Bonjour! Voici ma première fiction (publiée, j'en ai des tonnes d'autres en attente...). Bref, je ne sais pas si les lecteurs francophones ou francophiles sont nombreux ici, mais je me devais de tenter l'expérience fascinante qu'est la publication. J'espère que l'histoire vous plaira.
Disclaimer: aucun personnage ne m'appartient, mis à part les deux soeurs, Lila et Miriam, ainsi que de méchants vampires... Grrr.
Bonne lecture!
Lila PDV
Je sortis du bus bondé d'une démarche mal assurée.
Tout autour de moi, les gens se pressaient les uns contre les autres, et, étant plus petite qu'eux d'un bon mètre en moyenne, je me sentais totalement oppressée. Mais où pouvait bien être ma sœur ? Elle m'avait dit de descendre à cet arrêt, qu'elle m'y attendrait. Elle connaissait un peu la région pour y avoir habité avec les parents les premières années de sa vie, et la famille avait déménagé à cent kilomètres d'ici peu après ma naissance. La paysage m'était tout à fait inconnu, de même que les visages. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule.
Mon cœur battait à la chamade lorsque je m'assis sur le banc sous l'abri en verre, là où je me trouvais au moins protégée de la pluie. Je regardai les gens qui étaient descendus en même temps que moi être accueillis par leurs proches à la sortie du bus, ou bien prendre leur voiture pour rentrer chez eux, là où les attendait une grande maison chauffée. Je me retrouvai seule sur mon banc, regardant défiler les voitures.
Mon ventre était comme tordu par la faim, Miriam m'avait promis un bon dîner lors de nos retrouvailles à l'arrêt de bus. Mais elle n'était pas là, et j'étais quasiment certaine de ne pas m'être trompée d'arrêt. M'avait-elle abandonnée ? Les battements de mon cœur se firent encore plus rapides à cette pensée, et je forçai mon visage à rester de marbre pour ne pas pleurer. C'était difficile.
Je restai ici pendant ce qui me semblait être des heures, espérant que mon aînée me rejoindrait un moment ou un autre. De toute façon, je n'avais nulle part où aller. La nuit tomba brusquement. L'horloge numérique située sur l'arrêt d'en face indiquait 19 : 40. Je mis un certain temps à faire le calcul avant de réaliser que je n'avais pas bougé d'ici durant les cinquante dernières minutes. Et Miriam n'était toujours pas là.
Mon corps était totalement transi par le froid, je ne sentais plus mes doigts qui étaient devenus d'une couleur violette inquiétante. Il pleuvait toujours à verse, mais, plongée dans une sorte de torpeur, je n'entendais même plus le martellement des gouttes contre le toit de verre de l'abri. Mon champ de vision s'était curieusement rétréci, je ne voyais plus que ce qui était juste en face de moi : l'horloge numérique avec ses chiffres rouges qui défilaient à la fois lentement et rapidement. Ma vision s'était assombrie, et mes yeux se fermaient d'eux-mêmes. Cela m'inquiéta, mais je parvins à rester éveillée. On m'avait dit qu'il ne fallait pas s'endormir quand on avait froid, parce qu'on pouvait mourir. Et moi, je n'avais pas envie de mourir. Il fallait que je fasse quelque chose, vraiment. Ma sœur n'était pas là, il fallait que j'agisse sans elle. Soudain, un son retentit, me glaçant littéralement le sang.
C'était un hurlement. J'aurais reconnu sa voix entre mille, même si je ne l'avais jamais entendu hurler.
"Miriam !" m'exclamai-je en me levant précipitamment du banc.
Je tombai sur le sol humide. Mon corps avait été trop longtemps immobile dans le froid, sûrement, et j'avais des fourmis horribles dans les jambes. Miriam m'avait bien dit un jour qu'il fallait que je bouge si j'avais froid. Je n'y avais plus repensé avant maintenant. Au moins je ne m'étais pas endormie, c'était déjà cela. Je me redressai, bien décidée à la retrouver, coûte que coûte. Je ne pouvais vivre sans elle. Je chancelai, mais parvins à rester debout malgré des fourmillements gênants dans les jambes.
Un autre hurlement retentit, et j'accélérai en sa direction. J'avais une très bonne oreille et j'étais capable de me retrouver même dans le noir le plus profond grâce à un simple son. Le hurlement ne provenait pas de très loin, sur ma gauche. Je me mis à courir. Miriam était en danger. Je débouchai finalement sur une vaste place qui ressemblait plus à un terrain vague. Les immeubles qui la surplombaient semblaient tout à fait abandonnés, couverts de graffitis ignobles porteurs de messages injurieux. Une odeur nauséabonde de détritus s'élevait, me donnant envie de vomir.
