Disclaimer : les personnages ne sont pas les miens, mais ceux de Hideaki Sorachi. L'image d'illustration est empruntée à NatsuPi sur Deviantart.

Introduction : Bienvenue sur cette fanfiction spécial Noël ! Comme certains auront pu le deviner au vu du titre, il s'agit d'une adaptation du conte Un chant de Noël de Charles Dickens... Ouah, quelle originalité, je dois être la... dix-millième à faire ça ? Peu importe,cette fois c'est ln tour, et dans l'univers et avec les personnages de Gintama.

Pour ceux qui ne connaissent pas le conte, ce n'est bien sûr pas un pré-requis ; au pire trouverez-vous l'histoire un peu étrange et ne verrez-vous pas les références, mais aucune n'est nécessaire pour comprendre l'histoire. Et au moins, vous ne serez pas spoilés !

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PREMIER COUPLET

Le spectre de Marley

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En cette soirée du 24 décembre, le quartier Kabuki était à la fête. Bien que ce soit une célébration étrangère, les plus chauvins avaient bien du mal à ne pas se laisser contaminer par l'esprit de joie et de réjouissance qui avait étendu ses illuminations dans toutes les rues. Des branches de houx et de gui coloraient les fenêtre, les vitrines rivalisaient pour offrir les plus belles compositions à base de rennes et de gros barbus vêtus de rouge et un grand sapin tout illuminé avait été installé sur la place. Les rues résonnaient des rires d'enfants emmitouflés qui couraient entre les étals débordant de pâtisseries colorées dont l'odeur sucrée se mêlait à celle des marrons chauds, ou se groupaient pour plonger leurs mains rougies dans la poudreuse fraîche pour faire une bataille de boule de neige. Le cabaret des hôtesses s'était paré de couleurs chaleureuses, illuminant les lieux presque autant que les jolies jeunes femmes qui ornaient pour l'occasion leurs cheveux d'étoiles et de chaînes perlées.

L'ambiance avait imprégné la ville jusqu'à l'intérieur du Shinsengumi : les rires s'y faisaient plus fréquents, les veillées s'éternisaient plus tard autour de boissons chaudes sentant le chocolat et la cannelle et des petits groupes discutaient avec excitation de leurs projets pour les fêtes. Sougo participait à sa façon en surprenant les recrues les plus jeunes ou les plus impressionnables par des tirs de roquettes additionnés de paillettes et de fausse neige ; et preuve qu'il était gagné par l'esprit de Noël, il prenait toujours soin de ne pas les viser directement et de tirer au-dessus de leur tête. Seules certaines parties de la toiture avaient pour le moment trouvé de quoi s'en plaindre. Kondo, suite à un pari perdu, devait se balader jusqu'au 25 au soir coiffé d'un bonnet de père Noël, gage qu'il acceptait avec fair-play et bonne humeur, un état d'esprit qui avait contaminé tous les coins du quartier général.

Enfin, presque tous.

Un endroit du bâtiment y restait imperméable.

Si l'esprit de Noël avait eu une consistance physique, il se serait fait étrangler par des tentacules noirâtres émanant d'une porte en particulier : celle du bureau du vice-commandant Hijikata Toushirou.

Quel que soit l'endroit où il se trouvait, partout où il passait, il traînait avec lui cette aura qui faisait taire les discussions et baisser les têtes. L'esprit de Noël était comme étouffé. C'est tout juste si les illuminations ne s'éteignaient pas sur son passage. En effet, depuis que les fêtes de fin d'année avaient commencé à prendre leurs quartiers en ville, son humeur était massacrante. Il ne lui manquait que la fourrure verte et on se serait cru dans un autre conte.

Non, ce moment de l'année ne le mettait pas en joie. Pourquoi ce serait le cas ? Tout ce qu'il constatait, c'est que ses hommes y voyaient un prétexte pour négliger leur travail. Tout ça sous couvert de se gaver de graisse, de sucre et d'alcool et de faire les abrutis jusqu'à pas d'heure. Et il en avait encore la preuve sous les yeux.

