Prologue

« Le règlement est strict : Un membre du service pénitencier, n'a en aucun cas le droit d'entretenir une quelconque relation avec un détenu. »

J'avais entendu cette phrase des millions de fois. Reçu les mises en gardes de la direction, et des autres gardiens et gardiennes, qui me prévenaient que l'amour tombait parfois là où ne l'attendait pas…

Mais je m'en moquais et assurais qu'une chose pareille ne pourrait jamais m'arriver.

Je me trompais. Lourdement.

Chapitre 1

Edward

Captivité. C'était désormais le mot qui régissait mon existence. Assis contre le mur, je me perdais littéralement dans la contemplation du plafond qui était pourtant ma seule compagnie depuis dix ans.

Aucun bruit ne venait perturber ce silence oppressant. J'avais l'impression qu'il était encore plus serré autour de moi que ces quatre murs qui m'entouraient depuis tant d'années. Mon esprit était perdu. Lui-même ne savait plus quoi penser. Il y avait bien longtemps que je ne connaissais plus le secret permettant de s'oublier dans des rêves merveilleux, loin de cette pièce minuscule, loin de cette cellule, loin de cette prison.

Des bruits de pas se firent soudain entendre. Le grand hall si vide, à l'extérieur, faisait résonner le moindre son insignifiant. Les pas s'intensifièrent quand la personne passa devant ma porte fermée, puis plus rien. C'était là ma seule distraction, durant ces heures qui me semblaient éternelles : écouter les gardiens marcher dans ce secteur qu'ils détestaient.

Brièvement, je me demandais depuis combien de temps j'étais resté dans cette position. Je haïssais cette immobilité réfrigérante qui était à présent mon trait de caractère récurrent. Figé, telle une statue de glace, j'avais froid. Cette morsure glacée parcourait mon corps, comme si elle avait remplacée mon sang, qu'elle s'insinuait dans mes veines.

Mes mains jointes, qui tenaient ma jambe repliée sur elle-même, la lâchèrent subitement. Elle retomba, inerte. On aurait dit qu'elle n'était plus constituée d'un seul os. Ma tête se baissa, douloureuse d'avoir été redressée si longtemps pour admirer ce plafond trop familier. Je me relevai difficilement, lentement. Chaque geste était un supplice. Le lit miteux était si proche de l'endroit où je m'étais assis que je n'eus qu'à me lever, et me jeter directement sur le matelas inconfortable. Je m'installais tant bien que mal sous la fine couverture. Je logeai ma tête à l'intérieur, pour voir autre chose que cette pièce étouffante. A choisir entre ne rien voir et voir cette cellule, je choisissais de ne rien voir.

Je me roulais en boule, essayant de m'insuffler un peu de chaleur. Mais le froid était par trop présent, ici.

Je fermai les yeux. Je tentais d'imaginer un paysage lointain. Souvent, quand j'arrivais à m'évader moralement de cet endroit, mon esprit vagabondait dans une grande prairie, remplie de fleurs, où un vent doux et réconfortant aurait élu domicile. Là-bas, je m'allongerais au milieu des plantes magnifiques. Là-bas, j'y aurais trouvé une femme, symbole d'un amour que je n'ai jamais rencontré, et que je ne rencontrerai jamais. Cette inconnue avait les traits flous. Tantôt brune, tantôt blonde, ses yeux changeaient, eux aussi, souvent de couleur. Je n'avais jamais eu de préférence particulière en cette matière. Mon cœur douloureux se serra d'avantage quand je me rappelais qu'avoir un goût précis ne me servirait à rien, puisque j'étais enfermé ici pour toujours. Dans mon esprit, je m'avançais vers cette femme que je reconnus comme ma femme, même si son visage n'était pas très clair. Mais ses traits se tordirent par la peur. Son visage devint très clair, soudainement. Ses cheveux roux tombaient sur ses épaules et ses yeux verts étaient terrorisés. La silhouette perdit une bonne trentaine de centimètres, et la femme de mes rêves se transforma ainsi, en cette petite fillette de sept ans, qui hanterait à jamais mon esprit malheureux.

Une larme tranchante coula doucement le long de ma joue et déchira mon cœur déjà meurtri.