Une plainte longue et douloureuse à entendre me parvint. Je remarquai alors un petit tas à quelques mètres seulement de moi, que je pris au début pour un amas de sacs poubelle. Lorsque j'approchai, je vis qu'il s'agissait en réalité de ma grande sœur. Elle qui avait toujours été forte pour nous deux, elle qui ne pleurait jamais, qui n'avait jamais mal, qui me consolait lorsque je faisais des cauchemar, elle qui était si courageuse gisait désormais sur le sol boueux, complètement brisée. Ses deux jambes formaient des arcs qui n'avaient pas lieu d'être, comme si elles avaient été montées à l'envers. Du sang s'étalait sur son chemisier au niveau de son ventre. Elle se tordait de douleur en se tenant l'épaule droite.
"Miriam !" M'écriai-je en m'agenouillant près d'elle.
Elle ouvrit les yeux dans un effort surhumain. Ils ne reflétaient que de la douleur. Elle suffoquait.
"Lila…" articula-t-elle. "Vas-t-en ! Vite !"
"Je ne te laisserai pas !" rétorquai-je. "Où est ton portable, que j'appelle une ambulance ?"
Je sentais la responsabilité de ma sœur me porter en avant, me donnant la capacité de tout faire pour l'aider.
"Vas-t-en ! Vampire !"
"Qu… Quoi ?"
La vision de mes parents drainés par des sangsues aux formes vaguement humaines trois semaines plus tôt surgirent dans mon esprit. Le pire jour de ma vie. Du moins, avant celui-ci.
"J'ai été mordue… Elle est encore là ! Vas-t-en, s'il te…"
Elle s'interrompit, écarquilla les yeux en fixant un point derrière mon épaule. Avant que je ne puisse me retourner, une main froide et extrêmement puissante se plaqua sur mon cou.
"Oh, mais je vois que nous avons de la compagnie !" Susurra une voix de femme qui ressemblait à celle d'une publicité à la télévision.
"Lâchez-la !" S'écria ma sœur dans un élan de courage. "Tuez-moi de la manière que vous voulez, mais laissez ma sœur!"
Une autre main froide glissa doucement une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. J'avais envie de hurler.
"Ta sœur ? Mmm… intéressant. Elle sent aussi bon que toi. Quelle famille appétissante !"
"LAISSEZ-LA !" hurla Miriam.
"Pour qui tu te prends, petite humaine, pour me donner des ordres ?" fit la voix menaçante. "Puisque c'est ainsi, elle sera mon dessert…"
Soudain, ma sœur disparut de mon champ de vision. Je me sentis voler à toute vitesse. J'atterris lourdement sur le sol. Du moins était-ce ma première impression. Une douleur me transperça l'épaule, me faisant hurler. Lorsque j'ouvris les yeux quelques secondes plus tard, je me rendis compte que je me tenais à quelques mètres au-dessus du sol, les pieds dans le vide, contre un mur de briques. Comment pouvais-je tenir ainsi ? Un simple regard sur ma droite suffit à me faire comprendre. J'avais été comme embrochée au niveau de l'épaule : j'avais été lancée contre un grand pic de métal qui dépassait du mur et désormais il n'y avait plus que ma clavicule qui empêchait la chute. J'avais mal, si mal que je sentais que j'allais m'évanouir d'un moment à l'autre.
Mais ma sœur était en plus mauvaise posture que moi. Je voyais le vampire tourner autour d'elle, le visage du monstre était empreint d'un sourire maléfique, cherchant quel angle serait le plus bénéfique pour la drainer de son sang. Je voulais ne pas regarder mais j'étais incapable de fermer les yeux. Puis le vampire se mit en position accroupie, ses cheveux noirs cachant son visage pâle. Elle prit doucement ma sœur par le cou, comme pour faire durer le plaisir et approcha sa bouche de la carotide. Non, je ne voulais pas… Je ne pouvais pas voir ma sœur mourir comme étaient morts mes parents, une mort douloureuse et inhumaine.