Yeux par ailleurs électriques devant lequel l'agent de police baissa les siens, les mains crispées sur ses genoux. Il pouvait sentir le regard de son supérieur lui vriller le crâne...

- Est-ce que tu peux me rappeler, lui demanda-t-il d'un ton lourd de menaces qui le fit se tendre encore davantage, combien de temps à l'avance il faut s'y prendre pour réserver un jour de congé ?

- Tr... Trente jours à l'avance, vice-commandant.

- Et tu me demandes une permission pour... ?

- Pour... Pour demain... Mais c'est un imprévu, s'empressa de rappeler l'agent, un dénommé Haruki. Ma femme et nos enfants ne devaient pas pouvoir être là pour Noël, c'est pour ça que je n'ai pas réservé ma... Mais ils ont pu avoir les billets pour revenir à Edo ce matin, je ne pouvais pas le prévoir !

- Les changements dans les jours de congé se font en cas de force majeure, et Noël n'en fait pas partie. Tu aurais dû être prévoyant et réserver ton jour de congé au cas où quand tu étais encore dans les temps.

- Je sais que c'est contraire au règlement, mais Hinata est d'accord pour échanger avec moi, ses projets ont dû être annulés. Ce serait exceptionnel... C'est la première fois... suppliait-il.

- Si j'accorde une première fois, on va m'en demander une seconde, puis une troisième, argua Hijikata. Et bientôt, chacun fera ce qu'il voudra. Le Shinsengumi a besoin qu'un minimum d'ordre soit respecté !

- Je vous promets que je n'en profiterai pas...

- Pas d'exception, Noël ou pas ! trancha son supérieur. Si ta famille tient tant à fêter Noël, elle peut attendre ton prochain congé. Et puisque tu n'y es pas aujourd'hui non plus, retourne au travail !

Suivant du regard l'agent qui sortait, la tête basse, Hijikata vit que Sougo attendait appuyé contre le manteau de la porte, le regardant les bras croisés.

- Qu'est-ce que tu as à me fixer, toi ?

- Je ne te fixe pas, j'attends juste mon tour, répliqua le jeune capitaine. Je suis déjà obligé de supporter ta vision plusieurs fois par jour, je ne vais pas m'imposer des heures supplémentaires.

- Écrase, et dis-moi ce que tu veux !

- Tu as de la visite. Je fais entrer ?

- C'est le défilé, aujourd'hui, grommela-t-il. Ouais, envoie, et j'espère que ça ira vite.

Sougo fit un signe de tête à quelqu'un qu'il ne pouvait pas voir, à l'extérieur, avant de partir. Le bruit de ses pas s'éloigna tandis que celui de son visiteur s'approchait. Lorsque Hijikata vit de qui il s'agissait, une brève surprise laissa vite place à la montée de plusieurs crans de son irritation.

- Qu'est-ce que tu fous là, toi ?

- Bonjour à toi aussi, monsieur le flic, répondit Gintoki avec une pointe de sarcasme en se curant l'oreille.

- Si tu es venu m'emmerder, je te préviens, je suis pas d'humeur !

- Oh, mais tout de suite, calme-toi un peu, c'est la période des fêtes, tu devrais te détendre, ça te ferait du bien...

- Ni la période des fêtes ni toi ne me donnent envie de me détendre ! Alors soit tu me dis quelque chose qui justifie ta présence, soit tu passes la porte dans l'autre sens avant que je ne vienne t'y aider !

- Ça va, ça va...

À défaut d'y avoir été invité, il vint d'asseoir face au policier. Hésitant à commencer, il semblait chercher ses mots, le regard fuyant alors qu'il se grattait le crâne.

- Voilà...J'ai pu remarquer, en passant à côté purement par hasard, que vous aviez un toit en assez mauvais état... Un beau paquet de tuiles qui a foutu le camp et probablement quelques poutres à rafistoler...

- Ouais, grogna Hijikata, qui n'avait pas besoin qu'on le lui rappelle, la faute à un espèce de taré qui prend la cour pour un champ de tir ! dit-il en montant de volume sur la fin de sa phrase en tendant le cou pour regarder à l'extérieur, mais si la personne visée avait entendu, elle le snoba royalement.

