Eymris, le protecteur de Camelot

Arthur n'était pas un idiot, contrairement à ce que son serviteur pensait. Il pouvait parfois être aveugle, mais lorsque cela concernait tout Camelot, il était incroyablement perceptif. Souvent, il aimait réfléchir aux différentes et difficiles confrontations auxquelles il avait fait face depuis les dernières années. Et il en venait alors à la conclusion suivante: les menaces qu'il affrontait depuis des années se trouvaient amoindries et détruites sans qu'il y soit pour quelque chose. Autrement dit, quelqu'un réglait ses problèmes pour lui.

Lorsque le Roi avait comprit cela, il s'était senti inutile. Depuis quand? Se demandait-il. Depuis quand m'aide-t-on et depuis quand suis-je devenu inutile pour mon propre royaume? Sa fierté en avait pris un coup. Puis, alors qu'il y repensa quelques mois plus tard, il réalisa finalement que tant que son peuple était protégé, la personne qui le sauvait n'avait pas d'importance. Et il fut alors reconnaissant à cet inconnu qui l'aidait, tout en se demandant en quoi il lui était supérieur pour avoir ainsi régler des problèmes avec lesquels il avait eu du mal.

Plus les dangers étaient vaincus, plus il cherchait autour de lui des signes qui lui indiquerait l'intervention de cet inconnu. Et alors, il vit. Une branche d'un arbre qui se casse juste sur la tête d'un de ses opposant, un coup de vent qui dévie l'attaque d'un autre, il se rendit vite compte de plusieurs choses: un, l'inconnu le protégeait lui en priorité; deux, il y avait déjà eu des branches d'arbre tombant sur ses ennemis par le passé, ce qui signifiait que le mystérieux inconnu était auprès de lui depuis au moins six ans; trois, ces évènements étaient provoqués par magie, ce qui d'après ce qu'aurait dit son père, ne correspondait absolument pas avec le point un car la magie est démoniaque.

Plus cet inconnu sauvait le peuple et plus Arthur se mettait à douter des principes de son père. Il devenait donc dans la lune, hagard, et passait son temps à réfléchir quoi qu'il fasse, et ce même pendant une partie de chasse, ce qui attira immédiatement l'attention du jeune Merlin, son serviteur, qui se demandait pourquoi le Roi avait déboulé dans la clairière, faisant s'enfuir le sanglier qu'ils traquaient. Pas que cela gênait Merlin, non, il détestait la chasse. Cependant le Roi était supposé adorer ça.

-Sire, demanda le serviteur alors que l'animal détalait, y a-t-il quelque chose dont vous auriez besoin de parler ?

Arthur releva les yeux pour croiser ceux de Merlin et approuva après un instant d'hésitation. Après tout, Merlin était plutôt de bons conseils.

-En fait, il y a quelques temps, j'ai réalisé quelque chose. Quelqu'un m'aide, confia-t-il.

-Quelqu'un vous aide ? Répéta le brun confus.

-Depuis des années semble-t-il, quelqu'un m'aide à régler les problèmes qui tombent sur Camelot. J'en suis sûr, ce n'est pas moi qui vainc les menaces à chaque fois. Et celui qui le fait, possède la magie.

-La magie ? S'étrangla Merlin.

-Oui, la magie. Tu dois comprendre la question que je me pose alors : est-elle obligatoirement démoniaque comme le pensait mon père ou est-elle juste incomprise pour ceux qui ne l'ont pas ?

Merlin, les yeux écarquillés, regardait son Roi, ne sachant plus que penser. Après la mort du Roi Uther, il semblait que c'en était fini de la vision positive de la magie d'Arthur. Merlin ne s'était pas douté une seule seconde qu'Arthur était revenu sur cette idée.

-Toi, qu'en penses-tu Merlin ? Au sujet de la magie.

Merlin hésita. Devait-il lui parler de tout ce qu'il avait vécu ? Finalement, il opta pour une explication très subjective.

-Je pense que… La magie n'est ni foncièrement mauvaise, ni foncièrement bonne. Peut-être qu'au final, cela dépend de la personne qui la possède et que, comme une épée, elle sert à protéger autant qu'à prendre des vies… Cela n'est rien d'autre que mon avis, évidemment.

-Pourtant, ton avis semble… Juste. Alors d'après toi, la magie ne corrompt pas ?

-Je n'ai pas dit ça. Tout pouvoir, qu'il soit magique ou politique, peut corrompre. Mais tout le monde n'y cède pas. Prenons-vous comme exemple, vous êtes Roi, vous avez donc un pouvoir politique énorme. Pourtant, vous êtes à l'écoute de votre peuple, de vos sujets, ce qui veut dire que vous n'avez pas été corrompu par lui. Peut-être est-ce tout simplement la même chose en ce qui concerne la magie ?

Merlin croisa le regard étonné d'Arthur et baissa les yeux en se taisant. Un sourire s'étira sur les lèvres du Roi alors qu'il disait :

-Je ne savais pas que tu avais une telle capacité de réflexion.

Cela sonnait comme l'une de leurs piques habituelles, mais le Roi était sincèrement agréablement surpris.

-Tu penses donc que mon père avait tort depuis le début ?

-Et bien, vous ne pouvez pas me dire qu'il a eu raison. Souvenez-vous, les gens ayant été condamnés, vous semblaient-ils démoniaques ?

Arthur chercha dans ses souvenirs un quelconque moment qui indiquerait une nature démoniaque chez les condamnés. Et il n'en trouva pas.

-En plus, continua Merlin, la plupart d'entre eux étaient probablement innocents. Il suffirait d'accuser son voisin de sorcellerie pour se débarrasser de lui, c'est bien trop pratique. Gwen aussi était innocente. Elle a eu de la chance que nous nous en rendions compte.

Arthur observait Merlin alors qu'il lui expliquait sa vision des choses. Il ne pouvait s'empêcher de penser que ce qu'il racontait avait du sens et il regrettait de ne jamais l'écouter, il était apparemment payant de prêter attention aux paroles de son serviteur.

-Au sujet de Gwen, je me suis toujours demandé, si elle n'était pas sorcière, pourquoi donc y avait-il cet onguent sous l'oreiller de Tom.

Merlin fit mine de réfléchir, en réalité il paniquait. Il ne devait pas attirer l'attention de son Roi sur lui.

-Peut-être ce… Protecteur voulait-il tester sa magie sur la malédiction, tenta-t-il. Afin de soigner aussi les autres.

Arthur médita sur ces paroles.

-C'est intelligent de ta part. Tu as peut-être raison. Après tout, n'importe qui aurait pu rentrer dans sa maison pour le placer sous son oreiller. Mais il aurait dû se douter que nous nous interrogerions sur sa soudaine guérison, il n'est pas très intelligent.

Merlin grommela mais ne contredit pas son Roi.

-Merlin, à partir de maintenant je voudrais que tu recherches ce sorcier qui nous protège. Que tu gardes l'œil et que tu me préviennes si tu apprends quelque chose. Tu penses que tu peux le faire ?

Merlin s'empêcha d'éclater de rire, il garda son sérieux et affirma à son Roi qu'il garderait l'œil.

-Peut-être devrions-nous retourner à Camelot maintenant, Sire ?

-Non, tu ne m'auras pas. Continuons la chasse, reprit Arthur alors que Merlin soupirait de désespoir.