Bonjour à toutes et à tous !
Cette fanfiction qui est aussi ma première, commence dès la 4ème année de Harry Potter à Poudlard, en même temps que La Coupe de Feu. La menace du retour du Seigneur des Ténèbres est bien présente, ainsi que la survenance du Tournoi des Trois Sorciers. D'autres trame se développent en parallèle, et la plus importante est la relation de mentor/paternelle entre Severus Snape et notre Gryffondor préféré...
Merci à tous pour votre lecture et n'oubliez pas les reviews !
AD ÆTERNAM: Chapitre I
Danger à Privet Drive
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A genoux dans le parterre de fleurs, Harry Potter se redressa un instant pour boire la dernière gorgée d'eau tiède de la bouteille, se débarrassant des épines fichées dans ses paumes. Haut dans le ciel, le soleil de midi semblait le narguer. La chaleur accablante du mois d'août rendait tout effort physique pénible, et il sentait déjà un léger tournis l'envahir.
La canicule étouffait le sud du Royaume-Uni depuis des semaines, et il ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'il avait plu. Ce qui n'empêchait pas tante Pétunia de lui confier chaque jour une liste de travaux aussi variés que tondre la pelouse, laver de fond en comble la maison, débroussailler le jardin, ou encore retaper l'abri à outil ; sous les railleries désobligeantes de son cousin Dudley et sa bande de copains idiots qui se régalaient à longueur de journée de glaces et de sodas devant lui, multipliant les provocations. Soupirant, il donna un coup de sécateur dans une branche et la lança sur le tas qui s'amoncelait à côté de lui. Du revers de la main, il s'essuya le front où glissaient des gouttelettes de sueur.
« À table ! » l'appela sa tante en passant la tête par la fenêtre.
Ravi d'avoir un répit, Harry jeta le sécateur dans l'herbe, qui avait conservé une couleur vert tendre aussi respectable que suspecte. L'oncle Vernon se refusait à se plier aux restrictions d'eau, et deux tuyaux d'arrosage automatiques rafraîchissaient le jardin chaque nuit, devant comme derrière la maison. Le voisinage de Little Whinging faisait de même, et personne n'avait intérêt à se dénoncer. De toute façon, la police avait d'autres chats à fouetter.
De ce que Harry avait lu et entendu aux informations, l'insécurité était en hausse. Les journalistes Moldus relataient des agressions étranges répertoriées dans le pays, des morts farfelues, des attaques qui sortaient de l'ordinaire selon les enquêteurs dépêchés sur les lieux. Des scènes de crimes sans arme du crime, sans effusion de sang. Des endroits clos sans traces d'effraction, des corps intacts aux yeux grands ouverts. Des témoins d'agressions qui appelaient simultanément les numéros d'urgence et que l'on retrouvait évanouis lors de l'intervention des secours et qui à leur réveil, ils n'avaient aucun souvenir de ce qui s'était passé. Des événements sans aucun sens pour les Moldus, mais Harry avait rapidement deviné que tous ces faits relevaient de son monde, le monde sorcier. Les Dursley eux-mêmes, pas dupes, avaient le nez fin lorsqu'il s'agissait de repérer toute bizarrerie qui de près ou de loin avait un lien avec les sorciers. Ils ne rataient d'ailleurs pas une occasion de les commenter à haute voix en présence de Harry, le gratifiant de regards plus méfiants qu'à l'accoutumée.
Il se rendit dans le fond du vaste garage où l'attendait une vieille douche qui fuyait, avec des toiles d'araignées au-dessus. Il serra les dents en sentant l'eau glacée sur sa peau, se savonna et enfila des habits propres et à sa taille, se débarrassant des chiffons usés et terreux de son cousin tout juste bons pour le jardinage. Puis il retrouva les Dursley dans la cuisine, où la télévision passait un feuilleton à la mode
« Assieds-toi » lui lança tante Pétunia quand il se glissa devant son assiette vide. « Encore un peu de crudités, Vernon ? ».
L'oncle Vernon avait déjà dévoré sa part de nourriture, talonné de près par Dudley. L'homme ressemblait à un lamantin, aussi haut que large, et arborait une épaisse moustache à laquelle était accrochée un morceau de poulet froid. Il avait l'air de mauvaise humeur. De très mauvaise humeur. Le régime forcé qu'il subissait, à base de fruits et légumes frais, y était pour beaucoup.
Son cousin quant à lui était à l'image de son père, les muscles en plus. Harry en savait quelque chose, il jouait à merveille son rôle de punching-ball. Il s'en sortait grâce à son habileté en esquivant les coups et en s'enfuyant là où il ne pourrait jamais le rattraper. Dudley était à moitié endormi, il avait prolongé sa grasse matinée jusqu'à l'heure du repas. Alors qu'il se servait de la maigre portion de crudités restante dans le plat, l'oncle Vernon leva ses yeux porcins et fureteurs vers lui.
« Pétunia m'a dit que tu taillais les rosiers ce matin » grogna-t-il. « J'espère que tu as terminé le travail, je ne compte pas repasser derrière toi et le jardin doit être parfait avant notre départ pour les Îles Canaries ce soir. Tu t'occuperas tout à l'heure de la haie du fond, je me chargerai moi-même de brûler les branchages quand tu auras fini, tu serais bien capable de mettre le feu à la maison ».
« M'occuper de la haie du fond ? Toute la haie ? ».
« Ne me dit pas que tu rechignes à la tâche, petit fainéant. Puisque tu es dans nos pattes, autant te rendre utile. Tu tailleras cette haie, et je veux que ce soit achevé avant ce soir ».
« Avant la soirée ? » répéta Harry en écarquillant les yeux. « Mais je n'aurai jamais le temps, tu as vu la longueur et la hauteur de la haie ? Il me faudra une éternité pour tout faire et... ».
« C'est pourquoi tu as donc tout intérêt à t'activer pour ne pas me décevoir. Tu sais quelle serait la punition dans le cas contraire ».
Il plissa ses yeux et pencha la tête d'un air entendu, pour lui faire comprendre la menace.
« Et il est inutile de protester ! » conclut tante Pétunia en voyant Harry ouvrir sa bouche.
« C'est injuste ! » se rebella soudain Harry, sortant Dudley de sa torpeur. « C'est beaucoup trop de travail, et sans protections en plus, pourquoi... ».
