir de venir vous aider en cas de besoin, au vu du cadeau que vous nous avez offert.
_ Je vous en prie.
Cloud quitta la maison, la boîte pleine de bijoux contre la poitrine et des questions plein la tête. Il venait de réaliser la livraison la plus surréaliste de sa vie.
