Chapitre 1 : Two months

- Tu comptes passer ta journée ici ? Lança abruptement la grand-mère. Au moins ils ont l'air climatisée...

-Shhshh ! Laissez-moi tranquille, répliqua Mélinda entre ses dents.

Le commis qui replaçait les rinces bouches en ordre de couleurs la dévisagea un instant d'un air idiot, derrière ses lunettes en fonds de bouteilles. Elle lui souria en planta ses mains dans son manteau et en haussant les épaules.

-Tu sais, dans mon temps, on avait pas besoin de ce genre de pacotilles. On le savait. C'était un truc de femme ça, oh oui, crois-moi.

-Vous avez besoin de renseignements ?

Une pharmacienne afro-américaine s'était avancée dans l'allée.

-Je... heu... débuta timidement Mélinda, nerveuse.

-Vous cherchez un test de grossesse ?

Elle hocha de la tête en soupirant.

-Vous êtes en retard de combien de semaines ?

-De deux mois... murmura la brunette.

Flashback

-Deux mois !?

Délia sourit en posant sa tasse de thé, pensive.

-Tu sais, poursuivit-elle, c'est bizarre, ça me rappelle un peu quand j'ai eu mon Ned. Quand j'avais ton âge, je sautais souvent des cycles, ou du moins, je croyais que j'en sautais, mais en fait, j'ai appris plus tard par un médecin qu'il était probable que j'aie fait des fausses couches à répétition sans jamais en avoir conscience. On essayait tellement d'avoir un enfant, et étrangement, c'est quand on a fait notre deuil que c'est arrivé, termina sa collègue d'un soupire empli de nostalgie.

Mélinda ne disait rien, regardant l'eau colorée qui fumait sur la table.

-Mais toi, bien sûr, ce n'est probablement pas ce dont il s'agit, rien d'alarmant ! reprit Délia pour briser le silence. Il faut encore être deux pour faire des enfants, lança-t-elle en riant. Attends, je crois que j'ai encore la carte d'un bon médecin généraliste, tu devrais probablement consulter...

La brunette leva les yeux, coupable, et Délia ne croisa son regard qu'en relevant la tête après avoir déniché un petit carton blanc de son sac à main. Les deux femmes se contemplèrent dans un silence total et la plus vieille écarquilla les yeux, lisant enfin entre les lignes.

-Tu plaisantes !? S'écria Délia en s'étouffant avec son thé. Avec qui !?

Fin du flash-back

-Ah bon ? Ça vous arrive souvent de passer des cycles... ou... ?

-Non, je suis très régulière. Une vraie horloge... C'est juste que ces derniers temps, j'ai eu beaucoup en tête et...

Elle fut coupée par l'exclamation de la grand-mère.

-Je suis certaine que ses parents ne sont pas au courant de ce tatouage ! L'art du diable ! Et ces couleurs... c'est si vulgaire !

Mélinda faisait de son mieux pour ignorer la vieille femme et rester concentrer sur la serviable jeune fille en face d'elle. La femme glissa plus loin, regardant maintenant attentivement des produits pour les cheveux en solde.

-Et... ? Poursuivit la pharmacienne intriguée en levant un sourcil.

-Oh oui, et j'ai complètement oublié de compter mes semaines et... voilà, Mélinda roula des yeux en riant un peu jaune, je me demande si...

-Dans ce cas, la marque maison fera l'affaire. Les tests sont sûrs à 99.9 , fit la jeune fille en souriant poliement.

-C'est de l'argent jeté par les fenêtres !! Puisque je te dis que tu l'es, s'exclama fortement la femme qui, en se retournant, laissa paraître une fourche plantée dans son dos au milieu d'un tissu taché de sang séché. Mais si tu souhaites ne plus l'être, je peux arranger ça.

Le fantôme apparu à côté d'elle, tendant une main osseusse orientée vers le ventre de Mélinda.

Cette dernière bondit brusquement, visiblement en colère.

-NE ME TOUCHEZ PAS, VOUS ! Cria-t-elle en pointant la vieille femme qui faisait la moue derrière la pharmacienne.

-Mais je n'ai rien fait ! Protesta la jeune fille.

-Non pas vous !! répliqua Mélinda sèchement. Donnez-moi ce fichu test, à la fin !

La pharmacienne, la bouche grande ouverte, lui tendit une boîte en carton rose délavée.

-Merci !!

Ses talons claquèrent jusqu'à la caisse, qui, après avoir produit un petit 'kaching' bien typique à la transaction moyenne, fut enterrée par le tintement strident de la cloche fixée à la porte du magasin.