« Ce n'est pas le filleul d'un assassin notoire qui va me donner des leçons ! » tonna l'oncle Vernon, et Pétunia sursauta. « Tu vas faire ce que je te dis sans broncher, ou alors tu tâteras de ma ceinture, crois-moi sur parole ! » s'emporta l'homme en brandissant sa fourchette. « C'est la moindre des choses pour qu'on doive supporter ta présence, plutôt que de rester enfermé dans ta chambre comme un paresseux avec ton idiot de hibou ! »
« C'est une chouette, pas un hibou » répliqua froidement Harry. « Et elle a un nom, elle s'appelle Hedwige ».
Il se força à ne pas élever la voix. Il voyait nettement la veine du front de son oncle palpiter et il devinait que l'homme était tout près de se lever, lui coller une gifle dont il avait le secret, et le jeter de force dans le jardin. Il connaissait par cœur ses réactions, il avait appris à analyser ses gestes et humeurs.
« PEU M'IMPORTE ! » beugla brusquement l'oncle Vernon, furieux à présent.
Dudley redressa la tête. La conversation prenait un virage intéressant.
« Surveille ton attitude et ton langage avec moi, à mon époque on corrigeait l'insolence à coups de cannes ! Ma sœur Marge a raison, nous sommes beaucoup trop laxistes à ton égard ! Ça ne m'étonne pas que tes cinglés de parents aient finis par se faire tuer, ton imbécile de père a très certainement dû provoquer la mauvaise personne, et voilà ce qu'il leur est arrivé ! Morts dans leurs lits ! Comme des faibles ! ».
« Vernon ! » fit Pétunia dans un glapissement offusqué en jetant un coup d'œil aux murs, comme si les voisins pouvaient entendre son éclat de voix.
« Ne parle pas ainsi de mes parents » répliqua Harry avec plus d'agressivité qu'il ne l'aurait pensé. « Ils valaient cent fois plus que toi ! ».
L'oncle Vernon s'étrangla avec les morceaux de carottes qu'il venait d'enfourner et toussa, déglutissant difficilement. Son visage avait désormais viré au rouge soutenu.
« PARDON ? QUE VIENS-TU DE ME DIRE ? » rugit-il. « OSE LE RÉPÉTER, POUR VOIR ? ».
« Tu as parfaitement entendu ! » s'écria Harry en se repoussant sur sa chaise.
Avec une agilité qu'il ne lui aurait jamais soupçonnée, son oncle bondit de sa chaise qui tomba avec fracas sur le carrelage, et fit le tour de la table. Harry évita de justesse la grosse main qui se dirigeait vers son visage, et se rua hors de la cuisine sous les vociférations d'oncle Vernon. Fuir, il devait fuir. La limite avait été dépassée.
« Reviens immédiatement ici mon garçon, nous n'en avons pas terminé ! ».
« Débroussaille-le toi-même ton fichu jardin » s'exclama Harry en s'engageant dans le couloir.
Mon garçon... c'était craché avec un tel dégoût... A quel moment exactement la conversation avait dérapé ? L'oncle Vernon, démonté de colère, le rattrapa alors qu'il cherchait le trousseau de clefs perdu quelque part dans une poche d'une veste de sa tante. Il avait débouclé sa ceinture, elle pendait déjà dans sa main. Harry sentit son estomac faire un bond. L'homme lui assenait régulièrement des soufflets, et parfois la canne, dont il avait récupéré un modèle auprès de l'école de Dudley. Mais la ceinture ? Il n'avait encore jamais... Il n'allait tout de même pas... ? Il mit enfin la main sur ce fichu trousseau de clefs et ouvrit frénétiquement les verrous un à un.
Il n'eut pas le temps de s'enfuir.
Son oncle l'attrapa par les cheveux et le poussa violemment dans le couloir. Harry étouffa un gémissement et se cogna brutalement contre le placard sous l'escalier. Sonné, il se voulut se retourner mais une douleur aiguë lui déchira soudain le dos. La boucle en argent de la ceinture lui cingla ensuite les reins, à nouveau le dos, et les cuisses. Les coups pleuvaient, l'homme ignorait fermement les appels à la raison de tante Pétunia, encouragé par les rires tonitruants de Dudley.
« Arrête ! » s'écria Harry. « Arrête ça oncle Vernon ! Arrête ! ».
« J'en ai assez de ton insolence, ne t'avise plus de me contredire. Tu es comme ceux de ton espèce : fainéant, idiot, ingrat, irrespectueux, mauvais... ».
Harry encaissa coup sur coup, serrant les dents pour que la punition passe plus vite. Il profita que l'oncle Vernon reprenne son souffle, rouge de rage, pour remonter son genou et le frapper au ventre. L'homme émit un grognement de douleur et le lâcha, ce qui permit à Harry de se jeter contre la porte d'entrée, tourna la clef dans la serrure.
Ensuite, il n'écouta plus les appels furieux de l'homme. Il venait de s'élancer. De courir.
Il sauta par-dessus un bosquet et s'enfuit dans la rue. Ses jambes et son dos le faisaient souffrir, mais ça ne comptait plus. Il voulait juste mettre le plus de distance possible entre lui et son cinglé d'oncle. Il en avait assez des tâches qu'on lui imposait, assez d'être le seul à tout faire tout le temps, sans recevoir une once de gratitude de la part de son oncle et de sa tante. Depuis le début de l'été qu'il supportait ce traitement, et c'était bien pire cette année que l'été dernier. Il avait l'impression d'être un esclave, un genre d'elfe de maison. Un elfe de maison qui ne prendrait aucun plaisir à réaliser ces travaux. Maudits Dursley…
Au bout de quelques minutes de course effrénée, il se remit à marcher pour calmer les battements douloureux de son cœur. Il faisait une chaleur suffocante… Tellement chaud… Le soleil lui brûlait les vêtements et la nuque. Il ne croisa pas grand monde dans les rues et les allées, rares étaient ceux qui s'aventuraient dehors en cette heure de la journée, préférant rester à l'ombre. Il marcha jusqu'à la périphérie de Little Whinging, là où les habitations se faisaient beaucoup plus éparses. Les champs brûlés par le soleil s'étendaient à perte de vue dans la campagne, et il se réfugia près d'un grand étang niché derrière une colline.
