Les noms d'Hermione Granger

D'aussi loin qu'elle pouvais se souvenir, elle avait passé sa longue vie à fuir, et à mentir. Mais c'était dans sa nature. Elle ne s'était abandonnée qu'une seule et unique fois. Son cœur en avait été brisé. Elle avait juré que cela ne se reproduirait plus. Et pourtant...

«mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.»
Alfred de Musset


Nouvelle histoire, idée soudaine... je navigue un peu à l'aveugle pour l'instant mais je pense qu'il y a moyen de faire quelque chose de très très intéressant. j'attends donc vos avis sur la question ! L'histoire naviguera entre beaucoup d'époque et de personnages différents, et de nombreuses histoires d'amour, évidemment ;)

Voici donc mon prologue, bonne lecture !


La bibliothèque était calme, parfaitement silencieuse, comme elle l'aimait. Les livres parfaitement rangés par ordre alphabétique, leur odeur si particulière, les pages jaunies par le temps qui renfermaient tant de souvenirs... Elle aimait cet endroit. Elle n'y était pas venue depuis au moins vingt-cinq ans. Tant de temps avait passé, et Poudlard était toujours ce formidable château. Rien ne changeait, rien d'évoluait vraiment. L'école semblait bloquée dans le temps, tout comme elle. Et pourtant, elle l'avait connu plus agitée, remplie d'élèves, de rires et de cris, de joie. L'été ne semblait pas réussir à l'immense bâtisse. Mais elle non plus ne l'aimait pas. Trop de chaleur, trop de gens. Elle n'avait plus l'habitude. Elle détestait cela. D'ailleurs, si Albus Dumbledore ne lui avait pas demandé de venir aussi tôt que possible, jamais elle n'aurait quitté sa charmante petite maison. Mais elle ne pouvait rien refuser à Albus Dumbledore et elle le savait parfaitement... Il était après tout le seul à connaître son secret.

Hermione reposa l'épais volume qu'elle feuilletait depuis quelques heures et se leva en défroissant sa jupe. Elle replaça son chapeau sur ses longs cheveux bruns et quitta la quiétude de l'endroit. Elle avait rendez-vous avec un vieil ami. Elle prit néanmoins le temps d'observer les couloirs, la lumière du soir tombant qui les éclairait doucement, les portes des salles de classe, la vue magnifique qu'elle avait du lac et des montagnes. Au loin, elle apercevait la cabane d'Hagrid. Elle l'avait rencontré, des années plus tôt. Elle remarqua que le château avait encore évolué, qu'il s'était étendu, s'adaptant aux nouveaux arrivants et se modernisant – si tant et soit que l'on puisse moderniser quoi que ce soit dans le monde sorcier. Il y avait bien moins d'élèves, lorsqu'elle était arrivée.

Elle s'arrêta devant l'immense gargouille et n'hésita qu'un court instant.

-Chocogrenouille.

Sa voix était lasse, basse, comme si parler était pour elle un effort considérable. En fait, ça l'était. Parler, communiquer, l'ennuyait. Depuis des années, elle n'avait plus le goût de ces choses et elle ne faisait plus qu'observer le monde avec un détachement sans faille, tantôt méprisante, tantôt compatissante. Ce dont elle était en tout cas certaine, c'était que rien n'évoluait. Et l'amour d'Albus Dumbledore pour les friandises encore moins.

Elle entra dans le vaste bureau et observa les vastes rayonnages. Ses livres préférés étaient toujours là. L'Histoire de Poudlard. Quelle coïncidence. Les Arts du Temps, par Helena Montague. Tant d'ouvrages qu'elle avait tous lus, tant de trésors, dont certains dataient de l'époque des Fondateurs eux-mêmes. L'histoire l'avait toujours passionnée. Elle était la réponse à toutes les questions, à tous les maux de l'humanité. La réponse était toujours dans l'histoire, quoi qu'on en dise. Pour Hermione, les guerres étaient toutes les mêmes, les hommes aussi. Ils n'évoluaient pas, ne pensaient pas. Mais peut être leurs existences étaient elles trop courtes pour l'obtention d'un tel recul. Elle même n'avait pas compris tout de suite.

-Hermione...

Elle se tourna et sourit au Directeur, un petit sourire narquois aux lèvres.