- Oui, eh bien, du coup... Shinpachi et moi, on a déjà eu à faire ce genre de boulot... Et comme vous allez pas rester comme ça, je me disais... Qu'il y aurait peut-être moyen d'avoir un petit contrat là dessus ?

- Tu veux qu'on t'engage pour réparer le toit ? résuma Hijikata, incrédule.

- On est moins cher que des couvreurs professionnels, précisa-t-il.

- Et sûrement moins fiables.

- Ça va, je te dis, on a déjà eu à le faire, on a appris. Y'aura pas de problèmes.

- Comme si j'allais croire ça ! Ou que tu passes, il y a des problèmes ! C'est quoi ton coup fourré,cette fois ?

- Y'a pas de coup fourré, espèce de parano ! Écoute... J'ai vraiment besoin de bosser, OK ? poursuivit-il en tâchant de ne pas s'énerver. Je suis en rade. Il me faut un boulot et rapidement.

- Et tu as tout de suite pensé à moi pour t'en donner ? ironisa-t-il. Parce qu'on est de si bons amis ?

- Je cherche un peu partout mais... En ce moment... à part quelques-uns qui lâchent quelques sous pour qu'on fasse des courses à leur place... On peut pas dire que ça permette de joindre les deux bouts...

- Fallait y penser avant de prendre un animal de compagnie qui bouffe l'équivalent du PIB d'un pays du tiers-monde par jour, trancha le vice-commandant.

-Sadaharu nous aide dans le travail ! protesta Gintoki.

- Je pensais à la chinoise, mais je suppose que ça marche aussi.

- Hé, t'es pas obligé d'être si grossier !

Le yorozuya prit une profonde inspiration, faisant un gros effort sur lui-même pour rester calme.

- Rah... Je ne suis pas venu me battre. Je blague pas quand je dis que j'ai besoin de bosser... Je ne te demande aucun versement d'avance, fais-nous surveiller par qui tu veux, s'il te plaît, sois cool sur ce coup-là ! Tu veux quoi, que je te supplie à genoux ?

- Pas la peine de salir mon plancher, ma réponse ne changera pas. Maintenant barre-toi d'ici, parce que moi, j'en ai, du boulot !

Gintoki se redressa, des éclairs dans les yeux.

- T'es vraiment un enfoiré, tu mériterais que je...

- Vas-y, je t'en prie, l'encouragea Hijikata en tendant la main vers son sabre. Tu seras au moins sûr d'avoir un repas en tôle !

Il crut un instant que le permanenté allait le prendre au mot, mais après s'être levé furieusement, il le vit faire finalement volte-face vers la sortie.

- Et bon Noël quand même, connard !

Le vice-commandant tendit l'oreille pour s'assurer qu'il était bien parti, avant de se replonger dans ses dossiers, toujours énervé.

- Le prochain qui vient m'emmerder se mange mon poing à défaut de dinde fourrée, marmonna-t-il pour lui-même.

Lorsqu'il entendit de nouveau des pas s'approcher, il se redressa avec brusquerie afin de mettre sa menace à exécution, mais s'interrompit en voyant Kondo apparaître dans l'encadrement de la porte, souriant. Il grimaça devant la coiffe ridicule que son mentor traînait depuis une semaine, et comme depuis une semaine, il prit sur lui pour tenter de faire abstraction.

- Dure journée, Toushi ?

Hijikata se rassit correctement et tira sur sa cigarette.

- Ouais.

- Tu n'as pas besoin de faire un pause ?

- Je n'ai pas le temps pour une pause. Tous les ans, c'est pareil, déplora-t-il avec aigreur, sous prétexte que le calendrier approche le 25, les gens s'imaginent que le boulot va se faire tout seul.

Kondo hocha machinalement la tête sans rien risquer en réponse. L'humeur de son protégé lui était déjà parvenue aux oreilles, mais même en sachant à quoi s'attendre, il avait à chaque fois l'impression de venir parler à un mur.

