Petit texte, je sais. Mais j'ai toujours eu envie de traiter le sujet, meme si là je ne le traite pas vraiment, je l'évoque plutôt :)
La banquette était rêche et inconfortable au possible. Une plante desséchée dans un coin. Un aquarium. Il y a toujours des aquariums dans les cabinets médicaux un peu classe. Un tableau - un Matisse, belle reproduction - accroché au mur comme pour tenter d'égayer cette pièce qui ne pouvait l'être.
Elle posa les yeux sur la table basse en faux marbre qui trônait devant ses genoux. Figaro Madame, Marie-Claire maison, Voici, Le Parisien.
Une originalité folle.
Elle enserra ses bras autour de son ventre.
Il aurait eu les cheveux bouclés et roux, ça c'était sûr. Il aurait été grand aussi. Il aurait fait pipi au lit, se serait éraflé les genoux en tombant sur les graviers dans le parc en bas de chez eux, aurait eu peur en haut du toboggan, et elle lui aurait crié n'aie pas peur, tu es grand mon garçon tu peux y arriver!
Elle aurait peut-être été une bonne mère.
Et puis il aurait grandi, intégré une équipe de volley, ou fait du tennis, oui, du tennis. Il serait allé au lycée, avec une, deux ou trois copines. Elle l'aurait averti : une capote, toujours, n'oublie pas. Il serait devenu ingénieur dans le bâtiment ou directeur commercial d'une boîte d'agroalimentaire. Il se serait marié et aurait eu trois enfants; une fille, deux garçons, tous aussi roux les uns que les autres. Il aurait divorcé, aussi, peut-être...
Elle releva la tête pour regarder le Matisse. Il lui faisait penser à du gingembre, oui, du gingembre, là, maintenant, c'en était ridicule.
"Mademoiselle Hermione Granger, s'il vous plait...?"
Et elle disparut dans le cabinet médical.
Il l'aurait appelée Maman.
ooo
On a pourtant longuement réfléchi, non, on ne devient pas mère à dix-sept ans.
A dix-sept ans, on fait la fête, on découvre l'amour et la vie, on va en cours aussi, un peu, avec le bac, tout ça. On est jeune et insouciant, on a la vie et l'avenirdevant nous.
On n'est pas en salle de travail à crier à plein poumons pendant que notre propre mère nous hurle Pousse! On ne change pas des couches, on ne fait pas de démarches compliquées qui n'aboutissent à rien pour obtenir une place en crèche. On ne prend pas soin d'un autre vie que la notre qui est elle-même déjà assez lourde à porter.
Et pourtant on voudrait tellement pouvoir le garder, ce petit bout de nous, en nous, qui semble déjà être quelqu'un.
Je ne fais ici évidemment aucun jugement moral sur l'avortement. Chaque personne est libre de décider par elle-même (je précise car le sujet est polémique...)
Je ferai peut-être une suite, sur leur histoire à tous les deux, je ne sais pas encore :)
Reviews encouragées (même voulues avec acharnement!!) , aussi bien si vous aimez ou n'aimez pas.