-Et bien, je te laisse quelques années et tu deviens un vieillard ?

-Ma chère, il me semble que plus de quelques années sont passées... Où étais-tu donc partie ?

Hermione haussa les épaules et s'assit avec grâce dans un fauteuil rembourré, alors que Dumbledore en faisait apparaître un second.

-J'ai visité la France pour la troisième fois, puis je suis partie sur une île au large du Brésil, vivre avec les moldus. Je suis rentrée à Salem il y a trois ans et j'y ai enseigné la métamorphose. Et maintenant...

Elle chercha ses mots.

-Je réponds à ton appel.

Dumbledore hocha la tête et l'observa longuement.

-C'est fascinant... Tu n'as pas prit une ride. Tu as toujours dix-neuf ans...

Hermione sourit lentement.

-Tu savais à quoi t'attendre.

Son interlocuteur fit apparaître une tasse de thé, qu'il lui tendit galamment.

-Pas vraiment. J'espère toujours...

-Pas moi, le coupa Hermione. De toute évidence, nous devons faire avec ce qui nous est donné. Maintenant dis-moi, que puis-je faire pour toi ?

Albus soupira longuement, en plantant ses yeux dans les siens, si particuliers : bruns, chauds, parfois presque noirs, d'autres fois tellement doux. Il connaissait ses yeux par cœur. Il les avait regardé pendant de longues heures. Mais ils n'avaient jamais changés, ils étaient restés jeunes, alors que les siens perdaient peu à peu de leur éclat. Son visage, fin et décidé, n'avait rien perdu de sa jeunesse, de sa beauté. Il était peut être devenu plus froid, plus détaché avec les années, mais il n'avait jamais changé. Alors que le sien... Sa longue barbe blanche laissait imaginer un grand âge et ne mentait pas. Quelle différence... Et pourtant tant de ressemblances.

-Harry Potter est entré à Poudlard cette année.

-Je sais.

La brune ne voyait pas où son ami voulait en venir. Elle connaissait l'histoire d'Harry Potter, l'élu, celui qui avait tué Voldemort une année plus tôt, mettant fin à des années de barbarie. Ses parents étaient morts. Une grande perte pour le monde sorcier, Hermione les avait trouvés charmants. Courageux, décidés, presque inconscients. Elle les admirait beaucoup.

-On a tenté de le tuer cette année.

Elle haussa un sourcil. Ça, elle ne le savait pas.

-Rogue ne s'est pas remis de son existence ?

Dumbledore secoua la tête.

-Non non non, Severus n'y est pour absolument rien. Tu sais qu'il a juré de protéger l'enfant. Non... J'ai honte de le dire, mais j'ai laissé entrer dans le château un pion de Voldemort et...

-Le Seigneur des Ténèbres est mort, Albus, répondit-elle calmement.

Mais le Directeur rit doucement.

-Tu es la mieux placée pour savoir que la mort peut parfois être une réalité très abstraite.

Hermione rit à son tour, et Dumbledore en fut tout retourné. Son rire lui avait manqué.

-Certes, je te l'accorde. Et donc, Harry Potter est vivant, non ?

-Il l'est, et pas grâce à moi. Ses meilleurs amis, Ronald Weasley et Neville Longdubat l'ont sauvé.

Hermione sourit, se replongeant quelques instants dans ses souvenirs.

-Weasley, Weasley... Oui, j'ai bien connu le vieux Septimus et le petit Arthur... Pas très amusant ce gamin, ni créatif, mais un cœur en or. J'ai entendu dire qu'il s'est marié à Molly Prewett ?

Dumbledore hocha joyeusement la tête.

-Cela fait plus de vingt ans ma chère.

-Tu sais que je n'ai plus la notion du temps... Que sont vingt ans dans nos existences ?

-Parle pour toi, très chère. Mon existence est longue, mais elle touche à sa fin.

Hermione le fixa, avec appréhension. Elle savait que ce moment viendrait un jour, elle en était bien consciente, mais comprendre que sa mort pouvait survenir à tout moment était une toute autre affaire. Elle ne pouvait pas imaginer qu'il parte. Ils étaient les derniers de leur époque. Il avait toujours été là pour elle, comme elle l'avait toujours soutenu. Ils étaient les derniers vestiges d'une autre génération, bien différente de celles d'aujourd'hui. Il y avait bien un troisième homme, mais il était loin, et ils ne le reverraient plus. C'était tout ce qui importait.