« Au moins personne ne me trouvera ici » soupira-t-il.
Et surtout pas la bande à Dudley. L'endroit idéal pour se ressourcer, un écrin de verdure où de nombreux arbustes et buissons bordaient les berges ombragées, sous les grands saules et peupliers. Foulant les herbes sauvages, il s'étendit contre les souches d'un arbre, écoutant le bruissement d'une légère brise dans les feuilles. Au loin dans le ciel s'amoncelaient de noirs nuages d'orage.
Harry examina ses jambes et son ventre, où s'étalaient des marques rouges et douloureuses, lancinantes. Jusqu'ici l'oncle Vernon n'avait jamais fait usage de la ceinture… Il serra les dents.
Harry quitta l'herbe sèche et le soleil pour rejoindre l'ombre et le vert des abords de l'étang. Il s'assit près d'un vieil arbre, écoutant le bruissement d'une légère brise dans ses feuilles. Il regarda ses cuisses, et souleva prudemment sa chemise pour inspecter les traces qu'avaient laissé les coups. Il n'avait pas saigné, mais les marques étaient rouges et douloureuses. Elles le lancinaient encore. C'était la première fois que l'oncle Vernon faisait usage de la ceinture... il serra les dents
Les vacances avaient pourtant commencé en sa faveur…
Dès son retour, Harry avait expliqué aux Dursley sur un ton détaché que son parrain Sirius Black, fugitif évadé de la prison d'Azkaban, était activement recherché dans tout le pays. Les yeux écarquillés et le teint soudainement blême de son oncle et sa tante lorsqu'il leur avait affirmé que l'homme était un criminel condamné pour avoir tué douze personnes au hasard dans la rue, avaient été… jubilatoires. Son parrain n'avait en réalité rien d'un meurtrier, mais Harry n'avait pas de scrupules à déformer la réalité à son avantage pour que les Dursley cessent de s'acharner sur lui comme ils avaient l'habitude de le faire. Cependant l'effet Sirius n'avait hélas pas duré...
Il n'avait eu de nouvelles de Sirius qu'une seule fois, lorsqu'un magnifique ara bleu et or aux longues plumes tout droit venu d'un pays exotique lui avait apporté une lettre emprisonnée dans ses étroites serres. L'homme était en sécurité dans une contrée tropicale, bien loin du Royaume-Uni. La voix nasillarde du perroquet débarqué au milieu de la nuit avait tiré de son sommeil la famille, provoquant un ramdam de tous les diables. L'oncle Vernon avait explosé dans l'une de ses mémorables colères. Il avait fallu toute la patience de Pétunia pour le ramener à la raison et le supplier de ne pas rajouter de l'huile sur le feu. Ils n'avaient pas besoin que quelqu'un prévienne la police pour cause de boucan infernal, merci bien, cela salirait leur réputation.
Il y avait le perroquet… et puis c'est tout. Plus rien. Hedwige n'avait plus rien ramené d'autres que des écrits revenus systématiquement non ouverts. Et ces lettres mortes n'étaient pas passées inaperçues auprès des Dursley, qui s'étaient aussitôt empressés de reprendre leurs bonnes vieilles habitudes.
« Où te caches-tu, Sirius ? » demanda Harry à voix haute comme si son parrain pouvait l'entendre.
Il avait soufflé ses 14 ans et reçu des courriers et quelques cadeaux, mais aucune nouvelle de la part de Sirius. Oh, il n'était pas du genre à réclamer des cadeaux comme Dudley qui devait absolument dévaliser les magasins à chaque fête. Mais il avait été déçu, il avait pensé que son parrain lui aurait tout de même écrit un petit mot. Il essayait de se rassurer : Sirius étant un fugitif, il devait faire attention à ses correspondances, et il avait peut-être même changé de planque pour ne pas trahir ses positions. Il voulait croire que son parrain était introuvable tellement il était doué pour se cacher, mais…
Fermant les yeux, il s'efforça de balayer les inquiétudes concernant Sirius et repensa aux cartes que Hermione lui envoyait de France. Il l'enviait tellement d'être libre et d'avoir des parents aimants... Alors que lui... Mais il ne voulait pas s'engager sur des pensées déprimantes qui ne le mèneraient nulle part sinon sur un chemin pentu.
Il devait se concentrer sur un événement positif : la Coupe du monde de Quidditch, qui devait avoir lieu à la fin du mois, opposant l'Irlande à la Bulgarie. Ron, qui passait ses vacances en Roumanie avec son frère Charlie le dresseur de dragon, lui en rapportait des descriptions aussi effrayantes qu'excitantes. Mais la Coupe du monde était encore plus excitante que les dragons, et le père de Ron avait pu leur obtenir des billets grâce à son métier au Ministère de la Magie. Et son oncle n'avait émis aucune protestation à ce qu'il y assiste, y voyant là l'occasion rêvée de se débarrasser de son encombrant neveu.
Se laissant bercer par le chant des oiseaux et le murmure des arbres, Harry s'assoupit sans vraiment s'en rendre compte.
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C'est un craquement tout près de lui qui le réveilla.
Il rouvrit brusquement les yeux et se redressa contre le tronc de l'arbre. Devant lui, l'étang bleu était calme, sans trouble. Les nénuphars dérivaient lentement. Aux aguets, il parcourut du regard les buissons qui l'entouraient, légèrement agités par le tressaillement du vent qui se levait. Il ne vit rien d'anormal. Il fronça les sourcils. Avait-il rêvé ? Le bruit ressemblait à celui que quelqu'un pouvait faire en marchant sur une branche cassée.
« Dobby ? » lança-t-il d'une voix hésitante, se souvenant de l'été avant sa deuxième année lorsque l'elfe de maison l'espionnait dans la haie du jardin des Dursley. « C'est toi, Dobby ? Montre-toi »
Il se sentit tout à fait stupide. Pourquoi Dobby serait venu lui rendre visite ? Et puis d'abord, ça ne ressemblait pas vraiment au son du transplanage que ferait un elfe de maison. Ce n'était sans doute rien du tout. Sûrement un animal quelconque, un écureuil par exemple. Un étang attirait toutes sortes d'animaux assoiffés, après tout… Alors qu'il se rallongeait contre le tronc, il perçut cette fois distinctement le bruit de pas sur les branches cassées, quelque part sur sa gauche.