- J'ai vu le yorozuya partir, risqua-t-il. Il n'avait pas l'air content.

- Ça, j'en ai rien à foutre.

- Sougo m'a dit qu'il était venu demander du travail ?

- Sougo devrait apprendre à se mêler de ses affaires, grinça Hijikata.

- De gros soucis financiers, j'ai cru comprendre, continua son commandant.

- Il a dû tout perdre au pachinko et en achetant des sucreries.

- Tu crois ? douta Kondo. Il avait vraiment l'air embêté. Il n'a pas de fiche de paye comme nous, tu sais, il est peut-être vraiment en difficulté.

- Ce n'est pas mon problème, décréta Hijikata. Son métier se base sur la réputation, s'il ne s'appliquait pas tant à rendre la sienne désastreuse, il aurait plus de clients.

- Oh, tu exagères. Et puis, tout le monde a le droit qu'on lui laisse une chance, non ? Nous sommes bien placés pour le savoir. D'autant qu'il avait l'air prêt à faire des efforts... Le simple fait qu'il vienne te voir le prouve.

- Dans ce cas, faudra peut-être qu'on lui explique que ce n'est pas en insultant les gens qu'il leur donnera envie de lui donner du boulot.

- Hum...

Le vice-commandant sentait bien que Kondo le soupçonnait d'avoir un peu cherché les insultes en question, ce qui n'aida pas à agrandir l'espace entre ses sourcils.

- Bon, allez, changeons de sujet, déclara-t-il joyeusement en frappant dans ses mains, on ne va quand même pas se mettre dans tous nos états aujourd'hui ! Les gars qui sont de garde organisent un repas entre nous ce soir, tu vas nous rejoindre ?

- Kondo-san, vous m'avez entendu quand je vous ai dit que j'avais du travail ?

- Ne me dis pas que tout ça est urgent.

- On en reparlera quand il faudra tout se taper après n'avoir rien foutu pendant des jours ! Il y en a que ça va faire retomber de leur nuage !

- Les gars seront sûrement plus à même de mettre les bouchées doubles après avoir pu profiter des fêtes.

- J'ai passé l'âge de croire aux miracles, répondit sombrement Hijikata.

- Viens au moins boire un coup avant d'aller te coucher, insista Kondo. Ça fera plaisir aux autres, même si tu ne veux pas rester longtemps.

- Les autres se passeront de moi. Je n'ai aucune envie de m'amuser et je n'en voie aucune raison. S'ils veulent célébrer un jour sans intérêt, grand bien leur fasse, ils se démerderont avec leur gueule de bois. Le rassemblement du matin aura toujours lieu à la même heure.

Kondo soupira, sentant bien qu'il était inutile de s'acharner sur ce terrain-là.

- Bon, oublions la soirée. Demain à midi, j'ai réservé une table au cabaret d'Otae-san, tu vas bien venir ? Je sais que tu n'es pas de service et tu ne vas pas rester sur tes dossiers toute la journée !

Hijikata soupira et leva vers lui un regard mi-irrité mi-lassé.

- J'ai bien envie de vous dire que finalement, je vais me joindre à vous plutôt ce soir...

- Sérieusement ?

- Non !

Commençant réellement à perdre patience, le vice-commandant empoigna pour passer ses nerfs un des rapports de Yamazaki, afin d'éviter d'avoir des gestes ou des paroles regrettables envers son supérieur.

- Je ne peux pas me permettre de ne pas être de service demain après-midi !

- Les effectifs sont réglementaires et suffisants, c'est prévu depuis longtemps, rappela Kondo.

- Encore faut-il qu'ils soient tous en poste.

- Bien sûr qu'ils y seront, fais-leur un peu confiance. La sécurité leur importe à eux aussi.

- Ben tiens, répondit Hijikata d'un ton railleur. Ils ne parlent que des futilités de Noël depuis un mois, comme si Edo était devenu le village du père Noël et les membres du jouishishi des petits lutins. Ça les obnubile, la sécurité.