-Ne sois pas ridicule. Tu as encore de longues années. Parle moi donc du jeune Potter et de ce que tu veux de moi.

-Voldemort n'est pas mort. Il va revenir. Et quand il reviendra, j'aurai besoin de toi. Je vais reconstituer l'Ordre, tu devras en faire partie, veiller sur Harry si je ne suis plus là. Il sera seul et sans défense.

-Par Merlin Albus, vas-tu vraiment m'infliger ça ? Se lamenta Hermione. Tu sais que j'ai refusé de faire partie de la première génération de l'Ordre...

-Ils ont cru que tu avais fuit.

-C'était le cas.

-Tu sais bien que tu fuyais d'autres démons, Hermione.

La brune éluda.

-Tu es bien le seul à m'appeler encore par ce nom. Il était sensé rester oublié.

-Ce nom est le tien.

-J'en ai eu beaucoup d'autres.

-Tu n'as fait que fuir.

-Je n'avais pas le choix.

Dumbledore s'enfonça dans son fauteuil et la fixa sévèrement.

-Toutes ses années ne t'ont pas assagie...

-Tu t'en doutais bien.

Hermione se fustigea intérieurement. Elle ne voulait pas le blesser, seulement... Il avait l'art de toujours lui rappeler ses faiblesses et ses échecs, de toujours la faire se sentir coupable. Comme une enfant. Qu'elle n'était pourtant plus depuis bien trop d'années. Dumbledore surprit son regard las et s'excusa.

-Ne nous disputons pas. Je te demande une faveur, Hermione. En souvenir de toutes ces années. Une simple faveur. Si je disparais, prends soin d'Harry, protèges le. J'ai confiance en toi. Et je sais que si quelqu'un peut l'aider, c'est bien toi. J'aurais aimé te proposer un poste ici, dès maintenant, mais...

-Je n'aurais pas accepté. Et certains parents m'auraient reconnue, n'est-ce pas ?

-Exactement.

Hermione se leva et marcha longuement dans le bureau.

-Donne moi une bonne raison d'accepter.

Dumbledore hésita. Il savait qu'une seule raison la ferait flancher.

-C'est le petit fils de Charlus.

Le cœur d'Hermione se serra et toute émotion quitta son visage.

-Lui et moi ne nous sommes pas quittés en très bon termes.

-Voldemort doit mourir, et seul Harry peut le tuer.

Hermione baissa la tête, les yeux mouillés de larmes qui ne couleraient pas.

-Qui te dis que je veux tuer Tom ? Après tout, pourquoi n'assumerions-nous pas les conséquences de nos erreurs ?

Le vieil homme hocha la tête et reprit : « Nous avons fait de nombreuses erreurs. Nous avons échoué. Moi plus que toi. Tu as su lui apprendre l'amour, mais nous n'avons pas su le retenir. Et maintenant... Nous aurions du lui dire la vérité dès le premier jour, nous aurions pu lui montrer ce que nous avons construit, ce que nous avons vécu. Nous avons échoué. Mais je ne laisserai pas des innocents périr pour nos erreurs. Et toi ? »

Hermione se rassit lentement.

-Moi non plus. Je ne le tuerai pas. Mais j'aiderai Harry Potter à accomplir son destin, même si cela doit me briser le cœur...

-Le moment venu, fais confiance à Severus, il nous sera précieux et fidèle.

-Étrange qu'il ne se doute de rien.

-Oh, il s'en doute ! S'exclama Dumbledore. Mais il ne dira jamais rien. Quant à Tom... Pour lui tu n'es qu'un vieux souvenir cuisant, il ne fera jamais le rapprochement. Comment t'appelais-tu, à cette époque ?

Hermione rit doucement.

-Adaline. Adaline Jones.

Les yeux d'Albus brillèrent d'amusement, alors que les souvenirs dansaient dans ses yeux.

-Ce nom t'allait si bien. Tu étais magnifique, lors de ce bal...

Hermione secoua la tête en souriant elle aussi.

-Regarde-nous, deux vieillards en train de radoter...

