Chapitre 1.


La main qui enserrait sa mâchoire lui faisait mal. Tout lui faisait mal. De ses muscles endoloris aux ongles de Salazar plantés dans sa peau, Godric n'en pouvait plus. Il se sentait oppressé dans cette étreinte poussée à l'extrême, sa respiration était sifflante, ses dents serrées, et il avait l'impression que son cou allait céder tant l'homme contre lui le forçait à tourner la tête. La position était inconfortable, les mouvements brutaux et le regard de Salazar glacial. Mais Godric supportait tout ça. Le blond savourait ces quelques minutes durant lesquelles toute l'attention du serpent était focalisée sur lui, et uniquement sur lui.

Il s'autorisa à fermer les yeux quelques instants, mais fût rappelé à l'ordre par un sifflement tout sauf humain qui s'échappait de la gorge de son amant. Godric lui répondit par un grognement étranglé mais consentit tout de même à plonger de nouveau son regard dans le sien. Il savait que c'était la seule chose qui parvenait à rendre fou Salazar : lui faire l'amour alors qu'il est totalement soumis à ses moindres faits et gestes, ses plus infimes désirs. Et il s'y pliait, au-delà de tous ses principes et même au-delà de sa fierté, qu'il avait autrefois si ardemment défendu. Le lion oubliait tout ce à quoi il avait toujours aspiré, simplement pour pouvoir accéder à ce qu'il voulait. Et il allait l'avoir.

Enfin, le moment vînt. Le corps du brun se pressa contre le sien, dans son dos, et il s'immobilisa en poussant un râle si particulier qui avait toujours fait frissonner Godric, alors qu'il se laissait aller dans un orgasme libérateur. Celui-ci ne le quittait pas des yeux.

Il observait avec une attention toute particulière le visage de l'homme qu'il aimait depuis plus de quinze ans. Il avait passé plus de temps à vivre en aimant Salazar Serpentard que sans. Et en échange de tout cet amour, cette dévotion dissimulée derrière les railleries, il avait parfois sa récompense, comme maintenant. Les yeux émeraude du serpent se rouvrirent avec une lenteur exaspérante. Godric avait besoin de saisir ce regard. Maintenant.

Finalement, tout explosa.

Un.

Godric sentait une chaleur incomparable le saisir alors que Salazar le regardait de cette manière, ses lèvres entrouvertes dans une expression d'extase et tout le visage serein, épuisé d'être trop froid. Toute la pièce sembla alors trop étroite pour contenir cet instant.

Deux.

Le rouge et le vert se confondaient, s'entrechoquaient, se fondaient l'un dans l'autre. Le blanc et le noir, la lumière et l'obscurité ne formant plus qu'un dans l'infime espace qui séparait leurs peaux. Tout était parfait, absolument parfait, mais le blond ne put empêcher le sinistre décompte de se dérouler quelque part dans son esprit. Il avait six secondes. Six précieuses secondes.

Trois.

Il se retourna avec rapidité malgré son corps affaibli et meurtri. Une main se déposa sur la mâchoire du brun, puis l'autre.

Quatre.

Gryffondor contempla le visage de son meilleur ennemi, sa respiration s'accélérant, et il puisa toute son énergie dans le regard un peu perdu que lui lançait Serpentard.

Cinq.

Salazar se pencha comme pour joindre ses lèvres à celles de Godric. Ce dernier en avait terriblement envie, tout son être ne demandait que ça. Mais il savait que c'était trop tard, trop de temps s'était déjà écoulé.

Six.

Godric se redressa pour l'encourager dans son entreprise mais il fût arrêté brutalement par une main ferme plaquée contre son torse. C'était fini. Le serpent avait pris le temps qu'il lui fallait pour recouvrer ses esprits. Son visage semblait de nouveau de marbre et un voile de froideur couvrait désormais son regard.

Le blond ne bougea pas lorsque son amant se détacha de lui, ne fît aucune remarque quand il remit ses vêtements, et n'eut même pas un regard pour lui alors qu'il quittait la chambre. Il était exaspéré de constater qu'une fois encore, tout était parfaitement en ordre pour Salazar. Même pour le sexe, il était réglé comme une horloge. Au moins, Godric savait parfaitement à quoi tenait son propre bonheur.

Et il ferait n'importe quoi pour ces six secondes de lâcher-prise que le serpent pouvait lui accorder.