- Avoir envie de profiter de Noël et de passer du temps entre amis ne les empêche pas d'être réalistes. Allez, fais-en autant et viens avec nous !

- Comme s'il n'y avait pas assez de choses à faire, il faudrait aussi que je joue le baby-sitter !

- Toushi, ne sois pas plus idiot que tu ne l'es, soupira Kondo, je te demande de venir pour t'amuser toi aussi !

- Je ne vois pas ce qu'il y a d'amusant à payer son verre le prix de l'or fondu en vous regardant vous prendre un énième râteau de la part d'Otae.

- Oh, tu n'es pas obligé d'être cruel, Toushi !

- Grossier, cruel... récapitula Hijikata, j'ai toutes les qualités ce soir. Si je l'étais tant que ça, je viendrais au moins pour voir si elle n'aura pas amené un véritable râteau pour vous le mettre dans la figure juste pour la blague.

Kondo croisa les bras et fronça les sourcils, vraiment vexé cette fois. Au lieu de partir, il le fixa un moment, comme s'il attendait autre chose, mais son second l'ignora, plongé dans sa lecture.

- Bon, tu veux jouer les méchants, comme tu voudras. Je connais assez bien ton caractère d'âne bâté pour savoir à quoi m'attendre. Sache juste que l'invitation est toujours valable et que si tu te joins à nous demain, nous seront tous ravis de te voir.

Hijikata marmonna en réponse, l'avait-il seulement écouté ? Kondo finit par renoncer et partir, le laissant seul avec son travail.

Il était plus d'une heure du matin lorsque le vice commandant se décida à lâcher ses dossiers. En quittant le bureau, il put entendre les voix et les rires de ceux qui faisaient la fête dans la salle principale. Il lâcha un grognement. Combien de ceux qui étaient là-bas travaillaient le lendemain ? À boire et à s'empiffrer comme ils étaient en train de le faire, ils seraient dans un bel état au matin. Il n'allait pas modifier le règlement, la règle sur les retards était claire, et si retard il y a, seppuku suivra. Noël ou pas.

Au moment de faire coulisser la porte de sa chambre, Hijikata s'immobilisa soudainement, la main en l'air, et se retourna pour scruter la cour complètement déserte. Il avait cru, l'espace d'un instant, voir une ombre se dessiner sur la porte, comme une silhouette aux longs cheveux. Il se secoua pour chasser cette idée ; il était tard, il commençait à fatiguer, il avait dû se laisser abuser par l'ombre d'un arbre. Il entra, se changea et alla se coucher immédiatement.

Alors qu'il soulevait les draps, son oreille fut soudainement attirée par un bruit ; en écoutant bien, il se rendit compte que c'était le furin accroché à l'extérieur qui s'était mis à tinter. Il fronça les sourcils : il n'y avait pourtant pas la moindre brise quand il était sorti... Il finit pas hausser les épaules et s'allongea. Un vent léger avait dû se lever, voilà tout. Il ferma les yeux, et sentit le sommeil le gagner doucement.

Ce fut son instinct qui le réveilla. Il se redressa sur son futon, les sens en alerte. Il n'y avait pas un bruit, pas un souffle, pas un mouvement... Pourtant, il sentait une présence, il en était sûr. Il se redressa en faisant le moins de bruit possible, l'oreille à l'affût de la moindre respiration, scrutant chaque ombre de la pièce...

- Hijikata Toushirou !

Le vice-commandant frôla l'attaque cardiaque, se retournant si vite qu'il manqua de s'empêtrer les pieds dans son drap qui avait glissé au sol. Il connaissait cette voix.

Katsura. Dos à la fenêtre, éclairé par un fantomatique rayon de lune, ses cheveux flottant alors que la porte et la fenêtre étaient fermés, le terroriste le regardait avec hauteur, les bras croisés sur le torse dans une posture imposante.

- Te voilà réveillé, vice-commandant du Shinsengumi, déclara-t-il d'une voix forte et grave. Écoute-moi bien, car ton destin lui-même dépendra des décisions que tu prendras cette nuit. Durant cette nuit, tu...

