« Herm', tu vas vraiment rester vautrée sur ton canapé devant les Serpentards à Mykonos ? Tu sais quel jour on est aujourd'hui ? a pépié Ginny en faisant les cent pas dans le salon d'Hermione.
- Surtout que franchement, cette émission est déplorable. Depuis quand les serpentards sont de tels crétins ? a ajouté Pansy, outrée et néanmoins assise à côté d'Hermione.
- Sur ce point je les trouve plutôt réalistes, moi, a rétorqué Ron en plongeant sa main dans le seau de pop-corn familial qu'il avait apporté en vue de l'occasion.
- Ron, arrête de te goinfrer, maman va te tuer si tu ne manges rien pour son repas de Noël.
- Écoute ta sœur, Ronny, a gloussé Pansy.
- Oh mon dieu, par Merlin, je rêve où c'est Millicent Bulstrode à l'écran ?! intervint Hermione, visiblement choquée.»
Les trois autres tournèrent aussitôt la tête vers la télévision et se mirent à pousser des cris stridents. On aurait pu penser qu'ils avaient muri avec le temps et tout ce qu'ils avaient traversés, mais ils se retrouvaient constamment les uns chez les autres pour se goinfrer, se disputer, partager des ragots ou tout simplement regarder des niaiseries à la télévision. Il y a peu, seule Hermione en possédait une, mais le monde sorcier s'était peu à peu ouvert à certains objets moldus, bien aidé par la création d'une chaîne de télévision sorcière.
« Elle ressemble toujours autant à un troll, a pouffé Ron.
- On peut pas dire qu'elle redore l'image des Serpentards… a gémi Pansy.
- Vas-y-toi, à Mykonos ! la provoqua Ron.
- Avec ces guignols ? Merci bien, je tiens à ma réputation !
- AH ! Donc tu avoues que les serpentards sont ridicules ! »
Ginny soupira, lassée d'assister aux éternelles disputes de ces deux-là. Même s'ils étaient amis à présent, ils ne pouvaient s'empêcher de se quereller pour des broutilles. Elle se tourna naturellement vers Hermione, s'attendant à la trouver en train de rire, mais celle-ci regardait fixement dans le vide. Ginny alla s'asseoir à côté d'elle et lui toucha le bras doucement, la forçant à relever la tête.
« Ça va ?
- Je… Oui, je vais bien. Tu sais, passer la journée du 25 décembre sans ma famille, ça n'a rien de très réjouissant, avoua Hermione à voix basse.
- J'imagine ! C'est pour ça que maman insiste pour que tu viennes manger avec nous.
- C'est gentil, mais je n'ai pas la tête à sortir, répliqua Hermione en haussant les épaules.
- Allez, viens ! Ça te changera les idées et ça nous ferait vraiment plaisir. Et puis, maman sera très fâchée si tu ne viens pas chercher ton dixième pull tricoté main qui gratte affreusement.
- J'ai du travail, Gin'… »
Ginny leva les yeux au ciel mais ne la contredit pas. Hermione travaillait beaucoup depuis la fin de la guerre – comme avant, remarque, elle avait toujours été une bosseuse acharnée. Mais maintenant qu'elle avait trouvé ce travail dans une maison d'édition, elle l'utilisait comme prétexte pour rester enfermée chez elle les jours de cafard. Ginny la respectait beaucoup et estimait qu'elle avait le droit d'être triste, seulement ça la contrariait beaucoup.
« Comme tu voudras. Si tu changes d'avis, un couvert t'attendra. »
Hermione remarqua le tact de son amie et la remercia d'un sourire.
« Ron, il va être midi, on y va ?
- Attend au moins la fin de l'épisode ! Je veux savoir si Goyle va se rendre compte que sa copine le trompe ! »
Pansy éclata de rire et lui jeta un coussin, moqueuse. Pansy, comme Hermione, était seule pour Noël. Ses parents à elle se rappelaient de son existence mais elle avait coupé les ponts avec eux pendant la guerre, réalisant à quel point ils pouvaient être monstrueux. Elle en parlait en riant mais tous savaient bien qu'au fond, elle en souffrait et se sentait coupable d'appartenir à une telle famille.
Ron se mit soudain à rire, ses pieds frappant le sol frénétiquement.
« Elle est très forte cette serpy, balancer un sort de confusion au gros Goyle pour qu'il oublie qu'il vient de voir sa copine chevaucher un autre mec ! Hahaha ! Cette émission est scandaleusement drôle ! »
Ginny, agacé, transplanna en direction du Terrier, faisant promettre à Ron de ne pas traîner.
