La disparition
Lorsque le froid s'installait à Poudlard, les enfants le ressentaient jusqu'au plus profond de leurs êtres. Ce n'était pas seulement la neige et la glace qui se formaient sur les fenêtres et dans le parc, c'était aussi l'humidité dont était pétri tout le château. Parfois, on pouvait voir Rusard armé d'un vieux balai aux poils en broussaille tenter de chasser ici et là des mousses et autres champignons qui poussaient dans les recoins les plus humides. Certains élèves en riaient, d'autres le plaignaient de ne pas pouvoir se servir de la magie. Ces derniers étaient cependant plus rares que les premiers, quiconque ayant été au moins une fois en retenue avec le concierge cessait immédiatement d'avoir de la sympathie à son égard.
La journée de cours avait été longue et harassante pour les élèves de sixième année. Avec l'approche des vacances de Noël, les professeurs semblaient enclins à multiplier les devoirs et les sujets de dissertation se multipliaient comme les guirlandes dans un sapin de Noël.
A l'image de ses compagnons de dortoir, Remus jeta son sac de cours au pied de son lit. Celui-ci était si lourd que sa colonne vertébrale protestait encore alors même qu'elle en était délestée. Il s'étira en grognant. Les vacances étaient prévues pour la fin de la semaine et il avait tout particulièrement hâte de rentrer chez ses parents. Evidemment, il n'y avait jamais eu un seul lieu sur Terre où il s'était senti mieux qu'à Poudlard mais il appréciait encore la compagnie de son père et de sa mère et même si les choses étaient devenues un peu plus difficiles entre eux depuis ce qu'ils appelaient « son accident », il affectionnait de rentrer chez lui, retrouver sa chambre d'enfant telle qu'il l'avait façonnée et passer de longues soirées à discuter magie avec sa mère. En tant que moldue, elle ne se lassait jamais de ses récits sur Poudlard.
« Je crois que McGonagall n'a pas conscience de la quantité de devoirs qu'elle nous impose, soupira Peter en s'asseyant sur le bord de son lit pour retirer ses chaussures. Elle nous a donné quatre-vingt centimètres de parchemin à écrire sur la différence de métamorphose d'une tasse de thé en porcelaine et d'une tasse de thé en verre. Mais franchement qu'est-ce qu'on s'en fiche ? »
Remus était assez d'accord avec lui, d'autant qu'il ne voyait pas pourquoi il devrait, dans sa vie d'adulte, transformer ses services à thé en rats. A moins de vouloir faire une mauvaise blague au cours d'un quelconque dîner, il ne se voyait pas courir après les rongeurs à l'heure du goûter. L'ennui était que les professeurs ne voulaient jamais rien entendre quant à l'utilité ou non de leurs leçons et puis il fallait avouer que les cours de métamorphose étaient plutôt intéressants dans la mesure où ils pratiquaient la magie et qu'il leur arrivait parfois de pouvoir discuter un peu. Parfois. Lorsque le professeur McGonagall ne les avait pas à l'œil, ce qui était plutôt chose rare.
« C'est de la torture consciente, grogna Sirius en retour.
_ Ah oui ? répondit James en fouillant dans sa malle. Parce qu'il y a de la torture inconsciente peut-être ?
_ Mais parfaitement Cornedrue. Par exemple, quand tu essayes de faire des blagues qui ne sont pas drôles, tu tortures inconsciemment tout le monde autour de toi. »
James se renfrogna tandis que ses amis éclataient de rire.
« Je ne suis pas tellement sûr que ce soit inconscient, dit Remus en se laissant tomber sur son lit. A mon avis, il est plutôt très doué pour taper sur les nerfs des gens. Demande donc à Lily. »
Sur ce point, personne ne pouvait évidemment nier. Il était de notoriété publique que James et Lily s'entendaient comme chien et chat. Il fallait cependant noter que le chien en question était amoureux du chat et que Remus que Lily considérait comme son meilleur ami devait bien être le seul à savoir qu'elle n'en était pas du tout indifférente. Pourquoi ne disait-il rien ? Eh bien tout simplement parce qu'il ne voulait pas que James la considère comme acquise et qu'il valait mieux qu'il la séduise plutôt qu'il se pavane. Et puis c'était tellement amusant de le voir se dépatouiller avec des tentatives toutes plus tordues les unes que les autres.
