Et oui, nouvelle fic, encore dans l'univers de Tolkien.
Bien entendu, rien de ce qui vient de la Terre du milieu n'est de mon fait, tout droit appartient à J.R.R Tolkien.

J'ai essayé de résister à la tentation, mais c'était trop fort !
J'espère que mon manque de volonté vous plaira =P

Bonne lecture à tous ! ^^


Introduction

Kill

Il n'avait plus conscience d'être. Il avait perdu la conscience de soi. Il avait plus conscience d'autrui, de celui qui se trouvait face à lui, que de lui-même. Il ressentait son épée non pas comme un prolongement de son bras, l'outil de son combat, uniquement comme une intrusion dans le corps de l'autre. Il ne voyait rien de chacune de ses petites victoires remportées à chaque instant, juste la défaite de ses adversaires. Il ne savait plus qu'il se battait pour préserver sa vie, il ne prenait connaissance que de la mort qui fauchait tour à tour ceux qui se présentaient devant lui. Il n'avait pas conscience du temps qui se prolongeait, s'étirait autour de lui, juste du défilement de ses ennemis.

Un Orc. Un Orc. Un Warg. Orc. Orc. Warg. Orc monté sur un Warg. Warg. Orc. Orc.

Le seul instant de lucidité qui brisa son inconscience personnelle fut la vive douleur qui traversa son bras gauche, alors qu'une lame grise et sale s'enfonçait dans ses chairs. Il enfonça machinalement son épée dans le corps du porteur. Une victoire de plus. Un adversaire de moins. Un cadavre de plus sur le champ de bataille. Il reprit le cours de son combat. Il ne ressentait déjà plus la douleur, comme si elle était partie au loin, comme si ce n'était pas à son corps qu'elle s'était ancrée. Il avait déjà sombré de nouveau dans l'ignorance de soi la plus totale.

Droite. Gauche. Devant. Droite. Gauche. Droite. Gauche. Devant. Devant. Gauche. Droite.

L'espace lui-même n'était plus déterminé par l'espace en soi, juste par ses ennemis, ses alliés, les corps étendus à ses pieds. Plus de race non plus. Plus d'Elfes, d'Hommes ou de Nains. Juste les Orcs et les Wargs. Que ceux qu'il fallait tuer. Le reste n'était rien.

Les seules exceptions étaient le corps derrière lui, percé de lances, le Nain de l'autre côté de ce corps étendu derrière lui. Cette barrière entre eux deux, ce trait d'union qui les rassemblait dans leur lutte, dans leur oubli de soi. Soi n'était rien contre lui, rien contre eux. Son monde concret, conscient, se résumait à eux. Son oncle percé de lances, qu'il ne savait s'il était mort ou vivant. Son frère, qu'il ne pouvait dire s'il était encore debout ou non. Sa seule certitude : devoir lutter pour lui, pour eux.

Si eux disparaissaient, son univers s'effondrait. Être lui ne rimerait plus.

Orc. Warg. Orc. Orc. Orc. Orc. Warg. Orc.

Droite. Devant. Gauche. Droite. Devant. Droite.

La flèche.


Hell

J'ai la tête qui éclate, je voudrais seulement dormir. M'étendre sur l'asphalte, et me laisser mourir. Stone, le monde est stone.

Plus que la musique qui s'éleva dans la chambre, se fut le grognement sourd, plaintif et exaspéré qui me tira de mon sommeil. Il y eu du mouvement à côté de moi, le matelas s'enfonçant tandis que le corps étendu tout contre moi s'agitait, tirant la couette.

Je chercher le soleil au milieu de la nuit. Je sais pas si c'est la terre, qui tourne à l'envers. Ou bien si c'est moi, qui me fais du cinéma, qui me fais mon cinéma.
Stone, le monde est stone,

Je pris mon temps pour ouvrir les yeux, laissant le réveil chanter. J'étais fatiguée. La nuit avait été mauvaise, trop courte comme d'habitude. Au dehors, le jour commençait tout juste à s'éclairer. L'horizon rosissait peu à peu. Dans quelques instants, le soleil sortirait, et il serait temps de se lever. Mais je voulais encore profiter un peu, juste un tout petit peu. Me lever pour une fois après lui.

