Base : Harry Potter, tome 1 à 5. Compatible t.6. Pas de spoilers t.7.

Disclaimer : Harry Potter est la propriété de J.K. Rowling. « The song of the paladin » est une musique de Dead can Dance.

Résumé : Passages dans l'Autre Monde... Ou comment la folie s'empara de Bellatrix Black.

Remarque : Peut être considéré comme un spin-off de la fic « Les rats et les fées », centré autour du personnage de Bellatrix, mais se lit aussi séparément.


Le Chant du Paladin

Premier chapitre

I

Le Poudlard Express arrêta progressivement sa longue carcasse rouge le long du quai, ne tardant pas à déverser sa cargaison gesticulante sur la terre ferme de King Cross.

Les gamins bras nus coulaient des ouvertures comme du sucre grumeleux, certains ayant bien du mal avec leur valise, d'autres sautant du haut du marchepied avec la plus grande aisance.

Fil-de-Cuivre, descendu parmi les premiers, veillait à ce que tout se passe bien pour les plus jeunes. La chaleur de juin et la libération des vacances avaient rendu certains adolescents en leur midi particulièrement féroces, ceux-ci n'hésitant pas à bousculer voire à faire violence aux Petits qui encombraient la route devant les mener aux délices promis.

La fillette, déjà grande, dont les cheveux noirs ondulèrent un bref instant dans le courant d'air comme de l'encre qu'on dissout dans de l'eau, dont la peau à l'enfantine fraîcheur de menthe se colora imperceptiblement au moment où elle fut projetée, fut sauvée par Fil-de-Cuivre.

Il rattrapa l'apprentie sorcière au vol, comme on cueille une balle, la posa sur le quai de la voie 9 ¾. Ses yeux gris luirent d'un éclat bienveillant tandis que la fillette jeta un regard indigné aux deux Poufsouffle qui l'avaient expulsée du train – « Excuse, excuse, on l'a pas fait exprès ». Lorsque celle-ci se retourna pour le remercier, Fil-de-Cuivre se trouvait déjà dix mètres plus loin, occupé à réprimander un élève qui jetait sa valise au lieu de la porter.

Deux filles de sa classe, qu'elle n'appréciait guère, passèrent devant elle, le masquant.

« Bonnes vacances, Black ! »

« Bonnes vacances. »

Des grands de Serpentard – à partir de la troisième année, ses aînés revêtaient tous à ses yeux la silhouette d'adultes –, descendirent à leur tour, tout aussi excités. Aux gaillards de dix-huit ans et leurs oreilles percées d'anneaux clinquants succéda un pétillement de yeux gris : un troisième année aux cheveux platine vêtu d'un Lacoste blanc donna un coup de coude à un brun du même âge qui le lui rendit, et ils passèrent devant elle.

Ce fut ensuite une bande de Serdaigle et leurs nombreux bagages ; elle reconnut cette petite de mijaurée de Lisa Roy – les filles étaient si bêtes.

L'éclaircissement du groupe dégagea un instant son champ de vision ; Fil de Cuivre n'était plus là, et la plupart des parents avaient déjà emmené leurs enfants.

Le dernier passager semblait avoir été retardé par quelque problème de lacet ; Arnaud Le Juge, guide spirituel des cinquièmes années, dit aussi « Le Maître des constellations » en vertu de son accointance certaine avec la prof d'astrologie qu'il disait avoir emmenée au septième ciel lors d'une retenue, sauta distraitement à bas du marchepied, puis tira à lui son gros sac ; il rajusta ses très épaisses lunettes sur son nez busqué, et passa devant elle.

La fillette de première année le vit rejoindre ses amis, ses parents, puis disparaître dans un pilier.

La presse acheva de se dissoudre, happée par les murs de brique. Il était 12h30 sur l'horloge blanche et ronde comme une lune. Le chef de gare, tout de bleu vêtu, s'employa à changer les affichages en mouvant harmonieusement sa baguette.

Bellatrix Black resta adossée au pilier, sur le quai désert, sa haute valise à sa gauche.

La locomotive venue d'Ecosse quitta la voie, une nouvelle destination s'afficha sur le panneau qu'avait modifié le chef de gare.

Insensible à la brise d'été, la petite fille ne bougeait pas, raide comme une statue, bien que le vent fit ployer sa longue chevelure sombre et l'étoffe de son vêtement bleu. Ses bottines montaient jusqu'à la lisière de ses longues jupes et sa robe rencontrait une large ceinture rouge avant de serrer, avec du galon et de la dentelle noire, le cou sous le menton et les bras à la hauteur des poignets.