J'aurais aimé perdre la notion du temps. Ainsi, je n'aurais pas compté les tic-tac incessants de mon petit réveil. Je le faisais, sans vraiment vouloir le faire. C'était automatique. Toujours en position fœtale sous cette unique couverture, je n'arrivais ni à dormir, ni à trouver le repos. Je ne trouverai jamais plus le repos…

J'aurais aimé perdre la notion du temps. Ainsi, je n'aurais pas eu l'impression que chaque seconde de ma vie détruite était une éternité. Une éternité privée de toute joie, de toute paix.

Parfois, un pic de lucidité me frappait, comme à l'instant. Dans ces moments d'horreur, je me rendis compte à quel point mon cas était désespéré. Que je n'avais aucune chance de m'en sortir. Les paroles du juge résonnaient lourdement dans ma poitrine et dans ma tête, comme s'il les avait prononcées la veille.

« Edward Cullen, vous êtes condamné à perpétuité sans aucune possibilité de remise de peine. »

En d'autre mot, j'aurais pu être un véritable saint, je n'avais aucune chance d'être relâché.

Quand je n'étais pas accablé sur mon sort, je laissai le temps et l'éternelle solitude m'emporter et m'écraser.

Des bruits de pas. Encore. Cette fois-ci, ils s'arrêtèrent devant ma porte.

Celle-ci s'ouvrit avec fracas, me faisait sortir de ma torpeur. Je dégageais ma tête de sous ma couche, et regardait la porte s'ouvrir sur la gardienne. Celle-ci était très, très grosse, une carrure impressionnante. Sa matraque sur sa hanche, calée dans l'endroit prévu à cet effet par son uniforme, sa présence était loin d'être rassurante. Ses yeux posés sur moi étaient remplis de mépris, de malfaisance et de dégoût.

- Petit déjeuner, Cullen.

Elle jeta le plateau qu'elle tenait à bout de bras sur le sol, sans prendre la peine de se baisser, faisant ainsi s'éparpiller les céréales infectes et fit renverser le lait du bol.

- J'espère que tu t'étoufferas avec ! cracha-t-elle.

Je ne relevais pas. De toute façon, à quoi bon ? J'avais appris, avec le temps, à m'habituer aux remarques de ce genre. J'étais même en mesure de les comprendre. Après tout, ils croient tous que je suis coupable de cet affreux crime…

Je ne me levai pas pour aller chercher mon repas. J'avais l'estomac noué, je ne pouvais rien avaler. Ces dix dernières années, j'avais perdu énormément de poids. L'homme musclé et puissant que j'étais avait complètement disparu. Tout de moi était en totale perdition. J'étais mort de l'intérieur. Et parfois, je priai pour être mort tout court. Avec lassitude, je regardai l'heure sur le réveil minuscule qu'on m'avait permis de mettre sur la table recouverte d'un centimètre de poussière, située à côté du lit misérable.

7h10.

La journée venait à peine de commencer.

Bella

- Swan ! Qu'est ce que vous foutez, à la fin !

- J'arrive, j'arrive !

Je pressai le pas. J'avais l'impression que ce couloir était interminable. Les portes se succédaient, se ressemblaient, et dans un sens, m'effrayaient. J'imaginais ce que devait ressentir la personne à l'intérieur. Condamnée à rester ici pour un temps monstrueux.

N'oublie pas, Bella ! Ce sont eux les monstres !

En effet, s'ils étaient tous enfermés là, c'était pour une bonne raison.

Enfin, j'arrivai au bout de ce couloir infini. Le surveillant principal était déjà loin devant moi. C'était un homme pressé, rapide, froid et rigide. Je courrai pour le rattraper. Le sport n'ayant jamais été mon fort, j'étais hors d'haleine que je fus à sa hauteur.

- Vous devriez être un peu plus rapide ! Ce n'est pas un boulot de feignant !

- Je le sais. Ca fait déjà deux ans que je travaille ici, je vous signale !

- On se demande comment vous avez tenu, grommela-t-il.