J'ai plus envie de me battre, j'ai plus envie de courir…

Comme à son habitude, la patience d'Eddy arriva à son terme à cet instant de la chanson. Il se retourna dans le lit, me faisant face. Je ne le regardais pas en face, mais je savais que lui me fixait de ses yeux chocolat, sans doute avec son éternel air blasé. Comme tous les matins. Une truffe humide et froide vint se glisser sournoisement dans mon cou.

- Ed ! grommelai-je en repoussant doucement le museau de la main.

Il se redressa brusquement sur ses quatre pattes et poussa un aboiement impératif. Avec un soupir, je me décidai à m'asseoir à mon tour et tendis la main vers le portable posé sur la table de chevet.

- Tu n'aime vraiment pas cette chanson hein ?

Le berger australien émit un petit jappement pour toute réponse.

- Moi je l'aime bien, dis-je simplement.

Je l'aimais bien cette chanson oui. Surtout les paroles et la voix de la chanteuse. Je ne me souvenais plus son nom d'ailleurs. Mais je connaissais les paroles par cœur. Eddy ne les aimait pas lui. C'était pour cela que j'avais choisi cette chanson pour réveil. J'avais de plus en plus de mal à me lever. Autrefois, le soleil rentrant par les fenêtres suffisait. Je vivais à son rythme, me levant avec le jour, me couchant avec lui. Il m'a ensuite fallu un réveil. Quand ça n'a plus suffit, j'ai tenté de changer de musique. Jusqu'à ce que je découvre l'effet que celle-ci avait sur Eddy. Lui-même se chargeait de me réveiller désormais, afin que je coupe cette chanson qu'il détestait tant.

Je comprenais un peu pourquoi il ne l'aimait pas. Moi je l'aimais de plus en plus.

Avec un soupir, je m'extirpai des draps. L'air été frais, la nuit n'avait pas été trop étouffante. Le jour ne serait peut être pas trop chaud aujourd'hui. Du moins je l'espérais pour sortir. Eddy sauta à son tour du lit, atterrissant et glissant sur le parquet ciré de la chambre, comme d'habitude. Je pensais que depuis le temps, il aurait compris. Mais sans doute le faisait-il encore et toujours car il savait que chaque matin, il m'arrachait un rare sourire.

Rapidement je retirai mon t-shirt trop grand et le jetai sur le lit défait, avant d'enfiler un débardeur gris et un short noir. Je m'habillerais pour sortir plus tard. Avant j'avais pas mal de choses à faire ici.

J'eu à peine ouvert la porte qu'Eddy fut déjà dans le long couloir, plongé dans l'ombre. Mis à part dans ma chambre, je laissais toujours les rideaux et les volets fermés. Je passais devant les portes successives des chambres inoccupées. Combien y en avait-il déjà à cet étage ? Trois il me semblait mais je n'en étais plus sûre, en plus du dressing et de la salle de bain. Au second étage, il y en avait quatre de plus et une autre salle d'eau. Et ce n'était que l'aile ouest. La seconde partie du manoir, je ne m'y rendais pas souvent, hormis après les sorties. À l'origine il y avait une petite salle de réception, un home cinéma et je ne savais plus quoi.

La pierre de l'escalier en colimaçon me parut froide sous les pieds. J'aurais du mettre des chaussettes. Le marbre blanc de la cuisine ne me parut pas plus chaud. Il faisait toujours frais au rez-de-chaussée. Sans allumer de lumière pour ne pas gaspiller l'électricité, je me dirigeai vers le frigidaire quasi vide, en sortis une bouteille de lait frais tiré d'hier, avant de sortir d'un des nombreux placards un paquet de céréales. Avec un regard critique, j'avisai la date limite de consommation. Elle serait bientôt dépassée. Comme quasi tout ce que j'avais dans mes réserves. Enfin bon… tant que les paquets n'étaient pas ouverts, c'était encore assez consommable. C'était ce que mon père m'avait souvent répété.