« Quand vous aurez fini de déblatérer sur mon dos, vous me filerez la Carte. Quelqu'un est partant pour une expédition aux cuisines ? J'y suis allé hier soir et ils avaient un pudding à se rouler par terre. J'espère qu'ils en ont encore.
_ Tu n'as même pas pensé à nous, le gronda Peter. Tu aurais pu en ramener. »
James haussa les épaules sans la moindre once de culpabilité dans le regard.
« Il était tard et vous dormiez tous. Vous ronfliez si fort que j'aurais pu vous hurler dans les oreilles sans que vous ne m'entendiez. Bon, la Carte, qui l'a ? »
Une vague de silence lui répondit.
« Allez les gars, on va pas y passer la soirée. Sirius je suis sûr que tu l'as dans ta table de nuit. »
Mais Sirius secoua la tête.
« Je n'ai pas utilisé la carte depuis une éternité.
_ Donne-la moi !
_ Je le ferais volontiers… si je l'avais eue !
_ Donne-moi la carte ! »
Sirius soupira, se leva, ouvrit le tiroir de sa table de nuit. Celui-ci contenait un paquet de mouchoirs entamé, un reste de chocogrenouille grignotée depuis une éternité et une boîte vide et écrasée de dragées surprises de Bertie Crochu. Il n'y avait pas la moindre trace de la carte du Maraudeur.
« Voilà, content ? Je n'ai pas la carte, demande à Peter, je crois qu'il l'a utilisée pour trouver les toilettes ce matin.
_ C'est faux ! »
Evidemment, les toilettes se trouvaient dans la salle de bain attenante au dortoir. Mais Peter avait un sens de l'orientation tellement sous-développé qu'au bout de six ans passés dans le château, il arrivait encore à se perdre dans les couloirs et à découvrir des ailes et salles où il n'avait encore jamais mis les pieds.
James se tourna vers Remus.
« Tu l'as ?
_ Non, je ne la garde jamais sur moi. »
Remus avait toujours eu trop peur de se la faire confisquer. Si jamais Rusard mettait la main dessus avant qu'ils ne puissent en effacer le contenu alors ils seraient tous immédiatement renvoyés de l'école.
James prit un air dépité.
« Vous me faites une blague là non ?
_ Regarde dans ta malle.
_ J'ai regardé trois fois.
_ Dans ta table de nuit alors ?
_ Non ce n'est pas possible, le tiroir ne s'ouvre plus. »
La faute en revenait à Sirius, évidemment, qui avait voulu tester un sort de glu. Il n'avait rien trouvé de mieux pour s'entraîner que la table de nuit de James. Le silence tomba entre les quatre garçons.
« Elle doit bien être quelque part… dit James d'une voix pitoyable dans laquelle perçait plus qu'une pointe d'inquiétude. Est-ce que… tout le monde fouille ses affaires ! »
Sirius, Remus et Peter échangèrent un regard chargé de lassitude mais si la carte avait bel et bien disparu alors ils étaient tous les quatre dans une position très inconfortable. Elle ne pouvait certainement pas avoir quitté le dortoir sans eux aussi se dépêchèrent-ils tous de retourner malles, tables de nuit et même taies d'oreillers. Mais au bout de plusieurs longues minutes de fouille, ils furent forcés d'admettre que la carte du Maraudeur avait bel et bien disparu.
Remus se passa une main sur le menton.
« Je crois qu'il faut se rendre à l'évidence. On nous a volé la carte. »
Et à cet instant précis, il sut qu'il allait employé le reste de son temps jusqu'aux vacances scolaires à la retrouver.