« Ouf, elle est partie. Quelle furie ! soupira-t-il.
- Ça sera répété, le menaça Pansy en agitant un doigt sous le nez du rouquin.
- Je m'en fiche, face de pet.
- REGARDEZ ! hurla soudain Hermione en projetant d'un mouvement brusque le seau de pop-corn par terre. »
Cette fois, une longue minute s'écoula avant que quelqu'un ne réussisse à émettre le moindre son. Drago Malefoy était apparu à l'écran, une valise à la main, des lunettes de star sur le nez, et frappait à la porte de la maison de la célèbre émission de télé-réalité.
Lorsque la mention « la suite au prochain épisode » apparu à l'écran, Pansy sursauta violemment et se retourna vers Hermione, l'air hagard.
« Je n'ai pas rêvé, n'est-ce pas ? Je veux dire, Millicent est désespérée, et elle a approximativement le QI d'une crêpe bretonne, alors je conçois qu'elle puisse aller dans cette émission. Mais Drago, DRAGO, ce snob richissime qui ne connaissait même pas l'existence de la télévision i mois, DRAGO MALEFOY, dans Les Serpentards à Mykonos ?!
- Je me demande comment l'homme le plus condescendant du monde va s'en sortir avec tous ces décérébrés. Devant le monde de la sorcellerie au grand complet ! HAHAHA ! jubilait Ron en engloutissant toujours plus de sucreries, l'air réjoui.
- C'est tellement pathétique, même pour lui, que je n'ai rien à ajouter… Il me déçoit, et pourtant il partait de tellement bas dans mon estime que c'est un exploit, conclut Hermione.
- NON MAIS VOUS N'AVEZ PAS L'AIR DE RÉALISER ! DRAGO MALEFOY ! Il ne m'a même pas prévenue ! radotait Pansy, toujours sous le choc.
- J'imagine la tronche que doivent tirer ces chers Lucius et Narcissa, c'est jouissif ! ajouta Ron.
- Récurvite, lança distraitement Hermione pour nettoyer le pop-corn qu'elle avait renversé partout sur son tapis. J'avoue que je n'arrive pas à comprendre. Ça dépasse l'entendement. Tu crois qu'il a besoin d'argent ?
- Sa famille a beaucoup perdu pendant la guerre, mais ils sont tellement puissants que je ne me fais pas de soucis pour eux… Je ne pense pas que l'argent soit l'explication, répondit Pansy, absorbée dans la contemplation du générique.
- Qui a besoin d'une explication autre que la vanité de cet enfoiré de Malefoy ? Il a besoin d'être au centre de l'attention générale, alors si on le paye pour se pavaner à la télé, normal qu'il se précipite ! asséna Ron en se levant, époussetant au passage toutes les miettes qui traînaient sur ses genoux.
- Je le connais bien. Je sais que vous le portez pas dans votre cœur, et je vous comprends, mais c'est quelqu'un de fier, il a des valeurs et sa très haute estime de lui-même devrait l'empêcher de se donner en spectacle comme ça. C'est très bizarre ! »
Ron haussa les épaules et, après avoir embrassé les deux filles, transplanna pour le Terrier après avoir promis d'annoncer le scoop à toutes les personnes qui croiseraient sa route dans la journée. Le contraste était saisissant entre une Pansy dévastée et un Ron extatique.
« Herm', je sais que t'aimes pas mélanger travail et vie privée, mais est-ce que tu pourrais demander à Astoria si elle sait quelque chose à propos de Drago ?
- Tu veux que je demande à ma patronne, et accessoirement la fille du propriétaire de mon entreprise, si elle a des nouvelles de son ex, qui fait de la télé-réalité ? répéta Hermione comme si elle n'avait pas bien entendu. »
Pansy rougit et hocha la tête, gênée de demander une telle faveur à son amie. Contre toute attente, Hermione s'entendait plutôt bien avec Astoria et il leur arrivait de se voir en dehors du travail. Elles ne parlaient pas vraiment de leur vie privée, mais il était de notoriété publique que Drago et Astoria s'étaient fiancés à la fin de la guerre, et qu'il l'avait plaquée brutalement peu de temps après. C'était assez délicat pour Hermione de demander des nouvelles de lui, mais elle devait bien ça à Pansy.