Pure et pâle comme le paladin, alors que le soleil déclinait par-dessus les toits de zinc et de brique des Muggle, sa silhouette ne perdait rien de sa noblesse au seuil de son grand voyage…

Lorsque le nouveau train entra en gare, il était quatre heures de l'après-midi. La belle locomotive couleur nuit annonçait :

CORNWALL EXPRESS

Alors, une fois que tous les wagons furent immobilisés, Bellatrix Black saisit la poignée de sa valise et la hissa à l'intérieur.

Il y avait peu de voyageurs, aussi put-elle s'installer dans un compartiment vide.

Bientôt, le signal du départ fut donné, l'énorme machine ensorcelée se mit à trembler, puis glisser. La fillette tira de ses bagages un de ses livres et s'efforça d'y porter son attention, bien que son regard fût naturellement attiré par le paysage qui commençait à défiler. Ce fut d'abord la banlieue de Londres, rougeoyante et sale, mais comme bénie par le ciel bleu qui la nimbait d'un océan de pureté infinie. Puis la campagne, vite ennuyeuse - trop de couleurs, trop de miniatures.

Un contrôleur ne tarda pas à faire son apparition, lui demandant où elle allait comme ça toute seule à son âge. Mécontente de ne pas être laissée tranquille, mais ne perdant pas sa contenance, Bellatrix répondit qu'elle allait « jusqu'à la fin ».

La paix qui suivit le départ du contrôleur ne dura pas longtemps ; une demi-heure plus tard, le compartiment reçut la visite du service repas.

« Alors, y'a quelque chose qui tente la 'tite mademoiselle ? », lança le vieux cracmol endimanché.

« Non, rien, merci », répondit la jeune fille en posant à peine ses yeux sombres sur le chariot débordant de victuailles.

« La route est longue, tu sais ! J'ai tout un assortiment de confiseries pour les enfants, des sandwiches et du jus de citrouille. »

« J'ai dit : non, merci. »

Il y eut un bruit de gargouillis ; ses yeux s'écarquillèrent de surprise. L'homme rit.

« Ton estomac me dit le contraire, pourtant », constata-t-il.

« Je n'ai pas faim », répéta la fille, droite comme un pic.

« Ce n'est pas honteux de manger, jeune demoiselle. Tu n'as pas d'argent ? Je t'en fais un gratuit si tu veux. »

Bellatrix Black fit comme si elle ne l'entendait pas et poursuivit sa prise de notes.

« Tu pars en vacances ? Tu écris à tes 'tites amies ? »

« Je n'ai pas d'amies », répliqua-t-elle le regard fixé droit devant elle. « Les filles sont stupides, superficielles, et lâches. »

« Tu en es bien une, et tu ne m'as l'air rien de tout cela pourtant. »

L'employé sortit un sandwich de son chariot et le posa sur la banquette.

« Bon voyage… », conclut-il en s'en allant.

La porte se referma en coulissant. La jeune Black négligea un second soubresaut de son ventre, posa sa tête contre la fenêtre, insensible au triangle de pain de mie qui partageait sa banquette. Ses lourdes paupières se fermaient de sommeil, bientôt l'après-midi tira à sa fin ; à travers ses cils mi-clos, l'astre d'or rond comme une coupe déversa ses rayons rouges sur les prairies et les collines de la Cornouaille.

Le train finit par ralentir.

La fille avait rangé son livre et regardait le paysage, les doigts collés sur la vitre chaude.

On longea un village, puis des bois de feuillus, avant de traverser une rivière étroite. Le cours d'eau passé, le temps se couvrit soudain, le ciel devint gris et se remplit d'un coup d'une myriade de nuages semblables à des moutons bleus, comme s'ils étaient tombés en un instant de la hauteur abyssale de la voûte céleste.

Alors, le Cornwall Express atteignit une gare minuscule et biscornue, son terminus. Black se leva immédiatement, traîna sa valise jusqu'à la sortie et se retrouva sur le quai.

Deux silhouettes hâves à l'allure de cadavres vivants, vêtues de redingotes vieux mauve, vinrent à sa rencontre.

« Mademoiselle Black ? »

« Oui. »

Ils ôtèrent leur chapeau haut-de-forme et la saluèrent.

« Nous vous attendions. Venez avec nous. »

à suivre