« La mort la plus terrible ? Laissez-moi vous raconter une histoire... »

« L'histoire commence lorsqu'une simple humaine, cet ensemble d'un corps fragile et d'un esprit loin d'être infaillible, accéda à l'immortalité.

Lorsqu'elle s'en rendit compte, puisqu'on ne ressent en soi aucun changement, elle cria de joie : « Oui ! Je ne mourrai jamais ! Quoi qu'il m'arrive, je pourrai vivre éternellement ! ». Les accidents de la vie lui confirmèrent que son corps ne pouvait plus être détruit, tout du moins, s'il l'était, il se reconstituait tout aussitôt. La vieillesse non plus ne pouvait pas l'atteindre : elle avait développé une enveloppe corporelle intemporelle. Mais bien que son corps ne puisse être détruit, son esprit, lui, était de loin bien fragile.

Les années défilèrent. Bien qu'elle soit immunisée à la mort, son entourage ne l'était point. Elle perdit ainsi chaque être qui lui était cher. Ses amis, sa famille, ses animaux. Il ne lui restait rien, seulement son immortalité. Bien évidemment, cette jeune fille ne pouvait pas se laisser abattre ainsi ; comme beaucoup disent, il faut profiter de chaque moment présent et recréer de nouvelles relations tous les jours. C'est ce qu'elle fît, pendant les premiers siècles, tout du moins.

Lassée de cette vie où elle ne faisait que perdre ce qu'elle avait créé, elle décida de s'abandonner à la folie, et ainsi détruire tout ce que les autres avaient réalisé. Ce fût d'abord la destruction matérielle, mais ça devenait vite lassant. Elle s'en prit alors aux vies. Après tout, pourquoi les autres auraient droit à la vie alors que celles de ses amis s'étaient interrompues si tôt ? Mais cela ne lui suffisait pas. Seulement prendre les vies était ennuyant, même la torture qui permettait de voir leur visages agonisants n'étanchait pas sa soif de vengeance. Non, pour exprimer sa peine, pour que les autres puissent la comprendre, il fallait qu'ils connaissent un sentiment bien pire. Ainsi cette ancienne jeune fille gentille et énergique s'était transformée en démon créant autant de problèmes que possible dans un maximum d'endroits afin de détruire toutes les relations que les personnes qu'elle rencontrait entretenaient.

Son jeu favori était cependant celui qui demandait le moins de personnes. En effet, c'était un jeu qui ne nécessitait que son propre corps et... quelques armes. Tenter toutes les possibilités de morts imaginables, expérimenter toutes les douleurs qui puissent exister, voilà ce qu'était devenu son passe-temps favori : la torture de son propre esprit. »

« Pour répondre à votre question, la mort la plus terrible n'est autre que l'immortalité. On ne peut considérer quelqu'un ayant vécu pendant des millénaires comme quelqu'un étant encore vivant : il n'a plus rien à apprendre ; découvrir de nouvelles choses est la définition même de la vie. »