Il sauta aussitôt sur ses pieds, les sens en alerte. Son cœur commença à battre un peu plus rapidement dans sa poitrine tandis qu'il fixait les fourrés à quelques mètres de lui.
Il y avait quelqu'un d'autre ici. Quelqu'un qui n'aurait pas dû être là. Il tendit l'oreille, s'approchant avec lenteur et prudence des buissons. Sans baguette, il ne pourrait pas vraiment se défendre s'il y avait un problème… Il ne voyait pas l'intérêt de la porter sur lui quand il était à Privet Drive ou ses alentours étant donné qu'il était dans le monde Moldu, mais à présent ce raisonnement lui parut hautement stupide.
Harry s'avança, et à ce moment-là, il entendit un bruit de pas précipités qui tentait de s'éloigner. Prenant son courage à deux mains, il sauta en direction des fourrés, les écartant. Il les fouilla fébrilement mais ne découvrit rien. Ce n'est que lorsqu'il releva la tête qu'il aperçut une ombre se glisser entre les arbres, s'enfuyant.
« Qui êtes-vous ?! Arrêtez-vous, revenez ! » cria Harry en agitant la main.
Il se lança à la poursuite de l'individu, persuadé que ce dernier s'était caché ici pour l'observer, mais l'intrus se jeta derrière un arbre avant qu'il ne puisse en voir davantage.
« Qui êtes-vous ?! ».
Peut-être un ami de Dudley venu en éclaireur pour lui chercher des noises... Un claquement retentit tout près, et il comprit que l'invité mystère venait tout juste de transplaner, et qu'il ne découvrirait pas son identité aujourd'hui. Définitivement pas un ami de Dudley, en tout cas.
Sur ses gardes, il tourna plusieurs fois sur lui-même et ratissa les alentours des arbres pour vérifier que personne d'autre ne se cachait là. Un frisson glacé qui tranchait avec la chaleur accablante lui remonta le long de la colonne vertébrale. Que se passait-il ? Venait-on vraiment de l'espionner de derrière les fourrés ? Et depuis combien de temps ? Ami ou ennemi ? Les questions se bousculaient dans sa tête, et les réponses se multipliaient. Pendant une horrible fraction de seconde qui lui fit dresser les cheveux sur la nuque, il pensa à Lord Voldemort. Puis il se ressaisit. Non, ça ne pouvait pas être Lord Voldemort, c'était ridicule. Si tel avait été le cas, sa cicatrice lui aurait chauffé à blanc et il serait sûrement tombé à genoux. Par réflexe, il se passa une main sur le front.
Il avait fait quelques rêves, ces derniers temps.
Il s'agissait toujours du même. Un escalier dans une ancienne maison isolée où s'était effondré un vieil homme, frappé par le sortilège de mort, l'éclair aveuglant vert. Une pièce plongée dans l'obscurité, une cheminée avec un feu mourant, un fauteuil. Près du fauteuil, il avait reconnu ce traître de Queudver qui leur avait échappé de peu à lui et Sirius avant que l'année scolaire ne se termine. Il avait un comportement rampant et servile. Il y avait un autre homme qui parlait à une chose sur le fauteuil, une chose qu'il ne voyait pas. Et il y avait un serpent eux. S'il n'avait pas vu ce qui était assis sur le fauteuil quand celui-ci s'était tourné vers lui, il se souvenait très bien de la voix de Lord Voldemort.
Une voix aiguë et mortelle…
Une voix qui n'aurait pu appartenir à Queudver. Cette voix qu'il entendait lorsque sa mère se faisait assassiner, cette voix qu'avait eu le visage caché sous le turban du professeur Quirrell...
Les arbres commencèrent à s'agiter autour de lui, les énormes nuages étaient au-dessus de la ville, plus sombres que jamais. La surface de l'étang jusqu'à présent tranquille commençait à se rider, il était grand temps de rentrer. Il se hâta de quitter le couvert des arbres et piqua un sprint jusqu'aux premières habitations, pressé de rejoindre Privet Drive. Pour une fois, il préférait se réfugier dans la maison de son acariâtre d'oncle plutôt que de rester une minute de plus ici. Il accéléra ses foulées quand les premières grosses gouttes tombèrent sur son visage. Il huma l'air, ses poumons se remplissant de cette odeur si particulière de la pluie sur la terre.
Le souffle haletant, il arriva en trombe sur le palier au moment où un timide éclair traversait les nuages. Il entendit le lointain et faible roulement du tonnerre.
Les Dursley finissaient de charger la voiture, et Dudley était déjà confortablement assis à l'arrière, l'ordinateur sur ses genoux.
« Te voici enfin, toi ! » s'éleva la voix perçante de tante Pétunia qui enfilait sa veste dans le vestibule. « Où étais-tu ? Nous sommes sur le point de partir à l'aéroport ! ».
Le départ pour les Îles Canaries était imminent, et les Dursley devaient se rendre à l'aéroport à Londres. Ils y resteraient deux longues semaines. Voilà pourquoi oncle Vernon avait tellement envie que la haie soit taillée avant qu'ils ne s'en aillent. Il estimait sans doute que cela ferait mauvaise impression auprès du voisinage de la laisser en friche.
Son oncle claqua sans douceur la porte du coffre de la voiture, l'œil mauvais et rancunier. Harry le vit serrer des poings, mais il se contenta d'aboyer :
« On y va Pétunia, nous ne devons pas être en retard, ce n'est pas le moment de rater l'avion. La plage et les palmiers n'attendront pas ».
« Je suis prête ! » répondit sa tante en donnant à Harry les clefs de la maison. « Ne t'avise surtout pas de les perdre, ne te fais pas remarquer, tiens-toi tranquille et ne fais pas de... » elle baissa la voix, « Ne fais pas de magie en notre absence ».
« Je n'ai pas le droit de faire de magie en dehors de l'école, tante Pétunia » fit Harry.
« Encore heureux ! » gronda son oncle. « Cette haie devra être taillée à notre retour, mon garçon, et la maison bien entretenue. Auquel cas ce qui s'est passé ce midi risque de n'être qu'un amuse-bouche ».
