Chapitre 1 Une rencontre agréable

Longbourn, 1808

Lizzie observait la pile de vêtements posée sur son lit, hésitant sur le choix des robes qu'elle allait emporter pour son séjour à Londres. Elle savait qu'elle pourrait acheter une ou deux nouvelles robes, peut être un chapeau et quelques rubans.

Elle rangea deux robes dans sa malle, ouverte à ses pieds, y ajouta deux bonnets, un jupon et un spencer. Elle allait poursuivre lorsqu'un coup frappé à la porte l'interrompit dans ses préparatifs.

- Entrez, fit-elle, en espérant qu'il ne s'agissait pas de sa mère.

Elle fut exaucée car la porte s'ouvrit sur sa sœur aînée, Jane, à son grand soulagement.

- Lizzie ? Avez-vous terminé de faire votre malle ? Je ne veux pas vous presser, mais j'ai besoin de votre aide pour remplir la mienne.

- Ne vous inquiétez pas, chère Jane, j'ai presque terminé. Mais, je dois l'avouer, je voulais vous demander votre avis, moi aussi.

Ce fut ainsi que les deux sœurs se préparèrent pour leur premier voyage à Londres.

Bien sûr, ce n'était pas tout à fait la première fois qu'elles s'y rendaient. Mais elles avaient toujours été accompagnées de leurs parents, ainsi que leur frère et leurs sœurs pour aller rendre visite à leur oncle Gardiner, de nombreuses fois auparavant.

Mais c'était la première fois depuis qu'elles avaient s'y rendaient depuis qu'elles avaient fait leur entrée dans la société. Jane, à dix-sept ans, était sortie depuis un peu plus d'un an, mais elle avait refusé de faire le voyage seule. Elisabeth, qui venait d'avoir seize ans, venait juste d'être officiellement présentée à la société.

Maintenant, les deux jeunes filles étaient prêtes à faire le voyage. Elles devaient séjourner chez leur oncle et leur tante, Mr et Mme Gardiner, et leur jeune tante leur avait promis de leur présenter des familles de sa connaissance. Cela promettait d'être un voyage très intéressant, en effet.

?

Le voyage en direction de Londres se déroula sans incident. Le paysage était agréable, mais il n'avait rien de nouveau pour les deux filles aînées de la famille Bennet qui avaient parcouru ce chemin à de nombreuses reprises. Le trajet en voiture fut occupé avec beaucoup de discussions au sujet de ce à quoi elles devaient s'attendre, et plus encore par l'anticipation des plaisirs qui leur étaient réservés.

Lizzie était soulagée d'être partie. La nervosité et les crises de sa mère devenaient insupportables. Heureusement, miss Davis était là pour s'occuper des enfants. Sa mère avait tendance à se plaindre de ses nerfs dès qu'elle était contrariée. Et malheureusement, cela arrivait souvent, même si Mme Bennet prenait soin d'éviter ces crises en présence de son mari. Elle savait que celui-ci se mettrait en colère contre elle et ne manquerait pas de la réprimander.

Lizzie savait qu'il y avait une bonne dose de comédie dans ses crises. Mme Bennet aimait à être le centre des attentions. Elle avait essayé de s'opposer à son départ mais comme Jane refusait de partir sans elle, il avait bien fallu qu'elle cède.

Mme Bennet en était fort mécontente. Car, pendant l'absence de ses deux filles aînées, elle n'en avait plus à présenter dans la société de Meryton. La troisième n'avait que treize ans, la suivante, onze ans, la plus jeune, huit ans et enfin, le petit dernier, le seul garçon, Tommy, avait six ans. Jane et Lizzie étaient ses favorites et il regrettait leur absence. Il n'aimait pas Lydia qu'il qualifiait de peste et préférait jouer avec le plus jeune garçon Lucas qui avait son âge.

Cela mettait Lydia très en colère. Elle était la favorite de sa mère et s'attendait à ce que tout le monde cède à ses caprices. Mais elle avait vite compris son erreur. Elle était éduquée avec une grande sévérité et Mr Bennet n'avait jamais permis à Lydia de croire que tout lui était permis ni à son épouse qu'elle pouvait céder à tous ses caprices en dépit de tout bon sens.

Mme Bennet était furieuse de ne pas pouvoir agir comme bon lui semblait. Mais elle avait vite compris qu'elle n'arriverait à rien avec son mari.

Mr Bennet avait découvert, peu après son mariage, que derrière son joli visage se cachait une femme peu éduquée, manquant d'intelligence et de bon sens. Il avait tenté de corriger ces défauts mais le résultat était loin d'être parfait. Cependant, il obligeait sa femme à surveiller sa conduite, à éviter de parler à voix haute en public, de clamer des choses qui n'existaient pas ou de gaspiller de l'argent inutilement. Mme Bennet n'avait qu'un but dans la vie : marier ses cinq filles. Et elle déplorait le manque de partis avantageux. C'était pour cela qu'elle avait voulu envoyer Jane à Londres. C'était la plus belle de ses filles et elle était certaine qu'elle pourrait capturer un riche mari si seulement elle suivait ses conseils.

Elle avait même décidé que Jane ne pouvait pas se passer d'elle et qu'il lui faudrait l'accompagner mais son mari avait mis fin à ses beaux plans en s'y opposant. Et c'est ainsi que Jane, à son grand soulagement, était partie en compagnie de sa sœur et non de sa mère.