Une fois la portière bien refermée, la ceinture bien bouclée, Mélinda embraya sa camionnette rouge et fonça tout droit à la maison. Rien n'avait bien changé, quelques pots de fleurs avaient été ajoutés à l'avant et une fenêtre du salon avait été temporairement réparée à l'aide d'un ruban électrique ringard. Les clés avaient été lancées contre la table dans l'entrée, les bottes laissées pour mortes sur deux marches différentes de l'escalier à paliers.

La jeune antiquaire ne quittait pas des yeux le bout de papier inoffensif qui se faisait maintenant lire avec ardeur.

-Je crois que tu dois uriner dessus, mon enfant.

-Vous êtes encore là !? S'écria Mélinda un peu trop à bout de nerfs. Est-il possible d'avoir un peu d'intimité dans ma propre maison, s'il vous plaît !?

-Bon, bon... Si une vieille femme ne peux plus parler... grogna-t-elle en glissa pour quitter la pièce.

Les pantalons touchaient maintenant le sol et ses chevilles. Mélinda glissa le test au creux du bol de toilette et après quelques secondes de soulagement, le laissa mariner sur le comptoir.

-Tu devrais peut-être mettre un papier en dessous. Ce n'est pas très hygiénique de le laisser comme ça...

-Voulez-vous bien me laisser faire les choses à ma manière !? Je crois qu'ici, ce qui n'est pas hygiénique, c'est d'avoir une fouche plantée dans le dos depuis 1945. Alors si vous voulez bien vous rendre utile, dites-moi quel est le temps d'attente !! ordonna la médium d'un ton qui fit reculer le fantôme.

-Respecte tes aînés, jeune femme ! (après avoir marqué une pause, elle enchaîna sur un ton un peu coupable) J'ai vu que c'était 5 minutes, lorsque je lisais par-dessus ton épaule... le bleu est pour le positif et le rouge pour le négatif.

Mélinda tournait en rond dans la salle de bain à l'étage quand une sonnerie électronique s'échappa de son sac à main.

-Salut Mel !! C'est Ned !! dit une voix d'homme au bout du fil.

-Oh Ned... tu tombes un peu m...

-Dis, est-ce que tu crois que c'est important d'acheter une carte ? la coupa-t-il rapidement. J'ai oublié d'en acheter une, et maintenant, les magasins sont fermés... En passant, tu amènes toujours le tire-bouchon ? Je n'ai toujours pas trouvé celui de ma mère. Tu sais, avec le déménagement...

-Oh !

La main plaquée contre sa bouche et les yeux écarquillés, le cri était sorti.

-Tu n'as pas oublié que c'était ce soir, dis, hein ? Fit Ned, perplexe.

-Ah-ah, heu... non, enfin, oui, JE VEUX DIRE NON !! Je serai là dans 30 minutes !

-D'accord, alors, pour la carte ?

-Ne t'en fait pas, fais-lui un joli message en macaronis sur le comptoir, elle n'y verra que du feu, répondit-elle pressée.

-Merci, --

Elle avait déjà raccroché. Curieux pensa Ned, mais ça devait encore être l'une des interminables histoires de fantômes dans la vie de Mélinda. Le bruit d'une assiette cassée se fit entendre par-dessus les multiples voix des invités qui meublaient la cuisine. Un banal 'désolé' avait ensuite été exprimé de la part d'on ne sait qui. À ce même instant, Nina, la tente fumeuse et trop jeune pour son âge de la famille, pénétra dans le salon avec un verre de scotch whisky à la main. Oh, et elle était alcoolique aussi.

-Neddy, je ne trouve pas les serviettes de tables, poussa-t-elle de ses notes aiguës étranges mélangées avec un ton sensuel forcé.

-Elles doivent être dans le buffet... je crois que c'est là que ma mère les a rangé. Et moi, je dois trouver ces macaronis... se dit-il à lui-même plus bas.

-Les macaronis, répéta la tante en clignant d'un oeil seulement.

Le carillon de la porte retentit dans la maison un peu trop active pour cette soirée d'octobre. Ned roula des yeux.

-Si tu ne trouves pas les serviettes, débuta Ned en s'éloignant vers l'entrée, elles doivent être dans une des boîtes qui ne sont toujours pas déballées. Je vais répondre à la porte, peux-tu t'occuper des invités ?

Elle acquiesça et fit demi-tour en titubant légèrement. Le jeune adulte aperçut alors une grande silhouette derrière la fenêtre givrée de la porte d'entrée. Pendant un instant, le coeur de Ned cessa de battre. Puis, son visage s'illumina.

- Jim !