Harry sentit son estomac faire un nœud à l'idée de recevoir de nouveaux coups de ceintures. Oh, il était à présent certain que l'oncle Vernon lui ferait payer son coup de genou... Anxieux, il l'observa prendre place au volant, s'efforçant de ne pas songer à ce qui se passerait à son retour. Pétunia ferma les pans de sa veste quand une bourrasque balaya la maison et prit place à son tour dans la voiture. Les fleurs et les buissons tremblèrent, les volets claquèrent. Les Dursley démarrèrent en trombe, juste au moment où une forte averse s'abattait sur le quartier.
Enfin seul, Harry se barricada et son angoisse s'envola.
Par Merlin, il avait enfin la paix…
Il se composa un gros sandwich appétissant et un verre de jus de fruits, puis occupa le salon, zappant les programmes de télévision. Il finit par tomber sur une série contant l'histoire de deux frères chassant des créatures surnaturelles et se tassa plus confortablement dans les coussins du sofa. Autant dire qu'il n'avait jamais vraiment l'occasion de profiter seul du salon, et que l'absence des Dursley était une véritable bénédiction qui venait embellir le quotidien ennuyeux de l'été qu'il passait chaque année à Privet Drive.
Lorsque l'écran de la télévision commença à se brouiller en raison de la tempête, il abandonna le canapé et alla se poster devant la baie vitrée, observant l'orage qui se déchaînait dehors. La pluie dégoulinait sur les vitres et fouettait les toits des maisons, les rafales secouaient les buissons. Le tonnerre grondait de plus en plus fort et les éclairs étaient spectaculaires. D'énormes mares se formaient au sol, inondant la rue.
Puis un éclair plus foudroyant que les autres frappa le quartier. Il était phénoménal, d'une clarté aveuglante, et s'accapara tout le ciel tel une toile d'araignée géante.
C'est à ce moment que Harry la vit.
« Qu'est-ce que… ».
Une silhouette humaine se tenait près d'un arbre au bout de la rue. Alerté par ce nouveau détail dans son champ de vision, il cligna les yeux et approcha son visage de la vitre, mais l'éclair s'éteignit aussi brutalement qu'il était arrivé. Un formidable craquement déchira le ciel, assourdissant, et Harry recula instinctivement, surpris. Quand il reposa son regard vers la silhouette, il n'y avait rien. Elle s'était évanouie, elle avait disparu. Il promena ses prunelles émeraudes le long des arbres, remonta l'allée, fouilla entre les voitures garées et les jardins.
Rien.
Il haussa les sourcils. Il était pourtant certain de l'avoir vue… Un mauvais pressentiment l'envahit. Il repensa à celui qui l'avait espionné dans un fourré avant de s'enfuir. Et maintenant, un inconnu sous l'orage de Privet Drive… Il y avait de quoi éveiller les soupçons. Ça pouvait être un hasard, bien sûr. Mais lorsqu'il lui arrivait quelque chose sortant de ce que l'on peut décemment qualifier de normal, c'était rarement des coïncidences. Et Harry avait appris à ne pas trop se fier aux coïncidences. Après le petit incident près de l'étang, cette curieuse apparition fantôme à la lueur d'un éclair était tout sauf normale.
Il monta les escaliers quatre à quatre jusqu'à sa chambre. Il écrivit quelques lignes, roula le petit parchemin et le glissa dans un étroit tube en bois.
« Hedwige » chuchota-t-il en s'approchant du perchoir où se trouvait sa chouette blanche. « J'ai une mission pour toi, Hedwige. C'est important, il se passe quelque chose d'étrange dehors, et j'ai besoin que tu envoies ce message au professeur Lupin, au cas où il serait au courant. Peut-être que je me fais des idées, mais j'aimerais en être sûr ».
Sa chouette le scruta de ses grands yeux ambrés, et il caressa son doux plumage.
« Il y a de l'orage et beaucoup de vent, comme tu l'as remarqué. Ça te changera de tes vols sous le soleil ».
Harry lui attacha le rouleau de parchemin à la patte et ouvrit la fenêtre. Une grande goulée d'air s'engouffra dans la chambre et renversa la lampe de chevet, dont l'ampoule survécu miraculeusement.
« Je me demande ce que je ferais sans toi, Hedwige » soupira-t-il. « Reviens-moi vite ».
Hululant gravement, elle lui mordilla affectueusement le doigt, et déploya ses ailes pour s'envoler par la fenêtre, affrontant courageusement la pluie et le tonnerre. Harry la regarda s'éloigner, vague petit point blanc dans les nuages noirs. Il s'allongea ensuite sur son lit, retira ses lunettes et croisa les mains derrière la nuque. Il contempla les éclairs qui illuminaient le plafond et les murs. Il ferma machinalement les yeux et s'assoupit doucement, bercé par le fracas de l'orage. Il espérait que Hedwige ferait vite et que Lupin lui répondrait rapidement.
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Un clac ! lointain qui le tira de sa somnolence.
Ce son incongru lui fit ouvrir les paupières.
Harry tâtonna sur sa droite et trouva ses lunettes. Il cligna plusieurs fois les yeux, s'accoutumant à la pénombre de la chambre. Dehors il n'y avait plus d'éclairs, l'orage s'était éloigné. Il ne pleuvait plus, le vent s'était calmé. Il s'était endormi sur En vol avec les Canons de Chudley, et l'ouvrage tomba du lit.
Se levant à contrecœur, il s'étira devant la fenêtre. Privet Drive était perdu dans l'obscurité. Aucun lampadaire ne diffusait de lumière, pas plus que les fenêtres de toutes les maisons de la rue. Comme si quelqu'un avait abaissé un interrupteur géant. Il fit le rapprochement avec la légère détonation qu'il venait d'entendre. L'électricité de la ville avait dû être coupée, en même temps que le disjoncteur. Comme pour lui donner raison, l'ampoule nue accrochée au plafond refusa de s'allumer. Harry soupira. Le disjoncteur se trouvait à la cave.
La cave…
L'électricité attendrait, décida-t-il. Il n'était pas froussard, loin de là. Mais il n'avait pas non plus particulièrement d'envie de déambuler dans une cave dans le noir, d'autant plus qu'il ignorait où se trouvaient les lampes de poche. Et puis il n'avait pas le droit de faire de la magie en-dehors de Poudlard. L'épisode insolite de la tante Marge gonflée comme un ballon l'été dernier lui avait suffi. Il survivrait une nuit sans lumière. Pour le moment, c'était l'heure de dormir. Il se changea et s'immobilisa soudain, son tee-shirt de nuit dans une main. Quelque chose bougeait dehors.