Avant que le monstre ne puisse découvrir ses crocs acérés, une forme extrêmement rapide, telle un boulet de canon, l'expédia à l'autre bout de la place. Ce boulet de canon se révéla être un homme. Un vampire, à en juger par sa peau pâle presque luisante dans la nuit, très semblable à celle du monstre qui venait de torturer ma sœur. Un combat s'engagea entre les deux créatures, mais ma vue baissait et je ne pouvais suivre leurs mouvements. Je me contentai de fixer ma sœur, qui continuait de se tordre de douleur, sans que je ne puisse rien faire.
Miriam PDV
La femelle vampire ne s'acharnait plus sur moi. Je restai seule dans ma douleur, dans le feu qui consumait mon corps. Que s'était-il passé ? Pourquoi n'étais-je pas encore morte, vidée de mon sang ? Pourquoi ne me tuait-on pas pour me laisser m'en aller en paix ? Qu'avais-je fait pour mériter cela ? Ce qui me sembla des heures plus tard, une main douce se posa sur mon front. J'ouvris les yeux. Un homme blond était agenouillé à mes côtés, l'air inquiet. J'eus un mouvement de recul. C'était un vampire, lui aussi ! N'en aurais-je jamais fini avec ces créatures de malheur ?
"N'aies pas peur, je suis médecin", dit-il.
Si je n'avais pas eu aussi mal, j'aurais éclaté de rire. Un vampire médecin ! La mortalité à l'hôpital où il travaillait devait être plus forte que dans n'importe quel autre. Mais il y avait quelque chose de différent chez lui, que je n'avais pas vu chez les autres vampires que j'avais malencontreusement rencontrés. Ses yeux. Ils étaient dorés, d'une belle couleur de miel chaud, couleur que j'étais capable de voir même à travers le masque opaque de la douleur. J'étais peut-être en train de délirer.
"Je… Je suis en train de… devenir un monstre", articulai-je au prix d'un effort gigantesque.
"Je suis désolé", murmura l'autre.
"Je ne veux pas… Achevez-moi."
"Tu n'es pas obligée d'être un monstre, dit-il d'une voix douce. En tant que vampire, je n'ai jamais fait de mal à aucun humain."
Je lui lançai un regard méfiant et plein de curiosité, malgré le feu qui me rongeait petit à petit.
"Je bois le sang des animaux", expliqua-t-il. "Cela permet à moi et à ma famille de vivre parmi les humains."
"S'il vous plaît", insistai-je. "J'ai vu le regard de ce monstre à la vue de mon sang. Je ne pourrai plus jamais approcher ma petite sœur, je le sais. Je ne veux pas de cette vie pour elle. Tout sera plus simple si je pars. Je suis trop jeune pour m'occuper d'elle comme une mère. Je ne veux pas vivre. Tuez-moi et prenez soin de ma sœur. Je vous en supplie…"
C'était le discours le plus long que j'étais capable de prononcer en dépit de la douleur insupportable.
Carlisle PDV
Je me devais de respecter son choix. Personne n'avait le droit, Dieu mis à part, d'imposer une vie éternelle et douloureuse à quiconque. J'acquiesçai. Pour ce qui était de la petite sœur, j'allais l'aider comme je le pouvais.
"Amenez-moi ma sœur, s'il vous plaît", murmura l'agonisante. "Je dois lui dire adieu."
L'odeur d'un autre sang me frappa alors. Je n'avais pas remarqué qu'elles étaient deux ici même. Mes yeux me permirent de voir ce qu'aucun humain n'eût été capable de voir : là, contre le mur d'un immeuble délabré, embrochée au niveau de l'épaule par un pic de fer à cinq mètres au-dessus du sol, une petite fille nous fixait du regard, horrifiée. Je ne pris pas la peine de me déplacer à vitesse humaine pour aller la délivrer – elle en avait bien trop vu et devait être libérée au plus vite. La petite poussa un glapissement de terreur lorsque j'apparus près d'elle, telle une proie prise au piège.
"Shh… ça va aller, je ne vais pas te faire de mal, d'accord ?" dis-je pour la mettre en confiance de ma voix la plus douce. "Je vais juste te descendre d'ici et t'emmener à côté de ta grande sœur."
Ses gémissements de douleur lorsque je fis glisser son épaule long du pic me firent mal au cœur. Comment, vampire ou non, pouvait-on infliger un tel traitement à une créature aussi vulnérable ? Quelques secondes plus tard, elle était agenouillée à côté de sa sœur.
Lila PDV
Ma sœur était trop pâle. Elle essayait devant moi de ne pas montrer qu'elle souffrait, mais ses yeux la trahissaient. Je pouvais voir sa douleur même à travers le masque de douleur et de larmes qui avait opacifié ma vue. L'autre homme – ou plutôt le buveur de sang – s'était éloigné pour nous laisser un peu d'intimité.