Il ouvrit une des nombreuses portes. Il m'invita à entrer dans la pièce. Elle était spacieuse, du moins comparée aux autres endroits que j'avais déjà visités dans l'établissement. D'un signe de la main, le surveillant principal m'ordonna de m'asseoir sur une des deux chaises posées devant le bureau, infesté de paperasses désordonnées. Je m'assis, et il m'imita quelques secondes après, en essayant de donner un peu d'ordre à son plan de travail.

- Bien. Si je vous ai demandé de me suivre, c'est que nous avons un petit problème.

- Je vous écoute.

- En fait, la nièce du directeur cherche un emploi. Et le secteur dans lequel vous travailler est celui qui lui correspond le mieux.

- Quoi ? m'écriai-je en me levant d'un bond. Vous me virez ? Mais vous n'avez pas le droit !

Je détestais ce genre de chose. Sous prétexte que cette fille était la nièce du boss, elle avait le droit de me piquer mon emploi ?

- Calmez vos ardeurs, mademoiselle Swan ! m'intima-t-il. Vous n'allez pas être renvoyée. Vous êtes l'un de nos meilleurs éléments. Malgré vos lacunes sportives, crut-il bon de rajouter.

- Ah, dis-je soulagée. Alors qu'allez-vous faire ?

- Vous aller être transférée dans un autre secteur. Mais, je ne suis pas certaine que cela va vous plaire.

- Dites toujours.

- Cela va changer de celui où vous êtes actuellement. Les cambrioleurs et braqueurs de banque vont vous paraître d'incroyable samaritains, à côté.

- Et bien allez-y, dis-je moins rassurée.

- Si vous l'acceptez, vous aller être transférée dans le secteur des délinquants sexuels.

Oh Mon Dieu. En effet, ça ne me plaisait pas. Ce secteur était le plus détesté de tous. Je n'y avais jamais mis les pieds, par crainte de voir ce qu'il cachait. Souvent, je m'arrêtais devant la porte qui menait à ce grand hall, et essayait de balayer mes angoisses d'un revers de main. Mais je ne pouvais m'y résoudre.

- Alors ?

- Et bien… Mr Greene… il n'y a pas d'autres solutions ?

- Non, malheureusement. Je crains qu'il n'y ait que ce secteur qui manque cruellement de personnel. Et la nièce du directeur n'est pas assez… Disons… « solide » pour supporter la pression de ces lieux.

Je retombai sur la chaise. Je ne savais pas si j'étais moi-même assez solide.

- Je sais que cela vous angoisse, reprit Monsieur Greene. Mais je vous assure que vous ne craignez rien, vous ne serez pas seule.

- Je sais, murmurai-je.

Je n'avais pas le choix. Je devais garder ce travail, j'en avais besoin. Et puis… ça ne devait pas être aussi terrible… Non ?

- D'accord, acceptai-je. Je veux bien.

- Merci infiniment ! s'écria Mr Greene. Ça me soulage énormément ! Je peux comprendre à quel point ce secteur est méprisable, mais…

- Ne vous en faites pas, ça va aller.

- Merci beaucoup.

C'était la première fois que je voyais son visage aussi… expressif. Apparemment, le patron lui avait mis le couteau sous la gorge.

Il se pencha, et appuya sur un appareil qui était sur son bureau. Une voix s'en éleva.

- Oui, Monsieur Greene ?

- Lauren, pouvez-vous venir chercher Mademoiselle Swan, je vous prie ?

- Oh bien sûr. J'arrive tout de suite.

- Merci.

Il se rassit confortablement dans son siège. J'étais silencieuse, ne savant pas quoi dire, trop occupée à penser. J'avais toujours voulu ce boulot. Petite, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, et que je répondais que je voulais « surveiller dans les prisons », les gens se posaient pas mal de questions. Ma mère s'était même demander ce qu'elle avait raté dans mon éducation. Mais les gens ne comprenaient pas. Je voulais faire ce métier depuis toujours. Il me plaisait.

Quelques minutes plus tard, des coups sur la porte retentirent.

- Entrez ! claironna Mr Greene.

La porte s'ouvrit sur Lauren, une surveillante qui, aux premiers abords, pouvait paraître effrayante, à cause de sa taille et de son poids, mais qui avait le cœur sur la main. Il suffisait de bien la connaître.

- Merci d'être venue, Lauren. Je vous ai parlé du transfert de Mademoiselle Swan, je crois.