Devant la maison.
Dans le jardin, plus exactement ...
Harry se courba et se rapprocha de la fenêtre afin d'être fixé. Son cœur rata un battement lorsqu'il regarda par la vitre.
Il y avait des gens près des bosquets de fleurs. Des ombres se mouvaient lentement sur la pelouse, des ombres qui ne voulaient de toute évidence pas être vues. Que faisaient ces personnes dans le jardin des Dursley ? S'agissait-il de cambrioleurs ? Il avait un jour entendu l'oncle Vernon se plaindre de cambriolages qui seraient survenus dans le quartier. Est-ce que ça avait un lien avec la silhouette qu'il avait aperçue tout à l'heure sous l'orage, et plus tôt encore près de l'étang ?
Que faire ? Devait-il appeler la police ? Non, l'électricité était coupée. Prévenir quelqu'un ? Impossible, Hedwige n'était pas là. Rester silencieusement dans sa chambre sans faire de bruit et faire croire que la maison était vide ? Après tout il avait de l'entraînement avec le nombre de fois où Pétunia et Vernon avaient exigé de lui qu'il se fasse invisible lorsqu'ils recevaient des invités. Alors qu'il réfléchissait à la conduite à tenir, un incident l'obligea à prendre une décision en une fraction de seconde.
Un déclic.
Le déclic très caractéristique des verrous et de la serrure de la porte d'entrée. Il le connaissait par cœur.
Quelqu'un venait de forcer la porte.
Des sorciers. Seuls des sorciers pouvaient ouvrir une porte rapidement et sans faire plus de désordre. Des cambrioleurs Moldus n'y seraient pas parvenus, à moins d'être réellement doués et extrêmement discrets. Or, Harry ne croyait pas aux coïncidences. Et si des sorciers étaient dans la maison, c'était forcément pour lui. Il ne tenait pas à attendre sagement dans sa chambre qu'ils viennent à sa rencontre, d'autant plus qu'il n'était pas persuadé qu'il s'agisse d'une présence amicale.
Enfilant sa paire de chaussures en silence, il s'arma de sa baguette et tourna la poignée de sa porte avec une précaution absolue. Par miracle, elle ne grinça pas.
La maison était plongée dans les ténèbres.
S'aventurant dans le couloir à pas feutrés, il s'arrêta en haut des escaliers. Il pencha légèrement la tête par-dessus la rambarde et tendit l'oreille. Il ne vit personne, mais perçut les chuchotis des inconnus. Ils étaient dans le salon, et n'avaient pas allumé leurs baguettes.
Harry descendit les escaliers à pas de loups, louant tante Pétunia d'avoir eu la bonne idée d'installer des tapis sur les marches, pour que Dudley puisse sauter dessus sans faire un boucan d'enfer. Il tendit lentement la main vers la porte d'entrée pour l'ouvrir, avec la ferme intention de s'enfuir, mais réalisa que les visiteurs avaient pris soin de refermer derrière eux à clefs. Évidemment, le trousseau de clefs n'était plus là. Il serra davantage sa baguette, les mains moites. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine. Il se plia en deux et se glissa le long du mur, furtif. Il dépassa son bon vieux placard sous l'escalier. Les visiteurs étaient toujours en train de fouiller dans le salon, ils parlaient à voix basse.
Retenant son souffle, fébrile, Harry se faufila jusqu'à la cuisine. Il envisageait de prendre la fuite par le garage. Pour le moment, il maîtrisait la situation, il était parvenu à rester silencieux. Alors qu'il s'apprêtait à contourner la table, il entendit des bruits de pas se rapprocher.
Ni une ni deux, il se colla contre le mur, une main plaquée sur la bouche, et retint sa respiration.
Un des intrus était dans le couloir, avisant la cuisine.
Harry leva sa baguette contre sa poitrine. En une fraction seconde, il évalua la distance qui le séparait de la porte menant au garage. Quelques pas. Ce serait franchi rapidement s'il s'élançait en vitesse.
Un jeu d'enfant, Harry, un jeu d'enfant. Avec l'effet de surprise, il suffisait de claquer la porte, s'échapper par le garage, puis courir à la recherche d'une cachette en attendant qu'une meilleure issue s'offre à lui.
Il se prépara, fléchissant légèrement les genoux. Par chance, les inconnus s'éloignèrent vers les escaliers, et Harry traversa la cuisine sur la pointe des pieds, ouvrant la porte avec une précaution infinie. Il entendit des bruits de pas à l'étage et s'autorisa à relâcher la tension qui lui paralysait les membres. Le plus difficile était fait ! Maintenant, il suffisait de quitter le garage avant que les autres sorciers ne flairent l'entourloupe. La liberté était à quelques mètres… quelques secondes…
Dommage que Piers Polkiss, le meilleur ami de Dudley, ait brisé un carreau cette semaine lors de leur partie de football dans le jardin.
Dommage que l'oncle Vernon, si à cheval sur les travaux exécutés par Harry, ne l'ait pas encore fait changer.
Dommage qu'un courant d'air passait par là…
La porte qu'il n'avait pas pris la peine de refermer en songeant que moins il bougerait de choses moins il risquait de se faire repérer, claqua avec la force effroyable d'un coup de feu. Le gong venait de résonner dans la maison, le gong annonçant sa perte. Aurait-il voulu réveiller tout le quartier, qu'il ne s'y serait pas pris autrement. La cavalcade qui s'ensuivit dans les escaliers le fit s'élancer dans le garage.
« Oh non, non… ».
Se jetant contre la porte coulissante, poussant frénétiquement les verrous, Harry l'ouvrit à l'instant même où les autres débarquaient en trombe dans le garage.
« STUPEFIX ! » hurla une voix masculine dans son dos.
Un flash lumineux lui passa au-dessus de la tête et il courut dans le jardin, claquant la porte derrière lui. Définitivement pas des cambrioleurs… Lui qui avait passé tout l'été loin du monde sorcier et n'aurait pas été contre un peu de magie regretta soudain qu'il ne s'agisse pas de simples cambrioleurs Moldus.