Katsura ne put cependant pas annoncer ce qui pourrait arriver cette nuit de plus exceptionnel que sa visite, interrompu par le poing d'Hijikata venu fracasser sa mâchoire.

Il n'eut pas le temps de s'effondrer de lui-même qu'un genou vint l'écraser la face contre le sol, lui coupant le souffle, tandis que des mains lui enserrèrent les poignets pour les joindre dans son dos.

- Alerte ! hurlait le vice-commandant, Katsura est dans le QG ! Aux armes !

Pendant qu'il appelait les renforts, il tendit le bras pour attraper une paire de menottes qu'il lui boucla autour des poignets. Pesant de tout son poids sur le terroriste sonné, il put enfin prendre le temps de relever l'absence totale de réaction à son appel.

- Hé, qu'est-ce que c'est que ça ? Vous êtes tous bourrés, hein ? C'est ça ? Bande d'incapables, il y aura du seppuku au petit déjeuner !

- Mais ça va pas ? parvint à protester Katsura qui avait réussi à relever la tête. T'as pas entendu ce que je...

Le pied d'Hijikata se chargea cette fois de lui couper la parole, lui écrasant de nouveau la face contre le plancher. Il n'y resta pas longtemps toutefois, une main brutale venant lui saisir le col pour le forcer à se redresser et à faire face au regard sanguinaire de son tortionnaire, faisant tinter la chaîne des menottes au passage.

- Tu viens de réaliser la plus grosse erreur de ta vie, abruti, cracha-t-il au visage de Katsura où coulait un filet de sang de son front, un autre de son nez. Et aussi la dernière.

- C'est toi qui fait une erreur ! protesta avec véhémence le chef jouishishi en tâchant de se débattre, mais ne parvenant qu'à faire encore plus de bruit avec ses menottes. Tu ne réalises pas l'importance de ce que j'ai à t'annoncer !

- Pas grave, tu vas me l'expliquer en salle d'interrogatoire.

Sur ces mots, Hijiikata empoigna son prisonnier par les cheveux et le traîna dehors, s'attirant force protestations et cris de douleur. La soirée ne serait pas complètement pourrie, finalement.

Il le jeta sur une chaise de la petite pièce où il les avait enfermés, ne prenant pas la peine de s'asseoir lui-même sur celle de l'autre côté de la table rectangulaire où n'était posée qu'une petite lampe dont il braqua la lumière en plein visage de son prisonnier.

- Alors, où sont tes complices ? Comment tu es entré dans ma chambre ? Depuis combien de temps tu étais là ? commença-t-il à le presser.

- Ah ! Voilà qui est bien digne d'un des chiens du Bakufu de s'intéresser à ces questions stupides dans un moment pareil ! se moqua Katsura avec une assurance assez déplacée compte tenu de son nez ensanglanté et des chaînes immobilisant ses poignets.

- Tu vas y répondre, je te le garantis, quitte à devoir me montrer un peu persuasif, assura-t-il en s'approchant de son air le plus menaçant.

- Tu veux absolument savoir comment je suis entré ? Je suis passé à travers le mur !

Appréciant peu ce qu'il interprétait comme un grossier foutage de gueule, le vice-commandant l'empoigna par le col et leva le poing.

- Parce que je suis un spectre ! ajouta le terroriste d'un ton victorieux.

Le geste d'Hijiikata s'arrêta net.

- Un... spectre ? répéta-t-il.

- Exactement ! confirma Katsura avec satisfaction. Puisque tu as enfin compris, tu vas enfin m'écouter et cesser de te comporter en imbécile, pour une fois dans ta vie ?

Le policier resta interdit un instant, figé sur place. Son vis-à-vis en profita pour ouvrir de nouveau la bouche...

CRAAAACC !

La chaise et son occupant tombèrent au sol avec un bruit sourd, le second laissant échapper en plus une plainte étouffée par ses deux mains venue se plaquer sur son nez pour tenter d'endiguer le flot de sang qui avait recommencé à en jaillir. Par-dessus le bourdonnement de sa tête, il entendit la voix du vice-commandant :

- Si tu es un spectre, alors pourquoi je peux te frapper ?

