Il pleuvait ce jour-là. Tout était gris, aussi gris que la tenue des altruistes venus en masse pour lui dire adieux. Tous stoïques car pleurer c'est se donner en spectacle, faire preuve de vanité. Et au milieu de cette foule silencieuse, en sanglot mais toujours sans un mot, pleurait une jeune fille. Elle ne devait pas avoir plus de 16 ans, le teint pâle et d'une maigreur terrifiante. Les personnes près d'elle ne pouvaient s'empêcher de la plaindre « la pauvre, orpheline à son âge », « cette démonstration montre bien son désespoir », « elle qui avait tout fait pour le soigner, c'est si triste ».

C'est à ce moment que Marcus, le chef de la faction commença, à poser la terre qui ensevelira le corps de Sebastian Rockwood, médecin des Altruistes, veuf et laissant derrière lui sa fille Daisidéria.

Après une cérémonie en toute simplicité, de nombreuses personnes défilèrent à la maison des Rockwood pour apporter réconfort et nourriture à la jeune orpheline.

_ « Merci Madame Prior pour la salade de pomme de terre, ce n'était pas la peine de vous déranger pour moi. » remercia la jeune fille.

_ « C'est normal, nous veillons les uns sur les autres. Si tu ne veux pas rester seule cette nuit tu peux venir chez nous, Beatrice sera heureuse de partager sa chambre avec toi.

_ Je vous remercie une fois de plus, mais je préfère rester seule. En revoir Me Prior » conclut-elle la discussion abruptement.

Toutefois le répit de Daisidéria fut de courte durée, cette fois-ci se fut Marcus qui vint la voir.

_ « Je ne veux pas vous voir » s'exclama-t-elle aussitôt qu'elle comprit qui était derrière la porte.

_ « Daisidéria, cette réaction n'a rien de l'altruiste que ton père aurait aimé que tu sois. » La réprimanda son leader.

_ « Ne parlez pas en son nom ! Lui seul aurait pu dire ce qu'il pense et il n'est plus là pour le faire, tout ça à cause de vous !

_ Voyons ne dis pas n'importe quoi, je ne suis pas responsable de sa maladie.

_ C'est vous et vos principes qui en êtes responsable ! Il pouvait se sauver mais vous avez préféré donner les médicaments aux sans-faction ! Il a perdu petit à petit toutes ses fonctions. Il a souffert pendant des mois, en arrivant à la folie. Il m'a supplié de le tuer pour abréger ses tortures ! » Eclata l'orpheline.

_ « C'était ton père, je le comprends bien mais il méritait de vivre autant qu'un autre.

_ Il était médecin ! Il aurait pu sauver encore des centaines de personnes si vous ne l'aviez pas tué !

_ Tu délires ! Je n'ai tué personne ! » s'emporta l'altruiste.

_ « Si ! Vous êtes bien le monstre que décrivait Tobias ! » Cracha Daisidéria pleine de haine avant de recevoir une claque magistrale sur la joue droite. « Vous montrez enfin votre vrai visage » continua -t-elle en se tenant la joue.

_ « Ne t'avises plus jamais de parler de lui ! » répondit le père du dit Tobias comme fou.

_ « Pourquoi ? Il n'a fait que dire la vérité sur vous ! » A cet instant la jeune altruiste compris qu'elle n'en s'en sortirai pas comme ça. Alors que le leader s'apprêtait, fou de rage, à la frapper à nouveaux, elle le poussa de toutes ses forces avant de s'enfuir en courant des quartiers altruistes en direction du centre-ville.

Alors qu'elle courait le plus vite possible sous la pluie dégoulinante, elle comprit qu'elle ne pourrait jamais revenir chez elle. Etais-ce même encore chez elle ? S'occuper de son père malade l'avait changé, elle ne pouvait le nier. La bienveillance des altruistes avait fait place au fil des mois à la rage contre eux, contre la vie, contre elle. Elle qui n'avait jamais rien fait de sa vie que d'obéir à des principes auxquels ne comprenait plus rien. En quoi se regarder dans un miroir était mal ? Pourquoi devait- on aider les autres et pas elle ? Pourquoi sauver tout le monde et pas son père ?

Au travers d'une flaque d'eau elle regarda son reflet. Elle était maigre, trempée et ses cheveux étaient devenus blancs à cause du manque de lumière. Elle n'était pas sortie de chez elle depuis presque 9 mois, surveillant son père nuit et jour. Elle n'avait pas manger un repas convenable depuis des mois non plus. Elle avait tout sacrifier pour les autres depuis sa naissance, sa vie, sa santé, sa liberté. Elle s''était sacrifiée elle-même.

Mais aujourd'hui tout était fini. Il n'y avait plus personne, plus de famille, plus de faction pour lui dicter quoi faire. Libre, elle l'était enfin ! Jamais la solitude n'avait été aussi douce, aussi formidable. Demain elle pourrait enfin faire un choix par elle-même, pour elle. Pour la premièe fois de sa vie, elle se sentie vivante. L'avenir lui appartenait et rien ne pourrait se mettre en travers de son chemin.

Elle se mit à rire comme jamais en tournoyant sous la pluie. Elle n'était plus personne, elle n'était plus qu'elle.