Elles arrivèrent en fin d'après-midi, impatientes de commencer à faire de nouvelles connaissances, mais leur tante insista pour qu'elles passent leur premier jour de vacances à la maison à s'occuper de leurs deux petits cousins, Ned, quatre ans, Sarah, deux ans, et le petit Dick, quatre mois. Bien qu'elles refusaient de l'avouer, les deux jeunes filles étaient fatigués par le voyage, et elles prirent un grand plaisir de jouer avec les enfants avant de se retrouver pour la nuit.

Le lendemain de leur arrivée, cependant, les deux jeunes filles se réveillèrent tôt et se préparèrent à sortir. Elles furent très déçues lorsque leur tante leur annonça son intention d'aller rendre visite à une vieille amie de sa mère, lady Sophia, la comtesse de Matlock.

Les Fitzwilliam se trouvaient en ville depuis presque une semaine, et Mme Gardiner souhaitait rendre visite à quelqu'un qu'elle considérait comme une tante préférée. D'ailleurs, de toutes les personnes présentes actuellement en ville, ou ailleurs, lady Sophia était celle qui était, à ses yeux, le meilleure exemple de ce que doit être une dame.

Lady Sophia était la fille d'un simple propriétaire terrien, qui n'était pas très riche. Elle était déterminée à se marier uniquement par amour. Lorsque son chemin croisa celui du comte, elle ne lui montra aucun intérêt particulier. Ce qui l'avait intrigué car il avait l'habitude d'être pourchassé par les demoiselles célibataires et leurs mères ambitieuses.

Ce fut lui qui la poursuivit, mais elle prit le temps de s'assurer de ses sentiments avant de lui accorder sa main. Ils se marièrent, et furent très heureux dans cet état pendant de nombreuses années et virent leur famille s'agrandir avec trois beaux enfants. Mme Gardiner pensait que ses nièces avaient beaucoup à apprendre de lady Sophia.

Dès l'instant où elles entrèrent à Matlock House, Jane et Elisabeth furent très impressionnées par la beauté des lieux. Tout était si beau, et d'une sobre élégance.

En entrant dans le salon de lady Sophia, les filles se sentirent tout de suite à leur aise. La pièce n'avait pas été décorée avec élégance. La comtesse avait des manières simples et agréables. Elle était aussi lumineuse que son prénom. Elle était gracieuse et chaleureuse et les jeunes filles l'aimèrent instantanément et ce fut réciproque.

La visite fut très agréable de part et d'autre, sauf lorsque le plus jeune Gardiner, âgé de quatre mois, régurgita son déjeuner sur la robe de lady Sophia. La dame, cependant, ne sembla pas trop inquiète, et elle revint très vite avec une robe propre et une serviette pour l'enfant.

Alors que les visiteuses étaient sur le point de prendre congé et que Mme Gardiner venait juste d'inviter le comte et la comtesse, ainsi que leurs enfants à dîner le lendemain soir chez eux, deux jeunes gens firent leur entrée dans le salon. Il s'agissait du fils cadet et du neveu de la comtesse.

Le visage de lady Sophia s'illumina de plaisir en les voyant. Et elle entreprit immédiatement de faire les présentations.

- Permettez-moi de vous présenter mon plus jeune fils, le capitaine Richard Fitzwilliam, et mon neveu, Mr Darcy. Messieurs, voici Miss Bennet et sa sœur, miss Elisabeth Bennet. Elles sont les nièces de Mme Gardiner, que vous connaissez déjà.

Des salutations furent échangées, et très peu de temps après, les dames prirent congé.

Cet après-midi-là, dans l'intimité de leur propre petite chambre qu'elles partageaient, Jane et Elisabeth discutèrent de leurs impressions de la matinée. Jane exprima sa satisfaction de tout ce qu'elle avait vu, en particulier lady Sophia. Elisabeth était également heureuse de leur journée, mais quelque chose la tracassait.

- Jane, avez-vous vu l'expression dans les yeux de Mr Darcy ? Comme si quelque chose le troublait profondément ? Qu'est-ce qui pourrait bien préoccuper un jeune homme de vingt- trois ans ?

- Vous le sauriez si vous aviez, comme moi, posée la question à tante Maddy, Lizzie. Elle m'a dit que son père était mourant. Je crois que, dans de telles circonstances, nous n'auriez pas envie de sourire non plus.

Lizzie se rembrunit.

- Vous avez raison, Jane. S'il vient dîner demain soir, j'essaierais de le distraire un peu pour lui faire oublier cette triste circonstance un moment. Peut être même parviendrais-je à le faire sourire. Je pourrais lui raconter quelques-unes des facéties de Tommy pour y parvenir.

- Vous avez vraiment bon cœur, Lizzie. Je l'ai toujours su.

- Il s'agit de l'ami d'enfance de tante Maddy. C'est le moins que je puisse faire.

?

Dans un autre quartier de la ville, à Matlock House, une autre conversation avait lieu dans la bibliothèque. Cela pouvait, d'ailleurs, difficilement être appelé une conversation, car peu de paroles furent prononcées.

Le capitaine Richard Fitzwilliam connaissait la raison du silence de son cousin. C'était les souvenirs qui le troublaient. Le père de Darcy était au plus mal, et Darcy pensait à l'époque où sa mère était morte, lorsqu'il était beaucoup plus jeune. Il avait été banni à Londres chez sa tante et son oncle pour une quinzaine de jours, et son cousin avait été rappelé de son régiment pour lui tenir compagnie. Le jeune officier espérait que leur soirée à dîner le lendemain soir serait capable de le distraire suffisamment pour l'amener à ouvrir son cœur et dire comment il se sentait.