Katsura se releva, lui lançant un regard meurtrier, mais en prenant soin de bien rester hors de distance de frappe.

- J'ai dit que j'étais un spectre, pas que je n'avais aucune consistance physique !

- Qu'est-ce qui fait de toi un spectre, alors, répliqua Hijikata à qui il démangeait déjà d'aller lui en mettre une deuxième, malgré la nécessité de le garder conscient pour l'interrogatoire. Qu'est-ce qui te différencie d'un abruti standard qui va bientôt venir visiter nos geôles ?

Visiblement, ce rat avait appris allez-savoir-où sa p... sa révulsion des fantômes, et tentait de s'en servir contre lui de la manière la plus pitoyable imaginable. Et il n'arrivait pas à décider s'il fallait mettre en cause la stupidité du rebelle ou la très basse estime qu'il avait de lui.

- Ce qui me différencie ? Mais mes pouvoirs, bien évidemment ! annonça fièrement Katsura.

Il voulut étendre le bras dans un geste théâtral, mais se retrouva bloqué par la chaîne des menottes dont les maillons s'entrechoquèrent bruyamment. Histoire de garder une contenance, il tâcha de justifier son geste en allant essuyer le sang de son visage avec sa manche.

« Rester calme... Il faut qu'il reste vivant pour l'instant... Et si possible conscient... »

- Des pouvoirs, hein ? répéta-t-il avec un faux sourire crispé en faisant un geste pour saisir ses cigarettes dans sa poche intérieure, avant de se rappeler qu'il ne portait qu'un kimono. Eh bien, je te conseille de très vite t'en servir pour te débarrasser de ça – il désigna ses fers – avant qu'il ne me prenne la curiosité de voir si on peut re-tuer un spectre.

- … J'ai pas envie. Les chaînes, ça ajoute à mon personnage.

- Ton... personnage ?

- Exactement. Je les enlève quand j'ai envie.

- Tss, pour un patriote, tu aurais pu t'arranger pour ressembler à un fantôme japonais. Comment tu espères me convaincre, tu n'as même pas pu trouver un hitaikakushi ? Là, tu ressembles juste au fantôme de Marley.

- C'est pas Marley, c'est Katsura ! Maintenant, tu vas m'écouter, Hijikata !

- Je ne fais que ça je t'assures. Alors parle, je t'écoutes, où sont tes complices ? Où est la bombe ?

- Hein ? s'exclama Katsura, quelle bombe ? Je t'ai dit que je n'étais pas là pour ça !

- Quelle bombe ? Tu n'as même pas ton sabre, tu ne vas pas me dire que tu es venu complètement à poil ?

- Je n'ai pas besoin d'armes, je suis un spectre !

- Tu commences à me faire perdre patience, le spectre !

- C'est pas le spectre, c'est Katsura !

À bout de nerfs, le policier lui empoigna les cheveux et lui encastra la face sur la table... Table à travers laquelle la moitié de la tête chevelue passa sans résistance ni craquement, comme si elle avait été immatérielle.

- ARGH !

Hijikata avait hurlé et bondi en arrière, son dos heurtant le mur derrière lui.

- Ah ! s'exclama un Katsura triomphant en se redressant, entraînant au passage la table avec lui. Ne te l'avais-je pas dit ? Te voilà maintenant convaincu, j'imagine !

- Que... Qu'est-ce que c'est que ça ? bredouilla le vice-commandant en se plaquant encore plus contre le mur, comme s'il avait voulu y disparaître. Comment tu fais ?

- Je t'avais bien dit que j'avais des pouvoirs, ah ah ah ! exulta le terroriste les poings sur les hanches, dans une posture qui aurait pu avoir du panache sans la table toujours autour de sa tête, comme un de ces panneau avec un personnage peint et un trou pour passer le visage qu'on trouvait dans les parcs d'attraction.

- Et... qu'est-ce que tu attends pour l'enlever ?