Le jardin était plongé dans la pénombre de la nuit mais il n'eut pas de mal à parcourir quelques mètres puis à se jeter dans un buisson bordant l'un des côtés de la maison. Il n'avait pas le temps de s'enfuir en piquant un sprint dans la rue où il serait trop exposé, mais peut-être avait-il un espoir pour s'échapper par derrière. La porte du garage explosa en de multiples morceaux de bois.
Entraîné par l'adrénaline, Harry rampa, s'aidant de ses coudes et de ses genoux. Les sols étaient humides et gorgés d'eau à cause des pluies diluviennes qui s'étaient abattues sur Little Whinging en une soirée, et il fut vite couvert de boue. Les fleurs et les branchages divers lui fouettaient le visage, et il manqua perdre ses lunettes plus d'une fois, ce qui aurait été très fâcheux avec sa vue désastreuse. Il progressa sous couvert, sa baguette toujours crispée dans la main, pour rejoindre le fond du jardin.
Le jardin était grand, et pour la seconde fois en quelques minutes il salua sa tante Pétunia. Elle qui aimait tant les fleurs et les plantes avait mis un point d'honneur à posséder le plus beau jardin du quartier, et s'en vantait à qui mieux mieux. Passant sous silence, il va de soi, l'implication de Harry à ce sujet. Harry songea fugacement que ce jardin dans lequel il en avait tellement bavé cet été, regorgeait de cachettes entre les bosquets et les haies. Avec un peu de chance, il pourrait peut-être s'infiltrer dans les jardins des voisins sans se faire attraper et enfin pouvoir alerter quelqu'un.
Plus loin, trois individus fouillaient minutieusement les buissons et parterres de fleurs. Ils avaient allumés leurs baguettes d'un Lumos. Harry accéléra la cadence, le sang pulsant avec violence dans ses veines, s'efforçant de ne pas céder à une pure panique. Il s'arrêta ensuite parmi des rosiers qu'il n'avait pas encore taillé. Il releva la tête. Des silhouettes sombres, vêtues de robes de sorciers et de capuches, cherchaient dans la direction opposée.
Il s'extirpa du buisson et roula sur la pelouse. Les épines lui griffèrent méchamment le visage et les bras jusqu'au sang. Il rampa jusqu'à la haie du fond, celle qu'il avait refusé de débroussailler. Comme Dobby deux étés plus tôt, il se faufila au cœur de la haie, s'y enfonçant entre les branches et les feuilles, là où, espérait-il, ils ne le verraient pas. Il s'agenouilla sur la terre, le cœur battant, et observa les trois sorciers.
Ils parlaient avec animation, manifestement mécontents de la tournure que prenait la situation et du temps qu'ils perdaient à le rechercher.
« Sors de ta cachette, gamin ! Nous te retrouverons tôt ou tard ! ».
La respiration courte, le corps tremblant de froid à cause de l'orage, Harry vit avec anxiété le trio se rapprocher. Il ne prêta pas attention au bruissement qui s'éleva près de lui dans le feuillage, trop concentré sur ses poursuivants.
Grave erreur.
Une main se plaqua soudain sur sa bouche pour le bâillonner. Dans un éclat de frayeur, il essaya de se dégager mais le bras qui tenait sa baguette se retrouva immobilisé dans son dos et il comprit que quelqu'un le maîtrisait par derrière. Un torrent de panique le submergea, et il se débattit désespérément, tentant d'échapper à l'étau de fer qui le retenait. Que se passait-il ?! Il donna un coup de tête, mais le coude de son agresseur lui enserra le coup pour le bloquer sans l'étrangler. Ce ne fut que lorsqu'une voix grave et basse murmura dans le creux de son oreille qu'il se figea.
« Cessez donc de bouger, M. Potter. Votre légendaire inconscience va nous trahir ».
Cette voix, il l'aurait reconnue d'entre mille.
Severus Snape.
Le Maître des Potions de Poudlard.
La terreur des cachots, l'homme chauve-souris.
Que fichait-il ici ? Que fichait Snape, l'homme qu'il détestait et qui le détestait, dans une haie du jardin des Dursley ?
« Calmez-vous M. Potter, je ne vous ferai aucun mal. Si je vous lâche, vous vous taisez, est-ce bien clair ? ».
Prisonnier, Harry hocha la tête et Snape le lâcha lentement. Le Gryffondor lutta contre l'envie impérieuse de tourner le cou pour voir où était son professeur. Il avait un tas de questions à lui poser à commencer par la raison de sa présence chez son oncle et sa tante, ou si c'est lui qu'il avait aperçu près de l'étang.
A la place, il se concentra sur ses poursuivants, dont les faisceaux lumineux des baguettes balayaient l'herbe et les buissons, de plus en plus proches. Lorsqu'ils passèrent devant la haie où lui et Snape était réfugiés, Harry ferma les yeux comme si ça pouvait le rendre moins vulnérable. Il retint son souffle, serra les poings sur ses genoux boueux.
« Au nom de Merlin, tu es vraiment certain qu'il est parti par-là ? » demanda l'un d'eux, avec colère. « Je ne vois rien ! ».
« Il est forcément là, il n'a pas pu s'enfuir par la rue ».
« On perd beaucoup trop de temps, l'alerte a dû déjà être donnée... ».
« Encore cinq minutes, on ne part pas sans lui ! Allons voir par ici ».
Les trois hommes dirigèrent leur Lumos le long de la haie touffue, et s'éloignèrent.
Harry sursauta lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule.
« Nous allons contourner la maison par l'autre côté » murmura Snape à sa droite. « Ils ont installé un périmètre anti-transplanage autour de la propriété, on peut y entrer, mais pas en sortir. Nous pourrons transplaner dans un lieu sûr lorsque nous serons dans la rue. Prêt, M. Potter ? ».
« Comment... ? ».
« Taisez-vous et ne faîtes pas de bruit » lui intima l'homme avec agacement. « Êtes-vous prêt ? ».
« Je suis prêt ».
Snape quitta prudemment le couvert sécurisant de la haie, et Harry sentit son ventre se nouer en reconnaissant la silhouette haute et vêtue de capes noires de son professeur. Il n'avait aucune idée de ce que l'homme faisait ici, mais les questions viendraient plus tard. Ils avancèrent tous les deux le long des carrés de plantes, le Professeur ouvrant le chemin, sa baguette le long du corps, aux aguets et prêt à intervenir.