Je servis un bol de céréales à Eddy, que je recouvris de lait. Il n'aimait pas ses corn flakes secs. Je sortis d'un autre placard une tablette de chocolat, en cassé deux carrés. Eddy était déjà à mes pieds, me suppliant du regard et secouant la queue.

- Tu savoure ce coup-ci, le prévins-je. C'est le seul de la journée alors ne le gobe pas d'un coup.

Il me fit son regard blasé. J'aurais parié qu'il était prêt à lever les yeux au ciel. Je lui donnai son carré de chocolat noir. Il le prit de mes doigts avec sa délicatesse habituelle, mais l'avala avec sa voracité éternelle. Je soupirai en secouant la tête. Tant pis pour lui s'il ne savait pas savourer son plaisir du jour. Je glissai mon propre morceau de gourmandise sur la langue et le laissai fondre, le suçant de temps en temps tout en me dirigeant vers le tableau des tâches quotidiennes. Derrière moi, Eddy se bâfrait déjà, engloutissant le petit-déjeuner. J'avais eu beau m'échiner à l'éduquer, il resterait toujours un mufle gourmand.

Le travail à effectuer au manoir aujourd'hui ne changeait pas de la veille. Traire Marguerite, ramasser les nombrils de Vénus qui parsemaient les murs d'enceinte du domaine, récolter les feuilles de pissenlits et en donner une partie aux lapins. Je me ferais encore une fois une salade ce midi. S'occuper des poules, ramasser les œufs. Récolter les fruits rouges et en faire de la confiture pour les conserver, récolter les légumes dans le parc, tout arroser, faire le tour des collets et s'assurer que tous les pièges autour de la muraille étaient toujours actifs. Et aussi vérifier les pièges à souris et à rats dans la grange. Le couple de chouettes effraie qui s'y était installé faisait du bon boulot, mais je préférais garder un œil sur mes récoltes.

Avec un nouveau coup d'œil critique, j'examinai le thermomètre accroché au mur puis le ciel, que je voyais à travers la porte vitrée. Il n'y avait pas un nuage. Même si la température n'était pas encore très élevée, si le soleil donnait aujourd'hui, il allait vite faire chaud. En plein mois de juillet, c'était normal. Mieux valait profiter de la fraîcheur du matin pour sortir. Je n'aimais pas spécialement le faire peu après être levée, mais ça valait mieux. Toutes les autres tâches, je m'en occuperai cet après-midi.

- Ne mange pas trop, dis-je à Eddy. On sort juste après.

Il leva le nez de sa gamelle et pencha la tête sur le côté.

- Il fait frais pour le moment. Vaut mieux aller avant les grosses chaleurs.

Avec un soupir, il prit encore quelques céréales en bouche, avant de venir se poster devant la porte.

- Non, pas maintenant, je n'ai pas fait ma ronde.

Au regard qu'il me lança, je compris qu'il valait mieux que je me dépêche de la faire en ce cas. Je levai les yeux au ciel. Quelle diva ce chien ! Je pris une bouchée de céréales, saisis l'arbalète accrochée à côté de la porte et le carquois qui allait avec, avant de sortir de la cuisine. Je passai dans la salle de billard et la bibliothèque sans y prêter attention et grimpai quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait au chemin de ronde. Le mur d'enceinte, accolait à la bâtisse principale, était plutôt haut. Environ quatre mètres. Et il était large et épais. Il renfermait en lui l'hectare de terrain qui encerclait le manoir et n'avait aucune entrée, hormis le portail de l'aile sud qui débouchait sur la cour.