Aussi, le lendemain, lorsqu'elle s'installa derrière son bureau, elle se demanda comment aborder la question Drago sans froisser Astoria. Celle-ci allait entrer d'une minute à l'autre pour leur réunion quotidienne. Hermione alla se servir un café, et croisa Blaise Zabini qui était occupé à donner des coups de pied au distributeur.
« Foutue machine moldu, elle a mangé ma pièce ! pestait le jeune homme.
- Sale journée, hein ! lança Hermione.
- A qui le dis-tu ! Je dois rencontrer l'auteur du bouquin sur les Animagus dans 5 minutes et je n'ai rien avalé depuis hier soir.
- Reparo, essaya Hermione. »
La machine émit un petit couinement et recracha la pièce de Blaise, sous le regard éberlué de celui-ci.
« Merci Hermi, je n'y avais même pas pensé…
- C'était un plaisir. Alors, ton week-end ?
- Bof. Je me suis pris la tête avec mes parents qui ne comprennent toujours pas que j'ai envie de travailler – un sang pur ne se salit pas les mains, gnagnagna - et j'ai découvert que mon meilleur ami faisait de la télé-réalité ! »
Mais bien sûr, Blaise ! Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ?
« Je dois en déduire que tu n'étais pas au courant, toi non plus ? Pansy a frôlé l'arrêt cardiaque.
- Il est étrange comme garçon, mais là il passe un cap sur l'échelle du grand n'importe quoi ! s'emporta Blaise.
- Vous parlez de Drago ? ».
Astoria venait de débouler dans la pièce, et aucun d'eux ne l'avaient entendue arriver. Blaise regarda Hermione d'un air un peu désespéré, ce qui eut pour effet de faire rire leur patronne.
« C'est bon, vous pouvez parler de lui devant moi, c'est un sujet enterré. D'autant plus enterré maintenant qu'il s'affiche à la télévision, maugréa Astoria.
Il disparait pendant des mois et paf, il refait surface là où on l'attend le moins.
- Donc personne ne sait pourquoi il a fait ça. Étrange… réfléchit Hermione à voix haute.
- Peut-être qu'un de ses nouveaux amis le sait ! lança Astoria d'un ton tranchant.
- Quels nouveaux amis ? demanda Blaise.
- Je ne sais pas, mais il doit bien en avoir. Sinon, où serait-il passé tout ce temps ?
- Peut-être que les remords l'ont rattrapés et qu'il est parti faire une retraite au Tibet pour se purifier, gloussa Hermione en touillant son café.
- On parle de Drago là, il y a plus de chance pour qu'il se soit retrouvé coincé dans une boîte de strip-tease en Europe de l'est. »
La pique d'Astoria fit rire toute le monde et l'atmosphère se détendit un peu. Ils parlèrent rapidement du planning de la journée, et rejoignirent leurs bureaux en gardant malgré tout dans un coin de leur tête le mystère Drago. Hermione ne l'avait revu qu'à deux reprises depuis la fin de la guerre, et encore ils s'étaient juste croisés à des soirées d'amis communs. Égal à lui-même, toujours aussi hautain, il ne lui avait jamais suscité la moindre empathie.
Aux alentours de midi, elle envoya un hibou à Pansy pour la tenir au courant des non-avancées de son enquête, et se replongea dans son travail. Ce n'est que sur les coups de 18h qu'elle s'autorisa une pause, lorsqu'Harry poussa la porte de son bureau.
La figure souriante de son meilleur ami, les lunettes légèrement en travers du fait de sa longue montée des escaliers (Harry le héros de guerre avait peur des ascenseurs, ce qui est un peu paradoxal si l'on y réfléchit), lui fit oublier tous ses soucis.
« Désolé de t'interrompre ! dit-il en s'asseyant.
- Tu parles, tu es ravis de m'interrompre, le taquina-t-elle.
- C'est vrai. Je venais te parler de Drago, il… commença Harry.
- Oh non pitié, pas encore ! A croire que tout le monde ne parle que de lui ! le coupa t-elle.
- C'est le cas, il a fait la une de la Gazette du Sorcier ce matin. Même au ministère, les bruits de couloir vont bon train. Je me demandais si tu n'en saurais pas plus, avec Blaise et Astoria. Ron est en boucle sur le sujet, il veut qu'on se retrouve tous chez lui ce soir pour regarder l'épisode du jour.
- Blaise et Astoria tombent des nues eux aussi, impossible de savoir quel hippogriffe a piqué Malefoy.
- Je vois… Quoi qu'il en soit, 20h dans la tanière de Ron, d'accord ?