- En effet, monsieur.

- Bien. Je vous charge de l'emmener dans son nouveau secteur. Vous êtes la plus ancienne, là bas.

« Là-bas ». A croire que c'était un monde inconnu, lointain.

- D'accord, monsieur Greene. Je le ferai avec plaisir.

- Merci bien ! Mademoiselle Swan, je vous remercie encore une fois pour votre coopération.

- De rien.

- Vous pouvez y aller.

Je me relevai et allai rejoindre Lauren.

Elle m'entraîna à travers les couloirs. Je marchais à ses côtés, certaine, malgré les deux années que je passais ici, de me perdre, si je la perdais de vue.

Après une bonne dizaine de minutes, nous arrivâmes enfin devant la porte menant à ce secteur tant redouté. Avant de l'ouvrir, Lauren soupira.

Elle ouvrit la porte, et pénétrai dans le grand hall, moi sur ses talons.

Le hall était immense. Au centre de la pièce, il n'y avait rien, le vide comblé par un filet qui empêchait les détenus de sauter dans l'intention de se tuer. De là, on pouvait voir les étages inférieurs. Sur les murs, des dizaines et des dizaines de portes, toutes espacées d'une cinquantaine de centimètres chacune. Accrochés au plafond, des néons puissants éclairaient les lieux. Mon regard en croisa un au hasard, et je détournai les yeux, aveuglée.

Il faisait légèrement froid, mais mis à part la grandeur de la pièce, ça ne changeait pas vraiment des autres secteurs. Je me demandais pourquoi on en faisait toute une histoire.

- Ce n'est pas si terrible, murmurai-je.

Lauren, debout contre le mur, eut un petit rire jaune et lugubre. Elle se laissa glisser contre la paroi murale, et s'assit, une grimace sur le visage, gênée par son poids.

- Tu dois te demander pourquoi tout ce pataquès sur ce secteur, n'est ce pas ?

- Et bien… Oui.

- Vois-tu, ce n'est pas tant les lieux, qui nous font frémir. Ce sont plutôt les détenus qui y habitent. Les gens qui sont ici ont fait des choses atroces. Et quand nous n'avons rien à faire, que nous sommes ici, nous ne pouvons que penser à ce qu'ils ont fait. C'est terrible.

- Oh… Je comprends, dis-je parcourue d'un frisson.

- Quel âge as-tu, Isabella ?

- 27 ans, pourquoi ?

- Alors tu dois certainement te souvenir…

Son regard se perdit soudainement, très loin de moi, mais sa bouche se tordit dans une grimace dégoûtée, comme si elle était gênée par une mauvaise odeur.

- Te rappelles-tu de cette histoire horrible ? Il y a dix ans, cette fillette de sept ans, Victoria, qui a été violée et assassinée dans les sous bois du parc…

- Oui, je m'en souviens.

- Et bien, celui qui a fait ça… Il est ici. Cette ordure d'Edward Cullen.

Quand elle eut prononcé ce nom, sa voix prit une intonation de mépris total.

- Alors, c'est pour cela que c'est si horrible, reprit-elle. Cette pourriture, je le vois trois fois par jour, je suis obligée de l'emmener manger au réfectoire et de rester près de lui pour qu'il ne s'enfuît pas ou pour que personne ne l'attaque… alors que je meurs d'envie qu'il crève !

Elle tourna son regard noir vers moi, et un nouveau frisson, plus conséquent, me parcourut tout le corps.

- C'est sûrement hautement égoïste, mais aujourd'hui, je suis soulagée qu'il y ait une nouvelle recrue ici. C'est toi désormais, qui t' « occuperas » de lui. Désolée, mais moi, j'ai eu mon compte.

- Je peux comprendre, Lauren. Ce n'est pas grave. »

Après un profond soupir, elle se releva.

- Bon, je dois y aller, je reviens dans un quart d'heure. Pendant ce temps, tu n'as qu'à tourner ici, afin de t'assurer qu'il n'y ait pas de grabuge. C'est d'ordinaire calme, mais on ne sait jamais.

- Ok.

Sur ce, elle tourna les talons et sortit.

A mon tour, je me retournai, et regardai droit devant moi. Les journées promettaient d'être longues.