-Tu n'as pas l'air si vieille, très chère.

-Nous avons tous nos secrets de jeunesse... Mais tous ne peuvent être possesseurs de la baguette de Sureau. Quoi qu'on en dise, posséder ne serait-ce qu'un seul des trois artefacts rallonge considérablement ton espérance de vie.

Le vieux Directeur but quelques gorgées de son thé, laissant un confortable silence s'installer. Ils avaient tant l'habitude d'être ensemble que le silence ne les avait jamais gênés. Ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre.

-Reviens à Poudlard si le Ministère tombe, et aide Harry. Ensuite, tu seras libre de ta dette.

Le regard d'Hermione s'assombrit.

-Je me croyais déjà libérée d'elle.

-Une dette sorcière ne se règle que par un serment inviolable, tu le sais très bien.

-Alors jurons.

Dumbledore se leva et lui tendit son bras, qu'elle saisit fermement. Il pointa sa baguette sur leurs mains liées et planta son regard dans le sien.

-Hermione Granger, jures-tu de protéger et d'aider Harry Potter si je viens à mourir ?

Hermione le fixa et acquiesça. Elle se libérait d'une dette qui l'avait hantée toute sa vie.

-Je le jure.

Une lumière dorée entoura leurs avants-bras, rayonna dans toute la pièce, et disparut soudainement. Dumbledore recula d'un pas.

-Je te remercie.

Elle haussa les épaules.

-Il ne reviendra pas, Albus. Toutes ces précautions ne sont que du vent. Il est mort. Avec un peu de chance, je ne reviendrai pas avant encore vingt ans.

Le vieil homme dodelina du chef. Hermione avait été la meilleure sorcière de sa génération, mais elle n'en était pas moins parfois particulièrement têtue. Et elle manquait de clairvoyance. Mais lui savait. Il savait qu'il mourrait, que Voldemort reviendrait. Il savait qu'ils auraient besoin d'elle pour ne pas sombrer.

Hermione se leva à nouveau, le visage à nouveau fermé.

-Je vais rentrer, j'ai encore du travail à Salem, je donne cours demain.

Albus attrapa sa main, qu'il baisa gracieusement. L'espace d'un instant, ils se retrouvèrent tous les deux, bien des décennies plus tôt, dansant au milieu d'une foule d'élèves, sous la neige artificielle du plafond étoilé. Ils étaient jeunes, beaux, brillants. Rien ne pouvait leur résister. Et ils tourbillonnaient dans la nuit, encore et encore, riant aux éclats. L'un des moments les plus heureux de leurs vies. Ils ne dirent rien. Ils n'en avaient pas besoin. Ils avaient vécu la même scène, l'un de ces instants de grâce que la vie ne donne que trop rarement. Et ils se souvenaient. De leur amitié. Des tragédies. Des amours perdus, des serments trahis, des morts, des combats, des choix. De tout ce qui les avait séparés. Ils étaient liés, à travers les années. Ils l'avaient toujours été.

Hermione passa la porte.

-Nous nous reverrons, Albus. Ne passe pas trop de temps à te torturer les méninges.

Le vieil homme regarda la silhouette fine, jeune et élancée s'éloigner, songeur. Serait-elle assez forte ? Hermione Granger, qu'elle le veuille ou non, était liée à tous les protagonistes de cette vaste fresque. Par le sang, l'amour, l'amitié ou la haine, les secrets jalousement gardés ou partagés. Elle les connaissait tous. Elle seule pouvait les vaincre. Mais encore faudrait-il qu'elle le veuille. Qu'elle accepte de sortir de sa solitude, de sa colère et de son chagrin, qu'elle libère son cœur et le laisse enfin parler. Qu'elle vive à nouveau. Tom Jédusor, Rabastan Lestrange, Lucius Malefoy... Tant de secrets les liaient. La vérité ne tarderait pas à éclater. Et peut être alors Hermione retrouverait-elle le goût de la vie, et de l'amour. Peut-être que ce nom, qu'elle n'avait plus utilisé depuis trop longtemps, signifierait pour elle un renouveau.


REVIEW REVIEW REVIEW ! Qu'en pensez vous ? Inspirés? Cela vaut-il la peine de continuer?

J'attends vos réponses avec impatience.

XXX

J.