Passant derrière l'abri de jardin bringuebalant, Harry se prit malencontreusement le pied dans une racine et chuta tête la première. Le goût métallique du sang lui envahit la bouche lorsqu'il se mordit les lèvres. Sa chute aurait pu passer inaperçue s'il n'avait pas malheureusement tenté de se rattraper au mur du cabanon. Sa main glissa par mégarde sur les outils de jardinage qu'il avait lui-même posé contre l'abri qu'il devait remettre en état, et la pioche et la pelle tombèrent à leur tour dans un bruyant tintement de ferraille. Snape fit immédiatement volte-face, et malgré l'obscurité, Harry perçut clairement l'incrédulité passer dans le regard du Maître des Potions. Il ouvrit la bouche, s'apprêtant à lancer une remarque qu'il ne doutait pas lapidaire, mais n'eut pas le temps de prononcer un mot.
« Là-bas ! Ils sont à côté de la cabane ! » cria l'une des poursuivants.
Les faisceaux lumineux s'agitèrent dangereusement. Ils étaient repérés !
« Courez ! » ordonna Snape.
Sans s'embarrasser de discrétion, ils s'élancèrent sur le côté ouest de la maison, pendant que les trois sorciers se répandaient en exclamations surexcitées. Des sortilèges fusèrent de toutes parts, et Snape attrapa Harry par le col, le jetant derrière le coin du mur. Il riposta en lançant plusieurs informulés à la suite, et l'un toucha sa cible à en juger un bruit de chute.
« Vers la rue, Potter ! » aboya Snape en poussant brutalement le Gryffondor devant lui. « Courez ! ».
Harry serra les dents. Le Professeur venait d'appuyer sur son dos, là où la ceinture de l'oncle Vernon l'avait fouetté. Il obéit cependant et galopa le long du mur, tandis que Snape couvrait ses arrières. Un autre assaillant s'écrasa contre l'une des haies dans un enchevêtrement de branches, et Snape revint près du garçon pour quitter la zone d'anti-transplanage.
C'est à ce moment là que le troisième homme debout surgit de l'autre côté de la maison, et les assomma de sorts avec une rapidité effarante.
« À plat ventre ! » siffla aussitôt Snape.
Saisissant le tee-shirt plein de terre du garçon, il l'allongea de force sur la pelouse humide, lui faisant mordre l'herbe dans la bouche.
« Rampez vers les voitures et attendez-moi là-bas. Je vous couvre. Protego ».
Un bouclier argenté se déploya autour d'eux, renvoyant les maléfices à l'adversaire. Un autre assaillant vint à son tour prêter main forte à son camarade et un combat acharné s'engagea. Ils attaquaient sans relâche, lançant sorts sur sorts, décidés à avoir le dessus. Snape, sans se départir de son calme, répliquait avec une rapidité stupéfiante. Les agresseurs attaquaient groupés devant la baie vitrée du salon. En dépit de cette faible amplitude, toutes les charges étaient concentrées sur le professeur, qui parait, renvoyait et évitait les maléfices.
Harry devait bien le concéder : le Professeur semblait être un excellent combattant. Il rampa tant bien que mal sur l'herbe. Il fit quelques mètres et se retourna. Snape maîtrisait toujours le combat, adoptant surtout une stratégie défensive face aux attaques simultanées. Ce faisant, il parvenait également à parer et dévier les sorts qui visaient Harry. Mais il reculait lentement de quelques pas. Pourquoi reculait-il ? Était-il en difficulté ?
Brusquement, Harry décida d'agir. Il ne pouvait pas rester ainsi, à regarder son professeur se battre seul. Il se releva s'éloigna de Snape. Brandissant sa baguette, il attaqua le groupe d'agresseurs sur le côté, hors du champ de défense de son professeur.
« Expelliarmus ! » s'exclama-t-il, et un rayon blanc fusa.
Le sort de désarmement ne toucha pas sa cible, mais pris le duo par surprise. L'un des adversaires se désintéressa de Snape et se tourna vers Harry. Il ne lui laissa pas le temps de réagir et enchaîna :
« Petrificus totalus ! Expelliarmus ! ».
Mais les rais lumineux ricochèrent sur eux. Oups...
« PAR MERLIN, POTTER ! » rugit le baryton furieux de Snape.
Un sort puissant envoya voltiger un ennemi, qui s'écrasa dans un buisson. Harry plongea dans une roulade pour éviter une pluie de traits rouges. L'autre assaillant l'insulta copieusement, rejoint par le troisième.
« Diffindo ! » hurla-t-il.
La seule chose que vit Harry fut un jet de lumière violette arriver droit sur lui. Un autre rayon venu de sa gauche intercepta le sort et ça explosa en étincelles devant son visage.
Snape venait de lui sauver la mise.
L'instant d'après, l'auteur du Diffindo s'effondra dans un cri de douleur, une main sur l'épaule du bras avec lequel il tenait sa baguette. A la lueur de la lune pâle, Harry vit du sang ruisseler de sa blessure. Un autre bouclier doré se matérialisa autour du garçon, et Snape conjurer un sort, puis le dernier agresseur s'envola, atterrissant sur le toit de la maison des Dursley. Sitôt fait, le Maître des Potions se précipita sur Harry, et lui saisit les épaules. Il eut le temps de voir la fureur briller dans les yeux noirs obsidienne. Il sut que ça allait chauffer pour lui.
« Avez-vous déjà transplané ? » demanda-t-il durement.
« Non, je... ».
« Taisez-vous ».
L'homme attendit quelques secondes, et une grimace de frustration passa sur son visage anguleux.
« Nous sommes toujours dans le périmètre anti-transplanage. Dépêchez-vous , vous avez déjà assez fait de bêtises ainsi ».
Sans jamais baisser sa garde, Snape entraîna Harry avec lui plus loin dans la rue, près d'un lampadaire. L'électricité n'était pas revenue.
« Accrochez-vous, ça va sérieusement tourbillonner. Ne me lâchez surtout pas, vous n'aimeriez pas que je vous perde en route et je n'ai pas le temps de gérer une désartibulation ».
« Une désarti...quoi ? ».
Snape le gratifia d'un œil mauvais, lui enserrant les bras d'une poigne de fer.
Et ils transplanèrent.