Eddy collé à mes pas, je fis le tour du parc, scrutant aussi bien l'extérieur que l'intérieur. Dehors, il n'y avait pour mouvement et bruit que ceux que généraient quelques oiseaux. À l'intérieur, Marguerite était dans son enclos, paissant déjà tranquillement. Ses pies étaient enflées. Je ne devais pas trop tarder à la traire après la sortie.

Il n'y avait rien de particulier dans le verger ou le potager, rien autour des clapiers, rien dans la serre ou dans le parterre de maïs que je faisais pousser. La partie boisée du parc était tout aussi tranquille. À un moment, Eddy leva la truffe au vent, mais ne se mit pas à grogner. Il devait avoir capté l'odeur d'un gibier. Scrutant les bois de l'autre côté du mur, je vis une biche passer rapidement avec son faon entre deux arbres. Je baissai mon arbalète. Je ne m'en prenais pas à une mère et son petit.

Une fois l'inspection terminée, je retournai dans la cuisine et laissai Eddy filer dehors, avant de prendre moi-même mon petit-déjeuner, réfléchissant à la sortie d'aujourd'hui, un plan des environs sous le nez. J'avais fait une liste des choses à prendre absolument ce jour là, même si je récupérerai tout ce qu'il me serait possible de prendre. Les villes, les hameaux et les bourgades les plus proches étaient barrées d'un croix rouge. Je grimaçais.

- La plus proche où je peux encore aller, c'est là, dis-je tout haut en pointant pour moi-même le lieu sur la carte. J'ai déjà fait les abords, il va falloir que je m'enfonce plus dans la ville.

Entendre ma voix me faisait toujours du bien. Eddy ne me répondait que par des jappements, des grognements et des aboiements. Pas de quoi faire une discussion très constructive. Seule non plus je ne pouvais pas entretenir une conversation, mais au moins entendais-je des mots, des phrases.

Je terminai rapidement de manger, avant de monter dans le dressing du premier étage. Là, je gardai mon débardeur, mais retirai mon short, avant d'enfiler une tenue intégrale de paintball. Le tissu épais et prévu pour résister à un parcours commando en plaine nature était idéal. Une excellente protection. Ensuite, je fourrai dans un sac des gants de motard, le masque de paintball, une écharpe et une cagoule. Dans la chambre voisine, j'allais récupérer un revolver muni d'un silencieux, que je glissai dans un holster d'épaule, glissai dans mon sac un fusil à pompe à canon scié et nouai à la taille une ceinture à laquelle était suspendue un katana.

En passant par la cuisine, je récupérai l'arbalète et le carquois empli de flèche en carbone, le passai dans le dos, récupéra les clés suspendu à un crochet et sorti enfin. Eddy vint immédiatement me retrouver. Il n'avait pas l'air enchanté, plus résigné. Mais son regard était déterminé. Je lui passai une main rassurante et pleine de gratitude entre les oreilles, les lui grattouillant doucement.

- Tu es prêt ?

Il me regarda fixement. Oui.

- Tu es sûr que tu ne veux pas mettre ta protection ?

Il prit aussitôt la direction de la cours, dans laquelle attendaient une grosse camionnette blanche et un pick-up noir, au pare-buffle cabossé et rouillé. Je me dirigeais automatiquement vers ce dernier, jetai mon sac au pied du siège passager, tandis qu'Eddy s'installait à la place du mort. Je montais côté conducteur et mis le contact. Il y avait encore plus des trois-quarts du réservoir d'essence. J'avais fait le plein à la dernière sortie. Je ressorti de l'habitacle et allait ouvrir, arbalète à la main, le lourd portail de fer forgé qui obstruait l'entrée. Je revins au véhicule, le sorti, et refermé le portail avant de revenir m'asseoir devant le volant.

L'angoisse habituelle me prit. Distraitement je caressai l'arbalète posée aux pattes d'Eddy. Il posa une patte sur ma main, penchant la tête sur le côté.

- Je sais, faut y aller, soupirai-je.

Avec un soupir, je lançai la voiture dans l'allée, vers un monde vide et mort.