"Lila", murmura-t-elle.
"Ne me laisse pas", sanglotai-je.
"Je suis désolée, petite sœur. Je vais mourir. Je ne veux pas devenir comme tous ceux qui nous ont fait souffrir."
"Non, tu n'es pas obligée ! Ne me laisse pas !" répétai-je.
Elle poussa un cri de douleur et ferma les yeux un moment, avant de poursuivre en murmurant :
"Je t'aime, Lila. Tu mérites une vie bien meilleure. Tu es très courageuse. Je ne suis pas la bonne personne pour m'occuper de toi, je n'ai que quinze ans. Tu vas aller dans une nouvelle famille et tu vas être aimée comme tu mérites de l'être."
"NON !"
"Adieu, Lila. Je t'aime."
"NOOOOOOONNN !" Hurlai-je en empoignant le bras de ma sœur comme pour la retenir.
Je sentis une pression dans le creux de mon bras. Je tournai la tête pour rencontrer les yeux compatissants de l'homme – du vampire – qui s'était agenouillé à côté de moi. Il tenait à la main une seringue.
"Qu'est-ce que vous m'avez fait ?" Demandai-je en sentant la colère et le désespoir monter en moi. "Pourquoi vous ne la sauvez pas ?!"
"Je suis désolé", me dit-il simplement.
"JE ME FICHE QUE VOUS SOYEZ DESOLE, MONSTRE ! SAUVEZ-LA !" Hurlai-je.
"Je ne peux pas."
Mon esprit s'embruma soudainement. Mes paupières devinrent lourdes. J'avais du mal à réfléchir. Je balbutiais :
"Non, Miriam, non… Ne meurs pas… Je t'aime…"
"Je t'aime aussi, Lila. Souviens-toi de moi."
Des mains froides m'accompagnèrent dans ma chute dans les ténèbres. La dernière chose que j'entendis fut un craquement horrifiant.
Carlisle PDV
Briser la nuque de cette adolescente devant sa petite sœur d'environ cinq ans me coûta énormément, bien que je comprenne qu'elle ne voulait pas devenir un monstre, option que j'aurais également choisi si je l'avais pu. Miriam. C'était son nom, et je devais vivre avec cela sur la conscience, désormais. Moi qui destinais ma vie éternelle à soigner les humains, je venais d'en tuer un de sang froid, si je puis me permettre cette expression.
Mes yeux brûlaient de larmes qui ne couleraient jamais et mes mains tremblaient légèrement, ce qui en quelques siècles d'existence ne s'était jamais produit. Je devais reprendre le contrôle. J'aurais tellement souhaité avoir les capacités de Jasper pour me calmer moi-même ! Reprenant mes esprits, j'allai chercher un bidon d'essence dans ma voiture – que je conservais toujours au cas où – et mis le feu au terrain vague après avoir pris bien soin d'asperger les corps disloqués. Je pris la petite fille – Lila – dans mes bras et craquai une allumette. Je ne restai pas pour contempler les flammes détruire toutes les preuves, la fillette avait besoin de soins. Je l'installai délicatement sur le siège passager de la Mercedes avant de me mettre au volant.
Avant de démarrer, je l'observai attentivement pendant quelques secondes. La pauvre petite ne devait pas avoir mangé à sa faim ces derniers temps. Sa peau, plus que pâle, était bleuâtre, phénomène dû au froid : elle n'était vêtu que d'un tee-shirt léger et de jeans. Elle était plutôt jolie, avec son petit visage rond d'enfant, ses boucles blond vénitien et ses tâches de rousseur. Je me demandai ce que je devais faire d'elle. J'avais plus ou moins promis à sa sœur de prendre soin d'elle, mais elle savait ce que j'étais, et elle ne semblait pas vouloir faire copain-copain avec les vampires. Comment ne pas la comprendre ? Je décidai de la ramener à la maison, là où je pourrais prendre soin d'elle avec Esmé. Il y avait peut-être un moyen de lui faire comprendre que tous les vampires n'étaient pas mauvais. Et la faire hospitaliser reviendrait à prendre un énorme risque : elle pourrait parler, et les Volturi n'aimeraient pas ça, vraiment pas. Lila avait toute sa vie devant elle. C'était des vampires qui avaient détruit sa vie, je me sentais comme responsable de ma propre espèce. J'allais l'aider à revivre.