- Je ne manquerais ça pour rien au monde, ironisa Hermione. »
Une fois Harry parti, elle tenta de se replonger dans son travail mais la vision de Malefoy en costume italien, quelque part sur une île grecque, ne voulait pas sortir de son esprit. Elle bascula en arrière sur son fauteuil et se massa les tempes, agacée que cet olibrius qu'elle croyait disparu de la circulation vienne lui brouiller le cerveau.
Elle se leva, constata que ses chaussures à talon la faisaient atrocement souffrir et les enleva, puisqu'à cette heure-ci les bureaux étaient totalement vides. Une fois son énième café englouti, elle retourna s'asseoir et tenta de se remettre à l'ouvrage. Peine perdue.
« Maudit Serpy, bougonna-t-elle en froissant un papier qui traînait sur son bureau. »
Elle s'apprêtait à le lancer dans sa poubelle d'un geste rageur lorsqu'elle s'arrêta, le bras figé en l'air.
Drago Malefoy se tenait dans l'embrasure de la porte et la fixait d'un air impénétrable.
« On t'a jamais appris à frapper aux portes, Malefoy ?
- On t'a jamais appris à mettre des chaussures ? »
Estomaquée, Hermione jaugeait l'intrus comme si elle cherchait à vérifier qu'il était bien réel. Au vu de leur échange, aucun doute n'était possible. Leurs échanges étaient aussi empreints d'amour qu'autrefois, à croire qu'ils ne s'étaient jamais quittés. Instinctivement, elle replia ses orteils sous son bureau.
« Tu peux m'indiquer le bureau d'une personne compétente s'il te plait, ou tu vas rester là à me regarder en bavant ? demanda-t-il d'une voix sarcastique.
- JE suis une personne compétente et, comme tu peux le voir, les bureaux sont vides à cette heure-là. D'ailleurs, comment es-tu rentré ? »
Hermione essayait de reprendre contenance et pour cela, elle reposa la boulette de papier sur son bureau, croisant les bras contre sa poitrine. Malefoy eut un sourire et brandit une liasse de billets.
« Comme ça.
- Certaines choses ne changent pas, grogna Hermione. Qu'est-ce que tu veux ?
- Parler business. »
Hermione se mit à rire nerveusement et se leva, repoussant sa chaise un peu trop brutalement.
« Très bien, dans ce cas appelle pour prendre un rendez-vous avec un de mes collaborateurs dans la semaine. Je m'en vais, asséna-t-elle en ramassant ostensiblement ses affaires.
- Je ne veux pas un de tes collaborateurs, je te veux toi. »
Hermione se figea, et redressa la tête vers lui d'un air hargneux. Il la contemplait en souriant, fier de son effet.
« Depuis quand tu veux travailler avec des sang-de-bourbe, Malefoy ? »
Son expression hautaine se fissura un instant et il baissa les yeux. Était-ce de la honte ? Hermione secoua la tête, pour se sortir cette pensée incongrue de l'esprit. Il ne s'agissait que d'une de ses manœuvres pour la faire céder, rien de plus.
« J'ai un projet très lucratif, car basé sur moi, à te proposer, reprit-il en s'appuyant nonchalamment contre le chambranle de la porte.
- Oh, vraiment ? Tu sais donc écrire ? Parce qu'au cas où tu n'aurais pas remarqué, nous publions des livres ici, persifla-t-elle.
- Pourquoi tant de haine, Granger ? Si tu ne veux pas du prochain Best-seller, je trouverai quantité de maisons concurrentes pour me publier. »
Hermione lui lança un regard noir, et nota tout de même qu'il marquait un point. Okay, elle le détestait profondément, mais c'était égoïste de pénaliser son entreprise. Malefoy était célèbre et entouré d'une certaine aura. Il était évident que, même si son livre était nul, il partirait comme des petits pains.
« Demain, 15h. »
Elle s'élança vers la porte, éteignit la lumière et frôla Malefoy, sans pouvoir s'empêcher de constater qu'il sentait drôlement bon, pour un odieux personnage comme lui.
« Granger, t'as oublié tes chaussures, ricana celui-ci.
- Actio chaussures ! s'écria Hermione, agacée et se sentant surtout idiote. »
Les escarpins s'envolèrent à toute vitesse et frôlèrent le visage de Malefoy en émettant un sifflement, ce qui eut pour effet de le faire sursauter.
Hermione profita de cet instant d'inattention pour s'engouffrer dans l'ascenseur et ce fut avec joie qu'elle vit les portes se refermer sur le visage défait du serpentard.