- … Je la garde. C'est pour mon personnage.

- Qu'est-ce que ça ajoute de bon à ton personnage ? s'écria Hijikata, les yeux de plus en plus exorbités. J'avais déjà du mal à voir avec les menottes, mais là...

- Tu ne peux pas comprendre, affirma Katsura, c'est une logique qui te dépasse !

- Attends... Attends... Si tu es un spectre, où es ton cadavre ? Comment tu es mort ? questionna le vice-commandant, tentant désespérément de donner du sens à tout ce qu'il avait sous les yeux.

- Mort ? Je ne suis pas mort...

- Pas mort ? Mais qu'est-ce que tu as du spectre, alors ?

- Je t'ai dit que ça te dépassait !

- Je commence à comprendre, marmonna Hijikata, c'est de la mise en scène, c'est ça ? La table était truquée, tu essaies de me mener en... AH !

Katsura venait, sans y laisser le moindre trou, de complètement traverser la table, visible à travers son corps devenu transparent, pour se placer à moins d'un mètre d'Hijikata.

- Ah, c'est comme ça que ça marche ! Je veux dire... Hijikata Toushirou ! s'exclama-t-il d'une voix grave en faisant dramatiquement tinter les chaînes de ses menottes, tu étais déjà sur la mauvaise voie en devenant un de ces chiens du gouvernement, mais ta façon de vivre et de te comporter avec ceux qui te sont proches t'engage dans une pente glissante qui te mènera à ta propre perte. Tu as cependant une chance de te rattraper. En cette nuit de Noël, à minuit, tu seras visité par trois esprits qui te mettront face à ta propre vie. Écoute-les, Hijikata Toushirou, c'est à présent ta seule chance de salut !

Tassé contre le mur, à moitié écroulé, Hijikata semblait sur le point de s'évanouir. D'un mouvement majestueux, Katsura s'éloigna de lui en reculant d'un grand pas, levant les bras dans sa direction dans un geste d'avertissement.

- Attention à toi, Hijikata ! Ce que tu verras et feras cette nuit pourrait bien déterminer ce que sera le reste de ta vie ! Fais attention, fais attention, continua-t-il à déclamer en ne cessant de reculer, pour arriver au mur opposé et commencer à disparaître au travers sous l'œil de plus en plus horrifié d'Hijikata, jusqu'à ce que son visage et ses bras soient les seules parties de son corps encore visibles, puis ses bras seulement. Là, les menottes se bloquèrent au niveau du mur, arrachant un cri de douleur à leur porteur.

Le vice-commandant cligna des yeux : lorsqu'il les rouvrit, il n'y avait plus rien.

Le cœur sur le point de démolir ses côtes, il se leva en tremblant, menaçant de tomber à nouveau.

Il resta un moment debout, accroché au mur ; quand il fut sûr d'avoir retrouvé sa mobilité, il se mit à courir comme un dératé jusqu'à sa chambre.

Il vérifia chaque ombre, chaque meuble, regarda même sous le tapis. Quand il fut sûr d'être seul, que rien d'étrange ne se dissimulait dans ses quartiers, il entendit ses collègues faire la fête plus loin. Ne s'étaient-ils pas tus plus tôt ? Il ne savait plus...

« Ce n'est qu'un rêve, juste un rêve parce que je suis surmené », se répéta-t-il pour se convaincre. « Ça n'a aucun sens. Je vais m'endormir dans mon rêve, et je vais me réveiller dans la réalité. »

Hijikata ne put néanmoins s'empêcher de regarder son réveil : deux heures du matin. Il laissa échapper une exclamation dédaigneuse. Même en rêve, ce fichu terroriste restait un abruti.

- À minuit, hein ? Eh bien, je vais passer une nuit tranquille, comme prévu.

Malgré son agitation persistante, le sommeil finit par l'emporter dans ses limbes.

OoOoOoOoOoO

J'espère que ce premier chapitre vous a plu. Les commentaires sont toujours un superbe cadeau à faire à un auteur.

À demain pour la suite !